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Date : 20130325

Dossier : T‑905‑12

Référence : 2013 CF 304

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

DAVID WILLIAM SHORTREED

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

(CHEF DES SERVICES DE SANTÉ)

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande, présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, visant la délivrance d’une ordonnance de mandamus enjoignant au chef des Services de santé de l’Établissement de Warkworth de fournir au demandeur des chaussures orthopédiques, conformément aux règles d’évaluation et d’obtention prévues à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (la Loi). Le demandeur sollicite également :

                     un bref de prohibition interdisant au défendeur de recourir à des services de santé autres que ceux qui sont « dispensés par des professionnels de la santé agréés », tel que le prescrit l’article 85 de la Loi;

                     un jugement déclaratoire portant que le fait que le défendeur a tardé de façon excessive à s’acquitter de son obligation prévue par la Loi de fournir des chaussures orthopédiques au demandeur constitue la violation d’une obligation imposée par la loi;

                     les dépens de la présente demande.

 

CONTEXTE ET DÉCISION ATTAQUÉE

[2]               En 1989, au Pénitencier de Kingston, un chirurgien orthopédiste a estimé après évaluation que le demandeur avait une inégalité de longueur des jambes qu’il fallait traiter au moyen de chaussures orthopédiques. Environ une fois par an, entre 1989 et 2008, le demandeur a reçu une paire de chaussures orthopédiques achetées auprès d’un fournisseur de l’extérieur de l’établissement.

[3]               En octobre 2008, on a transféré le demandeur à l’Établissement de Warkworth. Par une demande du détenu datée du 30 avril 2009, le demandeur s’est enquis de la procédure à suivre pour obtenir une nouvelle paire de chaussures (dossier du demandeur, à la page 34). Le 26 mai 2009, on a fait venir le demandeur aux Services de santé pour l’informer qu’un rendez‑vous avait été pris pour lui auprès du médecin de l’établissement (affidavit du demandeur, dossier du demandeur, à la page 36). Par une demande du détenu datée du 11 janvier 2010, le demandeur a demandé qu’on procède de façon accélérée à l’achat de ses chaussures orthopédiques. Il a appris, par une réponse datée du 12 janvier 2010, que sa demande avait été transmise au service d’orthétique et figurait sur une liste d’attente (dossier du demandeur, à la page 38).

[4]               Le 20 avril 2010, le demandeur est allé consulter le Dr McKeough. Le médecin a déclaré ce qui suit dans ses notes : [traduction] « (3) a besoin de nouvelles chaussures (4) IA − Rob Knell. Veuillez communiquer avec Walkwell à Kingston pour vous enquérir du plus récent modèle de chaussures. Discutez avec IG et assurez‑vous de passer la même commande » (dossier du demandeur, à la page 40). Par lettre datée du 28 juillet 2010, le demandeur a demandé au directeur de Warkworth si quelque chose pouvait être fait étant donné qu’il n’avait toujours pas reçu de nouvelles chaussures (dossier du demandeur, à la page 42). Le demandeur a réitéré sa demande auprès d’un autre directeur dans une lettre datée du 24 août 2010 (dossier du demandeur, à la page 44). Pour donner suite à sa lettre du 28 juillet 2010, le directeur G. Chartrand a répondu au demandeur, dans une lettre datée du 16 septembre 2010, qu’on avait commandé les chaussures et qu’elles arriveraient dans un délai de dix à quatorze jours (dossier du demandeur, à la page 46).

[5]               Par une demande du détenu datée du 29 novembre 2010, le demandeur a demandé à Rob Knell, le chef des Services de santé, quand il allait recevoir ses chaussures. M. Knell a répondu le 14 décembre 2010 : [traduction] « la clinique se tient en janvier » (dossier du demandeur, à la page 48). On a pris note de la question du demandeur au sujet de ses chaussures au moyen d’une [traduction] « demande de suivi à un rep. des Services de santé » datée du 9 mars 2011. Le 23 mars 2011, P. Cormier a répondu au nom des Services de santé qu’un rendez‑vous avait été pris (dossier du demandeur, à la page 50).

[6]               Le 11 mai 2011, l’établissement a reçu une plainte du délinquant dans laquelle le demandeur se plaignait du défaut persistant de lui fournir une nouvelle paire de chaussures orthopédiques (DCT, à la page 17). Le 16 juin 2011, Robert Knell, le chef des Services de santé, a accueilli la plainte :

[traduction]

[I]l ne revient pas aux Services de santé d’acheter des chaussures; dans votre cas, vous avez besoin d’une chaussure orthopédique conçue sur mesure pour maintenir votre état de santé actuel. Les Services de santé vont la payer et vous la fournir (DCT, à la page 16).

 

 

[7]               La réponse à la plainte du délinquant mentionnait en outre qu’une mesure corrective serait mise en œuvre dans les 30 jours ouvrables suivants (dossier du demandeur, à la page 54). Les notes du médecin du 16 juin 2011 signées par R. Knell faisaient également état du fait que le demandeur a besoin de souliers de course et de pantoufles, que [traduction] « l’Administration des services de santé doit faire la commande DQP » (dossier du demandeur, à la page 56).

[8]               Le 3 août 2011, l’établissement a reçu un grief du délinquant au premier palier, qu’on a élevé au rang de grief au deuxième palier. Le grief précisait qu’on n’avait pas donné suite à la plainte du demandeur (accueillie par M. Knell le 16 juin 2011) dans le délai prévu de 30 jours (DCT, à la page 15). Le 28 août 2011, l’établissement a accueilli le grief mais a déclaré [traduction] « [qu’]aucune mesure corrective n’est jugée nécessaire, l’établissement s’étant fait rappeler pendant l’enquête l’existence de la politique [sur les délais] susmentionnée » (DCT, aux pages 12 et 13).

[9]               Le demandeur a formulé un grief au troisième palier, que l’établissement a reçu le 14 octobre 2011. Le demandeur faisait valoir que, bien que la plainte initiale ait été accueillie, on n’avait toujours pas mis en œuvre la mesure corrective requise (DCT, à la page 19).

[10]           Le 11 octobre 2011, M. Brian Blasko a commencé à exercer ses fonctions de chef par intérim des Services de santé de l’Établissement de Warkworth (dossier du demandeur, à la page 20). Le 8 novembre 2011, M. Blasko a rédigé à l’intention des autres employés de l’établissement un courriel où il déclarait :

[traduction]

[a]près examen des lignes directrices sur les services essentiels, j’estime que les Services en établissement doivent acheter les chaussures et que les Services de santé doivent procéder aux modifications requises. Les chaussures et les pantoufles n’ont pas été commandées par les Services de santé. Ceux‑ci devraient acquitter le prix des chaussures si un cordonnier devait les confectionner en raison d’une difformité, comme un pied bot, mais non s’il s’agit d’une marque ou d’un type de chaussures recommandé par un médecin contractuel.

 

Je parlerai au médecin contractuel lors de sa prochaine visite à Warkworth.

 

Si les Services en établissement achètent les chaussures requises, j’obtiendrai la consultation d’un spécialiste pour la pose des semelles de rehaussement, en conformité avec les lignes directrices sur les services essentiels. (DCT, à la page 29).

 

[11]           En novembre 2011, Bob Cameron, le chef des Services en établissement a rendu visite au demandeur pour l’informer qu’il lui fournirait les chaussures (dossier du demandeur, à la page 98). Vers le 8 décembre 2011, Tammy Robinson, adjointe de Brian Blasko, a obtenu pour le demandeur une consultation auprès de Ron Boutilier, un orthésiste agréé. En janvier 2012, M. Boutilier a rencontré le demandeur. Il était d’avis que le demandeur avait une inégalité de longueur des jambes qui nécessitait le recours à une semelle orthopédique de rehaussement, cette semelle pouvant être insérée dans une chaussure de l’établissement (affidavit de Brian Blasko, dossier du demandeur, aux pages 8 et 9).

[12]           Le 5 janvier 2012, Henry de Souza, le directeur général des Services cliniques, a adressé au directeur, Recours des délinquants, une note de service l’informant que les Services cliniques estimaient, après consultation du chef des Services de santé par intérim, que le demandeur avait besoin d’une orthèse pouvant être insérée dans une chaussure de l’établissement, mais pas d’une chaussure conçue sur mesure (aux pages 27 et 28). Il était précisé qu’un rendez‑vous avait été obtenu le même mois avec un spécialiste en orthétique.

[13]           Dans une lettre datée du 11 janvier 2012, le demandeur a expliqué à M. Blasko qu’il avait parlé avec le chef des Services en établissement et que celui‑ci lui avait dit qu’une paire de chaussures de l’établissement avait été envoyée aux Services de santé pour être modifiée. Le demandeur soulignait que les chaussures dont il avait besoin se trouvaient en dépôt chez deux fournisseurs et il demandait qu’on lui accorde un entretien avant que les chaussures ne soient envoyées pour être modifiées (dossier du demandeur, à la page 64). Dans sa réponse à l’interrogatoire préalable par écrit, M. Blasko a déclaré que M. Boutilier avait évalué les besoins en matière de chaussures du demandeur, tandis que les Services en établissement avaient pris les mesures du demandeur requises pour des chaussures de l’établissement. M. Blasko a ajouté que les Services en établissement ne prenaient pas de décisions ni ne conseillaient les Services de santé quant au diagnostic ou au traitement (dossier du demandeur, à la page 19).

[14]           Le 3 février 2012, M. Boutilier a rencontré le demandeur pour lui remettre les chaussures de l’établissement modifiées qu’il avait préparées. Le demandeur a refusé d’essayer ces chaussures, même si M. Boutilier l’avait informé qu’elles pouvaient encore être modifiées (dossier du demandeur, aux pages 11 et 12).

[15]           Le 21 février 2012, on a informé le demandeur que le délai d’abord prévu pour répondre à son grief ne pourrait pas être respecté, mais qu’il obtiendrait une réponse définitive au plus tard le 4 avril 2012 (DCT, à la page 4). Le 8 mars 2012, Anne Kelly, sous‑commissaire adjointe principale (la sous‑commissaire adjointe principale), a produit une réponse au grief du délinquant au troisième palier, et déclarait dans sa lettre notamment ce qui suit :

[traduction]

L’actuel CSS a expliqué qu’on n’avait commandé pour vous aucune chaussure (ni orthèse) depuis la réponse donnée à la plainte susmentionnée [du 17 juin 2011]. Après examen de votre dossier médical, les Services cliniques ont fait savoir que vous aviez besoin d’orthèses pouvant être intégrées aux chaussures de l’établissement. Vous n’avez pas besoin au plan médical de chaussures conçues sur mesure.

 

[…]

 

Comme vous n’avez pas besoin d’une chaussure conçue sur mesure, les Services en établissement auront à vous fournir des chaussures ordinaires de l’établissement.

 

Bien qu’on ait mentionné à tort dans la réponse à votre plainte que vous aviez besoin d’une chaussure orthopédique conçue sur mesure, cela ne supprimait pas l’obligation de mettre en œuvre la mesure corrective requise, comme vous aviez toujours besoin d’orthèses pouvant être intégrées aux chaussures de l’établissement appropriées. Les mesures nécessaires n’ayant pas été prises pour que vous receviez les chaussures appropriées (y compris des orthèses), conformément au paragraphe 45 susmentionné de la DC 081, cette partie de votre grief est accueillie.

 

Depuis, des membres du personnel vous ont informé que vous aviez rendez‑vous avec les Services de santé le 2012‑02‑03 pour recevoir une paire de chaussures de l’établissement comportant la semelle orthopédique de rehaussement appropriée. Ils nous ont toutefois fait savoir que vous aviez refusé ces chaussures. Malgré tout, comme l’ÉW a adapté des chaussures de l’établissement en fonction de vos besoins médicaux, aucune autre mesure n’est requise quant à cette partie de votre grief (DCT, aux pages 7 à 10).

 

 

[16]           La commissaire a rejeté la demande du demandeur concernant des pantoufles puisque cette question n’avait pas été soulevée dans la plainte initiale (DCT, à la page 9).

QUESTIONS EN LITIGE

[17]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans le cadre de la présente demande :

a)                  Le demandeur a‑t‑il droit à un bref de mandamus?

b)                   Le demandeur a‑t‑il droit à un bref de prohibition?

c)                  Le demandeur a‑t‑il droit à un jugement déclaratoire?

d)                 Compte tenu de la politique de SCC, la sous‑commissaire adjointe principale a‑t‑elle interprété correctement l’expression « chaussure conçue sur mesure »?

e)                  La Loi, en particulier ses articles 85, 86 et 88, autorise‑t‑elle la sous‑commissaire adjointe principale ou le chef des Services de santé à recourir aux Services en établissement comme service de soins de santé plutôt qu’à un orthésiste – un professionnel de la santé agréé qui doit respecter des normes professionnelles médicales reconnues?

f)                   De manière subsidiaire, le demandeur dispose‑t‑il en vertu de la Loi du droit à ce qu’un orthésiste ou un autre professionnel de la santé qualifié établisse ses besoins en matière de chaussures en dernier ressort, sans ingérence des Services en établissement?

 

NORME DE CONTRÔLE

[18]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche n’est pas fructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs qui constituent l’analyse de la norme de contrôle.

[19]           Le demandeur soutient que l’interprétation par la sous‑commissaire adjointe principale de l’expression « chaussure conçue sur mesure », qui ne correspond pas à celle des professionnels de la santé met en cause le cadre législatif et, à ce titre, commande la norme de contrôle de la décision correcte (Bonamy c Canada Procureur général) (2010), 378 FTR 71, au paragraphe 50 [Bonamy]). Cette norme s’applique aux décisions touchant la portée et les limites de la Loi (Bonamy, au paragraphe 49).

[20]           Le défendeur soutient pour sa part que la conclusion de la sous‑commissaire adjointe principale selon laquelle le demandeur n’a pas besoin, comme soin de santé essentiel, de chaussures conçues sur mesure est une question de fait, qui appelle la norme de la raisonnabilité (Yu c Canada (Procureur général), 2012 CF 970, aux paragraphes 15 et 16; Kim c Canada (Procureur général), 2012 CF 870, au paragraphe 33). J’estime comme le défendeur qu’il s’agit là d’une question de fait, qui est donc susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

[21]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[22]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définitions

 

85. Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 86 et 87.

 

« soins de santé »

“health care”

 

« soins de santé » Soins médicaux, dentaires et de santé mentale dispensés par des professionnels de la santé agréés.

 

« soins de santé mentale »

“mental health care”

 

« soins de santé mentale » Traitement des troubles de la pensée, de l’humeur, de la perception, de l’orientation ou de la mémoire qui altèrent considérablement le jugement, le comportement, le sens de la réalité ou l’aptitude à faire face aux exigences normales de la vie.

 

 

 

 

Obligation du Service

 

86. (1) Le Service veille à ce que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels et qu’il ait accès, dans la mesure du possible, aux soins qui peuvent faciliter sa réadaptation et sa réinsertion sociale.

 

 

 

 

Qualité des soins

 

(2) La prestation des soins de santé doit satisfaire aux normes professionnelles reconnues.

 

État de santé du délinquant

 

 

87. Les décisions concernant un délinquant, notamment en ce qui touche son placement, son transfèrement, son isolement préventif ou toute question disciplinaire, ainsi que les mesures préparatoires à sa mise en liberté et sa surveillance durant celle‑ci, doivent tenir compte de son état de santé et des soins qu’il requiert.

 

 

[…]

 

 

 

88. (1) Sous réserve du paragraphe (5), l’administration de tout traitement est subordonnée au consentement libre et éclairé du détenu, lequel peut refuser de le suivre ou de le poursuivre.

 

 

 

 

 

 

 

            Note marginale : Consentement éclairé

 

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), il y a consentement éclairé lorsque le détenu a reçu les renseignements suivants et qu’il est en mesure de les comprendre :

 

*                      a) les chances et le taux de succès du traitement ou les chances de rémission;

 

 

*                      b) les risques appréciables reliés au traitement et leur niveau;

 

 

*                      c) tout traitement de substitution convenable;

 

*                      d) les conséquences probables d’un refus de suivre le traitement;

 

*                      e) son droit de refuser en tout temps de suivre ou de poursuivre le traitement.

 

 

            Note marginale : Cas particulier

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), le consentement du détenu n’est pas vicié du seul fait que le traitement est une condition imposée à une permission de sortir, à un placement à l’extérieur ou à une libération conditionnelle.

 

*                               Note marginale : Programme d’expérimentation

 

 

(4) Tout traitement expérimental est interdit sauf dans le cas où un comité constitué conformément aux règlements et n’ayant aucun lien avec le Service, d’une part, juge le programme d’expérimentation valable sur le plan médical et conforme aux normes d’éthique reconnues, d’autre part, s’assure auparavant du consentement libre et éclairé du détenu au traitement.

 

 

 

 

 

 

*                               Note marginale : Lois provinciales

 

(5) Le traitement d’un détenu incapable de comprendre tous les renseignements mentionnés au paragraphe (2) est régi par les lois provinciales applicables.

Definitions

 

85. In sections 86 and 87,

 

 

 

“health care”

« soins de santé »

 

“health care” means medical care, dental care and mental health care, provided by registered health care professionals;

 

“mental health care”

« soins de santé mentale »

 

“mental health care” means the care of a disorder of thought, mood, perception, orientation or memory that significantly impairs judgment, behaviour, the capacity to recognize reality or the ability to meet the ordinary demands of life;

 

“treatment”

“treatment” means health care treatment.

 

 

Obligations of Service

 

86. (1) The Service shall provide every inmate with

 

(a) essential health care; and

 

(b) reasonable access to non‑essential mental health care that will contribute to the inmate’s rehabilitation and successful reintegration into the community.

 

Standards

 

(2) The provision of health care under subsection (1) shall conform to professionally accepted standards.

 

Service to consider health factors

 

87. The Service shall take into consideration an offender’s state of health and health care needs

 

(a) in all decisions affecting the offender, including decisions relating to placement, transfer, administrative segregation and disciplinary matters; and

 

(b) in the preparation of the offender for release and the supervision of the offender.

 

[…]

 

88. (1) Except as provided by subsection (5),

 

*                      (a) treatment shall not be given to an inmate, or continued once started, unless the inmate voluntarily gives an informed consent thereto; and

 

*                      (b) an inmate has the right to refuse treatment or withdraw from treatment at any time.

 

            Marginal note: Meaning of “informed consent”

 

(2) For the purpose of paragraph (1)(a), an inmate’s consent to treatment is informed consent only if the inmate has been advised of, and has the capacity to understand,

 

*                      (a) the likelihood and degree of improvement, remission, control or cure as a result of the treatment;

 

*                      (b) any significant risk, and the degree thereof, associated with the treatment;

 

*                      (c) any reasonable alternatives to the treatment;

 

*                      (d) the likely effects of refusing the treatment; and

 

*                      (e) the inmate’s right to refuse the treatment or withdraw from the treatment at any time.

 

*                               Marginal note: Special case

 

(3) For the purpose of paragraph (1)(a), an inmate’s consent to treatment shall not be considered involuntary merely because the treatment is a requirement for a temporary absence, work release or parole.

 

 

*                               Marginal note: Treatment demonstration programs

 

(4) Treatment under a treatment demonstration program shall not be given to an inmate unless a committee that is independent of the Service and constituted as prescribed has

 

*                      (a) approved the treatment demonstration program as clinically sound and in conformity with accepted ethical standards; and

 

*                      (b) reviewed the inmate’s consent to the treatment and determined that it was given in accordance with this section.

 

*                               Marginal note: Where provincial law applies

 

(5) Where an inmate does not have the capacity to understand all the matters described in paragraph  (2)(a) to (e), the giving of treatment to an inmate shall be governed by the applicable provincial law.

 

ARGUMENTS

Arguments du demandeur

            Mandamus

[23]           Le demandeur soutient que les conditions requises pour la délivrance d’un bref de mandamus sont respectées. Premièrement, il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public. L’article 85 de la Loi prévoit que les soins de santé doivent être dispensés par des professionnels de la santé agréés. Selon le paragraphe 86(2) de la Loi, la prestation des soins de santé doit satisfaire aux normes professionnelles reconnues. L’alinéa 88(1)a) de la Loi prévoit pour sa part que l’administration de tout traitement est subordonnée (« treatment shall not be given » dans la version anglaise) au consentement libre et éclairé du détenu. Or, il convient d’interpréter le terme anglais « shall » comme étant obligatoire (Baron c Canada, [1993] 1 RCS 416, au paragraphe 31 [Baron]).

[24]           Deuxièmement, l’obligation existe envers le demandeur puisqu’il a un besoin médical particulier, selon un diagnostic établi en bonne et due forme, et qu’il a présenté une demande appropriée (Dragan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 227 FTR 272, aux paragraphes 40 à 44 [Dragan]). Le demandeur est touché directement en raison de ses problèmes d’inégalité de longueur des jambes et de densité osseuse, et l’Établissement de Warkworth doit lui fournir des services de santé conformément à la loi.

[25]           Troisièmement, le demandeur a sollicité l’exécution de l’obligation à plusieurs reprises, il attend depuis plus de trois ans et il y a eu refus d’exécution de l’obligation – du fait d’un délai déraisonnable et de la prestation de services par du personnel médical non agréé, en violation des articles 85, 86 et 88 de la Loi.

[26]           Quatrièmement, le demandeur ne dispose d’aucun autre recours adéquat et il a épuisé tous les autres recours, y compris un grief au troisième palier. Par ailleurs, l’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique, des chaussures orthopédiques étant requises au plan médical pour assurer le maintien de la colonne vertébrale du demandeur et prévenir les douleurs dorsales et aux pieds. L’ordonnance de mandamus constitue la seule façon pratique de protéger le droit du demandeur d’être évalué et traité conformément à la Loi (Dragan, au paragraphe 46).

[27]           Cinquièmement, rien n’empêche en equity d’accorder au demandeur la réparation demandée étant donné qu’il n’est responsable d’aucun retard et qu’aucun reproche ne peut lui être adressé (Dragan, au paragraphe 47).

[28]           Sixièmement, enfin, la prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur.

Caractère raisonnable de la décision de la sous‑commissaire adjointe principale

[29]           Le demandeur ne renvoie pas explicitement dans son argumentation au « caractère raisonnable » de la décision de la sous‑commissaire adjointe principale. Il y met toutefois en cause l’approche adoptée par celle‑ci. Alors que le chef des Services de santé avait établi que le demandeur nécessitait une « chaussure orthopédique conçue sur mesure » conformément au Cadre national des services de santé essentiels, la sous‑commissaire adjointe principale est arrivée, en appliquant la même politique, à la conclusion contraire. Tout comme dans Krause c Canada (1999), 236 NR 317, en l’espèce, les actions de la sous‑commissaire adjointe principale et la non‑fourniture des services de santé par le chef des Services de santé contreviennent à la Loi et constituent un défaut d’exécution, par ces derniers, de leurs obligations.

[30]           En l’espèce, le sens donné à l’expression « chaussure conçue sur mesure » par un professionnel de la santé a été contredit par une fonctionnaire d’un rang supérieur sans formation médicale. Les chaussures portées par le demandeur sont des « chaussures conçues sur mesure » au sens du Cadre national des services de santé essentiels. En réponse à la plainte soumise par le demandeur, le chef des Services de santé a estimé que ce dernier tombait directement sous le coup de cette politique nationale de portée générale. Celle‑ci prévoit, premièrement, qu’il « faudra que le problème médical pour lequel les orthèses sont fournies ait été diagnostiqué »; en l’espèce, on a diagnostiqué chez le demandeur un problème commandant le port de chaussures orthopédiques. Deuxièmement, la politique prévoit que seules seront payées les orthèses visant à améliorer ou maintenir l’état de santé actuel; jamais on n’a demandé au demandeur de payer les chaussures. Troisièmement, les chaussures conçues sur mesure visent à améliorer ou à maintenir l’état de santé actuel du demandeur. Quatrièmement et cinquièmement, les chaussures dont a besoin le demandeur n’entrent pas dans les deux autres catégories mentionnées dans la politique, soit celles des « orthèses qu’on peut obtenir sans ordonnance » ou des « orthèses simples ». Sixièmement, les chaussures dont a besoin le demandeur relèvent de la catégorie des « orthèses spéciales ». La sous‑commissaire adjointe principale tente ainsi de définir une expression d’une manière qui, non seulement contredit le sens donné par le chef des Services de santé, mais est aussi incompatible avec la politique nationale.

[31]           Le demandeur soutient que la sous‑commissaire adjointe principale a conclu erronément que ses chaussures n’étaient pas des « chaussures conçues sur mesure » (MacKay c Canada (Procureur général), 2010 CF 856). Cette conclusion aurait eu pour effet de remettre, à tort, entre les mains des Services en établissement un service de soins de santé. Les services médicaux ne doivent pas être soustraits à la responsabilité des professionnels de la santé. Ainsi, selon le demandeur, la conclusion du chef des Services de santé devrait être considérée correcte, et celle de la sous‑commissaire adjointe principale devrait être déclarée invalide.

[32]           Le demandeur soulève également la question de savoir si la Loi autorise le chef des Services de santé ou le sous‑commissaire à faire appel aux Services en établissement plutôt qu’à un orthésiste. Outre la Loi, la directive du commissaire 800 et le Cadre national des services de santé essentiels prévoient aussi qu’il faut dispenser aux détenus des soins de santé conformes aux normes professionnelles reconnues. Or, ces deux sources sont pertinentes pour bien comprendre la portée et les limites de la Loi (Nguyen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 232).

[33]           Lorsque le demandeur a affaire aux Services de santé, il est un patient. Il n’en est pas ainsi lorsqu’il rend visite aux Services en établissement. Lorsqu’un patient refuse de donner son consentement à un traitement des Services de santé, un autre traitement lui est offert dans la mesure du possible (alinéa 88(2)c) de la Loi, directive du commissaire 803(9)). Tous les services médicaux doivent être dispensés par des professionnels de la santé (politique nationale, aux pages 8 et 10). Le sous‑commissaire ne peut s’arroger le pouvoir de choisir ou de modifier les traitements médicaux (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 29 et 36; Sir William Wade, Administrative Law (New York : Oxford University Press, 1994), aux pages 358 et 359). Les Services en établissement ne sont pas autorisés à fournir des services de santé. Ils sont assujettis à l’article 70 de la Loi, au paragraphe 82(3) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/92‑620) (le Règlement) et à la directive du commissaire 352 (McMaster c Canada (2009), 352 FTR 255, aux paragraphes 22 à 24). Le demandeur demande par conséquent à la Cour de déclarer que n’est pas valide au plan médical la directive donnée par la sous‑commissaire aux Services en établissement d’évaluer ses besoins en matière de chaussures.

Arguments du défendeur

Caractère raisonnable de la décision de la sous‑commissaire adjointe principale

[34]           Le défendeur expose d’abord le cadre législatif applicable. Selon l’article 86 de la Loi, le Service correctionnel du Canada doit veiller à ce que les détenus reçoivent les « soins de santé essentiels ». Ceux‑ci comprennent, comme le précise la directive du commissaire 800, les services à dispenser d’urgence et ceux requis, faute de quoi « le détenu pourra perdre la capacité d’exercer ses activités ». Les chaussures ne constituent pas, d’après le Cadre national des services de santé essentiels (le Cadre national), un service de santé essentiel. On fournit aux délinquants des chaussures de l’établissement. Des orthèses, comme des semelles intérieures ou de rehaussement, sont fournies lorsqu’un professionnel de la santé les prescrit. La question est donc de savoir si le demandeur a besoin de chaussures orthopédiques qui ne soient pas des chaussures de l’établissement.

[35]           Le défendeur affirme que la demande par le demandeur d’un traitement non essentiel va au‑delà du mandat conféré par le législateur fédéral à SCC en matière de soins de santé. On a établi comme diagnostic que le demandeur avait une inégalité de longueur des jambes qu’il fallait traiter pour maintenir son état de santé actuel. Après examen de ses antécédents médicaux et de l’avis de M. Boutilier, le meilleur traitement pour le demandeur consiste à insérer une semelle de rehaussement dans son soulier gauche.

[36]           Si on a tardé à fournir des chaussures modifiées, on a maintenant répondu aux besoins médicaux du demandeur et SCC s’est conformé à son obligation légale de veiller à ce qu’il reçoive les soins de santé essentiels. Le 3 février 2012, le demandeur a refusé les chaussures de l’établissement modifiées par M. Boutilier et l’offre faite par ce dernier de les élargir. Tel qu’il est mentionné dans le Cadre national, l’atteinte de résultats positifs en matière de santé dépend tant des fournisseurs de services que des délinquants; il n’est donc pas raisonnable que le demandeur se plaigne de ne pas avoir reçu les soins de santé essentiels alors qu’il a refusé un traitement approprié.

[37]           Le demandeur se plaint également du fait que les services médicaux ont été dispensés, non par des professionnels de la santé, mais par des employés des Services en établissement. Les Services en établissement ont fourni une paire de chaussures modifiées correspondant aux mesures prises par M. Boutilier. Celui‑ci a adapté les chaussures aux besoins du demandeur. Jamais un employé des Services en établissement n’a pris de décision concernant le diagnostic ou le traitement du demandeur. À tout moment pertinent, le demandeur a reçu de professionnels de la santé agréés ses traitements médicaux.

[38]           Le défendeur affirme que la décision de la sous‑commissaire adjointe principale était raisonnable. Celle‑ci a conclu, en se fondant sur la preuve médicale dont elle disposait, que le demandeur n’avait pas besoin de chaussures conçues sur mesure. Cette décision s’appuyait sur des renseignements fournis par M. Blasko, en fonction de son analyse et de sa connaissance du dossier du demandeur, notamment de l’avis de M. Boutilier (DCT, aux pages 27 et 28) selon lequel le demandeur a besoin d’une semelle orthopédique de rehaussement dans le soulier gauche et on peut assurer ce traitement adéquatement en modifiant une chaussure de l’établissement.

[39]           La sous‑commissaire adjointe principale ne disposait d’aucune preuve médicale montrant que le problème du demandeur ne pouvait pas être traité adéquatement au moyen d’une chaussure de l’établissement modifiée, ou que son état de santé se détériorerait si on utilisait une telle chaussure. La décision était compatible avec l’avis d’expert que M. Boutilier avait formulé après consultation et après évaluation des besoins du demandeur. Par conséquent, la décision appartient aux issues acceptables et devrait être maintenue.

ANALYSE

[40]           Bien des éléments de la présente affaire sont peu satisfaisants et demeurent inexpliqués. On a notamment beaucoup tardé à répondre aux besoins médicaux du demandeur, et on lui a parfois donné des renseignements contradictoires. M. Brian Blasko, chef intérimaire des Services de santé à l’Établissement de Warkworth du 11 octobre 2011 au 5 avril 2012, a souscrit l’affidavit du défendeur. C’est lui qui, à la fin de 2011, a évalué la demande de chaussures conçues sur mesure formulée par le demandeur et qui a obtenu pour ce dernier une consultation avec M. Ron Boutilier vers janvier 2012. M. Boutilier est un orthésiste agréé et a, semble‑t‑il, rencontré le demandeur et évalué ses besoins en matière de chaussures. Le défendeur concède qu’on a beaucoup tardé à répondre aux besoins médicaux du demandeur, mais soutient qu’il respecte désormais ses obligations, comme l’a conclu la sous‑commissaire adjointe principale dans sa décision sur le grief au troisième palier.

[41]           Le demandeur fait valoir que sa demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur la décision de la sous‑commissaire adjointe principale, mais vise plutôt à contraindre le défendeur à s’acquitter de l’obligation que la loi lui impose de lui fournir les chaussures que commande son état de santé, et qu’il a d’ailleurs obtenues pendant de nombreuses années jusqu’en 2009. On pouvait toutefois donner suite à la plainte du demandeur contre le défendeur, et on l’a fait, selon la procédure interne de règlement des griefs, et c’est au terme de cette procédure que la sous‑commissaire adjointe principale a rendu sa décision. C’est seulement si cette décision est jugée entachée d’une erreur susceptible de contrôle que la Cour pourra envisager d’examiner les recours et d’accorder les réparations prévus au paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Si la décision sur le grief est raisonnable, on doit considérer comme réglées les plaintes du demandeur concernant la conduite antérieure du SCC.

[42]           M. Blasko affirme s’être fait confirmer par M. Boutilier qu’on pouvait satisfaire aux besoins en matière de chaussures du demandeur en lui [traduction] « fournissant des chaussures de l’établissement ». M. Blasko s’est ensuite appuyé sur cet avis médical pour demander à M. Boutilier de modifier des chaussures fournies par l’établissement pour le demandeur.

[43]           Rien de tout cela n’explique pourquoi le demandeur a dû attendre du 30 avril 2009 à février 2012 avant que les Services de santé de Warkworth ne se décident à répondre à ses besoins médicaux, ni pourquoi M. Rob Knell, un ancien chef des Services de santé, lui a assuré qu’on avait commandé ses chaussures conçues sur mesure et qu’elles arriveraient dans 10 à 14 jours.

[44]           Malgré tout, la plainte du demandeur a franchi trois paliers de la procédure interne de règlement des griefs des délinquants de SCC, et c’est au terme de cela que la sous‑commissaire adjointe principale a rendu sa décision. Cette décision a confirmé la décision de M. Blasko selon laquelle le demandeur n’avait pas besoin des chaussures conçues sur mesure qu’on lui fournissait depuis 19 années, et on pouvait répondre à ses besoins médicaux, tel que M. Boutilier l’avait déclaré dans son avis, au moyen de chaussures de l’établissement modifiées. On avait aussi offert au demandeur des chaussures de l’établissement convenablement adaptées et modifiées, mais il avait refusé de les accepter. La sous‑commissaire adjointe principale a ainsi conclu dans la décision qu’aucune autre mesure n’était requise.

[45]           Tout au long de son argumentation, le demandeur a soutenu que M. Blasko et la sous‑commissaire adjointe principale n’avaient pas agi conformément aux directives d’un professionnel de la santé agréé – en l’occurrence un orthésiste – pour évaluer ses besoins et offrir une solution. Cet argument est au cœur de la présente demande. Le demandeur fait valoir que c’est M. Blasko qui a pris une décision quant à ses besoins médicaux, et qu’il n’est pas un professionnel de la santé qualifié tel que l’exigent les dispositions législatives applicables. M. Blasko affirme pour sa part s’être fondé sur l’avis de M. Boutilier qui, lui, est un orthésiste agréé. Le demandeur répond à cela qu’il ne met pas en cause les compétences de M. Boutilier, ni son aptitude à évaluer ses besoins médicaux; il dit toutefois que M. Boutilier n’a pas procédé à son évaluation et que M. Blasko, en mentionnant le nom de M. Boutilier, s’en sert uniquement comme d’un prête‑nom pour une décision qu’il a lui‑même prise, sans avoir les compétences requises. Pour trancher cette question essentielle, la Cour ne dispose que de la preuve sur le sujet présentée par les deux parties.

[46]           Dans l’affidavit qu’il a souscrit aux fins de la présente demande, le demandeur fait la déposition suivante quant à ses rapports avec M. Boutilier :

[traduction]

Le 3 février 2012, on m’a fait venir aux Services de santé pour rencontrer M. Ron Boutilier, un orthésiste, et essayer des chaussures. C’étaient les chaussures que les Services en établissement avaient envoyées aux Services de santé pour qu’elles soient modifiées. Elles n’avaient jamais été essayées, ni ajustées ou conformées à ma pointure correctement en fonction de mes besoins médicaux ou de mes commentaires. Par conséquent, ces chaussures ne m’allaient pas et je les ai refusées.

 

Je me rappelle que j’avais déjà vu une fois M. Boutilier, peut‑être dans la deuxième moitié de 2011. Il estimait que mes besoins étaient bien ceux exprimés, mais il m’a informé que sa situation lui permettait uniquement d’en faire part aux Services de santé de l’Établissement de Warkworth et de les consigner au dossier.

 

 

[47]           Dans l’affidavit qu’il a souscrit aux fins de la présente demande, M. Blasko a décrit, aux paragraphes 11 à 15, la manière dont il avait évalué les besoins du demandeur, et la mesure dans laquelle il s’était fondé sur l’avis de M. Boutilier :

[traduction]

En ma qualité de chef intérimaire des Services de santé de l’Établissement de Warkworth, il m’incombait d’évaluer la demande de chaussures conçues sur mesure faite par le demandeur. Vers le 8 décembre 2011, Tammy Robinson, mon adjointe a obtenu en mon nom pour le demandeur une consultation auprès de M. Ron Boutilier, un podologiste. Vers le mois de janvier 2011, M. Boutilier a rencontré le demandeur à l’Établissement de Warkworth.

 

M. Boutilier m’a informé qu’à son avis, et je le crois sincèrement, que le demandeur a une inégalité de longueur des jambes et a donc besoin d’une semelle orthopédique de rehaussement pour son soulier gauche. Cette semelle peut être intégrée à une chaussure de l’établissement.

 

Après examen du dossier médical du demandeur et compte tenu de l’avis de M. Boutilier, je crois sincèrement que le demandeur n’a pas besoin de chaussures conçues sur mesure pour maintenir son état de santé actuel. Des employés de SCC ont déjà dit le contraire au demandeur, mais j’estime que c’était par erreur.

 

Aux environs de janvier 2012, j’ai discuté avec Joanne Barton, agente de projet auprès de l’administration centrale de SCC, à Ottawa. Mme Barton m’a informé qu’elle recueillait de l’information pour le compte de M. Henry de Souza, directeur général des Services cliniques, en vue de la réponse à donner au grief au troisième palier du demandeur. J’ai indiqué à Mme Barton que, s’il était vrai que le demandeur avait besoin d’une semelle orthopédique de rehaussement pour son soulier gauche, il n’y avait aucun motif d’ordre médical pour qu’on lui fournisse des chaussures conçues sur mesure. Je lui ai également dit que le demandeur n’avait pas reçu de nouvelle paire de chaussures spécialisées depuis avril 2009 et que, depuis lors, son dossier médical ne révélait l’existence d’aucun effet néfaste sur la santé.

 

M. Boutilier a doté une paire de chaussures de l’établissement d’une semelle orthopédique de rehaussement adaptée aux besoins médicaux particuliers du demandeur. Le 3 février 2012, M. Boutilier a rencontré le demandeur pour lui remettre la chaussure de l’établissement modifiée. Le demandeur a refusé de faire tout essai et a déclaré que le bout de la chaussure gauche était trop étroit pour lui. M. Boutilier a alors informé le détenu qu’il était possible d’élargir le bout de la chaussure médialement et latéralement, proposition qu’il a également rejetée. J’ai joint à la présente, à titre de pièce C, une copie certifiée conforme des notes consignées par M. Boutilier concernant son rendez‑vous du 3 février 2012 avec le demandeur.

 

 

[48]           Comme M. Blasko n’a pas donné dans son affidavit des renseignements entièrement satisfaisants sur le rôle joué par M. Boutilier dans l’évaluation de ses besoins médicaux, le demandeur lui a demandé des précisions sur le sujet dans le cadre de l’interrogatoire par écrit. En réponse, M. Blasko a déclaré sous serment de ce qui suit :

[traduction]

1.         M. Ron Boutilier déclare dans le rapport de consultation qu’il a établi le 3 février 2012 que le demandeur a refusé d’essayer les chaussures modifiées pour répondre à ses besoins médicaux. Je précise que M. Boutilier est un orthésiste agréé. Je l’avais qualifié par erreur de podologiste dans mon affidavit.

[…]

 

3.                    Oui. J’ai parlé avec M.Boutilier le 26 juillet 2012 du rapport de consultation qu’il avait établi le 3 février 2012.

 

4.                    Les besoins en matière de chaussures du demandeur ont été évalués par M. Boutilier, et non par les Services en établissement. Après que M. Boutilier m’a confirmé que les chaussures de l’établissement pouvaient répondre aux besoins médicaux du demandeur, j’ai demandé aux Services en établissement de mesurer, pour de telles chaussures, la pointure du demandeur. M. Boutilier a modifié les chaussures en fonction des besoins du demandeur.

 

5.                    Non. Les besoins en matière de chaussures du demandeur ont été évalués par M. Boutilier, et non par les Services en établissement.

[…]

 

16.              J’ai appris dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire que le demandeur recevait des traitements pour l’ostéoporose. Lorsque j’ai examiné le dossier médical du demandeur, je n’ai relevé aucune mention de chaussures modifiées requises pour traiter le problème de densité osseuse du demandeur.

[…]

 

21.              Je ne sais pas de quelle pointure étaient les chaussures fournies au demandeur dans le passé. M. Boutilier m’informe, et je crois sincèrement, qu’il a mesuré les pieds du demandeur et qu’à son avis, celui‑ci doit porter des chaussures de pointure 9,5 et de largeur EEEE. Les chaussures de l’établissement fournies au demandeur étaient de pointure 10 et de largeur EE. M. Boutilier m’a informé que cet écart ne saurait nuire au demandeur, car il pouvait, si nécessaire, élargir le bout des chaussures de plusieurs pointures.

 

22.              On a établi comme diagnostic que le demandeur avait une inégalité de longueur des jambes, et il ne se trouve dans son dossier médical aucun diagnostic contraire. On s’entend aussi pour dire que la meilleure façon de traiter ce problème consiste à insérer une semelle de rehaussement dans le soulier gauche du demandeur. On a recouru pour le demandeur dans le passé à une chaussure modifiée qui ne provenait pas de l’établissement. En décembre 2011, M. Boutilier a donné comme avis qu’une chaussure de l’établissement modifiée convenait pour traiter l’inégalité de longueur des jambes du demandeur.

[…]

 

26.              En décembre 2011, M. Boutilier m’a informé qu’une chaussure de l’établissement modifiée convenait pour traiter l’inégalité de longueur des jambes du demandeur. En outre, selon M. Boutilier, on pouvait élargir la chaussure de l’établissement, si nécessaire, pour satisfaire aux besoins du demandeur.

 

27.              Pendant mon affectation à l’Établissement de Warkworth, M. Boutilier fournissait sur une base contractuelle à l’établissement des services d’orthétique et des soins de santé en lien avec les chaussures. M. Boutilier est un orthésiste agréé qui fournit, à ce titre, des traitements et des avis.

 

 

[49]           M. Blasko déclare bien clairement dans son affidavit et dans les réponses données aux questions du demandeur que M. Boutilier — un orthésiste agréé — a évalué les besoins en matière de chaussures du demandeur et exprimé l’avis qu’on pouvait traiter son problème médical en recourant à des chaussures de l’établissement adaptées et modifiées. Cette solution était certes différente du traitement offert au demandeur dans le passé, mais rien ne laisse croire que M. Boutilier n’avait pas les compétences requises pour évaluer les besoins en matière de chaussures du demandeur (ce dernier convient d’ailleurs qu’il a ces compétences), ni que son évaluation était déraisonnable ou erronée, ni d’ailleurs qu’on ne peut répondre aux besoins du demandeur en se conformant à son avis. Le demandeur refuse tout simplement d’accepter l’évaluation professionnelle ainsi faite, et fait valoir qu’il devrait continuer de recevoir des chaussures conçues sur mesure. Il ne fait pas de doute qu’on a fourni au demandeur dans le passé de telles chaussures prescrites par ses médecins traitants. Toutefois, aucun élément présenté ne m’a amené à penser qu’on ne peut répondre à ses besoins au moyen d’une chaussure de l’établissement adaptée, comme le préconise M. Blasko, sur l’avis de M. Boutilier. Je peux comprendre pourquoi le demandeur s’oppose au changement survenu, mais je ne peux apprécier l’à‑propos de ce changement qu’en fonction de la preuve produite. Le demandeur affirme que M. Boutilier n’a pas évalué ses besoins et que M. Blasko manipule la situation. Pour admettre cette prétention, je devrais considérer que M. Blasko a menti sous serment, puisqu’il a clairement déclaré : [traduction] « En décembre 2001, M. Boutilier a donné comme avis qu’une chaussure de l’établissement modifiée convenait pour traiter l’inégalité de longueur des jambes du demandeur » et « En outre, selon M. Boutilier, on pouvait élargir la chaussure de l’établissement, si nécessaire, pour satisfaire aux besoins du demandeur ». Il ressort manifestement de la preuve que M. Boutilier a exprimé l’avis à M. Blasko qu’on pouvait répondre à l’un et l’autre besoins médicaux du demandeur — l’inégalité de longueur des jambes et des douleurs et l’ostéoporose nécessitant le port de chaussures de largeur EEEE — en adaptant une chaussure de l’établissement. Aucun élément m’ayant été présenté ne donne à penser que M. Blasko n’a pas témoigné avec franchise concernant l’avis donné par M. Boutilier.

[50]           La preuve révèle que M. Boutilier a doté une paire de chaussures de l’établissement d’une semelle orthopédique de rehaussement adaptée aux besoins du demandeur, puisqu’il est retourné voir ce dernier en vue d’un ajustement. Le demandeur affirme que le bout des chaussures était trop étroit, mais M. Boutilier l’a informé qu’il était possible, si nécessaire, de l’élargir de plusieurs pointures, médialement et latéralement. Aucune preuve ne donne à croire que les chaussures offertes au demandeur ne pouvaient pas être encore modifiées en vue de satisfaire à ses besoins. Le demandeur a tout simplement refusé de coopérer et d’accepter le traitement offert et insisté pour que lui soient fournies des chaussures conçues sur mesure payées par SCC.

[51]           Tel qu’il ressort clairement du Cadre national, l’atteinte de résultats positifs en matière de santé dépend tant des fournisseurs de services que des délinquants. En refusant le traitement offert, alors qu’aucune preuve ne montre qu’il ne satisferait pas à ses besoins médicaux, le demandeur a refusé de s’acquitter de ses obligations. Selon la preuve qui m’a été présentée, le problème de santé du demandeur pouvait être réglé de la manière recommandée par M. Boutilier, un orthésiste agréé. Le demandeur n’est manifestement pas d’accord et, lorsque je lui ai demandé à l’audience pourquoi il avait refusé d’essayer la chaussure modifiée, il a simplement dit qu’il savait que cela n’irait pas. Or, le demandeur n’est pas un praticien et il convient que M. Boutilier a toutes les compétences requises pour évaluer ses besoins. C’est précisément à une telle évaluation que celui‑ci a procédé, d’après la preuve qui m’a été présentée. M. Boutilier a ensuite déclaré à M. Blasko qu’un soulier de l’établissement adapté était en mesure de satisfaire aux besoins du demandeur.

[52]           Le demandeur se plaint du fait que des non‑professionnels, plus précisément des employés des Services en établissement de Warkworth, lui ont fourni des services médicaux. Toutefois, selon ce que la preuve révèle, les Services en établissement lui ont fourni des chaussures de l’établissement devant être modifiées conformément à l’avis donné et aux mesures prises par M. Boutilier. Ce dernier a modifié les chaussures de manière à ce qu’elles répondent aux besoins du demandeur. J’estime comme le défendeur qu’à aucun moment, un employé des Services en établissement de Warkworth n’a pris de décision quant au diagnostic ou au traitement appropriés du demandeur, et qu’on n’a pas recouru aux Services en établissement pour contourner les droits du demandeur en tant que patient. C’est M. Boutilier qui a donné les directives quant au traitement requis pour répondre aux besoins médicaux du demandeur.

[53]           La sous‑commissaire adjointe principale a conclu, sur la foi de la preuve médicale dont elle disposait, que des chaussures conçues sur mesure n’étaient pas nécessaires pour assurer au demandeur les soins de santé essentiels requis. Cette décision repose sur des renseignements fournis par M. Blasko, en fonction de son analyse et de sa connaissance du dossier du demandeur, notamment de l’avis de M. Boutilier. La sous‑commissaire adjointe principale disposait de ces renseignements, car ceux‑ci figuraient sur une note de service rédigée par M. Henry de Souza, le directeur général des Services cliniques.

[54]           La sous‑commissaire adjointe principale ne disposait d’aucune preuve médicale selon laquelle on ne pouvait pas traiter le demandeur adéquatement au moyen d’une chaussure de l’établissement modifiée, ou que son état de santé se détériorerait si on utilisait une telle chaussure. La décision était compatible avec l’avis d’expert formulé, selon la preuve, après consultation et examen des besoins du demandeur par M. Boutilier.

[55]           La sous‑commissaire adjointe principale a par ailleurs conclu qu’étant donné que le demandeur n’avait pas encore présenté sa demande de pantoufles au plus bas palier possible, au moyen d’une plainte du détenu, cette partie de son grief devait être rejetée.

[56]           Concernant sa demande de pantoufles, le demandeur soutient que la décision de la sous‑commissaire adjointe principale est entachée d’une erreur susceptible de contrôle. La décision sur ce point est rédigée comme suit :

[traduction]

Question #2 – Les pantoufles

 

Vous demandez que les Services de santé vous fournissent des pantoufles. Toutefois, d’après l’information à votre dossier, vous n’avez pas soulevé cette question dans votre formulaire de plainte.

 

La DC 081 énonce l’objectif de politique suivant au paragraphe 1 :

 

Favoriser le règlement rapide et équitable des plaintes et des griefs des délinquants au plus bas palier possible et d’une manière conforme à la loi.

 

Comme vous n’avez pas soulevé la question susmentionnée au plus bas palier possible, en conformité avec la politique précitée, cette partie de votre grief est rejetée.

 

 

[57]           Le demandeur déclare que, bien qu’il n’ait pas soulevé la question des pantoufles lorsqu’il a présenté son grief au premier palier, il s’agissait là d’un élément figurant dans son dossier médical et qu’après lui avoir fait passer une entrevue, M. Knell avait précisé la portée de la plainte et statué qu’il avait besoin tant de chaussures que de pantoufles. Il n’était donc pas nécessaire de mentionner ce point dans le cadre de la procédure de griefs, ajoute le demandeur, puisqu’une décision avait été prise à cet égard.

[58]           Quoi qu’il en soit, affirme le demandeur, il ressort clairement de la décision Lewis c Canada (Service correctionnel), 2011 CF 1233, aux paragraphes 1 et 30, que chaque palier de la procédure des griefs constitue un appel de novo, et qu’ainsi, on ne peut pas restreindre la plainte aux allégations soulevées au premier palier :

[59]           Les paragraphes pertinents de Lewis sont les suivants :

30        Par ailleurs, il importe de souligner que chaque appel interjeté en vertu de la procédure de règlement des griefs du SCC donne lieu à un examen de novo et sa portée ne peut être restreinte aux allégations soulevées dans le cadre du grief de premier niveau. Dans Tyrrell c Canada (Procureur général), 2008 CF 42, la juge Snider a déclaré, aux paragraphes 37 et 38 :

 

La procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, est régie par le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620, articles 74 à 82). Le juge Rothstein a décrit cette procédure dans la décision Giesbrecht c. Canada, [1998] A.C.F. no 621, au paragraphe 10 (1re inst.) (QL) :

 

Les griefs doivent être traités rapidement et les directives du commissaire fixent des délais […] Un détenu peut interjeter appel d’une décision sur le fond au moyen de la procédure de grief et un tribunal d’appel peut substituer sa décision à celle du tribunal dont la décision est contestée (voir également Wild c. Canada, 2006 CF 777, paragraphe 9).

 

En d’autres termes, à chaque palier plus élevé de la procédure de règlement des griefs, le décideur peut substituer sa décision à celle qui a été rendue au palier inférieur. Par conséquent, il s’agit en théorie d’un « appel », mais la nature de la procédure de règlement des griefs permet à chaque décideur subséquent de considérer le grief comme un examen de novo et d’accepter de nouveaux éléments de preuve (voir, par exemple, Besse c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [1999] A.C.F. no 1790, paragraphe 5 (C.A.) (QL)).

 

31        Ainsi, compte tenu des circonstances, je suis d’accord avec le demandeur pour dire qu’il est contraire à la logique et à l’objet de la procédure de règlement des griefs des délinquants établie à l’article 90 de la LSCMLC et aux articles 74 à 82 du RSCMLC de demander au demandeur de retourner à la case départ s’il souhaite soulever l’une ou l’autre des questions susmentionnées afin de contester l’ÉD. Par ailleurs, les défendeurs n’ont pas allégué avoir subi de préjudices et aucune preuve n’indique qu’ils en aient subi, alors qu’il est clair que le demandeur en a subi un.

 

32        Par conséquent, je conclus que le SCC a également omis de se conformer au paragraphe 37 de la DC 081, qui prévoit que le décideur doit veiller à ce que le plaignant reçoive une réponse complète « à toutes les questions soulevées » dans son grief. Il s’ensuit que la décision contestée est déraisonnable.

 

Je suis donc d’accord avec le demandeur sur ce point. Dans Lewis, les sujets de plainte non soulevés initialement étaient étroitement liés aux sujets qui l’avaient été. Le juge Martineau a déclaré, au paragraphe 28, que la plainte était « de nature continue […] [de sorte que la question soulevée dans le] grief de troisième niveau […] n’était pas entièrement nouvelle ». En l’espèce, la question des pantoufles met en cause les problèmes aux pieds du demandeur, et est ainsi étroitement liée à son problème médical et à son besoin de chaussures modifiées. M. Knell a précisé la portée de la plainte du demandeur et a statué que ce dernier avait besoin tant de chaussures que de pantoufles. Il serait abusif et peu obligeant de ne pas traiter en même temps de la question des chaussures et des pantoufles.

[60]           Me fondant sur Lewis, j’estime comme le demandeur que la décision de la sous‑commissaire adjointe principale est déraisonnable quant à la question des pantoufles. La sous‑commissaire a refusé d’examiner la plainte du demandeur parce qu’il ne l’avait pas présentée au plus bas palier possible, alors que cela n’était manifestement pas requis par le cadre législatif applicable à la procédure de règlement des griefs.

[61]           Dans Lewis, des dépens de 350 $ ont été adjugés. Dans cette affaire, toutefois, la demande du demandeur avait été accueillie en entier. Dans Johnson c Canada (Procureur général), 2011 CAF 76 [Johnson], une affaire traitant de dédommagement pour la destruction d’effets personnels, la Cour d’appel fédérale a fourni les orientations pertinentes suivantes (au paragraphe 38) :

Dépens

 

L’adjudication de 200 $ faite par le juge relativement à la demande de contrôle judiciaire de la décision susmentionnée est annulée. Bien que M. Johnson n’ait eu que partiellement gain de cause dans son appel, ses menues dépenses pour la préparation et la duplication du dossier d’appel et du mémoire des faits et du droit ainsi que pour la signification des documents n’auraient pas été réduites s’il n’avait interjeté appel que sur la demande à l’égard de laquelle il a finalement obtenu gain de cause.

 

[62]           Bien que le demandeur n’ait eu que partiellement gain de cause en l’espèce, j’estime qu’il convient de lui accorder tous ses débours. L’historique de l’affaire révèle qu’on n’a pas répondu de manière raisonnable et opportune au besoin de chaussures modifiées du demandeur. En outre, le refus de la sous‑commissaire adjointe principale d’aborder la question des pantoufles a fait perdurer le problème et subir au demandeur de nouveaux retards. Les besoins en matière de chaussures du demandeur requièrent une attention immédiate.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est accueillie en partie. Dans les 30 jours suivant la date du présent jugement, la sous‑commissaire adjointe principale devra examiner la plainte du demandeur concernant le défaut persistant de lui fournir des pantoufles répondant à ses besoins médicaux, et statuer sur cette plainte.

 

2.                  Le défendeur paiera au demandeur tous ses débours afférents à la présente demande.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑905‑12

 

 

INTITULÉ :                                                  DAVID WILLIAM SHORTREED

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

                                                                        (CHEF DES SERVICES DE SANTÉ)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 25 février 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                         LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                                        Le 25 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David William Shortreed

 

POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Andrew Law

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David William Shortreed

 

POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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