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Date : 20130325

Dossier : IMM-3871-12

Référence : 2013 CF 299

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2013

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

IMRENE NAGY

HELENA MERCEDESZ HORVATH

(ALIAS HELENA MERCEDES HORVATH)

(une mineure)

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse principale, Mme Imrene Nagy, et sa fille Helena, âgée de huit ans, ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] le 15 mars 2012, par laquelle les demandes d’asile des demanderesses ont été rejetées en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Cette décision a été rendue à la suite de l’audition de novo d’une demande d’asile initialement tranchée par la Commission le 3 novembre 2010, puis annulée par la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. L’intervention de la Cour avait été justifiée par le défaut de la Commission d’avoir abordé l’allégation de la demanderesse principale selon laquelle elle était exposée à un risque de persécution en raison de l’ethnicité partiellement rom de sa fille (IN c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 723, [2011] ACF no 919).

 

Contexte de la demande d’asile

[2]               La demanderesse principale a vécu dans une petite ville de Hongrie appelée Panda. Elle a été mariée à un policier de 1987 à 2000, et pendant toute la durée de leur mariage, son époux l’a menacée et agressée verbalement et physiquement. Elle hésitait toutefois à signaler les agressions à la police puisque son époux était policier dans leur ville. Après leur divorce, l’époux de la demanderesse a obtenu la garde de leurs deux enfants.

 

[3]               En 2003, elle a entamé une relation avec un Rom hongrois. La demanderesse principale allègue que dès que son ex-époux a découvert qu’elle entretenait une relation avec un Rom, il s’est mis à les agresser verbalement et physiquement, elle et son partenaire, et il a menacé de lui retirer ses droits de visite concernant les enfants.

 

[4]               En mai 2004, la demanderesse principale a donné naissance à sa fille cadette, Helena. Après la naissance de celle-ci, allègue-t-elle, son ex-époux a recommencé à la harceler et à la menacer parce qu’il ne voulait pas que ses enfants fréquentent des Roms durant leurs visites à la résidence de la demanderesse.

 

[5]               La demanderesse principale allègue que son époux, en octobre 2008, a décidé de rencontrer son ex-époux pour régler l’affaire avec lui. L’époux de la demanderesse principale n’est jamais revenu de cette rencontre et les efforts de la famille en vue de le retrouver sont demeurés vains. Après la disparition de son époux, la demanderesse a décidé de prendre des dispositions pour quitter la Hongrie. Elle et sa fille sont arrivées au Canada le 20 octobre 2008 et ont immédiatement demandé l’asile.

 

Décision de la Commission

[6]               Bien que la demanderesse principale ait initialement demandé l’asile parce qu’elle craignait son ex-époux violent en Hongrie, la principale question soulevée durant l’audience de novo fut celle de la protection de l’État. La Commission a établi que les questions déterminantes à trancher étaient les suivantes : i) celle de savoir si la discrimination qu’aurait vécue par la demanderesse principale était assimilable à la persécution et ii) celle de savoir s’il existe une protection de l’État adéquate en Hongrie ou s’il existe des éléments de preuve clairs et convaincants de l’incapacité de l’État à protéger les demanderesses.

 

Discrimination par rapport à la persécution

[7]               La Commission a déclaré que les demanderesses n’avaient mentionné dans l’exposé circonstancié du Formulaire de renseignements personnels [FRP] aucun incident particulier lié à la persécution à laquelle elles ont été exposées en Hongrie du fait de l’ethnicité rom de l’enfant mineure.

 

[8]               À l’audience tenue devant la Commission, la demanderesse principale a livré un témoignage relativement au traitement discriminatoire à l’endroit de sa fille et d’elle-même, sur lequel était fondée leur crainte alléguée de persécution. Deux principaux incidents ont été invoqués en appui à l’allégation des demanderesses. En premier lieu, la demanderesse principale a déclaré, lors de son témoignage, que sa fille a fréquenté la garderie pendant environ un an avant de quitter la Hongrie, et qu’elle avait l’impression que les éducateurs prenaient leurs distances par rapport à sa fille et l’excluaient. La Commission a conclu que les soupçons de la demanderesse n’étaient fondés sur aucune preuve. L’enfant n’a fait part d’aucune difficulté qu’elle aurait vécue à la garderie et aucune autre preuve n’a appuyé cette allégation.

 

[9]               En second lieu, la demanderesse principale a allégué que les soins médicaux prodigués à sa fille étaient de qualité inférieure. Elle a invoqué un certain nombre d’incidents où sa fille et elle‑même ont été privées de soins médicaux adéquats soit parce que le médecin n’a pas pris assez de temps pour les examiner et qu’il voyait, de manière générale, les patients non Roms avant elles, soit que le médecin avait omis d’aller rendre visite à sa fille à leur domicile même s’il avait promis de le faire. Sur le fondement de cette preuve, la Commission n’a pas estimé que les soins médicaux prodigués à la demanderesse principale ou à sa fille étaient assimilables à de la discrimination ou à de la persécution.

 

[10]           La demanderesse principale a par ailleurs allégué que la discrimination à l’endroit des Roms était présente dans les écoles et dans les milieux de travail et que sa fille pourrait faire l’objet de discrimination dans ses études et plus tard, dans le cadre d’emplois éventuels. Les demanderesses ont prétendu que les Roms sont exposés à un degré élevé de discrimination dans tous les aspects de leur vie en Hongrie et que ce genre de discrimination équivaut cumulativement à de la persécution.

 

[11]           La Commission a souligné que la fille de la demanderesse était inscrite à une garderie en Hongrie et que la demanderesse principale elle-même avait un emploi et rien ne l’empêchait de se trouver un logement adéquat. En somme, un nombre insuffisant d’éléments de preuve fiables et probants a été présenté pour permettre d’indiquer que la demanderesse principale ou sa fille, qui avait sept ans au moment de l’audience, ne parviendraient pas à trouver un emploi dans l’avenir.

 

[12]           Pour ce qui est de l’allégation de persécution, la Commission a déclaré que selon l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, au paragraphe 63, la persécution peut signifier une [traduction] « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’État »; selon ce que la Cour suprême a estimé, « [p]our qu’ils soient considérés comme de la persécution, les mauvais traitements subis ou anticipés doivent être graves ». La Commission a conclu eu égard à la preuve documentaire objective concernant les questions de discrimination dont sont victimes les Roms en Hongrie, que les actes de discrimination dont ont pu ou peuvent être victimes les demanderesses n’équivalent pas à de la persécution puisque cela ne menace pas leurs droits fondamentaux, mais nuit plutôt à leur qualité de vie dans leur pays d’origine.

 

Possibilité d’obtenir une protection de l’État

[13]           Parallèlement à la conclusion de la Commission selon laquelle les éléments de preuve n’ont pas révélé que la demanderesse était exposée à un risque sérieux de persécution, la Commission a conclu que les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles seraient incapables d’obtenir, si elles en avaient besoin, une protection de l’État à l’égard de la discrimination à laquelle les Roms sont sans conteste exposés en Hongrie. En fait, les demanderesses n’ont pas démontré que la violation de leurs droits de la personne indiquait l’absence de protection de l’État puisqu’une telle protection n’a pas été sollicitée.

 

[14]           La Commission a fait observer que, selon la preuve documentaire, la Hongrie est un État démocratique qui tient des élections libres et équitables et qui est doté d’un système judiciaire relativement indépendant et impartial. Ainsi, « [l]a Commission n’est pas forcée de prouver que [la Hongrie] est capable d’offrir une protection adéquate au demandeur; plutôt, la charge légale revient au demandeur de réussir à renverser la présomption que l’État peut offrir une protection adéquate, en présentant des preuves claires et convaincantes qui convainquent, selon la prépondérance de la preuve, la Commission » (Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 491, au paragraphe 31, [2011] ACF no 610).

 

[15]           La Commission a reconnu que la documentation sur le pays confirmait que certains policiers ont une attitude discriminante envers les Roms. Elle a toutefois conclu que si elles se trouvent dans une situation semblable, les demanderesses peuvent compter sur des recours et des solutions et que l’État prend des mesures lorsque des plaintes sont déposées. Après avoir examiné la possibilité d’obtenir, selon la preuve documentaire (notamment la Réponse à la demande d’information [RDI], HUN103566.EF, 22 septembre 2010), une protection de l’État à l’égard de la discrimination des Roms, voici ce que la Commission a conclu :

Il serait négligent de ma part de ne pas reconnaître et de ne pas prendre en compte les renseignements contenus dans la documentation qui fait état d’incidents répandus d’intolérance, de discrimination et de persécution de Roms en Hongrie. En revanche, il existe des éléments de preuve convaincants et dignes de foi qui indiquent que la Hongrie reconnaît franchement avoir eu des problèmes par le passé, mais qu’elle fait de sérieux efforts pour corriger la façon dont sont traitées les minorités dans ce pays, notamment les Roms. La Commission reconnaît que plusieurs sources contenues dans la preuve documentaire comportent certaines incohérences; toutefois, la prépondérance des éléments de preuve objectifs concernant la situation actuelle dans le pays laisse croire que, même si elle n’est pas parfaite, la protection offerte par la Hongrie aux Roms qui sont victimes de criminalité, d’abus de pouvoir de la part des policiers, de discrimination et de persécution est adéquate, que la Hongrie fait des efforts sérieux pour régler ces problèmes et que la police et les représentants du gouvernement veulent protéger les victimes et qu’ils sont capables de le faire.

 

[16]            La Commission s’est référée à diverses mesures d’ordre juridique et institutionnel que le gouvernement de la Hongrie a prises afin d’améliorer la situation de la minorité rom, tels le commissaire parlementaire aux droits des minorités nationales et ethniques (ombudsman pour les minorités) et le Service de l’intégration des Roms du ministère des Affaires sociales et du Travail (RDI, HUN103566.EF, 22 septembre 2010, et RDI, HUN103232.EF, 15 octobre 2009). La Commission a également affirmé que la Hongrie a lancé un certain nombre d’initiatives liées à la situation des Roms, relativement à l’éducation, à l’emploi, au logement, à la santé et à la participation politique (RDI, HUN103267.EF. 16 octobre 2009).

 

[17]           Par ailleurs, la Commission a mentionné la Commission indépendante des plaintes contre la police [IPCB] en tant qu’autre possibilité en matière de recours. L’IPCB est une commission indépendante chargée d’examiner les plaintes déposées contre les actions policières qui contreviennent à des droits fondamentaux; elle formule des recommandations au chef de la police nationale qui, si elles ne sont pas acceptées, peuvent être portées devant un tribunal ou signalées au Parlement. La Commission a souligné que le Centre européen de défense des droits des Roms (ERRC) a décrit l’IPCB comme étant un chien de garde crédible et indépendant pour garantir la responsabilité de la police et a demandé au gouvernement de s’assurer de l’indépendance de l’IPCB et de renforcer son mandat (États-Unis. 8 avril 2011. Département d’État, Hungary Country Reports on Human Rights Practices for 2010).

 

[18]           La Commission a aussi examiné le rapport de 2009 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance [ECRI] et a conclu que les progrès avaient été lents pour réduire la discrimination à l’égard des Roms, mais que la Hongrie était tenue, en tant que membre de l’Union européenne [UE], de maintenir un certain nombre de normes pour conserver son appartenance à l’Union et qu’il ressort de la preuve que des efforts ont été faits en ce sens.

 

[19]           En conclusion, la Commission a établi que les demanderesses n’ont pas réfuté la présomption de l’existence d’une protection de l’État adéquate au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants puisqu’il n’existait pas de preuve suffisante permettant de conclure qu’elles ne pourraient pas bénéficier d’une telle protection si elles en avaient besoin et qu’elles la sollicitaient.

 

Question en litige et norme de contrôle

[20]           La seule question soulevée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que les demanderesses n’ont pas réfuté la présomption de l’existence d’une protection de l’État.

 

[21]           Aucune des parties n’a abordé, dans ses observations écrites, la question de la norme de contrôle applicable. Il est toutefois bien établi dans la jurisprudence que la manière dont la Commission interprète le mot « persécution » et la preuve documentaire concernant les conclusions de la Commission relatives à la protection de l’État, constituent habituellement des questions mixtes de fait et de droit qui requièrent de la part du tribunal une interprétation de sa loi habilitante et qui doivent donc être revues selon la norme de la décision raisonnable (voir Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] ACF no 399; Lozada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 397, [2008] ACF no 492; et Tamas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1361, aux paragraphes 21 et 22, [2012] ACF no 1675).

 

[22]           Lors du contrôle de la décision de la Commission selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit prendre en considération « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi que « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, Khosa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12, au paragraphe 59.

 

Analyse

[23]           De toute évidence, la preuve documentaire concernant le caractère adéquat des mesures prises par l’État en Hongrie contre la discrimination est contradictoire à maints égards et la question demeure non résolue dans de nombreuses décisions de la Commission et dans la jurisprudence récente de la Cour. Selon ma compréhension de la jurisprudence invoquée par les deux parties, bien que la preuve documentaire objective permette de trancher dans un sens ou l’autre, le caractère raisonnable de la décision dans l’ensemble dépend des circonstances de chaque cas, à savoir si la nature et la portée de la discrimination alléguée constituant de la persécution sont dûment prises en considération et si la Commission a concrètement examiné les éléments de preuve contradictoires les plus pertinents ayant trait aux conditions de vie actuelles du peuple rom (Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, aux paragraphes 53, 54, 58 et 70 à 73, [2010] ACF no 1242 [Bors]; Rezmuves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 334, aux paragraphes 11 à 13, [2012] ACF no 374; Hercegi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 250, aux paragraphes 4 et 5, [2012] ACF no 273 [Hercegi]).

 

[24]           En l’espèce, les demanderesses contestent essentiellement l’évaluation de la preuve documentaire faite par la Commission. Elles font valoir avec raison que « [l]a conclusion du tribunal selon laquelle le demandeur d’asile n’a pas pris de mesures pour obtenir la protection de l’État, ne porte un coup fatal à la demande que dans le cas où celui-ci conclut également que la protection pouvait raisonnablement être offerte. Pour tirer une conclusion à cet égard, le tribunal est tenu d’examiner le caractère unique du pouvoir et de l’influence du persécuteur allégué sur la capacité et la volonté de l’État de protéger […] » (Mendoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 119, au paragraphe 33(6), [2010] ACF no 132 [Mendoza].)

 

[25]           Pour les motifs énoncés ci-dessous, bien que je souscrive à l’avis des demanderesses selon lesquelles la Commission a réalisé un examen bref et superficiel sur certains points, je conclus que la Commission a, dans l’ensemble, expliqué de manière raisonnable et compréhensible sa conclusion relative à la protection de l’État compte tenu de sa reconnaissance de la preuve indiquant une persistance de la discrimination contre les Roms en Hongrie. La Commission n’a pas fondé sa décision sur une citation sélective de la preuve, et elle a justifié sa décision de manière adéquate par rapport à la preuve subjective présentée par les demanderesses en l’espèce.

 

[26]           Les demanderesses soutiennent que la Commission a mal interprété la preuve en se fondant sur les « efforts » déployés et les « mesures » prises par l’État hongrois pour adopter des lois et des politiques malgré la preuve démontrant l’inefficacité de ces lois et de ces politiques et l’effet pratique minime pour les victimes. Il est soutenu que la Commission a omis d’aborder d’autres questions énoncées dans la preuve documentaire relatives au champ d’action restreint dont bénéficient des institutions telles que l’IPCB ou l’ombudsman pour les minorités, à la réticence des tribunaux à reconnaître les dommages non matériels et à l’inefficacité des initiatives gouvernementales visant à s’attaquer aux enjeux au chapitre de l’éducation, de l’emploi, du logement et des soins de santé des Roms.

 

[27]           L’avocate des demanderesses a soulevé ces questions devant la Commission. Il est bien établi qu’« [i]l est présumé que la Commission a examiné la totalité de la preuve qui lui a été soumise, et elle n’a pas l’obligation de faire état de chacun des éléments de preuve […]. Cependant, plus les éléments de preuve non mentionnés sont importants, plus la cour sera disposée à inférer de ce silence que le tribunal administratif a tiré une conclusion de fait sans tenir compte de la preuve […]. » (Horvath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 95, au paragraphe 36, [2013] ACF no 117). Je ne suis pas convaincue que la Commission serait parvenue à une conclusion différente dans les circonstances de l’espèce si elle avait abordé l’ensemble des points susmentionnés.

 

[28]           Le fardeau n’incombait pas à la Commission en l’espèce. Il incombait aux demanderesses d’établir, selon la prépondérance des probabilités, et en s’appuyant sur une preuve pertinente, digne de foi et convaincante, que leur pays d’origine n’est pas en mesure de leur offrir une protection adéquate (Giovani Ipina Ipina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 733, au paragraphe 5, [2011] ACF no 924 [Giovani]). En outre, selon le critère établi par la jurisprudence de la Cour, il faut se poser la question à savoir si la protection de l’État est adéquate, quoique « l’efficacité » tout comme les « sérieux efforts » déployés au niveau opérationnel par l’État afin d’assurer la protection de ses citoyens demeurent des considérations pertinentes (Gilvaja, précitée, au paragraphe 39; Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 723, au paragraphe 8, [2008] ACF no 969; Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, au paragraphe 38, [2008] ACF no 399). En l’espèce, les points soulevés par les demanderesses dans la preuve documentaire n’ont pas été suffisamment clairs et convaincants pour permettre d’établir que les efforts déployés par leur État entraîneraient une protection inadéquate ou que l’État ne veut pas les protéger.

 

[29]           Par ailleurs, bien que je souscrive à l’avis des demanderesses selon lesquelles certains des éléments de l’analyse de la Commission, notamment l’obligation de la Hongrie de respecter les exigences liées à son appartenance à l’UE, ou l’arrêt de la Cour suprême de Hongrie confirmant la dissolution de la Garde hongroise, ne sont pas des éléments convaincants pour établir s’il existe une protection d’État adéquate pour les demanderesses, cela n’affecte pas, de manière globale, le caractère raisonnable de la décision de la Commission.

 

[30]           Les demanderesses soutiennent que dans la décision Hercegi, précitée, en concluant que la Commission a analysé de façon erronée et déraisonnable la question de la protection de l’État, la Cour a récemment confirmé que « [l]a preuve établit de façon accablante en l’espèce que la Hongrie est actuellement incapable d’offrir une protection suffisante à ses citoyens Roms ». Il convient de souligner que selon la décision Mendoza, précitée, au paragraphe 33(3), « [c]haque cas est un cas d’espèce. Donc, bien que l’existence de la protection de l’État au Mexique puisse avoir été reconnue, peut‑être même au niveau d’un État donné, cela n’empêche pas une cour de justice de conclure, en se fondant sur des faits différents, que le même État est incapable d’offrir une protection adéquate. » Par ailleurs rien n’empêche la Commission de tenir compte, dans son analyse, des propres tentatives de la demanderesse de solliciter la protection de l’État, même si une conclusion défavorable n’est pas toujours fatale pour la demande.

 

[31]           Aux paragraphes 67 et 71 de la décision Bors, précitée, la Cour a déclaré :

Le fait que l’État hongrois fait des efforts pour se diriger vers une amélioration de la situation des Roms est perçu par la preuve; néanmoins, dans le cas présent, la gravité du danger et des événements de violence à laquelle la demanderesse et sa famille auraient dû faire face, les extrémités auxquelles la famille aurait dû se réduire en cachette, en plus de la fréquence ou de la continuité des événements vécus et le laps de temps sur lesquels les événements auraient dû se produire manifestent que l’État ne semble pas avoir démontré une protection efficace à leur égard.

[…]

 

La preuve subjective contenue dans le témoignage de la demanderesse s’harmonise avec l’ensemble de la preuve documentaire objective portant sur la protection offerte par la Hongrie, déposée dans le dossier. En ce sens, la preuve documentaire pourrait corroborer le récit de la demanderesse, si les faits de ce récit avaient été évalués dans leur ensemble par le décideur. L’agente d’ERAR a commis une erreur en ne prenant pas au moins en compte les faits contenus dans le témoignage de la demanderesse.

[Non souligné dans l’original.]



[32]           En l’espèce, par contre, les demanderesses ne m’ont pas convaincue que la Commission n’a pas pris en considération quelque élément de preuve documentaire pertinent qui soit qui aurait corroboré les allégations de persécution passée et future. La Commission a, en outre, conclu de manière raisonnable que la preuve présentée par les demanderesses n’a pas indiqué une sérieuse possibilité de discrimination qui équivaudrait à de la persécution, et les demanderesses n’ont pas contesté cette conclusion.

 

[33]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

J. Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3871-12

 

INTITULÉ :                                      IMRENE NAGY ET AL c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 13 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 25 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Georgina Murphy

 

POUR LES DEMANDERESSES

Jane Stewart

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Georgina Murphy

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Jane Stewart

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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