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Date : 20130318

Dossier : T-882-12

Référence : 2013 CF 282

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2013

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

ASHOK GHOSH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel fondé sur l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (la Loi), qui vise la décision datée du 15 mars 2012, par laquelle le juge de la citoyenneté Thanh Hai Ngo (le juge de la citoyenneté) a rejeté la demande de citoyenneté canadienne présentée par le demandeur, au motif qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Le demandeur sollicite l’annulation de la décision de lui refuser la citoyenneté canadienne et le renvoi de l’affaire à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle décision.

 

Le contexte

[2]                Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 57 ans. Il était devenu résident permanent du Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le 9 mars 2004, lorsqu’il avait déménagé au Canada avec son épouse et leurs deux fils et qu’il s’était établi à Toronto, en Ontario.

 

[3]               En 2007, le demandeur s’était fait offrir un emploi de gestionnaire de projet chez Cowater International Inc. (Cowater), une entreprise canadienne d’experts‑conseils en gestion qui est spécialisée dans le domaine du développement international. Le demandeur avait commencé à travailler au siège social de Cowater à Ottawa le 1er mai 2007. Sa famille s’était installée de manière permanente à Ottawa en mars 2008; ils y avaient alors acheté une maison, et leurs enfants avaient été transférés dans des écoles de la région. Ils vivent à Ottawa depuis ce temps.

 

[4]               Le demandeur a été affecté à des projets sur des chantiers à l’étranger pendant de longues périodes dans le cadre de ses fonctions chez Cowater. Il a été promu au poste de directeur de projet peu après avoir joint Cowater et il occupe actuellement le poste de directeur principal de projet. Il allègue que, dans ces postes qu’il a occupés successivement, il devait être présent sur divers chantiers partout dans le monde et se rendre régulièrement dans des pays comme le Bangladesh, l’Ouganda, le Rwanda, le Nigeria et le Bhoutan. Les voyages professionnels du demandeur étaient d’une durée de deux à huit semaines. Lorsqu’il n’est pas contraint de travailler sur des projets à l’étranger, le demandeur travaille au siège social de Cowater à Ottawa, ce qui lui permet d’être avec sa famille.

 

[5]               Le demandeur allègue que les membres de sa famille et lui résident au Canada. Il produit ses déclarations de revenus au Canada tous les ans et il n’est pas établi dans un autre pays que le Canada.

 

[6]               Le 10 septembre 2010, le demandeur et sa famille ont demandé la citoyenneté canadienne. Le 6 octobre 2011, l’épouse du demandeur a été convoquée pour une entrevue, alors que le demandeur a dû remplir un questionnaire sur la résidence. On lui a demandé de fournir des éléments de preuve corroborant le fait qu’il résidait au Canada pendant la période allant de septembre 2006 à septembre 2010. Le dossier du demandeur a été renvoyé au juge de la citoyenneté, en raison de doutes concernant la durée de ses absences du Canada.

 

[7]               La demande de citoyenneté du demandeur a été instruite le 6 mars 2012 et elle a été rejetée le 15 mars 2012. Le juge de la citoyenneté, qui a appliqué le critère de la présence physique au Canada élaboré par le juge Muldoon dans Pourghasemi (Re), [1993] ACF no 232, 62 FTR 122 (Pourghasemi), a relevé que la preuve documentaire du demandeur faisait état de 109 jours d’absence en 2006 (Ouganda), de 228 jours d’absence en 2007 (Ouganda), de 216 jours d’absence en 2008 (Ouganda, Bangladesh, Inde et Sri Lanka), et de 165 jours d’absence en 2010 (Rwanda, Inde et Bangladesh). Il a donc conclu que le demandeur n’avait pas accumulé 1 095 jours de présence physique au Canada pendant les quatre années qui ont précédé la date de sa demande et qu’il ne répondait pas aux exigences en matière de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.


Les dispositions législatives pertinentes

[8]               Bien que la Loi ne définisse pas les termes « résidence » et « résident », le paragraphe 5(1) prévoit qu’un demandeur doit résider au Canada pendant une certaine période avant de se voir attribuer la citoyenneté.

 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;


b
) est âgée d’au moins dix-huit ans;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur limmigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,





(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;





d
) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who


(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[9]               Comme l’a relevé le juge Rennie dans la décision Martinez-Caro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 640, [2011] ACF no 881, il est utile d’examiner le paragraphe 5(1.1) de la Loi lorsqu’on se penche sur la définition de la résidence. Ce paragraphe se lit ainsi :

 (1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l’application de l’alinéa (1)c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l’auteur d’une demande de citoyenneté a résidé avec son époux ou conjoint de fait alors que celui-ci était citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l’étranger, des forces armées canadiennes ou de l’administration publique fédérale ou de celle d’une province.

 (1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant’s spouse who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the federal public administration or the public service of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

 

 

 

 

[10]           Étant donné que l’alinéa 5(1)c) la Loi renvoie expressément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et compte tenu de la « proximité » entre la Loi et la LIPR, il serait utile de se pencher sur le libellé de l’article 28 de la LIPR, qui définit de manière plus précise l’obligation de résidence qui s’applique aux résidents permanents :

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.


(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :


a
) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :


(i) il est effectivement présent au Canada,

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,


(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,


(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;


b
) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;











c
) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) physically present in Canada,

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

[Non souligné dans l’original.]

 

La question en litige et la norme de contrôle applicable

[11]           La seule question en litige soulevée dans la présente affaire est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur en appliquant le critère de la présence physique lorsqu’il a refusé d’attribuer la citoyenneté au demandeur. En d’autres mots, le juge de la citoyenneté a-t-il bien interprété l’alinéa 5(1)c) de la Loi?

 

[12]           La jurisprudence de la Cour a reconnu trois démarches différentes concernant l’interprétation à donner au mot « résidence » dans le contexte de l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Une de ces démarches, celle adoptée par le juge de la citoyenneté dans la présente affaire, est de s’en tenir au calcul du nombre de jours pendant lesquels le demandeur a été physiquement présent au Canada (Pourghasemi, précitée). Deux approches moins contraignantes mettent l’accent sur la question de savoir si le résident permanent a fait du Canada le centre de son mode habituel de vie (Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208, 88 DLR (3d) 43, au paragraphe 17 (1e inst)), ou sur celle de savoir si le résident permanent « vit régulièrement, normalement ou habituellement » au Canada (Koo (Re), [1992] ACF no 1107, [1993] 1 CF 286 (CF 1e inst) (Re Koo)).

 

[13]           Dans Re Koo, précitée, au paragraphe 10, le juge Reed a exposé six facteurs non exhaustifs qui peuvent aider à établir si la personne satisfait à l’exigence de résidence :

La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l’on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d’existence? Il y a plusieurs questions que l’on peut poser pour rendre une telle décision :

 

1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

2) où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

 

3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote‑t‑elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu’elle n’est qu’en visite?

 

4) quelle est l’étendue des absences physiques (lorsqu’il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

5) l’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l’étranger)?

 

6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

[14]           Selon la décision Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 410, [1999] ACF no 410, au paragraphe 14, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l’une ou l’autre de ces trois écoles de pensée, pour autant qu’il applique correctement le critère qu’il a choisi. Cependant, une partie de la jurisprudence s’est éloignée de cette opinion et considère qu’il n’y a qu’un seul bon critère (à titre d’exemple, voir Burch c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1389, [2011] ACF no 1695, au paragraphe 31; El Ocla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 533, [2011] ACF no 667, aux paragraphes 10 à 18 (El Ocla); Ghaedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 85, [2011] ACF no 94, au paragraphe 6, et Martinez‑Caro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 640, [2011] ACF no 881, au paragraphe 26).

 

[15]           Le demandeur soutient, en invoquant ce courant jurisprudentiel récent, que la norme de contrôle applicable au choix du critère retenu par le juge de la citoyenneté pour apprécier la résidence aux fins de l’alinéa 5(1)c) de la Loi est la décision correcte, tandis que l’application du critère de résidence qui a choisi à la preuve devrait être examinée selon la norme de la raisonnabilité. Le défendeur convient que la question de savoir si la période de résidence exigée peut être établie uniquement en fonction de la présence physique d’une personne au Canada pendant une période minimale de 1 095 jours (ou, trois ans sur quatre) est une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

 

[16]           Dans la décision El Ocla, précitée, au paragraphe 14, le juge Barnes a mentionné que « [l]’idée selon laquelle deux ou peut-être trois critères distincts pour évaluer la résidence puissent se trouver dans l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté implique l’adoption implicite de la norme de la décision correcte. Cette adhésion découle de la reconnaissance du fait qu’il y a un nombre limité d’interprétations possibles qui s’offrent au juge de citoyenneté et que d’autres interprétations raisonnables ne sont pas possibles ». Fait particulièrement important en l’espèce, le juge Barnes a conclu que les décisions des juges de la citoyenneté qui sont fondées uniquement sur le critère de résidence de la présence physique et qui ne tiennent pas compte des éléments d’analyse qualitative suivant les facteurs de la décision Re Koo devraient commander un degré de retenue moins élevé et qu’elles devraient être examinées selon la norme de la décision correcte.

 

[17]           Le juge Barnes, en renvoyant a un certain nombre de décisions qui appuient la thèse selon laquelle le choix du critère pour déterminer la résidence doit être examiné selon la norme de la raisonnabilité, y compris Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Takla, 2009 CF 1120, [2009] ACF no 1371, a énoncé ce qui suit :

 

[11] […] En effet, dans une grande partie de la jurisprudence de la Cour, les appels de cette nature ont été des contestations de l’application par le juge de citoyenneté du critère qualitatif prédominant dans l’évaluation de la résidence décrit dans la décision Koo (Re), précitée. En d’autres mots, l’aspect préoccupant était l’application de facteurs tirés de la décision Koo (Re) à la preuve.

 

[12] La jurisprudence précitée et les décisions semblables sont selon moi différentes des affaires, telle que l’espèce, qui concerne le choix par un juge de citoyenneté du critère de présence physique pour évaluer la résidence au détriment des facteurs issus de la décision Koo (Re). La question de savoir si cela constitue un critère approprié pour déterminer la résidence en conformité avec l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté est une question de droit préliminaire qui peut et doit être isolée de son contexte factuel. […]



[18]           Compte tenu du fait que, dans l’affaire dont je suis saisie, le juge de la citoyenneté a décidé de ne pas tenir compte des circonstances du demandeur, ni de la qualité de son établissement au Canada, et que le défendeur n’a pas sérieusement mis en doute cette position, j’appliquerai la norme de la décision correcte à la question soulevée par le demandeur.

 

[19]           Pour les motifs qui suivent, je suis venue à la conclusion que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée, puisque la décision contestée et la manière dont le juge de la citoyenneté a interprété l’alinéa 5(1)c) de la Loi sont bien fondées en droit.

 

Analyse

[20]           Des courants jurisprudentiels divergents se sont développés au sujet du critère applicable à l’exigence de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Cette diversité découle sûrement du fait que le terme « résidé » (« resident » dans la version anglaise de la Loi) au sens du paragraphe 5(1)c) de la Loi n’est pas défini. Devrait‑on l’interpréter comme signifiant « présent au Canada » (ou « physically present in Canada »), au sens où l’emploie le législateur au sous‑alinéa 28(2)a)(i) de la LIPR, ou devrait-on lui donner une interprétation plus large, comme l’a fait la Cour dans les décisions Papadogiorgakis et Re Koo?

 

[21]           Lorsqu’on compare le libellé de l’alinéa 5(1)c) de la Loi avec celui de l’alinéa 28(2)a) de la LIPR, on pourrait être tenté de tirer la conclusion que, puisque le législateur a employé deux expressions différentes (« résidé » et « présent au Canada ») dans deux textes législatifs liés, elles doivent avoir pour objet de répondre à des situations différentes. Cependant, une lecture intégrale des conditions pour garder la résidence permanente, qui sont exposées à l’article 28 de la LIPR, et des conditions pour qu’un résident permanent obtienne la citoyenneté, qui sont exposées à l’article 5 de la Loi, conjointement avec leurs exceptions respectives (énoncées aux sous-alinéas 28(2)a)(ii) à (v) de la LIPR et au paragraphe 5(1.1) de la Loi), me conduit à la conclusion opposée.

 

[22]           Pour garder son statut de résident permanent, une personne doit être effectivement présente au Canada deux ans pendant la période de référence quinquennale. Cette personne gardera sa résidence permanente si elle accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux; si elle travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, ou si elle accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale. Le sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR vise explicitement la situation du demandeur; il garderait sa résidence permanente, peu importe le nombre de jours qu’il passe à travailler à l’étranger pour une société canadienne pendant une période de référence donnée.

 

 

[23]           Pour obtenir la citoyenneté canadienne, un résident permanent doit résider au Canada trois ans pendant la période de référence de quatre (4) ans. Cependant, cette personne sera réputée résider au Canada si elle réside à l’extérieur du Canada avec son époux alors que celui‑ci était citoyen et qu’il était au service, à l’étranger, des forces armées canadiennes ou de l’administration publique fédérale ou de celle d’une province du Canada. Une personne qui est au service d’une société privée canadienne ou qui réside à l’extérieur du Canada avec un citoyen canadien qui travaille pour une société privée canadienne ne réside pas au Canada pour les besoins de la Loi.

 

[24]           Bien que cela ait pu être exprimé en des termes plus clairs, je suis d’avis que, pour les besoins de l’alinéa 5(1)c) la Loi, le fait de résider au Canada nécessite une présence physique au Canada. Donner au terme « résidé » une interprétation autre que la présence physique au Canada serait non seulement susceptible d’entraîner des décisions arbitraires de la part du ministre (alors que le paragraphe 5(1) ne lui accorde pas un grand pouvoir discrétionnaire), mais rendrait aussi les conditions d’obtention de la citoyenneté canadienne moins strictes que celles qui doivent être satisfaites pour garder la résidence permanente, en plus de rendre inutile le paragraphe 5(1.1) de la Loi.

 

[25]           Je suis d’avis que l’analyse ci‑dessus milite en faveur de la thèse selon laquelle le critère quantitatif strict est celui qu’il faut appliquer : (Martinez-Caro, précitée; Sinanan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1347, [2011] ACF no 1646; Al Khoury c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 536, [2012] ACF no 534, au paragraphe 27; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Dabbous, 2012 CF 1359; [2012] ACF no 1490).

 

[26]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.         L’appel interjeté par le demandeur est rejeté, sans frais.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-882-12

 

INTITULÉ :                                      Ashok Ghosh

c

MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 22 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Gagné

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 18 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Kelly Goldthorpe

(pour le compte de Ravi Jain)

 

POUR LE DEMANDEUR

Me John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Kelly Goldthorpe

(pour le compte de Ravi Jain)

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Me John Loncar

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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