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Date : 20130408

Dossier : T-1234-12

Référence : 2013 CF 352

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2013

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

 

DEAN FONTAINE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un arbitre le 23 mai 2012 sous le régime du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 (le Code). Dans sa décision, l’arbitre a jugé qu’il n’avait pas compétence pour examiner la question de savoir si le demandeur avait été congédié injustement.

 

CONTEXTE

[2]               Le demandeur a commencé à travailler à titre de conseiller spécial auprès de l’Assemblée des Premières Nations en septembre 2005.

 

[3]               Il a travaillé dans le cadre d’une série de contrats à court terme. Certains contrats étaient renouvelés par de nouveaux contrats, alors que d’autres étaient renouvelés par lettre de confirmation.

 

[4]               Le deuxième contrat du demandeur a été signé en mars 2007. À la page 4 de ce contrat, la phrase suivante apparaît pour la première fois : [traduction] « En outre, aucune disposition du présent contrat ne doit être interprétée comme une offre d’emploi continue se prolongeant au‑delà de la durée d’emploi prévue. »

 

[5]               La même phrase apparaît dans la version du contrat datée du 14 mars 2008, qui prolongeait l’emploi jusqu’au 31 mars 2009. Le contrat de travail du demandeur a continué d’être prolongé par une série de lettres. Une lettre datée du 29 juin 2009 confirmait que l’emploi du demandeur prenait fin le 31 juillet 2009.

 

[6]               Le 19 juillet 2009, la question du statut de l’emploi du demandeur a été soulevée à huis clos à l’occasion d’une rencontre avec l’exécutif national de la défenderesse. Des témoins ayant assisté à cette rencontre ont témoigné devant l’arbitre que l’exécutif national de la défenderesse avait adopté une résolution visant à offrir un poste permanent au demandeur. La preuve soumise à l’arbitre était contradictoire quant à savoir si l’offre d’un emploi permanent dépendait d’un financement. L’arbitre a noté que M. Bob Watts, premier dirigeant de la défenderesse à l’époque, avait laissé entendre dans un courriel que l’offre d’un poste permanent dépendait d’un financement, mais les témoins ayant assisté à la rencontre du 19 juillet 2009 ont affirmé le contraire. L’arbitre a toutefois souligné que l’un des témoins, le grand chef Phil Fontaine, avait reconnu indirectement la question du financement dans une conversation par courriel avec M. Watts.

 

[7]               Selon le demandeur, le 31 juillet 2009, le jour où devait prendre fin son emploi, M. Shawn Atleo, le grand chef nouvellement élu de la défenderesse, l’aurait rencontré par hasard dans le couloir et lui aurait dit avoir hâte de travailler avec lui. Le même jour, le premier dirigeant par intérim de la défenderesse, M. Richard Jock, a envoyé au demandeur un courriel et une lettre prolongeant d’un autre mois son contrat. Une autre lettre, datée du 17 août 2009, prolongeait l’emploi du demandeur jusqu’au 25 septembre 2009.

 

[8]               Lors d’une rencontre tenue le 10 septembre 2009, un exécutif national nouvellement constitué a, à huis clos, adopté une résolution autorisant M. Jock, à la lumière de circonstances nouvelles intervenues depuis l’adoption par l’ancien exécutif de résolutions liées à des questions de ressources humaines, à prendre toutes les décisions et les mesures nécessaires dans l’intérêt de la défenderesse en ce qui concerne ses ressources humaines.

 

[9]               Le 21 septembre 2009, M. Jock a envoyé une lettre au demandeur, prolongeant son emploi jusqu’au 30 octobre 2009 et indiquant qu’il n’y aurait plus d’autres prolongations.

 

[10]           La plainte du demandeur sous le régime du Code a été reçue le 14 décembre 2009. Elle a été entendue par l’arbitre les 7 et 9 septembre 2011.

 

DÉCISION DE L’ARBITRE

[11]           L’arbitre a accepté sans réserve la preuve de l’ancien grand chef Phil Fontaine et du chef régional Erasmus selon laquelle le 19 juillet 2009, l’exécutif national avait adopté une résolution visant à offrir un emploi permanent au demandeur. L’arbitre n’était toutefois pas convaincu que le demandeur s’était bel et bien vu offrir un emploi permanent. L’arbitre a analysé la question ainsi :

[traduction] Malheureusement pour le plaignant, [l’intention de l’exécutif national] ne règle pas la question. L’APN n’a en réalité effectué aucun changement de ce type. M. Fontaine n’a reçu dans les faits aucune offre d’emploi permanent. On peut tout au plus affirmer que le courriel de M. Watts prenait acte du fait qu’un tel changement serait apporté si un financement était accordé. D’autres courriels indiquaient qu’un tel financement n’avait pu être trouvé. Le nouvel exécutif national a réexaminé la résolution du 19 juillet et l’a effectivement annulée le 10 septembre. M. Fontaine a obtenu une autre prolongation d’emploi, conformément à laquelle son emploi a ensuite pris fin.

 

 

 

[12]           L’arbitre a également conclu que l’arrêt Blair c Western Mutual Benefit Assn., [1972] BCJ 620, [1972] 4 WWR 284 (CACB) [Blair], s’appliquait en l’espèce, étant donné que la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique avait conclu dans cette affaire que, bien que les administrateurs de l’employeur aient adopté une résolution visant à offrir à une employée une indemnité de retraite, l’employée n’avait pas droit à l’indemnité en question en l’absence d’un changement concret dans sa relation avec l’employeur.

 

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir si l’arbitre a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas compétence pour déterminer si le demandeur avait été congédié injustement.

 

NORME DE CONTRÔLE

[14]           La question de savoir si le demandeur a été congédié pour l’application de l’article 240 du Code, ou si son contrat de travail à durée déterminée a tout simplement expiré, est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Stirbys c Assemblée des Premières Nations, 2011 CF 42, au paragraphe 25 [Stirbys]; Young c Assemblée des Premières Nations, 2012 CF 597, au paragraphe 22 [Young]).

 

[15]           En conséquence, la Cour s’intéressera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

ANALYSE

[16]           Le demandeur soutient que l’arbitre a commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait reçu aucune offre d’emploi officielle, étant donné qu’une résolution avait été adoptée pour que lui soit conféré le statut d’employé permanent et que le grand chef nouvellement élu Shawn Atleo avait confirmé ce changement lorsqu’il lui avait serré la main.

 

[17]           Le demandeur fait valoir également que l’arbitre a commis une erreur en concluant que le nouvel exécutif national avait réexaminé la résolution du 19 juillet 2009 et avait effectivement annulé celle‑ci le 10 septembre 2009, étant donné que l’auteur de la résolution du 10 septembre 2009 n’était pas membre du conseil d’administration, et que l’auteur de la résolution du 19 juillet 2009 — qui aurait selon les allégations conféré au demandeur le statut d’employé permanent — n’en était pas membre non plus.

 

[18]           La défenderesse soutient qu’il n’appartient clairement pas à la cour chargée du contrôle de réévaluer les faits (Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada c Canada, 2010 CAF 307, au paragraphe 85 [B’nai Brith Canada]; Stirbys, précitée, au paragraphe 25). De plus, la défenderesse soutient que le processus d’arbitrage du Code ne s’applique pas aux employés qui perdent leur emploi par suite de l’expiration de leur contrat de travail (Eskasoni School Board/Eskasoni Band Council c MacIsaac, [1986] ACF no 263 (CAF) [Eskasoni]). Je partage l’avis de la défenderesse pour les motifs qui suivent.

 

[19]           L’arbitre a eu l’avantage d’entendre les parties et leurs témoins, et d’examiner des pièces relatives à la nature de l’emploi du demandeur, et il a tenu compte de tous ces éléments de preuve. La Cour, pour sa part, ne dispose ni de la transcription de l’audience ni des copies des pièces déposées devant l’arbitre. Comme l’a souligné la défenderesse, il n’appartient pas à la Cour de réexaminer le poids accordé par l’arbitre à différentes parties de la preuve (B’nai Brith Canada, précité, au paragraphe 85; Stirbys, précitée, au paragraphe 25).

 

[20]           L’arbitre a examiné la preuve lui ayant été soumise ainsi que le droit applicable (Eskasoni et Blair), et a conclu que le demandeur n’avait reçu dans les faits aucune offre d’emploi. Il a accepté la preuve produite par l’ancien grand chef Phil Fontaine et le chef régional Erasmus selon laquelle ils voulaient changer le statut de l’emploi du demandeur à celui d’employé permanent, mais il a conclu que leur intention ne réglait pas la question. Avant de faire une offre d’emploi officielle, l’exécutif national a changé d’avis et a annulé la résolution du 19 juillet relative à l’emploi du demandeur. En conséquence, le contrat de travail du demandeur a pris fin le 30 octobre 2009 et l’arbitre n’avait pas compétence pour entendre la plainte du demandeur.

 

[21]           Il est bien établi que le processus d’arbitrage prévu au Code ne s’applique pas aux employés qui perdent leur emploi par suite de l’expiration de leur contrat de travail (Eskasoni, Stirbys, précitée, au paragraphe 2; Young, précitée, au paragraphe 2). Vu que le demandeur n’a fait état d’aucun élément de preuve dont disposait l’arbitre qui démontre que les conclusions de fait de l’arbitre sont déraisonnables, je suis convaincue que la conclusion de l’arbitre est intelligible, justifiable et transparente, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables.

 

[22]           De plus, en ce qui concerne l’argument du demandeur portant que l’auteur de la résolution du 10 septembre 2009 n’était pas membre du conseil d’administration et que l’auteur de la résolution du 19 juillet 2009 ayant été effectivement annulée n’en était pas membre non plus, je ne suis pas convaincue que l’arbitre a commis une erreur à cet égard, parce que le demandeur n’a fait état d’aucun élément de preuve dont disposait l’arbitre qui confirmait ses préoccupations procédurales.

 

CONCLUSION

[23]           Pour ces motifs, je rejette la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

J. Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1234-12

 

INTITULÉ :                                      Dean Fontaine c L’Assemblée des Premières Nations

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Tremblay-Lamer

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 8 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth B. Young

 

POUR LE DEMANDEUR

 

D. Bruce Sevigny

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kenneth B. Young

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

Sevigny Westdal, LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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