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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130314

Dossier : T-1413-12

Référence : 2013 CF 270

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2013

En présence de madame la juge Strickland

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SUSAN CECILIA LEE

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie de l’appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le demandeur), en conformité avec le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29, et l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, contre la décision rendue le 23 mai 2012 par un juge de la citoyenneté (le juge de la citoyenneté) approuvant la demande de citoyenneté de Mme Susan Cecilia Lee (la défenderesse), en application du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté.

 

Contexte

[2]               La défenderesse est une citoyenne de Trinité‑et‑Tobago et une résidente permanente du Canada. Elle est arrivée au Canada comme immigrante reçue, le 17 août 1975, à 19 ans. Elle est la conjointe de fait d’un citoyen canadien depuis 1982, et ils ont quatre enfants nés au Canada dont trois sont leurs enfants biologiques.

 

[3]               La défenderesse a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 8 mai 2010 et elle n’a signalé aucune absence du Canada durant la période pertinente de quatre ans, soit du 8 mai 2006 au 8 mai 2010.

 

[4]               La défenderesse a joint à sa demande de citoyenneté une lettre expliquant la raison pour laquelle elle n’était pas en mesure de fournir de pièce d’identité avec photo :

-          Elle n’avait pas de permis de conduire parce qu’elle n’en avait pas besoin. Son conjoint la conduisait et elle résidait au centre‑ville de Toronto où l’offre de transport en commun était abondante;

-          Elle n’avait pas quitté le Canada depuis plus de 34 ans et elle n’avait donc pas obtenu de passeport;

-          Elle avait « l’ancienne » carte Santé de l’Ontario, qui n’avait pas besoin d’être renouvelée tous les cinq ans;

-          Elle a été mère au foyer pendant environ 25 ans.

 

[5]               Vu la situation, la défenderesse a fourni à la place des copies certifiées conformes de sa fiche relative au droit d’établissement, de son passeport expiré de Trinité‑et‑Tobago, de son certificat de naissance, de sa carte Santé de l’Ontario, et de sa carte d’assurance sociale.

 

[6]               Le 7 juillet 2011, elle a réussi l’examen pour la citoyenneté, et parce qu’elle n’avait pas de pièce d’identité avec photo, on lui a ensuite demandé de rencontrer une agente d’immigration. Lors de cette rencontre, l’agente lui a demandé de fournir des renseignements relatifs à ses voyages, à son emploi et à son dossier médical; elle a fourni ces renseignements.

 

[7]               À la fin de cette rencontre, l’agente a donné à la défenderesse une lettre lui demandant de fournir les renseignements supplémentaires suivants :

-          Deux pièces d’identité valides de la province dont au moins une avec photo (p. ex. un permis de conduire valide de l’Ontario, une carte Santé de l’Ontario);

-          Toutes les pages de tout passeport valide ou ayant expiré entre 2006 et ce jour;

-          Ses déclarations de revenus (avis de cotisation) de 2006 à ce jour;

-          Ses antécédents de voyage du Système intégré d’exécution des douanes (le SIED);

-          Un questionnaire sur la résidence;

-          Les certificats de naissance de tous ses enfants;

-          Un sommaire de ses visites médicales de 2006 à ce jour.

 

[8]               À l’exception du sommaire des visites médicales (pour lequel elle a indiqué qu’il suivrait, et qu’elle a effectivement envoyé le 20 septembre 2011), et des avis de cotisation pour 2009 et 2010, elle a fourni ces documents, ainsi qu’une lettre de son consultant en immigration datée du 20 août 2011. Les pièces d’identité de la province comprenaient une carte d’assurance sociale, une carte Santé de l’Ontario, une carte‑photo de l’Ontario, et un dossier d’identité aux fins de l’immigration canadienne.

 

[9]               Comme suite à son audience du 10 février 2012 devant le juge de la citoyenneté, la défenderesse devait fournir les documents supplémentaires suivants :

-                      Ses antécédents de voyage du SIED, du 8 mai 2006 au 8 mai 2010;

-                     Un enregistrement des sorties et des entrées de Trinité‑et‑Tobago;

OU      -           Une lettre confirmant qu’aucun autre passeport ne lui a été délivré, après le passeport no 348884, par l’ambassade de Trinité‑et‑Tobago ou par une autorité compétente;

-                     Les avis de cotisation pour les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010.

 

[10]           En réponse à cette demande, la défenderesse a fourni ses antécédents de voyage du SIED, lesquels confirmaient que [traduction] « aucun enregistrement n’a été trouvé » pour la période du 8 mai 2006 au 8 mai 2010 (c.‑à‑d. qu’il n’y avait pas d’enregistrement indiquant que la défenderesse avait franchi la frontière canadienne durant cette période).

 

[11]           La demande de citoyenneté de la défenderesse a été approuvée le 23 mai 2012 (la décision), et cette décision fait maintenant l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[12]           La décision est contenue dans un modèle de formulaire intitulé : « Avis au ministre de la décision du juge de la citoyenneté ». La partie « motifs » de ce formulaire est remplie de la façon suivante :

[traduction]

Après avoir minutieusement examiné toute la preuve documentaire, ainsi que de la preuve orale présentée à l’audience, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse satisfait aux exigences de l’alinéa 5(1)c) [de la Loi sur la citoyenneté]. J’ai fondé ma décision principalement sur la force probante du rapport du SIED ne faisant état d’aucune entrée au Canada durant la période examinée.

 

[13]           Dans la partie « Autres documents » du formulaire, il est écrit [traduction] « carte Santé, carte‑photo de l’Ontario, IMM1000 », dans la partie SCRS, la date du 6 février 2012 est inscrite, et dans la partie GRC, la date du 14 février 2012 est inscrite.

 

Les questions en litige

[14]           Je formulerais les questions en litige ainsi :

 

a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

b)         Les motifs du juge de la citoyenneté étaient‑ils insuffisants?

c)         La décision du juge de la citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté de Mme Lee était‑elle raisonnable?

 

Analyse

 

a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[15]           Comme la Cour suprême du Canada l’a déclaré au paragraphe 57 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [Dunsmuir], il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive de la norme de contrôle. Par conséquent, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour chargée du contrôle peut adopter cette norme. Ce n’est qu’en l’absence de jurisprudence bien établie que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la norme de contrôle applicable (Dunsmuir, précité; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2009] ACF no 713, au paragraphe 18).

 

[16]           Comme la Cour a déjà décidé que la norme de contrôle applicable à la décision d’un juge de la citoyenneté relativement à la question de savoir si un demandeur a satisfait à l’exigence de résidence est la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir, précité, au paragraphe 57; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Salim, 2010 CF 975, [2010] ACF no 1219, au paragraphe 21 [Salim]; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Elzubair, 2010 CF 298, [2010] ACF no 330, au paragraphe 12 [Elzubair]; Paez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, [2008] ACF no 292, au paragraphe 11), une analyse relative à la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée en l’espèce.

 

[17]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59 [Khosa]). Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision est déraisonnable, c’est‑à‑dire si elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

b)         Les motifs du juge de la citoyenneté étaient‑ils insuffisants?

 

[18]           Le demandeur soutient que les motifs du juge de la citoyenneté sont [traduction] « peu détaillés et insuffisants » parce qu’ils n’établissent pas que le juge de la citoyenneté a examiné les exigences légales énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, ou qu’il a compris et appliqué les principes juridiques pertinents. Les motifs ne précisent pas les raisons qui sont à la base de l’approbation de la demande, ils n’établissent pas non plus qu’une analyse significative de la preuve a été menée. Le demandeur souligne qu’aux paragraphes 11 et 12 de la décision Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1361, 188 FTR 113, [Lai], le juge a décidé que le simple fait de faire l’énumération des éléments de preuve considérés n’était pas suffisant, et il soutient qu’en l’espèce, le juge de la citoyenneté ne l’a même pas fait.

 

[19]           La défenderesse renvoie à l’arrêt de la Cour suprême Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Newfoundland and Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 13 et 14, [Newfoundland Nurses], et à la décision Baig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 855, [2012] ACF no 963, au paragraphe 10 [Baig], et elle soutient que le caractère suffisant des motifs n’est plus un motif isolé permettant d’accueillir la demande de contrôle judiciaire. En outre, la défenderesse souligne que ses antécédents de voyage du SIED établissent qu’elle n’a pas quitté le Canada pendant la période en cause. Vu que la résidence a été établie, le juge de la citoyenneté devait seulement faire état des éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé pour arriver à sa décision, ce qu’il a fait. Ainsi, la décision appartient aux issues possibles acceptables et elle ne devrait pas être infirmée.

 

[20]           Selon moi, « le caractère suffisant des motifs » ne constitue pas à lui seul un motif justifiant le contrôle. Plutôt, comme le juge Rennie l’a souligné au paragraphe 10 de la décision Baig, précitée, « le caractère suffisant des motifs » fait partie d’une analyse plus large portant sur le caractère raisonnable.

 

[21]           Les décisions citées par le demandeur (Eltom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1555, [2005] ACF no 1979, Abdollahi-Ghane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 741, [2004] ACF no 930, et Lai, précitée) sont toutes antérieures à l’arrêt de la Cour suprême du Canada de 2011, Newfoundland Nurses, précité. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fait référence à l’arrêt Dunsmuir, et a mis l’accent sur la déférence due aux décideurs en matière administrative, même dans les cas où les motifs donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision. La Cour suprême a ajouté que le contrôle de telles décisions était « un exercice plus global » dans lequel, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (Newfoundland Nurses, précité, aux paragraphes 12 à 14).

 

[22]           Le caractère suffisant des motifs du juge de la citoyenneté est donc examiné dans le contexte du caractère raisonnable de l’ensemble de la décision.

 

c)         La décision du juge de la citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté de Mme Lee était‑elle raisonnable?

 

Les positions des parties

[23]           Le demandeur soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a omis d’indiquer quel critère de résidence il a appliqué pour apprécier la résidence de la défenderesse et, quel que soit le critère utilisé, il a omis de l’appliquer correctement. Le demandeur soutient que la présence physique au Canada est un facteur crucial dans l’établissement de la résidence, et que des « indices passifs » (tel le dépôt d’argent dans un compte bancaire) sont insuffisants.

 

[24]           Le demandeur souligne aussi qu’il incombe aux demandeurs d’établir qu’ils satisfont aux exigences de résidence, il ajoute que le questionnaire obligatoire sur la résidence donne des instructions claires sur le type de preuve documentaire requise. Les documents fournis par la défenderesse contenaient des lacunes et ils ne suffisaient pas à la décharger de son fardeau. En ce qui a trait au dossier du SIED, le demandeur soutient que ce dossier ne peut pas à lui seul établir la résidence de la défenderesse au Canada. Par conséquent, la décision du juge de la citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté de la défenderesse était déraisonnable.

 

[25]           La défenderesse soutient que le libellé de l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté est impératif et sans ambiguïté : « Le ministre attribue la citoyenneté » à toute personne qui satisfait à toutes les exigences énoncées dans cette disposition. L’exigence de résidence se trouve à l’alinéa 5(1)c). Cet alinéa exige que le demandeur ait résidé au Canada pendant au moins trois des quatre années précédentes. En l’espèce, le juge de la citoyenneté a examiné le dossier du SIED, et il était convaincu que la défenderesse n’avait pas quitté le Canada pendant la période pertinente du 8 mai 2006 au 8 mai 2010. Le juge de la citoyenneté n’avait donc aucune raison d’appliquer l’un des trois critères de résidence qui ont été élaborés par la Cour. Ainsi, comme la défenderesse satisfaisait à toutes les exigences du paragraphe 5(1) pour l’octroi de la citoyenneté canadienne, sa demande a été correctement approuvée.

 

[26]           En outre, la jurisprudence confirme que le juge de la citoyenneté doit seulement appliquer l’un des critères de résidence s’il n’est pas convaincu qu’un demandeur était physiquement présent au Canada pendant les 1 095 jours requis (Elzubair, précitée, aux paragraphes 13 et 14; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c El Bousserghini, 2012 CF 88, [2012] ACF no 106, au paragraphe 17, [El Bousserghini]; Salim, précitée, au paragraphe 21; Koo (Re), [1993] 1 CF 286, [1992] ACF no 1107 (1re inst.)).

 

[27]           Subsidiairement, la défenderesse soutient que même si le juge de la citoyenneté devait appliquer l’un des critères de résidence, on peut donc inférer qu’il a appliqué le plus contraignant des critères, à savoir celui de la présence physique, ou le critère du « comptage strict des jours », critère qui, en l’absence d’une analyse des autres formes d’attachement au Canada, exige simplement qu’un demandeur prouve qu’il a bien été physiquement présent au Canada pendant 1 095 des 1 460 jours précédents (Pourghasemi (Re), [1993] ACF no 232, 62 FTR 122 (1re inst.). En outre, le juge de la citoyenneté n’était pas obligé de faire explicitement référence au critère appliqué, les motifs doivent plutôt être compris dans leur ensemble (Newfoundland Nurses, précité; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hannoush, 2012 CF 945, [2012] ACF no 1040, au paragraphe 13 [Hannoush]; El‑Khader c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 328, [2011] ACF no 426, au paragraphe 24). En l’espèce, le juge de la citoyenneté a appliqué le critère strict de la présence physique, comme cela est énoncé dans la preuve sur laquelle il s’est fondé, et il a correctement décidé que la défenderesse satisfaisait au critère.

 

[28]           La défenderesse renvoie aussi à la décision de la Cour dans Tanveer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 565, [2010] ACF no 677 [Tanveer], décision dans laquelle le juge Zinn a conclu que même si certains éléments de preuve ne permettent pas de prouver de façon concluante qu’un demandeur était réellement présent au Canada, ils peuvent servir à corroborer leurs déclarations à cet égard. En l’espèce, le rapport du SIED constitue une telle preuve corroborante, il ne jette pas de doute sur la présence physique de la défenderesse au Canada, et il était à la fois raisonnable et approprié que le juge de la citoyenneté se soit fondé sur ce rapport (Tanveer, précitée, au paragraphe 11). La défenderesse soutient aussi que s’il existe des incohérences dans la preuve, celles‑ci ne sont pas pertinentes et peuvent facilement être expliquées.

 

Les motifs

[29]           Selon moi, pour les motifs énoncés ci‑dessous, la décision du juge de la citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté de la défenderesse était raisonnable et le présent appel doit être rejeté.

 

i) Les critères de résidence

[30]           Le juge de la citoyenneté n’avait pas l’obligation d’appliquer expressément l’un des critères de résidence. Aux paragraphes 11 à 13 de la décision Hannoush, précitée, le juge Harrington a souligné la jurisprudence précédente de la Cour eu égard au fait que le juge de la citoyenneté doit énoncer le critère qu’il a appliqué. Toutefois, faisant référence à l’arrêt plus récent de la Cour suprême du Canada Newfoundland Nurses, à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale SRI Homes Inc c Sa Majesté la Reine, 2012 CAF 208, [2012] ACF no 1000 [SRI Homes], ainsi qu’aux décisions de la Cour fédérale Elzubair, Salim, et Imran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 756, [2012] ACF no 994, le juge Harrington a conclu ainsi au paragraphe 13 :

[…] il est raisonnable de conclure, s’il ressort du dossier que le demandeur prétend avoir été présent au Canada pendant au moins 1 095 jours et qu’aucune analyse n’a pris en compte le fait que le cœur du demandeur était ici alors qu’il se trouvait physiquement ailleurs, que le critère de la présence physique – le plus exigeant – a été appliqué. Il a été décidé à un certain nombre de reprises qu’une fois qu’il est établi que le demandeur a été présent au Canada pendant 1 095 jours il n’est pas nécessaire de considérer les autres critères.

 

[31]           Voir aussi la décision de la Cour El Bousserghini, précitée, au paragraphe 17, dans laquelle le juge Harrington a décidé que : « Bien qu’il est possible d’analyser les conditions de résidence à la lumière de Re Koo, cette analyse prend fin lorsqu’un demandeur est présent au Canada pendant 1 095 jours ».

 

[32]           Ce raisonnement est aussi conforme au libellé de l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté, lequel énonce que : « Le ministre attribue la citoyenneté » à toute personne qui satisfait aux critères requis. Une simple lecture de la Loi sur la citoyenneté donne à penser que si une conclusion a été tirée selon laquelle une personne satisfait aux exigences de citoyenneté en application de l’alinéa 5(1)c), alors il n’y a pas de raison de lui appliquer un autre « critère » élaboré par les tribunaux.

 

[33]           En l’espèce, il n’y a pas eu d’analyse qualitative de l’attachement de la défenderesse au Canada. Lorsqu’il a conclu que la défenderesse satisfaisait aux exigences de résidence en application de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, le juge de la citoyenneté a plutôt déclaré qu’il s’était fondé sur les éléments de preuve documentaire et orale et [traduction] « principalement sur la force probante du rapport du SIED ne faisant état d’aucune entrée au Canada » durant la période examinée. Selon moi, dans de telles circonstances, il n’était pas nécessaire que le juge aille plus loin et qu’il applique l’un des critères de résidence élaborés par les tribunaux, et même si cela avait été nécessaire, on peut raisonnablement inférer qu’il a appliqué le critère de la présence physique.

 

ii) La suffisance des motifs

[34]           Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté a déclaré qu’ : [traduction] « après avoir minutieusement examiné toute la preuve documentaire, ainsi que de la preuve orale présentée à l’audience », il était [traduction] « convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse satisfai[sai]t aux exigences de l’alinéa 5(1)c) » de la Loi sur la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté a aussi écrit qu’il fondait sa décision [traduction] « principalement sur la force probante du rapport du SIED ne faisant état d’aucune entrée au Canada durant la période examinée ». Mises ensemble, l’étendue et la nature d’une telle preuve l’ont convaincu que la défenderesse satisfaisait aux exigences de résidence.

 

[35]           Le fait que les motifs du juge de la citoyenneté sont peu détaillés ne permet pas de contester la décision. En d’autres termes, comme cela ressort du paragraphe 16 de l’arrêt Newfoundland Nurses, précité, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir, s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. Autrement dit, lorsque les motifs sont requis, ils doivent dans le contexte du dossier démontrer pourquoi le juge en a décidé ainsi (SRI Homes, et El Bousserghini).

 

[36]           Ainsi, la présente espèce doit être distinguée de l’affaire Hannoush, dans laquelle l’appel interjeté par le ministre contre la décision du juge de la citoyenneté a été accueilli parce que le juge de la citoyenneté n’avait pas motivé sa décision (au paragraphe 15); de l’affaire Elzubair parce que le juge de la citoyenneté avait « carrément omis d’expliquer comment il était arrivé à sa conclusion à propos de la présence physique de la défenderesse au Canada » (au paragraphe 16); et de l’affaire Salim dans laquelle les « motifs […] étaient loin d’être clairs » et ne permettaient pas au ministre de connaître le fondement de la décision rendue (au paragraphe 23).

 

[37]           Bien qu’ils soient brefs, les motifs du juge de la citoyenneté dans la présente espèce expliquent le bien‑fondé de sa décision. Il n’était pas obligé d’énoncer dans ses motifs l’ensemble de l’analyse sous‑jacente à sa décision; il était seulement obligé de fournir des motifs suffisants permettant à la Cour, chargée du contrôle, de comprendre pourquoi il était arrivé à cette décision et d’apprécier le caractère raisonnable de celle‑ci.

 

[38]           En l’espèce, il appert que le rapport du SIED a formé la base principale de la décision. Le demandeur affirme qu’à lui seul, le rapport du SIED n’établit pas la résidence de la défenderesse durant la période pertinente de quatre ans. Bien que cela puisse être exact, au moins le rapport corrobore la déclaration de la défenderesse selon laquelle elle n’a pas quitté le Canada durant la période pertinente. En outre, il ne jette de doute sur aucun des éléments de preuve ou aucune des déclarations de la défenderesse (Tanveer, précitée, au paragraphe 11). Comme la Cour l’a déclaré au paragraphe 19 de El Bousserghini, précitée, la Loi sur la citoyenneté « n’exige pas une corroboration. Il en revient au décideur initial, en tenant compte du contexte, de déterminer l’étendue et la nature de la preuve requise ».

 

[39]           À cet égard, le demandeur affirme que le juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte ou a omis d’analyser les lacunes apparentes de la preuve en ce qui a trait à la présence de la défenderesse au Canada, c.‑à‑d. l’étendue et la nature de la preuve requise, et que, parce qu’aucune explication relative à la façon dont il a traité cette preuve n’a été fournie, la décision était déraisonnable.

 

[40]           Les lacunes prétendues des éléments de preuve présentés par la défenderesse et décrites par le demandeur sont les suivantes :

-          Elle a omis de fournir des pièces d’identité adéquates, en particulier des pièces d’identité avec photo, car elle a seulement fourni son ancien passeport de Trinité‑et‑Tobago, qui avait expiré en 1985;

 

-          La signature sur son passeport est différente de celle sur sa demande de citoyenneté;

 

-            Elle a obtenu sa carte Santé et son permis de conduire avec photo seulement en juillet 2011, c.‑à‑d. après la période de résidence pertinente, soit du 8 mai 2006 au 8 mai 2010 (à cet égard, je relève que bien que le demandeur fasse référence à un permis de conduire délivré à la défenderesse par la province de l’Ontario, ce qui a réellement été délivré c’est une carte d’identité avec photo);

 

-          L’ensemble de sa preuve n’était pas cohérent. Par exemple :

o   Elle dit être allée à des cliniques, mais il n’y avait aucune inscription prouvant que ces visites ont eu lieu dans le sommaire fourni par l’Assurance‑santé de l’Ontario (OHIP);

o   Elle a déclaré qu’elle prenait le transport en commun, mais elle n’a fourni aucune preuve d’un laissez‑passer mensuel;

o   Elle a déclaré qu’elle travaillait pendant des périodes où elle aurait été enceinte ou bien en train d’accoucher;

 

-          Ses avis de cotisation de 2006 à 2008 ne montrent aucun revenu;

 

-          Son nom n’apparaît pas sur certaines des factures fournies, ou les factures sont postérieures à la période de résidence pertinente.

 

[41]           Il convient de souligner que dans la lettre qu’elle a jointe à sa demande de citoyenneté du 8 mai 2010, la défenderesse a expliqué pourquoi elle n’avait pas été en mesure de fournir de pièces d’identité avec photo à ce moment‑là, elle était une mère au foyer qui n’avait pas quitté le Canada pendant de nombreuses années, et elle n’avait pas besoin d’avoir de telles pièces d’identité. La feuille de transmission du dossier préparée par l’agente de citoyenneté qui a interviewé la défenderesse le 7 juillet 2011 indique que l’agente lui a demandé pourquoi elle présentait une demande de citoyenneté maintenant. La réponse de la défenderesse a été la suivante : [traduction] « pas d’argent, pas d’intention de voyager donc pas besoin de pièce d’identité avec photo. Maintenant, pourrais vouloir voyager ». À la suite de cette entrevue, l’agente de citoyenneté a encore une fois demandé à la défenderesse de fournir deux pièces d’identité valides de la province, l’une avec photo telle qu’un permis de conduire de l’Ontario valide et une carte Santé de l’Ontario. L’agente a aussi demandé à la défenderesse de fournir [traduction] « toutes les pages de tous les passeports […] (qu’il s’agisse de passeports valides, expirés ou annulés) » de 2006 à ce jour.

 

[42]           Pour répondre à cette demande, la défenderesse a obtenu et fourni une carte‑photo de l’Ontario et une nouvelle carte Santé de l’Ontario. Il est vrai que ces documents ont été délivrés après la période de résidence pertinente, toutefois, ces documents visaient principalement à établir l’identité de la défenderesse et non pas sa résidence. En outre, il ne peut être reproché à la défenderesse d’avoir fourni un passeport expiré, comme on le lui avait demandé, mais de ne pas en avoir obtenu un nouveau. En ce qui a trait à la différence entre la signature de la défenderesse lorsqu’elle avait 19 ans, dans son passeport de 1975, et sa signature à 56 ans, dans sa demande de citoyenneté, il n’est pas surprenant de constater que sur une période de 35 ans la signature de la défenderesse ait changé. Il convient aussi de relever que la décision révèle que la défenderesse a réussi aux entrevues tant de la GRC que du SCRS.

 

[43]           Dans la lettre qu’il a rédigée le 10 février 2012, après qu’il eut rencontré la défenderesse et demandé des documents supplémentaires, le juge de la citoyenneté a écrit ce qui suit : [traduction] « pour que les renseignements relatifs à votre résidence puissent être appréciés », vous devez envoyer votre dossier du SIED, un enregistrement des sorties ou des entrées de Trinité « OU » une lettre confirmant qu’aucun autre passeport ne vous a été délivré. La défenderesse a fourni le rapport du SIED. Même si on admet que la demande était quelque peu ambiguë (en raison de l’endroit où le mot « OU » se trouvait sur la page), et qu’en fait le juge de la citoyenneté demandait à la défenderesse de fournir d’autres documents, c’est le juge de la citoyenneté qui a fait cette demande de renseignements, et qui a décidé que le rapport du SIED était une preuve adéquate pour l’établissement de la résidence de la défenderesse au Canada.

 

[44]           En ce qui a trait au caractère incohérent de la preuve, le dossier dont le juge de la citoyenneté disposait contenait un courriel daté du 29 décembre 2011 rédigé par l’agente de citoyenneté qui avait interviewé la défenderesse le 7 juillet 2010 en raison du manque de documents d’identité avec photo. Dans ce courriel, l’agente déclare qu’elle renvoie la défenderesse à une audience devant un juge de la citoyenneté avec la recommandation que le juge demande d’autres documents. L’une des préoccupations énoncées par l’agente était le fait que la défenderesse [traduction] « prend le transport en commun à Toronto tous les jours, pourtant elle n’a jamais acheté de laissez‑passer de la commission du transport en commun de Toronto ». Toutefois, dans ses notes du 29 décembre 2011 contenues dans le système de soutien des opérations des bureaux locaux (le SSOBL), l’agente de citoyenneté déclare qu’elle a [traduction] « proposé que si la sujette prend le transport en commun, elle pourrait nous donner une copie de son laissez‑passer mensuel précédent avec photo; la sujette a alors répondu : « Je ne prends pas le transport en commun tous les jours, je n’ai jamais acheté aucun laissez‑passer de transport en commun ». De plus, dans les notes écrites à la main par l’agente sur la feuille de transmission du dossier relativement à la rencontre du 7 juillet 2011, l’agente a écrit : [traduction] « Ne voyage pas en transport en commun tous les jours, n’a jamais acheté de laissez‑passer pour le transport en commun ». Selon moi, étant donné ce qui précède, il n’y a pas d’incohérence dans les éléments de preuve présentés par la défenderesse sur cet aspect, et il n’était pas déraisonnable que le juge de la citoyenneté accepte l’explication donnée précédemment par la défenderesse à l’agente de citoyenneté.

 

[45]           De façon semblable, le fait que la défenderesse n’a déclaré aucun revenu pour la période de 2006 à 2008 ne nuit pas nécessairement à sa crédibilité, en ce qui concerne son identité ou sa résidence, en particulier parce qu’elle était mère au foyer, et qu’elle n’avait aucun revenu à déclarer. Le demandeur conteste le fait que les déclarations de revenus de la défenderesse pour 2006, 2007 et 2008 sont toutes datées du 18 janvier 2010. Il n’en demeure pas moins qu’elle avait fourni ces déclarations, comme on le lui avait demandé, et qu’elles concernent la période de résidence pertinente.

 

[46]           Dans les observations que son avocat m’a présentées et dans son affidavit à l’appui, la défenderesse reconnaît que les éléments de preuve fournis concernant les dates de ses antécédents professionnels étaient erronés. Elle attribue ces erreurs à sa mémoire qui lui fait défaut, étant donné que les faits dont il est question ont eu lieu dans les années 1980 et au début des années 1990. La défenderesse reconnaît aussi qu’elle a commis une erreur dans sa déclaration, lorsqu’elle a dit qu’elle était restée au Canada depuis qu’elle y est arrivée pour la première fois, il y a 34 ans. Bien qu’elle ait signalé deux absences, il y en avait eu en réalité quatre en 1978, 1979, 1981 et 1984, lesquelles étaient de courts voyages aux États‑Unis, et deux voyages à Trinité‑et‑Tobago en novembre. Ces voyages ont eu lieu à l’extérieur de la période de résidence pertinente et cette erreur est encore une fois attribuable à l’effet de l’écoulement du temps sur la mémoire de la défenderesse. Quoi qu’il en soit, l’erreur ne mine pas le caractère raisonnable de la décision du juge de la citoyenneté qui examinait la période de résidence de mai 2006 à mai 2010.

 

[47]           En ce qui a trait au manque de dossiers médicaux de l’Assurance‑santé de l’ontario, ou au fait que le nom de la défenderesse n’apparaît pas sur certaines factures, le rôle du juge de la citoyenneté était d’établir l’étendue et la nature de la preuve requise, et d’apprécier et de soupeser cette preuve dans le contexte de l’ensemble de la demande. Le juge de la citoyenneté a été mis au courant des préoccupations de l’agente de citoyenneté; cependant, après avoir rencontré la défenderesse et avoir demandé et reçu des documents supplémentaires, le juge de la citoyenneté était convaincu que l’identité de la défenderesse n’était pas en cause.

 

[48]           Selon moi, si j’annulais la décision du juge de la citoyenneté aux motifs qu’il a accordé trop de poids au rapport du SIED, et pas assez de poids aux incohérences des éléments de preuve, je ne me conformerais pas à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Khosa, dans lequel la Cour suprême a décidé qu’elle ne croyait pas qu’il entre dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve (au paragraphe 61), et qu’une certaine déférence s’impose lorsqu’une décision particulière a été confiée à un décideur administratif (au paragraphe 25).

 

Conclusion

 

[49]           Bien que les motifs du juge de la citoyenneté aient certainement pu être plus détaillés, ce fait à lui seul n’est pas une base suffisante pour accueillir l’appel. La question consiste plutôt à savoir si les motifs du juge de la citoyenneté permettent à la Cour de comprendre la raison pour laquelle il a rendu la décision, et s’ils permettent de déterminer si sa conclusion appartient aux issues acceptables.

 

[50]           Le juge de la citoyenneté a déclaré que sur la base de son examen de la preuve documentaire et orale, en particulier le rapport du SIED, la défenderesse satisfaisait aux exigences de résidence. Ainsi, le juge de la citoyenneté a expliqué la raison pour laquelle les exigences de résidence avaient été remplies, et pourquoi la demande de citoyenneté avait été approuvée. La preuve dont il disposait en ce qui a trait à la résidence de la défenderesse durant la période pertinente était étayée par le rapport du SIED. La preuve présentée par la défenderesse à cet égard ne nécessitait pas de corroboration, et elle n’était pas contredite par quelque autre élément de preuve que ce soit. En ce qui a trait à l’identité de la défenderesse, le juge de la citoyenneté a interviewé la défenderesse et examiné les pièces d’identité qu’elle avait fournies. Étant donné ce qui précède, et compte tenu des entrevues menées par le SCRS et la GRC, il n’était pas déraisonnable d’accepter cette preuve comme étant suffisante.

 

[51]           Bien que dans la présente affaire le processus décisionnel soit étayé de justifications relativement limitées, ce processus est transparent et intelligible et, sur la base du dossier dont il disposait, le juge de la citoyenneté a rendu une décision qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Pour ce motif, l’appel en matière de citoyenneté sera rejeté.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification et aucune n’est soulevée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              T-1413-12

 

INTITULÉ :                                            MCI

c

SUSAN CECILIA LEE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 28 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  La juge Strickland

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                           Le 14 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Margerita Braccio

 

POUR LE DEMANDEUR

Norris Ormstein

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Bellissimo Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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