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Date : 20130412

Dossier : IMM-3021-12

Référence : 2013 CF 371

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

SHANZA BAIG

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne du Pakistan qui a demandé la résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) décrite à l’article 75 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Elle a affirmé posséder l’expérience requise d’une année énoncée dans la Classification nationale des professions [CNP] 4131 – Enseignants/enseignantes au niveau collégial et autres instructeurs/instructrices de programmes de perfectionnement. La demanderesse a occupé pendant au moins un an le poste de chargée de cours dans le domaine du droit au Pakistan College of Law, un établissement affilié à l’Université du Pendjab. À l’appui de sa demande, elle a fourni les éléments suivants : une liste des tâches qu’elle a exécutées à ce poste (dont la plupart sont décrites en termes identiques dans la CNP 4131); un extrait de l’annuaire du Pakistan College of Law, qui démontre qu’elle était membre de la faculté de droit et qui fournit une brève biographie d’elle; et une lettre du doyen de la faculté de droit confirmant son emploi et fournissant certains détails additionnels sur les fonctions de la demanderesse en tant que chargée de cours.

 

[2]               Sa demande a été rejetée par un agent d’immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres le 27 février 2012. Dans une lettre avisant la demanderesse du rejet de sa demande, l’agent a fourni des motifs extrêmement succincts, se bornant à écrire ce qui suit :

[traduction] [Les] principales tâches que [la demanderesse] a énumérées n’indiquent pas qu’[elle] ait accompli les tâches qui figurent dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de la CNP, ni que [la demanderesse] ait exercé toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales figurant dans les descriptions des professions de la CNP.

 

 

[3]               L’agent a fourni plus de détails dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [STIDI], notes qu’il a préparées en même temps que la décision; ces notes sont considérées faire partie intégrante des motifs de la décision de l’agent (Ziaei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1169, au paragraphe 21; Toma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 779, au paragraphe 10). Dans les notes du STIDI, l’agent écrit :

[traduction] Bien que le code 4131 de la CNP corresponde à une profession précisée dans les instructions, les renseignements présentés à l’appui de la présente demande sont insuffisants pour permettre d’établir que la demanderesse répond à la description professionnelle et/ou qu’elle a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la CNP 4131. Les lettres d’emploi ne contiennent aucune liste de fonctions permettant de démontrer que [la demanderesse] a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la CNP 4131.

 

 

[4]               Dans sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse soutient que la décision de l’agent devrait être annulée au motif qu’il a commis une erreur en n’appliquant pas la raison et le bon sens pour évaluer l’ensemble de la preuve, laquelle démontre que la demanderesse satisfait aux exigences de la CNP 4131 puisqu’une chargée de cours dans une université doit nécessairement exécuter les tâches énoncées dans la CNP 4131. De plus, la demanderesse prétend que l’agent a limité de façon déraisonnable l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des directives ministérielles et en omettant d’évaluer le bien‑fondé de la demande de la demanderesse. La demanderesse sollicite les dépens, faisant valoir que la décision est si manifestement erronée qu’un octroi des dépens est justifié.

 

[5]               Le défendeur soutient que la décision est raisonnable parce qu’il était loisible à l’agent de rejeter les détails que la demanderesse avait fournis dans sa demande puisqu’ils étaient reproduits intégralement à partir de la description de la CNP et qu’il était tout aussi loisible à l’agent de rejeter la lettre du doyen parce qu’elle ne confirmait pas que la demanderesse ait exécuté les tâches énumérées dans la description 4131 de la CNP. Le défendeur fait valoir que la présente affaire correspond en tous points à la récente décision du juge Russell dans Zeeshan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 248 [Zeeshan], dans laquelle le juge confirme la décision d’une agente des visas à l’égard de faits similaires. En ce qui concerne l’allégation voulant que l’agent ait limité l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le défendeur avance qu’il n’y a pas de preuve que l’agent se soit fondé sur une quelconque ligne directrice pour former sa décision et que par conséquent, cet argument est infondé.

 

[6]               En ce qui a trait à cette dernière assertion, le défendeur à raison puisque rien ne prouve que l’agent se soit fondé sur quelque ligne directrice que ce soit pour former sa décision. Ainsi, la seule question à trancher est de savoir si la conclusion de l’agent est raisonnable. Pour les motifs ci‑dessous, j’ai conclu qu’elle l’était et que la présente demande devrait par conséquent être rejetée.

 

Norme de contrôle

[7]               La norme de contrôle applicable à la contestation de la décision de l’agent par la demanderesse est celle de la décision raisonnable, puisque la demanderesse attaque les conclusions factuelles formulées par l’agent (Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 187, au paragraphe 36; Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 147, au paragraphe 16; Nasr c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 783, au paragraphe 12; Roohi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1408, au paragraphe 13). La norme de la décision raisonnable est une norme déférente qui tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).  

 

Conclusions factuelles raisonnables

[8]               Comme je l’ai indiqué, les précisions données par l’agent à l’appui de sa conclusion étaient que les [traduction] « lettres d’emploi » que la demanderesse avait présentées [traduction] « ne cont[enaient] aucune liste de fonctions permettant de démontrer que [la demanderesse] a[vait] exercé une partie appréciable des fonctions principales de la CNP 4131 ». Contrairement à ce que prétend la demanderesse, cette constatation ne met pas en jeu une conclusion voulant qu’il n’y ait eu aucun détail dans les documents à l’appui déposés par la demanderesse (ce qui serait erroné, puisque la lettre du doyen fournit certains détails sur la nature des tâches exécutées par la demanderesse). L’agent a plutôt affirmé que les détails fournis par le doyen n’avaient pas permis d’établir que la demanderesse avait exercé une partie appréciable des fonctions principales de la CNP 4131.

 

[9]               Dans sa lettre, le doyen relève que les [traduction] « principales responsabilités [de la demanderesse] comprenaient des cours magistraux dans les domaines de la jurisprudence, du droit international, du droit des biens, du droit constitutionnel, des droits de la personne […] du droit humanitaire […] et [du] système de justice anglais ». Il note aussi que la demanderesse était membre du comité de rédaction de la Pakistan Law Review, qu’elle était la membre du corps enseignant responsable du bulletin d’information du Pakistan College of Law, et qu’elle participait à la clinique d’aide juridique de la faculté de droit.

 

[10]           Par comparaison, les principales fonctions de la CNP 4131 comprennent :

         enseigner en suivant une démarche systématique faisant intervenir des exposés, des démonstrations, des discussions en groupe, des travaux en laboratoire, des ateliers, des séminaires, des études de cas, des travaux sur le terrain et des projets individuels ou en groupe;

         préparer le programme ainsi que les plans de cours et le matériel d’enseignement;

         préparer, administrer et noter les examens et les travaux afin d’évaluer les progrès des étudiants;

         renseigner les étudiants sur les programmes d’études et les choix de carrière;

         donner un enseignement individualisé, de type tutoriel ou correctif aux étudiants qui en ont besoin;

         superviser les projets individuels ou de groupes, les stages de formation pratique, les travaux pratiques et la formation en cours d’emploi;

         superviser les auxiliaires d’enseignement;

         fournir, s’il y a lieu, des services de consultation aux organismes gouvernementaux, aux entreprises ou autres;

         faire partie, s’il y a lieu, de comités traitant de questions telles que les budgets, la révision des programmes, les exigences des cours et les conditions d’obtention des diplômes.

 

[11]           Je suis d’avis que la présente affaire correspond en effet en tous points à la décision du juge Russell dans Zeeshan. Dans Zeeshan, une lettre à la formulation presque identique présentée à l’agente des visas a été jugée insuffisante pour établir que la demanderesse répondait à la CNP 4121, presque identique, des professeurs/professeures d’université. (Incidemment, en l’occurrence, cette catégorie est probablement plus applicable que la catégorie en vertu de laquelle la demanderesse a présenté sa demande, puisque la demanderesse enseignait dans une université et non dans un collège ou une école de formation professionnelle.) Dans la décision Zeeshan, le juge Russell écrit, aux paragraphes 43 et 44 :

43          La lettre du Lahore College présentée par la demanderesse se lit ainsi :

 

[traduction]
Je soussigné, à titre de registraire, connais Mme Talat Zeeshan depuis octobre 2004. Elle est à l’heure actuelle chargée de cours au département de physique de la LCWU, Lahore dans le BPS‑18. C’est une professeure compétente et expérimentée. Son travail est conforme aux attentes. La durée totale de son expérience à la LCWU est de cinq ans.

 

Son salaire annuel est de 250 000 r/p seulement. Je lui souhaite beaucoup de succès dans sa vie.

 

 

44          Au mieux, cette lettre nous apprend que la demanderesse principale enseigne la physique et, par déduction, qu’elle prépare et donne des cours aux étudiants. Je ne pense pas que l’on puisse dire que cette lettre démontre que la demanderesse principale a exercé une partie appréciable des fonctions principales, notamment toutes les fonctions essentielles, de la profession relevant de la CNP 4121, et il n’était pas déraisonnable que l’agente arrive à cette conclusion. La demanderesse principale ne peut remédier à cette lacune en affirmant qu’elle a exercé les fonctions décrites à la CNP 4121 ou en fournissant une liste de ses certificats et diplômes universitaires. La demande ne satisfaisait tout simplement pas à une condition fondamentale des lignes directrices.

 

[12]           En conclusion, le juge Russell a déterminé que la décision de l’agente – fondée sur les mêmes motifs qu’en l’espèce – était raisonnable. Bien que je comprenne les arguments de la demanderesse concernant la nécessité pour les agents de faire preuve de bon sens dans leur examen des demandes de visa, j’estime que, étant donné la ressemblance frappante entre la présente affaire et la décision Zeeshan, je devrais respecter cette décision, à titre de courtoisie, et par conséquent, rejeter la présente demande.

[13]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a soumis de question à certifier et aucune ne découle de la présente décision puisqu’elle est intimement liée aux faits de l’espèce. Le défendeur n’a pas sollicité les dépens, et rien ne justifie une entorse à la règle générale voulant que les dépens ne soient pas accordés dans les affaires d’immigration puisqu’il n’y a rien en l’espèce qui justifierait un droit aux dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier aux termes de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

J. Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3021-12

 

INTITULÉ :                                      Shanza Baig c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 20 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le12 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ian Sonshine

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chantal Desloges Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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