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Date : 20130312

Dossier : IMM-3693-12

Référence : 2013 CF 264

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2013

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

ABU ASIM HAMZA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Hamza (le demandeur ou M. Hamza) est un citoyen du Pakistan. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) à titre de médecin en médecine familiale. Le 27 janvier 2012, le Haut-commissariat du Canada à Londres a rejeté sa demande à l’étape de l’examen préalable parce que l’agente des visas (l’agente) a conclu que le demandeur n’avait pas fourni de documents indépendants suffisants permettant de démontrer son expérience en tant que médecin en médecine familiale ou omnipraticien.  

 

[2]               La présente demande vise à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision conformément à l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande est accueillie.

 

I.          Contexte

[3]               Le 22 juin 2009, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il a inclus son épouse et ses trois enfants dans sa demande.

 

[4]               Les conditions auxquelles doivent satisfaire les étrangers qui présentent une demande de résidence permanente à titre de travailleurs qualifiés (fédéral) sont énoncées dans la Loi et dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS\2002-227 [le Règlement]. Le paragraphe 12(2) de la Loi prévoit que la sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait « en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada ». Le paragraphe 75(1) du Règlement précise que la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie de personnes ayant la capacité de réussir leur établissement économique au Canada. Le paragraphe 75(2) du Règlement définit le travailleur qualifié comme étant une personne qui a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein dans l’une des professions énumérées de la Classification nationale des professions (CNP) au cours des 10 dernières années. Afin d’être reconnue comme travailleur qualifié, une personne doit établir que pendant cette période d’emploi, elle a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour le poste concerné dans la CNP et qu’elle a exercé une partie appréciable des fonctions principales énoncées dans la CNP, notamment toutes les fonctions essentielles (alinéas 75(2)b) et c)). La profession de « omnipraticien et médecin en médecine familiale » est décrite dans la CNP 3112.

 

[5]               Dans l’annexe 1 de son formulaire de demande, le demandeur a indiqué qu’il travaille en tant que médecin en médecine familiale dans sa clinique privée ainsi qu’au Sindh Gouvernmental Hospital, à Karachi, depuis 1988. En guise de preuve de son expérience professionnelle, il a fourni un certificat autoproclamé, attestant qu’il exerce la profession de médecin en médecine familiale à sa clinique depuis 1988 et énonçant ses principales fonctions et responsabilités. Il a également déposé une lettre, en date du 14 novembre 2009, rédigée par le Dr Imtiaz Haroon, surintendant médical du Sindh Government Hospital de Liaquatabad, à Karachi (la lettre d’emploi), attestant que le demandeur travaille au sein de l’hôpital en tant que médecin en médecine familiale depuis 1988. Le Dr Haroon y a aussi énuméré les principales responsabilités du demandeur, qui correspondent à bon nombre des tâches énumérées dans la CNP 3112. La lettre se termine par un commentaire du surintendant indiquant que le demandeur est [traduction] « très coopératif, un vaillant travailleur et un médecin dévoué ». Le surintendant a aussi indiqué que le certificat a été délivré à la demande du demandeur.

 

II.        Décision faisant l’objet du contrôle

[6]               L’agente a conclu que la demande de M. Hamza n’était pas admissible. Dans sa lettre de refus, l’agente a indiqué qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur était un omnipraticien ou un médecin en médecine familiale parce qu’il n’avait pas présenté de documents indépendants suffisants démontrant son expérience professionnelle. La lettre mentionne ce qui suit :   

[traduction] 

Vous avez indiqué que vous possédez de l’expérience dans une (des) profession(s) correspondant au(x) code(s) 3112 de la CNP (Classification nationale des professions) : Omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale.

 

Bien que le(s) code(s) de la CNP corresponde(nt) aux professions figurant dans les instructions, les principales fonctions que vous avez énumérées ne signifient pas que vous avez accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification, ou que vous avez exercé toutes les fonctions essentielles ou une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification.

 

Vous n’avez pas fourni suffisamment de pièces indépendantes permettant de démontrer votre expérience dans le code 3112 de la CNP. Je ne suis donc pas convaincue que vous êtes un omnipraticien ou un médecin en médecine familiale.

 

Puisque vous n’avez pas fourni une preuve satisfaisante attestant que vous avez de l’expérience dans l’une des professions énumérées, vous ne répondez pas aux exigences des instructions ministérielles; votre demande n’est donc pas admissible.   

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[7]               Les notes de l’agente versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), qui font partie de la décision rendue par l’agente (Taleb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 384, au paragraphe 25, 407 FTR 185), détaillent le raisonnement qui a amené l’agente à rejeter la demande de M. Hamza lors de l’examen préalable :

[traduction] 

Le demandeur a uniquement fourni deux documents pour démontrer son expérience professionnelle. L’un qu’il a lui-même préparé et l’autre que le bureau du surintendant médical a préparé en date du  14 novembre 2009 qui porte sur l’expérience depuis juin 1988 et dans laquelle les tâches reflètent la description des tâches de la CNP. Cette référence semble avoir été rédigée précisément pour cette demande; il s’agit donc d’un document intéressé. Vu qu’il n’existe aucun autre document à l’appui pour attester de son emploi à titre de médecin, la demande est donc refusée à l’étape de l’examen préalable.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

III.       Les questions à trancher

[8]               La présente demande soulève deux questions.

 

[9]               La première question a trait à l’équité procédurale : L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en ne donnant pas l’occasion au demandeur d’écarter ses préoccupations concernant la lettre d’emploi du demandeur

 

[10]           Eu égard à cette question, la Cour doit d’abord déterminer si les préoccupations de l’agente étaient liées à la crédibilité de la lettre d’emploi fournie par le demandeur, ou au manque de preuve suffisante. Deuxièmement, si la Cour est convaincue que les préoccupations de l’agente étaient liées à la véracité de la lettre d’emploi, elle doit alors déterminer si, dans les circonstances de la présente affaire, l’agente aurait dû donner la chance au demandeur de dissiper les préoccupations qu’elle avait à cet égard.

 

[11]           La deuxième question que soulève la présente demande est celle de savoir s’il était raisonnable pour l’agente de conclure, à la lumière de la preuve présentée par le demandeur, qu’il n’avait pas établi de façon satisfaisante son expérience de travail en tant que médecin en médecine familiale.

 

IV.       Les normes de contrôle

[12]           Les parties s’entendent sur les normes de contrôle à appliquer.

 

[13]           La décision de l’agente concernant les questions d’équité procédurale n’exige aucune retenue; la norme de contrôle qui s’applique à l’égard de cette première question est donc celle de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, [2006] 3 RCF 392; Zhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 155, au paragraphe 22 (disponible sur CanLII) [Zhu]; Enriquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1091, au paragraphe 6 (disponible sur CanLII) [Enriquez]; Sandhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 759, au paragraphe 23, 371 FTR 239 [Sandhu]; Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1306, au paragraphe 36, 95 Imm LR (3d) 83; Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 20, 210 ACWS (3d) 765 [Talpur]).

 

[14]           Cependant, l’analyse effectuée par l’agente de l’admissibilité du demandeur à obtenir le statut de résident permanent à titre de travailleur qualifié (fédéral) nécessite une évaluation de la preuve et l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, et la norme de contrôle qui s’applique à cette question est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick), 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190; Zhu, précitée, au paragraphe 23; Rashed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 175, au paragraphe 44 (disponible sur CanLII); Enriquez, précitée, au paragraphe 4; Ismaili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 351, au paragraphe 10 (disponible sur CanLII) [Ismaili]; Torres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 818, 2 Imm LR (4th) 57, au paragraphe 26, [Torres]). 

 

V.        Arguments des parties

A.        Les observations du demandeur

[15]           Dans ses observations écrites, le demandeur a attaqué la décision de l’agente sur divers fronts. Elles comportaient, entre autres, une allégation selon laquelle l’agente s’était fiée aveuglément et de façon déraisonnable à une liste de vérification pour rejeter le certificat du demandeur dans lequel il énumérait ses fonctions lorsqu’il travaille à sa propre clinique, car il n’a pas été corroboré par un document d’un tiers. Toutefois, à l’audience, l’avocat du demandeur m’a informée que ce dernier renonçait à cet argument et comptait uniquement sur les autres arguments présentés dans ses observations écrites reliés à la lettre d’emploi.

 

[16]           Essentiellement, le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable de ne pas accorder de poids à la lettre d’emploi du superviseur du demandeur dû au simple fait que celle-ci correspond à la description de la CNP et qu’il s’agit d’un abus de procédure de la part de l’agente.

 

[17]           De plus, le demandeur soutient que les notes versées dans le STIDI révèlent que les préoccupations soulevées par l’agente étaient liées à la crédibilité et à la véracité de la lettre d’emploi, plutôt qu’au caractère suffisant des documents qu’il a présentés. À cet égard, il souligne qu’il est normal que la lettre d’emploi ait été [traduction] « rédigée précisément pour cette demande » et qu’elle était [traduction] « intéressée », car elle a précisément été soumise pour permettre de respecter les exigences énoncées dans la liste de vérification. Il souligne aussi qu’il s’agit d’une lettre à la fois indépendante et objective, ayant été rédigée par un fonctionnaire. En outre, le demandeur soutient que les notes du STIDI indiquent clairement que l’agente ne remettait pas en question le caractère suffisant de la preuve qui a été présentée, mais plutôt sa crédibilité. Par conséquent, il soutient que l’agente aurait dû lui donner l’occasion de dissiper ses préoccupations. En omettant de le faire, l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale. Le demandeur soutient que ce principe a été reconnu par la jurisprudence et il invoque principalement les décisions suivantes : Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 571, aux paragraphes 20 à 27 (disponible sur CanLII) [Patel], et Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, aux paragraphes 23 et 24, [2007] 3 RCF 501 [Hassani]. Au cours de l’audience, l’avocat du demandeur a déclaré qu’il n’est pas sans savoir que le juge Boivin, dans Obeta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1542 (disponible sur CanLII) [Obeta], a dérogé à ce principe, mais il a maintenu qu’il y avait de grandes différences entre les circonstances dans Obeta et celles en l’espèce.

 

B.        Les observations du défendeur

[18]           Le défendeur fait valoir que la décision de l’agente est raisonnable, et que celle-ci n’a pas violé le droit du demandeur à l’équité procédurale. L’agente, soutient-il, n’a pas remis en question la crédibilité des éléments de preuve présentés par le demandeur, mais avait des réserves quant au caractère suffisant des éléments de preuve. Le défendeur fait valoir qu’une personne ne pouvait pas déduire d’après les renseignements qu’il s’agissait d’une lettre d’emploi [traduction] « intéressée », que l’agente a cru que la lettre était frauduleuse. De l’avis du défendeur, la lettre d’emploi était nettement insuffisante et aurait dû renfermer une description détaillée des tâches et des responsabilités du demandeur.

 

[19]           En outre, le défendeur soutient que la lettre ne constitue pas une preuve impartiale, car elle prône un poste donné en copiant des éléments de la CNP, au lieu de fournir une description détaillée des tâches accomplies par le demandeur. Il fait valoir qu’il était raisonnable, en les circonstances, pour l’agente d’accorder peu de poids à une lettre reproduisant simplement la CNP. En outre, le défendeur soutient qu’un agent des visas n’est pas tenu, lorsque la preuve fournie à l’appui d’une demande est insuffisante, de faire part de ses réserves au demandeur avant de rendre une décision défavorable. Il laisse entendre que les circonstances ci-dessus ne sont pas les mêmes que celles dans Patel, car il était clair dans ce cas que les préoccupations de l’agente étaient liées à l’authenticité de la preuve, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[20]           Par ailleurs, le défendeur s’appuie sur Obeta, précitée, pour établir même si la Cour estime que les préoccupations de l’agente étaient liées à la crédibilité de la lettre d’emploi, cela n’établit pas que l’agente était tenue de donner l’occasion au demandeur de dissiper ces préoccupations. Il s’est aussi appuyé sur Kamchibekov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1411 (disponible sur CanLII) [Kamchibekov].

 

VI.       Analyse

L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en ne donnant pas l’occasion au demandeur d’écarter ses préoccupations concernant la lettre d’emploi du demandeur

 

[21]           La Cour s’est penchée, maintes fois, sur la question du caractère suffisant de la preuve que les demandeurs de résidence permanente doivent fournir à l’appui de leurs demandes. Les principes énoncés ci-dessous ont été réitérés à plusieurs reprises.

 

[22]           Premièrement, il incombe clairement au demandeur ou à la demanderesse d’établir qu’il ou qu’elle répond aux exigences du Règlement en fournissant des éléments de preuve suffisants à l’appui de sa demande (El Sherbiny c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 69, au paragraphe 6 (disponible sur CanLII) [El Sherbiny]; Enriquez, précitée, au paragraphe 8; Torres, précitée, aux paragraphes 37 à 40; Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 758, au paragraphe 30 (disponible sur CanLII) [Kaur]; Oladipo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24, 166 ACWS (3d) 355; Ismaili, précitée, au paragraphe 18.

 

[23]           Deuxièmement, l’obligation d’équité procédurale dont doivent s’acquitter les agents des visas se trouve à l’extrémité inférieure du spectre (Farooq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 164, au paragraphe 10 (disponible sur CanLII) [Farooq]; Sandhu, précitée, au paragraphe 25; Trivedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 422, au paragraphe 39 (disponible sur CanLII) [Trivedi]; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, aux paragraphes 30 à 32, [2002] 2 CF 413; Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, au paragraphe 10, 288 NR 48; Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), [2001] 2 CF 297, au paragraphe 41 (disponible sur CanLII) (CA), autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 28418 (16 août 2001).

 

[24]           Troisièmement, un agent des visas est ni tenu d’aviser un demandeur ou une demanderesse des lacunes relevées dans sa demande, ni dans les documents fournis à l’appui de la demande. En outre, un agent des visas n’est pas tenu de demander des précisions ou des documents supplémentaires, ou de donner l’occasion au demandeur ou à la demanderesse de dissiper ses préoccupations, lorsque les documents présentés à l’appui d’une demande sont obscurs, incomplets ou insuffisants pour permettre de convaincre l’agent que le demandeur ou la demanderesse se conforme à toutes les exigences qui découlent du Règlement (Hassani, précitée, aux paragraphes 23 et 24; Patel, précitée, au paragraphe 21; El Sherbiny, précitée, au paragraphe 6; Sandhu, précitée, au paragraphe 25; Luongo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 618, au paragraphe 18 (disponible sur CanLII); Ismaili, précitée, au paragraphe 18; Triveldi, précitée, au paragraphe 42; Singh, précitée, au paragraphe 40; Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, au paragraphe 8, 179 ACWS (3d) 912 [Sharma]).        

 

[25]           Néanmoins, l’agent peut être tenu de donner la chance au demandeur de répondre à ses préoccupations lorsqu’il s’agit de préoccupations liées à la crédibilité, à la véracité ou à l’authenticité des documents présentés par le demandeur et non de préoccupations liées au caractère suffisant de la preuve qui a été présentée.

 

[26]           Les décisions rendues par le juge Mosley dans Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, 247 FTR 147 [Rukmangathan], et dans Hassani, précitée, sont souvent citées comme faisant autorité sur cette question. Dans Rukmangathan, le juge Mosley a énoncé le principe et ses limites :

[22]      Il est bien établi que, dans le contexte des décisions d’un agent des visas, l’équité procédurale exige que le demandeur ait la possibilité de répondre aux éléments de preuve extrinsèques sur lesquels l’agente des visas s’est fondée et qu’il soit informé des préoccupations que l’agente a à cet égard : Muliadi, précité. À mon avis, le fait que la Cour d’appel fédérale a souscrit, dans l’arrêt Muliadi, précité, aux remarques que lord Parker avait faites dans la décision In re H.K. (An Infant), [1967] 2 Q.B. 617, montre que l’obligation d’équité peut exiger que les fonctionnaires de l’Immigration informent les demandeurs des questions suscitées par leur demande, pour que ceux-ci aient la chance d’ « apaiser » leurs préoccupations, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise. D’autres décisions de la présente cour étayent cette interprétation de l’arrêt Muliadi, précité. Voir, par exemple, Fong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 705 (1re inst.), John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. n350 (1re inst.) (QL) et Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3d) 38 (C.F. 1re inst.), où il a été statué qu’à l’entrevue, l’agent des visas doit informer le demandeur de l’impression défavorable que lui donne la preuve que celui-ci a soumise.

 

[23]      Toutefois, ce principe d’équité procédurale ne va pas jusqu’à exiger que l’agent des visas fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » des lacunes que comporte sa demande : Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1091 (1re inst.) (QL), paragraphe 21, et Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1926 (1re inst.) (QL), paragraphe 23. L’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur des questions qui découlent directement des exigences de l’ancienne Loi et de son règlement d’application : Yu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 36 F.T.R. 296, Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1 et Bakhtiania c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1023 (1re inst.) (QL).

 

[27]           Deux ans plus tard, il a réitéré ce principe dans Hassani, en tenant les propos suivants :

[24]      Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci‑dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

 

 

[28]           La juge Snider a bien résumé les principes applicables dans Enriquez, précitée, et a insisté sur le fait que le demandeur doit d’abord produire une demande complète pour que l’obligation de  donner au demandeur la possibilité de répondre aux préoccupations d’un agent puisse exister :

[26]      La première obligation mentionnée par le demandeur est l’obligation de demander des éclaircissements. Lorsqu’un demandeur fait de son mieux en produisant une preuve complète, l’agent des visas a l’obligation de demander des éclaircissements s’il a des doutes au sujet de cette preuve (Sandhu, ci‑dessus, aux paragraphes 32 et 33). Cette obligation n’existe pas dans les cas où le demandeur présente simplement une preuve insuffisante, mais elle s’applique si l’agent a des doutes au sujet de la véracité de la preuve, par exemple en ce qui concerne la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des renseignements fournis (Olorunshola, ci‑dessus, aux paragraphes 32 à 35). En l’espèce, l’obligation d’obtenir des éclaircissements existait peut‑être, mais l’agente s’en est acquittée en interrogeant le demandeur au cours de l’entrevue. Il n’y a pas eu de manquement à l’équité.

 

[27]      La deuxième obligation mentionnée par le demandeur est celle de lui donner la possibilité de répondre. Lorsqu’un demandeur produit des renseignements qui, s’ils sont admis, étayent la demande, il devrait avoir la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent si celui‑ci a l’intention de rendre une décision fondée sur ces préoccupations (Kumar, ci‑dessus, aux paragraphes 30 et 31). L’équité procédurale peut exiger la tenue d’une entrevue, par exemple si un agent des visas croit que les documents du demandeur sont peut‑être frauduleux (Patel, ci‑dessus, aux paragraphes 24 à 27). […]

 

[Voir aussi Sandhu, précitée, aux paragraphes 27 à 32; Farooq, précitée, au paragraphe 12; Patel, précitée, aux paragraphes 22 à 26, Singh, précitée, aux paragraphes 41 et 42; Talpur, précitée, au paragraphe 21; Baybazarov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 665, au paragraphe 12 (disponible sur CanLII); Kumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté), 2010 CF 306, aux paragraphes 29 et 30 (disponible sur CanLII) [Kumar]; Nabin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 200, au paragraphe 8, 165 ACWS (3d) 341.]

 

[29]           En l’espèce, la première question à trancher est celle de savoir si les préoccupations de l’agente étaient liées à l’insuffisance ou à la crédibilité de la preuve présentée par le demandeur visant à déterminer son expérience professionnelle.

 

[30]           Un(e) agent(e) des visas peut avoir soulevé des préoccupations au sujet de la preuve documentaire présentée par un demandeur, même si il ou elle n’a pas tiré une conclusion de manière explicite quant à la crédibilité. Les décisions des agents des visas doivent être analysées dans leur ensemble et en tenant compte des faits particuliers de chaque cas. Ainsi que l’a déclaré le juge Mosley dans Adeoye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 680, au paragraphe 8, 216 ACWS (3d) 191: « Bien que l’agent n’ait tiré aucune conclusion de manière explicite quant à la crédibilité du demandeur, son scepticisme à l’égard de la demande et des documents à l’appui ressort clairement de la décision. » Cette règle s’applique également en l’espèce.

 

[31]           Le contexte ici est quelque peu similaire à celui dans Patel, précitée, où le demandeur a fourni un seul document en guise de preuve d’emploi dans lequel il avait largement copié les fonctions énumérées dans la CNP. Cette situation suscitait des réserves de la part de l’agente des visas. Le juge O’Keefe a conclu que les préoccupations de l’agente étaient liées à la véracité de la lettre d’emploi et que celle-ci aurait dû permettre au demandeur d’apaiser ses préoccupations. Voici les propos du  juge O’Keefe à cet égard :

[23]      Il appartient toujours au demandeur principal d’établir le bien-fondé de tous les aspects de sa demande auprès de l’agent des visas. L’agent n’est pas tenu de demander des renseignements supplémentaires lorsque la preuve du demandeur principal est insuffisante (voir Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 172 FTR 262, [1999] ACF no1198 (CF 1re inst.) (QL), au paragraphe 6).

 

[24]      Il appert clairement de l’article 75 du Règlement que l’étranger est un travailleur qualifié uniquement s’il peut prouver qu’il a accumulé au moins une année d’expérience à temps plein au cours de laquelle il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi dans la description de la CNP et une partie appréciable des fonctions principales de cette même profession.

 

[25]      En conséquence, si l’agente des visas avait craint uniquement que la lettre concernant l’expérience professionnelle ne constitue pas une preuve suffisante du fait que le demandeur principal respectait les exigences de l’article 75 du Règlement, elle n’aurait pas été tenue de le convoquer à une entrevue.

 

[26]      Cependant, l’agente souligne que, selon elle, les fonctions énoncées dans la lettre d’emploi ont été copiées directement de la description de la CNP et que les fonctions mentionnées dans la lettre concernant l’expérience professionnelle sont identiques à celles qui figurent dans la lettre d’emploi. Je conviens avec le demandeur principal que l’agente n’a pas donné suffisamment d’explications permettant de comprendre pourquoi cet aspect était problématique. À mon avis, ces préoccupations donnent à entendre que l’agente croyait que la lettre concernant l’expérience professionnelle était frauduleuse.

 

[27]      En conséquence, étant donné qu’elle estimait que la lettre était frauduleuse, l’agente aurait dû convoquer le demandeur principal à une entrevue, eu égard à la jurisprudence susmentionnée. En omettant de le faire, l’agente a privé le demandeur principal du droit à l’équité procédurale et la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

 

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[32]           Dans Talpur, précitée, l’agente des visas a aussi exprimé des préoccupations au sujet d’une attestation d’emploi qui reflétait les obligations énoncées dans la CNP. Lesdites préoccupations ont été exposées de façon explicite comme des préoccupations se rapportant à la crédibilité de la lettre, mais la demanderesse a été invitée à répondre aux préoccupations de l’agente au cours de l’entrevue. Par conséquent, la Cour a conclu que l’agente n’avait pas manqué aux principes de justice naturelle, étant donné que la demanderesse avait « bénéficié d’une occasion raisonnable de présenter ses arguments ou de démontrer l’authenticité de sa demande » (au paragraphe 22).

 

[33]           En l’espèce, le demandeur a présenté deux documents pour établir son expérience professionnelle : un certificat autoproclamé décrivant les fonctions qu’il accomplit quand il travaille au sein de sa propre clinique et une lettre d’emploi du Dr Harroon, le surintendant médical de l’hôpital. Ainsi qu’il est précisé ci-dessus, le certificat n’a pas été corroboré par un élément de preuve émanant d’un tiers, tel qu’exigé dans la liste de vérification et le demandeur a renoncé à son argument concernant ce certificat. Par conséquent, la lettre d’emploi signée par le surintendant médical de l’hôpital est la seule preuve à l’appui de l’allégation du demandeur voulant qu’il ait exercé les responsabilités et les fonctions de médecin en médecine familiale.

 

[34]           Voici la description de la CNP se rapportant aux omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale (3112) :

Les omnipraticiens et les médecins en médecine familiale diagnostiquent et traitent les maladies, les troubles physiologiques et les traumatismes de l’organisme humain. Ils sont des professionnels de la santé de première ligne et ils dispensent des soins de santé aux patients. Ils travaillent habituellement en cabinet privé, y compris les pratiques partagées, les centres hospitaliers et les cliniques. Ce groupe de base comprend les résidents qui suivent une formation d’omnipraticien ou de médecin en médecine familiale.

 

(…)

 

Fonctions principales

 

Les omnipraticiens et les médecins en médecine familiale exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

 

         examiner les patients, consigner leur historique médical, ordonner l’exécution de tests de laboratoire, de radiographies et autres épreuves diagnostiques, et consulter d’autres médecins afin d’évaluer la santé physique et psychologique des patients;

         prescrire et administrer des médicaments et des traitements;

         effectuer des interventions chirurgicales courantes ou y participer;

         dispenser des soins d’urgence;

         assurer la gestion des soins actifs;

         vacciner les patients afin de prévenir et de soigner les maladies;

         assister aux accouchements et dispenser des soins prénatals et postnatals;

         donner des conseils aux patients et à leurs familles concernant les soins de santé, y compris la promotion de la santé et la prévention des maladies et des accidents;

         fournir des conseils et un encadrement aux patients et à leur famille en ce qui a trait à une foule de questions touchant la santé et le mode de vie;

         jouer le rôle de protecteur des droits des patients;

         coordonner ou gérer les soins primaires dispensés aux patients;

         fournir aux patients les soins à long terme requis;

         superviser les services de soins à domicile;

         signaler les naissances, les décès et les cas de maladies contagieuses et les autres maladies aux autorités gouvernementales.

 

 

[35]           Voici les fonctions énumérées dans la lettre d’emploi qu’exerce le demandeur :

         prescrire et administrer des médicaments et des traitements.

         dispenser des soins d’urgence.

         vacciner les patients.

         assurer la gestion des soins actifs.

         dispenser des soins d’urgence.

         donner des conseils aux patients et à leurs familles concernant les soins de santé, y compris la promotion de la santé et la prévention des maladies et des accidents.

         examiner les patients, consigner leur historique médical, ordonner l’exécution de tests de laboratoire, de radiographies et autres épreuves diagnostiques, et consulter d’autres médecins afin d’évaluer la santé physique et psychologique des patients.

 

[36]           Il vaut la peine de citer de nouveau les notes de l’agente versées dans le STIDI :

[traduction] 

Le demandeur a uniquement fourni deux documents pour démontrer son expérience professionnelle. L’un qu’il a lui-même préparé et l’autre que le bureau du surintendant médical a préparé en date du 14 novembre 2009 qui porte sur l’expérience depuis juin 1988 et dans laquelle les tâches reflètent la description des tâches de la CNP. Cette référence semble avoir été rédigée précisément pour cette demande; il s’agit donc d’un document intéressé. Vu qu’il n’existe aucun autre document à l’appui pour attester de son emploi à titre de médecin, la demande est donc refusée à l’étape de l’examen préalable.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[37]           Il ne fait aucun doute que la lettre de recommandation dresse la liste des fonctions exercées par le demandeur de manière identique à bon nombre de celles énoncées dans la CNP 3112. Toutefois, il ressort également de la lettre que le surintendant médical atteste que le demandeur exerce ces fonctions.

 

[38]           Il est, à mon avis, difficile de conclure que les préoccupations de l’agente ne se rapportaient pas à la crédibilité de la lettre d’emploi. Le raisonnement qu’elle a fait me semble être le suivant : (1) la lettre reflète la description de la CNP, (2) la lettre semble avoir été préparée pour les besoins de la demande du demandeur, et vu qu’elle reflète donc aussi la description de la CNP, il s’agit d’une lettre intéressée. À mon avis, en déclarant que la lettre d’emploi est de nature intéressée, l’agente affirme qu’elle doute de la véracité de son contenu. Je ne vois pas une autre interprétation à donner à cette conclusion si ce n’est qu’il s’agit d’une lettre intéressée au vu des faits en l’espèce.

 

[39]           Dans la lettre d’emploi, le surintendant médical a clairement indiqué que le demandeur travaille au sein du Government Hospital de Karachi en tant que médecin en médecine familiale, et qu’il exerce les fonctions énumérées dans la lettre. En affirmant qu’il s’agit d’une lettre intéressée et en tirant une conclusion qu’il s’agit d’une preuve insuffisante pour établir l’expérience de travail du demandeur en l’absence d’autres documents justificatifs, l’agente remet en question l’indépendance du Dr Haroon de même que la véracité des fonctions qu’il soutient que le demandeur exerce. Si l’agente avait été convaincue que les fonctions énumérées dans la lettre d’emploi étaient celles qu’exerçait véritablement le demandeur, elle n’aurait alors eu aucune raison de conclure que cette preuve est insuffisante, vu que ces fonctions correspondent aux fonctions principales énoncées dans la CNP. Aucune règle n’exige que le demandeur fournisse plus d’une lettre d’emploi pour établir une expérience professionnelle suffisante. Une demande peut être considérée comme étant complète, même si une seule lettre d’emploi atteste de l’expérience professionnelle, pourvu que ladite lettre énumère avec précision une liste complète des principales fonctions exercées par le demandeur. Je ne peux affirmer que l’agente s’est demandé à tort si la lettre d’emploi reflète fidèlement les fonctions et les responsabilités du demandeur. Cependant, à mon avis, elle aurait dû donner l’occasion au demandeur de répondre à ses préoccupations avant de rendre sa décision

 

[40]           La présente affaire diffère de celle dans Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 442 (disponible sur CanLII), dans laquelle il n’y avait aucune information dans la lettre de l’employeur concernant les fonctions exercées par la demanderesse si ce n’est qu’elle « était une bonne travailleuse et avait appris à cuisiner plusieurs types de repas indiens » (au paragraphe 3). Dans ce cas, la Cour a conclu que les documents fournis par la demanderesse à l’appui de sa demande étaient insuffisants et que l’agent des visas, à la lumière de cette preuve insuffisante, n’était pas tenu de l’informer de l’insuffisance de ses documents. En l’espèce, les fonctions exercées par le demandeur sont énumérées dans la lettre d’emploi.

 

[41]           Dans Kamchibekov, précitée, le juge Pinard a conclu que l’agent des visas n’était pas tenu d’inviter le demandeur à dissiper les doutes qu’il avait parce que la lettre d’emploi reflétait les fonctions énoncées dans la CNP. Le juge Pinard estimait que les éléments de preuve fournis par le demandeur étaient ambigus et insuffisants. Il faut garder à l’esprit que chaque cas est tributaire des faits. Dans Kamchibekov, le demandeur avait présenté une demande dans la catégorie d’emploi « directeurs / directrices de la restauration et des services alimentaires ». La description de la CNP correspondant à ce poste énumérait des fonctions très générales qui étaient reprises dans la lettre d’emploi. En outre, la lettre de l’agent ne renfermait aucune indication voulant que ses préoccupations soient liées à la véracité de la lettre; la décision expliquait simplement que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants de son expérience professionnelle. En l’espèce, l’agente n’a pas estimé satisfaisante la lettre d’emploi parce qu’il s’agissait, à ses yeux, d’une lettre intéressée et les fonctions qui y étaient décrites reprenaient la description de la CNP.

 

[42]           Il faut aussi faire une distinction entre la présente affaire et Obeta, précitée. Dans cette affaire, la Cour a conclu que l’agent n’avait aucune obligation absolue de donner au demandeur une possibilité de répondre à des doutes sur la crédibilité lorsque la demande est à première vue dénuée de crédibilité parce que la lettre de l’employeur était vraisemblablement un faux document fabriqué. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Il n’est pas possible d’affirmer que la lettre d’emploi est, à première vue, fabriquée ou est exempte autrement de toute crédibilité.   

 

[43]           Par conséquent, pour les motifs exposés ci-dessus, j’estime que l’agente avait l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’écarter les doutes qu’elle avait et que, en omettant de le faire, elle a violé le droit du demandeur à l’équité procédurale.

 

[44]           Cette conclusion suffit à trancher la demande, et je ne suis pas tenue de déterminer si la décision de l’agente est raisonnable.

 

[45]           Les parties n’ont pas proposé de questions à certifier, et la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agente est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen (audience de novo) par un agent différent des visas.  

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3693-12

 

INTITULÉ :                                      ABU ASIM HAMZA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 30 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE BÉDARD

 

DATE DU JUGEMENT :               Le 12 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-François Bertrand

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Thomas Cormie

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers

Avocats Ins.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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