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Date : Le 28 mars 2013

Dossier : IMM‑7182‑12

Référence : 2013 CF 322

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mars 2013

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

A032

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Motifs confidentiels du jugement et jugement rendus le 28 mars 2013)

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada datée du 22 juin 2012, par laquelle le défendeur s’est vu accorder le statut de réfugié.

 

[2]               Le demandeur sollicite, conformément à l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, une ordonnance cassant ou annulant la décision et renvoyant l’affaire à la SPR pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle décision selon les directives que la Cour estime appropriées.

 

Les faits

[3]               Le défendeur est un citoyen du Sri Lanka d’origine tamoule. Il est arrivé au Canada à bord du navire Ocean Lady en compagnie de 75 autres hommes le 17 octobre 2009 et il a immédiatement présenté une demande d’asile en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

[4]               Le défendeur et sa famille ont été déplacés en raison de la guerre et se sont enfuis en Inde, où ils ont vécu dans un camp de réfugiés de 1990 à 2004. Le défendeur a poursuivi ses études en Inde et il a travaillé comme peintre et maçon jusqu’à son retour au Sri Lanka en février 2004.

 

[5]               Le défendeur décrit ainsi sa situation au Sri Lanka après son retour de l’Inde :

(a)                En 2006, le défendeur a appris que sa cousine, qui vivait avec sa famille, avait été enlevée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). Elle a dû participer aux combats pour la cause des TLET. En avril 2007, deux hommes armés en tenue civile ont cogné à la porte de leur domicile et demandé au défendeur s’il était lié aux TLET, affirmant qu’ils savaient qu’il s’était trouvé dans des régions suspectes du pays et que sa cousine avait été enlevée par les TLET. Inquiet à l’idée de les rencontrer de nouveau, le défendeur est allé vivre chez un oncle. Il s’est ensuite mis à déménager tous les mois, demeurant caché jusqu’à son départ du Sri Lanka.

(b)               La cousine du défendeur est morte lors d’un combat en 2008, et les services de renseignement de l’armée ont arrêté l’oncle du défendeur parce qu’ils le soupçonnaient d’aider les TLET. L’oncle a été libéré en décembre 2009.

(c)                Le 4 juin 2008, une force opérationnelle spéciale a arrêté le défendeur et son frère aîné parce qu’ils étaient soupçonnés d’entretenir des liens avec les TLET. Ils ont été amenés à un camp de l’armée à ‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑, menottés l’un à l’autre, leurs pièces d’identité ont été vérifiées, et ils ont été battus. Il a ensuite été menacé avec un fusil, et un interrogateur lui a introduit un crayon dans l’oreille et il donnait un coup sur celui‑ci chaque fois que le défendeur ne répondait pas à ses questions. Il s’est vu demander s’il appartenait aux TLET ou s’il les aidait, et il a nié ces insinuations.

(d)               Le lendemain, le défendeur a été amené au tribunal avec son frère et il a été accusé d’entretenir des liens avec les TLET, puis gardé en détention pendant sept jours. Il a comparu de nouveau avec son frère, et tous deux ont été relâchés par le juge et autorisés à retourner travailler. Peu après, craignant pour sa sécurité, le défendeur a quitté son emploi.

(e)                Plus tard en 2008, le défendeur a été arrêté lors de rafles de l’armée et placé deux fois en détention; la première fois, le 5 octobre 2008, il a été torturé, et la seconde fois, le 7 mars 2009, il a été battu. Ces deux périodes de détention n’ont duré qu’une journée, et les autorités l’ont interrogé au sujet de sa participation à l’organisation des TLET.

(f)                En mai 2009, le défendeur s’est rendu à Colombo et, au moyen de son passeport délivré en 2005, il a présenté une demande de visa pour la Thaïlande. Le 15 juin 2009, il a pris un vol à destination de la Thaïlande et il est arrivé au Canada à bord du navire Ocean Lady en octobre 2009.

 

Décision contrôlée

[6]               La SPR a conclu que le défendeur « a qualité de réfugié au sens de la Convention du fait de son appartenance à un groupe social et de ses opinions politiques ». La SPR a estimé que la crédibilité du défendeur et les éléments sur place étaient les questions déterminantes.

 

[7]               La SPR a prêté foi au récit du défendeur sur sa détention à ‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑ avec son frère en 2008 au motif qu’ils faisaient l’objet de « soupçons ». À la lumière du témoignage du demandeur et des éléments de preuve d’ordre médical corroborants, la SPR était convaincue qu’il avait été agressé physiquement et psychologiquement par la police.

 

[8]               Toutefois, la SPR a estimé que le récit du défendeur comportait certains problèmes de crédibilité. Son incapacité de rendre compte de certains détails et les incohérences dans son témoignage ont amené la SPR à rejeter l’allégation du défendeur selon laquelle il avait été détenu deux autres fois en octobre 2008 et en mars 2009. La SPR a conclu que « le demandeur d’asile ne présentait aucun intérêt pour les autorités sri‑lankaises et n’était pas soupçonné d’entretenir des liens avec les TLET de juin 2008 à mai 2009, lorsqu’il a quitté le Sri Lanka ».

 

[9]               De plus, compte tenu du peu d’intérêt manifesté par les autorités à l’endroit des autres membres de la famille du défendeur, la SPR a conclu que « les autorités ne soupçonnent pas le demandeur d’asile d’avoir des liens avec les TLET, et qu’elles n’ont pas jugé qu’il était une personne d’intérêt depuis son arrivée au Canada ».

 

[10]           En ce qui a trait à la demande d’asile sur place, la SPR a conclu que les origines tamoules du défendeur et son lien avec le navire Ocean Lady sont incontestables. La SPR a évalué sa demande d’asile au titre de l’article 96 de la LIPR, « appartenance à un groupe social », étant donné que son voyage à bord du navire Ocean Lady « est un fait historique indiscutable ».

 

[11]           La SPR a également évalué la demande du défendeur en fonction d’un autre motif prévu à la Convention, soit les opinions politiques, présumées ou réelles, « en ce qui concerne la perception que pouvaient avoir de lui les autorités sri‑lankaises, étant donné qu’il était un Tamoul voyageant à bord du navire Ocean Lady et qu’il pouvait pour cette raison être soupçonné d’avoir des liens avec les TLET ».

 

[12]           La SPR a résumé ainsi ses conclusions relatives à l’asile et à la protection de l’État :

Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, tout spécialement en ce qui concerne les liens du demandeur d’asile avec le navire Ocean Lady, qui a été étiqueté partout dans le monde comme un navire des TLET, et le fait que toutes les personnes qui étaient à bord ont été présentées au public comme des membres des TLET, j’estime que le demandeur d’asile serait une personne d’intérêt pour les autorités sri‑lankaises s’il était renvoyé au Sri Lanka. Selon la prépondérance des probabilités, j’estime qu’il serait questionné et détenu. À la lumière des éléments de preuve objectifs sur le pays qui proviennent de sources indépendantes et des allégations du demandeur d’asile sur la façon dont l’équipe spéciale l’a traité en 2008, éléments de preuve que je juge crédibles, je suis d’avis que le demandeur d’asile risque sérieusement d’être persécuté par les forces de sécurité de l’État. Étant donné que l’État est l’auteur de tels traitements, j’estime que le demandeur d’asile ne dispose d’aucune protection de l’État ni possibilité de refuge intérieur viable.

 

Les questions en litige

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

a)                  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant à l’existence d’un lien entre la situation du défendeur et l’un des motifs reconnus par la Convention, conformément à l’article 96 de la LIPR?

b)                  La décision de la SPR était‑elle assez intelligible pour être raisonnable?

 

La norme de contrôle

[14]           La question du lien avec l’un des motifs de la Convention soulève une question mixte de fait et de droit. En l’espèce, cette question concerne l’existence d’un lien entre le « groupe social » et les « opinions politiques » au sens de la Convention et les circonstances factuelles propres au défendeur. Il s’ensuit que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53.

 

[15]           Les questions relatives à la suffisance et à l’intelligibilité des motifs sont également contrôlables selon la norme de la décision raisonnable. Voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 22; Dunsmuir, au paragraphe 47.

 

Analyse

[16]           Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en concluant que le défendeur est un réfugié au sens de la Convention du seul fait de son lien avec le navire Ocean Lady. Le demandeur affirme que [traduction] « la SPR est arrivée à sa conclusion sans avoir effectué d’analyse approfondie au préalable et sans même avoir tiré la conclusion déterminante que le défendeur avait un lien avec l’un des cinq motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention », et qu’elle n’a donc pas satisfait aux exigences de l’article 96 de la LIPR. Par ailleurs, le demandeur fait valoir que les motifs de la SPR sont inintelligibles, de sorte que la décision n’est pas raisonnable, car une cour de révision ne comprendrait pas pourquoi la SPR a rendu cette décision.  

 

[17]           Au début de ses motifs, la SPR a estimé que le défendeur ne serait pas soupçonné d’avoir des liens avec les TLET. Pour cette raison, le demandeur soutient qu’il est illogique pour la SPR de conclure ensuite que le défendeur est soupçonné d’avoir des liens avec les TLET parce qu’il a été passager à bord du navire Ocean Lady. Je ne puis accepter cet argument. Je ne décèle aucune incohérence dans les conclusions de la SPR. Au paragraphe 37 de ses motifs, la SPR indique clairement que sa première conclusion est liée au fait que le défendeur présentait un profil susceptible d’attirer l’attention des autorités sri‑lankaises avant son départ du Sri Lanka, ou après son arrivée au Canada. C’est uniquement en raison de toute la publicité entourant le voyage du navire Ocean Lady du fait qu’il appartenait aux TLET, de son histoire et de la présence d’un passager soupçonné de faire partie des TLET, que la SPR a conclu qu’un lien entre le défendeur et les TLET était établi. Ces circonstances sont compatibles avec une demande d’asile sur place.

 

[18]           Le principal argument du demandeur est que la seule raison pour laquelle la SPR a accueilli la demande d’asile est que le défendeur était un migrant arrivé à bord du navire Ocean Lady. À mon avis, les motifs de la SPR en disent bien davantage. Comme il a été résumé précédemment, la SPR admet que le défendeur est un Tamoul originaire du Nord du Sri Lanka ayant voyagé sur le navire Ocean Lady, navire appartenant aux TLET, en compagnie de 76 autres hommes tamouls, dont au moins un passager faisant bel et bien partie des TLET. Ces conclusions de la SPR établissent le contexte et les circonstances qui l’ont amenée à rendre une décision favorable au sujet de la demande. Ainsi, il n’est pas juste d’affirmer que la décision de la SPR repose sur le fait que le défendeur est un migrant ayant voyagé à bord du navire Ocean Lady. Le fondement de la décision de la SPR, qui se reflète de ses motifs, est plutôt que le défendeur a un lien avec l’un des motifs de la Convention, soit les opinions politiques présumées, parce qu’il est un Tamoul originaire du Nord du Sri Lanka ayant voyagé en compagnie de passagers soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET à bord du navire Ocean Lady, navire des Tigres tamouls auparavant utilisé pour le trafic d’armes. De plus, la SPR a indiqué dans ses motifs que le témoignage d’expert avait établi que toutes les personnes qui avaient voyagé à bord du navire Ocean Lady « ont un profil correspondant au profil typique des terroristes des TLET » et a souligné qu’il n’y avait ni femmes ni enfants à bord du navire.

 

[19]           La SPR conclut « [qu’]à cause du temps que le demandeur d’asile a passé à bord du navire, prétendument en compagnie d’une personne ayant fait l’objet d’une notice rouge d’INTERPOL, les autorités l’auraient recherché pour lui poser des questions bien précises en ce qui concerne sa connaissance, réelle ou présumée, d’agents des TLET ».

 

[20]           Le demandeur soutient que la conclusion qui précède établit tout au plus que les autorités sri‑lankaises croient que le défendeur pourrait posséder des renseignements au sujet des TLET ou d’un suspect recherché par INTERPOL parce qu’il a été passager à bord du navire Ocean Lady. Le demandeur fait valoir qu’une jurisprudence abondante appuie la proposition selon laquelle un demandeur d’asile qui craint d’être persécuté uniquement parce qu’il est soupçonné de connaître des renseignements sur une organisation terroriste ou criminelle – plutôt que d’en partager les opinions politiques – n’a pas de lien avec le motif relatif aux « opinions politiques » prévu à la Convention.

 

[21]           J’admets que la conclusion de la SPR, reproduite ci‑dessus, aurait pu être formulée plus clairement et aurait dû porter sur la conclusion relative aux liens soupçonnés avec les TLET plutôt que sur celle relative aux connaissances présumées au sujet des TLET. Néanmoins, au paragraphe 32 de ses motifs, la SPR a conclu que « [l]e fait que le demandeur d’asile est un Tamoul et son lien avec le navire Ocean Lady sont incontestables ». Elle a également estimé que l’État sri‑lankais soupçonnerait le défendeur d’avoir des liens potentiels avec les TLET. Ces conclusions, combinées à d’autres éléments de preuve qui associent le voyage du navire Ocean Lady aux TLET, suffisent pour conclure à l’existence d’un lien avec les opinions politiques. De plus, même si la SPR n’a pas expressément établi de lien avec la race, un tel lien peut être déduit de ses motifs. La SPR a fait maintes fois référence à des documents traitant de la situation des Tamouls rapatriés et des risques auxquels ils sont exposés, particulièrement ceux originaires du Nord du Sri Lanka.

 

[22]           La Cour suprême, au paragraphe 48 de l’arrêt Dunsmuir, a souscrit au point de vue selon lequel, au moment de contrôler une décision selon la norme de la décision raisonnable, une cour doit porter « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision ». Le juge Evans a confirmé ce point de vue dans ses motifs dissidents dans A.F.P.C. c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56 (motifs auxquels la Cour suprême du Canada a ensuite souscrit dans A.F.P.C. c. Société canadienne des postes, 2011 CSC 57). Voici ce qu’il a écrit, au paragraphe 164 de ses motifs :

 

Les mots soulignés indiquent qu’on ne doit pas aborder le contrôle judiciaire sous un angle trop formaliste. Ainsi, dans la mesure où le Tribunal n’explique pas pleinement certains aspects de sa décision, la Cour peut se reporter aux éléments de preuve cités par le Tribunal pour étoffer ses motifs. Je ne considère cependant pas l’arrêt Dunsmuir comme une invitation faite à la cour de révision d’usurper le rôle qui incombe au tribunal de justifier ses décisions.

 

 

[23]           Je suis d’avis que les motifs que la SPR a donnés pour établir un lien avec les « opinions politiques » démontrent de façon satisfaisante « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel ». Voir Dunsmuir, au paragraphe 47. Selon moi, la preuve relative aux circonstances entourant le voyage du défendeur à bord du navire Ocean Lady suffit à soutenir la conclusion de la SPR, nonobstant les lacunes précédemment relevées dans ses motifs.

 

[24]            Après la lecture de l’ensemble des motifs, j’estime que la SPR pouvait raisonnablement conclure, sur la foi du dossier dont elle disposait, que le défendeur sera soupçonné d’avoir des opinions politiques contraires à celles du gouvernement sri‑lankais.

 

[25]           D’après les conclusions de fait relatives à la demande d’asile sur place que la SPR a exposées dans ses motifs ainsi que de la preuve documentaire sur le traitement des rapatriés dans une situation similaire, la SPR pouvait raisonnablement conclure que le défendeur risquerait sérieusement d’être persécuté par les représentants de l’État à son retour au Sri Lanka en raison de ses opinions politiques présumées.

 

[26]           Si la conclusion susmentionnée permet de trancher la demande, il m’apparaît néanmoins utile de me pencher maintenant sur la conclusion de la SPR relativement à l’appartenance à un « groupe social ».

 

[27]           Selon le demandeur, la conclusion à laquelle la SPR est parvenue, soit que le voyage à bord du navire Ocean Lady du défendeur tamoul est un fait historique indiscutable qui témoigne de l’appartenance du défendeur à un « groupe social », est contraire à la jurisprudence établie quant à la portée de l’expression « groupe social ». Le demandeur affirme que le fait de s’embarquer volontairement pour le Canada à bord d’un navire transportant des passagers clandestins ne s’inscrit aucunement dans le cadre de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination, et ne tombe dans aucune catégorie décrite dans Ward c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 689.

 

[28]           Il est incontestable que le fait d’être un simple passager à bord d’un navire à destination du Canada en provenance du Sri Lanka, en soi, n’établit pas l’appartenance à un « groupe social » au sens de l’article 96 de la LIPR. À la page 739 de Ward, le juge La Forest aborde la question du sens à donner à l’expression « groupe social » : « Le sens donné à l’expression “groupe social” dans la Loi devrait tenir compte des thèmes sous‑jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l’initiative internationale de protection des réfugiés. »

 

[29]           Dans Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, le juge La Forest, commentant les motifs qu’il a rendus dans Ward, a déclaré que « [l]es “thèmes sous‑jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination” […] doivent demeurer le facteur primordial en vue de la détermination de l’appartenance du demandeur à un groupe social ». En l’espèce, la SPR a omis, dans ses motifs, d’effectuer cette première étape de l’analyse requise pour déterminer si le défendeur pouvait être classé dans un groupe social particulier. Je ne suis pas disposé à interpréter une telle analyse. La lacune ne porte cependant pas un coup fatal à la décision, car, comme il a été mentionné, la SPR a tiré des conclusions raisonnables quant à la crainte de persécution du répondant en raison de ses opinions politiques présumées.

 

[30]           Je vais maintenant me pencher sur le dernier point soulevé par le demandeur, à savoir que les motifs de la SPR ne sont pas raisonnables parce qu’ils sont inintelligibles. En ce qui concerne la question déterminante, le lien avec les opinions politiques, je suis convaincu que les motifs permettent à la Cour de comprendre pourquoi la SPR a rendu une telle décision et lui permettent de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. Voir Newfoundland Nurses’ Union, au paragraphe 16. Les motifs auraient pu être plus détaillés et plus clairs en ce qui concerne certains éléments constitutifs, mais j’estime qu’ils sont suffisamment clairs pour permettre à la Cour de procéder à un contrôle de la décision. Par conséquent, l’argument du demandeur est rejeté. La décision est raisonnable.

 

Conclusion

[31]           En raison des motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[32]           Les parties ont eu la possibilité de soulever une question grave de portée générale au sens de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et elles ne l’ont pas fait. Je suis convaincu que la présente affaire ne soulève aucune question de ce genre. En conséquence, je n’ai pas l’intention de certifier une question.

 

Confidentialité

 

[33]           Les parties déposeront des observations écrites exposant leur position respective à l’égard du contenu des présents motifs, les motifs devant être rendus publics au plus tard dix (10) jours après la réception des présents motifs.

 

Post‑scriptum

[1]               Les présents motifs publics du jugement et jugement sont une version expurgée des motifs confidentiels du jugement et jugement rendus le 28 mars 2013, conformément à une ordonnance de confidentialité datée du 17 août 2012.

 

[2]               Dans une lettre datée du 4 avril 2013, l’avocat du défendeur a proposé d’expurger certains passages des motifs confidentiels du jugement et jugement. L’avocat du demandeur a donné son accord à l’expurgation proposée.

 

[3]               Je conclus que les motifs confidentiels du jugement et jugement expurgés datés du 28 mars 2013 peuvent être rendus publics.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

 

            1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

            2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7182‑12

 

 

INTITULÉ :                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. A032

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 6 février 2013

 

MOTIFS PUBLICS DU

JUGEMENT ET JUGEMENT :                LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 28 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Helen Park

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel K. McLeod

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Preston, Clark, McLeod

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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