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Date : 20130308

Dossier : IMM-3870-12

Référence : 2013 CF 254

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

NORBERT GULYAS, VIKTORIA GLONCZI, KATALIN NAGY,

NORBERT GULYAS (MINEUR)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]         La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision datée du 26 mai 2012 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande présentée par les demandeurs en vue de se faire reconnaître la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

LE CONTEXTE

[2]         En l’espèce, les demandeurs sont Norbert Gulyas (le demandeur), Katalin Nagy (sa conjointe de fait), Norbert Gulyas fils (leur fils mineur) et Viktoria Glonczi (la sœur du demandeur, ci‑après la demanderesse). Les demandeurs sont des Roms et ils sont citoyens de la Hongrie.

 

Le demandeur

[3]         Le demandeur a raconté que lui et les membres de sa famille étaient victimes de discrimination et étaient maltraités sans relâche en Hongrie en raison de leur origine ethnique rom. Alors que sa femme était enceinte, il lui arrivait d’aller chez son médecin en compagnie de sa mère, qui a la peau plus foncée et dont l’origine rom est plus apparente. Dans ces cas-là, on les faisait attendre jusqu’à la fin de la journée avant de rencontrer le médecin. Comme cette situation se répétait souvent, le demandeur a décidé d’en parler au médecin, qui lui a répondu de se taire s’il voulait que sa femme reçoive de bons soins. Alors que sa femme était enceinte de cinq mois, ils ont appris que la grossesse présentait certaines complications. Après s’être renseignés, les demandeurs se sont fait dire par les médecins et les infirmières que les Tsiganes avaient toujours des problèmes et on leur a dit de cesser de poser des questions. Le médecin lui a demandé pourquoi sa femme continuait à se présenter à ses rendez-vous, ajoutant que les Tsiganes n’étaient pas instruits et étaient malpropres. Le demandeur voulait changer de médecin, mais il n’y avait pas d’autre hôpital à proximité. Il a essayé de se plaindre au directeur de l’hôpital, mais on lui a répondu que les Tsiganes étaient responsables de ce genre de problème et que s’il tentait de se plaindre à la police, personne ne le croirait.

 

[4]         Le demandeur et sa femme ont dû attendre trois mois pour rencontrer un médecin au sujet des problèmes de santé de leur fils. Ils ont dû encore une fois attendre jusqu’à la fin de la journée et leur fils pleurait. Un médecin a secoué leur fils pour qu’il cesse de pleurer. La conjointe du demandeur est intervenue pour aider son fils et le médecin l’a repoussée. Le demandeur et sa femme ont porté plainte à la police. La police les a interrogés, de même que le médecin. Elle a ensuite dit au demandeur et à sa conjointe qu’ils avaient le choix de partir sans faire d’histoire ou de risquer d’aller en prison et de voir leur fils placer dans une famille d’accueil. Le demandeur a déclaré qu’on n’avait pas le droit de le traiter ainsi; un agent l’a frappé avec sa matraque et il est tombé au sol. L’agent a jeté les pièces d’identité du demandeur par terre et a déclaré qu’il savait tout au sujet de leur vie.

 

[5]         Après ces incidents, le demandeur s’est fréquemment fait arrêter par le même policier et par d’autres agents. La plupart des fois où il s’est fait arrêter, il s’est fait agresser. Ce même agent lui a dit qu’il devrait quitter la Hongrie. Le demandeur a communiqué avec divers avocats pour obtenir de l’aide, mais on lui a dit qu’on ne pouvait rien faire pour lui. Le demandeur et les membres de sa famille se sont enfuis pour le Canada, craignant pour leur sécurité.

 

La demanderesse

[6]         La demanderesse a été victime de discrimination et de harcèlement pendant toute sa jeunesse comme Rom en Hongrie. Alors qu’elle était en sixième année, un groupe d’élèves a enfoncé la tête dans une toilette remplie d’urine. Les enfants n’ont jamais été punis pour ce geste. Plus récemment, alors qu’elle travaillait comme serveuse dans un restaurant, un homme lui a jeté son plat et lui a craché dessus en lui disant qu’il préférait mourir plutôt que de manger des aliments servis par une Tsigane.

 

[7]         La demanderesse a commencé à fréquenter un Hongrois de souche en 2006. En octobre 2008, elle a été agressée par quatre skinheads, qui lui ont enfoncé la tête dans une flaque de boue et qui lui ont donné des coups de pied et des coups de poing. Elle a perdu connaissance et s’est réveillée seule dans un parc. Elle a expliqué à son conjoint ce qui lui était arrivé, mais ce dernier lui a dit de ne pas se donner la peine de signaler l’incident à la police parce que cela ne servirait à rien.

 

[8]         Vers la fin de 2008, le conjoint de la demanderesse a commencé à changer d’attitude envers elle. Elle venait tout juste de rencontrer les parents de ce dernier, et ceux-ci l’ont à la maltraiter et ont refusé de la laisser manger à la table avec eux. En février 2009, le conjoint de la demanderesse est devenu violent envers elle. Il l’insultait, la menaçait et lui disait qu’elle était son esclave. La demanderesse l’a confronté et il a réagi violemment. Il a menacé de la tuer si elle tentait de le quitter.

 

[9]         En mai 2009, la demanderesse a découvert que son conjoint avait joint les rangs de la Garde hongroise, une organisation qui fait preuve de racisme envers les Roms. Il s’est mis très en colère contre elle et a appelé la police. Les policiers se sont présentés, mais ont refusé d’intervenir. Plus tard au cours du même mois, des membres de la Garde hongroise ont commencé à venir chez la demanderesse. Ils l’ont insultée, l’ont humiliée et l’ont traitée comme leur esclave.

 

[10]     La demanderesse a déménagé en août 2009, mais son ancien conjoint a continué à la pourchasser et à la menacer jusqu’en septembre 2009. À une occasion, il l’a attendue à la sortie de son travail et lui a donné un coup de poing à l’estomac. Il l’a prévenue qu’il était inutile d’essayer de s’enfuir parce qu’il la retrouverait. Une autre fois, il l’a forcée à descendre de l’autobus et l’a suivie jusqu’à son nouvel appartement. Il a commencé à l’agresser. Elle a appelé la police. À l’arrivée des policiers, elle leur a dit que son ancien conjoint était entré de force chez elle et l’avait menacée de mort. Les policiers l’ont sorti à l’extérieur, mais ont souri et sont partis lorsqu’il a scandé un slogan de la Garde hongroise.

 

[11]     À partir de ce moment‑là, la demanderesse a demandé à son employeur de la raccompagner jusque chez elle. Elle voyait souvent son ancien conjoint qui l’attendait à la sortie. Son employeur attendait à l’extérieur jusqu’à ce qu’il quitte. La demanderesse a décidé qu’elle ne pouvait continuer à vivre ainsi et a décidé de quitter le pays.

 

[12]     Les demandeurs se sont enfuis au Canada le 4 novembre 2009. Ils ont demandé l’asile le même jour.

 

LA DÉCISION CONTRÔLÉE

[13]     Les questions déterminantes soulevées par la demande des demandeurs sont de savoir si leur crainte était raisonnable objectivement, s’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable en Hongrie, s’il existait une protection adéquate de l’État en Hongrie et s’ils avaient pris toutes les mesures raisonnables pour se prévaloir de cette protection.

 

La possibilité de refuge intérieur

[14]     La SPR a déclaré que les demandeurs pouvaient compter sur une PRI en Hongrie si, selon la prépondérance des probabilités, il n’existait pas une possibilité sérieuse que les demandeurs soient exposés à un risque d’être persécutés ou que leur vie soit menacée dans la partie du pays où il existait une PRI et qu’il ne serait pas déraisonnable que les demandeurs y cherchent refuge.

 

[15]     La demande d’asile présenté par le demandeur reposait sur les mauvais traitements que lui avaient infligés un policier et ses acolytes par suite de la plainte que le demandeur avait formulée contre le médecin. La SPR a demandé au demandeur s’il pouvait aller vivre à Debrecen pour éviter cette forme de persécution. Le demandeur a répondu qu’il ne pouvait y habiter parce que le racisme était largement répandu partout en Hongrie. La SPR a déclaré qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté pour établir que l’agent qui avait harcelé le demandeur serait porté à le faire également à Debrecen.

 

[16]     La SPR a conclu que, vu ce qui précède, le demandeur pouvait se réinstaller à Debrecen sans y être poursuivi par les policiers. La SPR a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable de la part du demandeur d’y déménager, ajoutant que son affirmation selon laquelle le racisme existait partout en Hongrie allait être examinée dans le cadre de son analyse de la protection de l’État.

 

[17]     La demanderesse a expliqué que son ancien conjoint chercherait encore à la retrouver pour la persécuter et que, si elle devait retourner en Hongrie, il finirait par la retrouver. La SPR lui a demandé à quand remontait son dernier contact avec son ancien conjoint; elle a répondu que c’était en septembre 2009. Elle a également expliqué qu’elle présumait qu’il vivait toujours en Hongrie et qu’elle ignorait s’il avait une nouvelle conjointe. La SPR n’était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’ancien conjoint voudrait toujours la persécuter deux ans et demi après l’avoir vue pour la dernière fois.

 

[18]     La demanderesse a expliqué qu’une personne travaillant à son ancien lieu de travail lui avait dit que son ancien conjoint s’était renseigné à son sujet. La SPR a accordé peu de poids à cette affirmation, car elle n’était pas corroborée. Elle a conclu qu’il était peu vraisemblable que l’ancien conjoint se manifeste de nouveau un mois avant l’audience alors que rien ne permettait de penser qu’il avait cherché à se renseigner au sujet de la demanderesse depuis septembre 2009. La SPR a par conséquent conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l’ancien conjoint de la demanderesse n’était pas motivé ou enclin à pourchasser la demanderesse jusqu’à la PRI proposée, Debrecen.

 

[19]     On a demandé à la demanderesse comment son ancien conjoint réussirait à la retrouver à Debrecen. Elle a répondu qu’il était membre de la Garde hongroise, que cette organisation est présente partout en Hongrie et qu’il serait possible de la retrouver grâce à ce réseau. La SPR a estimé que cette explication n’était pas plausible, compte tenu du fait que l’ancien conjoint ignorait qu’elle avait quitté le pays et que la seule tentative qu’il avait faite pour se renseigner à son sujet avait été de se rendre à son ancien lieu de travail deux ans après leur dernière rencontre. La SPR en a déduit que les démarches de l’ancien conjoint de la demanderesse n’avaient pas été très complexes. La demanderesse a expliqué que, hormis sa peur de son ancien conjoint et le racisme qui existe en Hongrie en général, il n’y avait aucune autre raison pour laquelle elle ne pourrait pas vivre à Debrecen.

 

[20]     La SPR a par conséquent conclu que Debrecen constituait une PRI pour les demandeurs.

 

La protection de l’État en Hongrie

[21]     La SPR a répété qu’il incombait aux demandeurs de réfuter la présomption qu’il existait une protection adéquate de l’État en Hongrie et que, pour réfuter cette présomption, les demandeurs devaient présenter une preuve claire et convaincante. Les demandeurs devaient également démontrer qu’ils avaient pris toutes les mesures raisonnables dans les circonstances pour se prévaloir de la protection de l’État. Or, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient fait ni l’un ni l’autre.

 

[22]     Le demandeur a été interrogé au sujet des démarches qu’il avait faites pour se prévaloir de la protection de l’État avant de quitter la Hongrie et pour savoir s’il s’était adressé à une autorité supérieure quelconque pour se plaindre des traitements dont il avait fait l’objet de la part de la police. Il a répondu qu’il n’en avait rien fait et qu’il n’avait jamais entendu parler de la Commission indépendante des plaintes contre la police (CIPP), mais que de toute façon sa parole n’aurait aucun poids face à celle d’un policier.

 

[23]     La SPR a déclaré que l’ignorance des mécanismes de protection offerts par l’État ne constituait pas un moyen de défense valable. Comme le demandeur n’avait pas cherché à obtenir l’aide auprès d’une autre autorité hongroise relativement au harcèlement policier dont il avait fait l’objet, la SPR a conclu qu’il n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables avant de s’enfuir de la Hongrie. La SPR a conclu que la présomption suivant laquelle il existait une protection adéquate de l’État n’avait pas été réfutée et qu’en tout état de cause, il existait une PRI à Debrecen.

 

[24]     La demanderesse a expliqué qu’elle avait demandé à deux reprises à la police d’intervenir. Dans les deux cas, la police avait répondu et était intervenue. La seconde fois, les policiers avaient fait sortir son ancien conjoint de chez elle, mais elle avait entendu son ancien conjoint scander des slogans de la Garde hongroise pour amadouer les policiers. Elle a également déclaré que les policiers lui avaient dit lors des deux incidents en question qu’ils hésitaient à intervenir dans les querelles familiales. Interrogée quant à savoir si elle avait cherché à obtenir une ordonnance de non‑communication contre son ancien conjoint, la demanderesse a répondu qu’elle ignorait qu’elle pouvait le faire. La SPR lui a dit qu’elle aurait pu se renseigner auprès de la police ou au palais de justice à ce sujet; elle a répondu qu’elle avait choisi plutôt de quitter le pays. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas signalé les incidents à la police parce qu’elle ne croyait pas qu’elle ferait quoi que ce soit pour l’aider.

 

[25]     La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour chercher à obtenir la protection de l’État avant de quitter la Hongrie. Elle n’a pas signalé les incidents à la police et elle ne s’est pas renseignée au sujet de la possibilité de faire interdire légalement à son ancien conjoint de communiquer avec elle. La présomption de la protection adéquate de l’État n’avait donc pas été réfutée.

 

[26]     La SPR a examiné la preuve documentaire portant sur la situation des Roms en Hongrie, suivant laquelle le racisme et les agressions contre les Roms se poursuivent et suivant laquelle les Roms font l’objet de discrimination dans presque tous les domaines de la vie quotidienne. Des actes de persécution sont souvent encouragés et commis contre des Roms par des groupes d’extrême droite, y compris des ramifications de la Garde hongroise. Des partis politiques comme le Jobbik préconisent l’adoption de la ligne dure contre les Roms.

 

[27]     À l’audience, les demandeurs se sont dits d’avis que, suivant leurs expériences, ils ne croyaient pas que la police les aiderait. La SPR a estimé que ces réponses n’étaient pas convaincantes, ajoutant qu’elles étaient en grande partie non corroborées et qu’elles n’étaient pas conformes à la preuve documentaire.

 

[28]     L’avocate des demandeurs a fait valoir qu’il ressortait de la preuve documentaire que les Roms sont souvent victimes de profilage racial de la part de la police et que la protection de l’État est insuffisante lorsqu’il s’agissait de crimes haineux. La SPR a déclaré qu’elle reconnaissait et tenait compte du nombre élevé de signalements d’incidents de persécution contre les Roms en Hongrie.

 

[29]     Suivant la preuve documentaire, la Hongrie s’est dotée d’un système avancé de protection des minorités, mais ces mesures ne sont pas toujours mises en œuvre efficacement au niveau local. La preuve documentaire relative aux efforts du gouvernement est contradictoire. Toutefois la SPR a conclu que, compte tenu des circonstances de la présente affaire, les demandeurs n’avaient pas démontré que la protection de l’État en Hongrie était à ce point inadéquate pour les dispenser totalement de s’adresser aux autorités ou d’entreprendre des démarches pour demander de l’aide à des autorités supérieures ou de prendre d’autres moyens que de s’adresser à la police avant de demander une protection à l’étranger, au Canada en l’occurrence.

 

[30]     La SPR a constaté que, suivant la preuve documentaire, des organismes comme la CIPP et le Protecteur des minorités reçoivent les plaintes, formulent des conclusions et en font rapport aux autorités compétentes. La SPR a relevé des éléments contradictoires dans la preuve documentaire au sujet de la protection des Roms à Hongrie, mais a estimé que, même si la protection de l’État n’était pas parfaite, la police et d’autres organisations gouvernementales étaient à la fois disposées à protéger les victimes et en mesure de le faire.

 

[31]     La CIPP a été qualifiée d’organisme de surveillance crédible et indépendant, mais on a reproché à la police de ne donner suite qu’à une faible partie des recommandations de la CIPP. L’avocate des demandeurs a également fait valoir que les crimes violents commis contre les Roms sont en hausse. En réponse aux critiques formulées relativement aux enquêtes menées en Hongrie au sujet de ces crimes, une unité spéciale d’enquête (qui comptait 100 membres en 2009) a été mise sur pied pour faire enquête sur ces agressions. La SPR a conclu que, suivant la preuve, la police se livrait encore à des violences contre les Roms, mais qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que les autorités interviennent dans ces affaires et que la police était en mesure de protéger les Roms.

 

[32]     La SPR a déclaré que les Roms continuaient à être victimes de discrimination dans de nombreux domaines de la vie courante, mais que le gouvernement hongrois avait adopté des mesures pour tenter de résoudre le problème. Les demandeurs auraient pu s’adresser au Protecteur des minorités, à l’Autorité pour l’égalité de traitement, aux tribunaux ou à l’Association des policiers roms. Il existe également de nombreux autres organismes qui assurent la protection de minorités contre la discrimination.

 

[33]     Suivant la preuve documentaire, les problèmes de discrimination perdurent. On constate encore des résistances au niveau municipal face aux efforts déployés pour vaincre la discrimination. La SPR a passé en revue les problèmes auxquels les Roms sont exposés dans des domaines comme le logement, l’éducation, le travail et les soins de santé, et elle a examiné les mesures mises en place par le gouvernement hongrois dans ces domaines. Elle a relevé les critiques formulées au sujet de la mise en œuvre des mesures visant à résoudre bon nombre de ces problèmes et a souligné que la Hongrie était membre de l’Union européenne et devait en respecter les normes en matière de droit de la personne si elle souhaitait en demeurer membre.

 

[34]     La SPR n’était pas convaincue, compte tenu des circonstances de la présente affaire, que la protection de l’État ne pouvait raisonnablement être assurée aux demandeurs en Hongrie s’ils avaient cherché à l’obtenir. La SPR a déclaré qu’il ne suffisait pas de douter de l’efficacité de la protection sans véritablement la mettre à l’épreuve. Il n’y avait également aucun élément de preuve convaincant suivant lequel les demandeurs ne seraient pas exposés à la persécution ou à une menace à leur vie ou de subir des traitements ou des peines cruels et inusités s’ils devaient retourner en Hongrie. Leur demande a par conséquent été rejetée.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[35]     Les demandeurs soulèvent les questions suivantes dans la présente instance :

a.                   La SPR a‑t‑elle procédé à une analyse déraisonnable de la protection de l’État en concluant que les demandeurs n’avaient pas démontré que la police ne les protégerait pas, en préférant la preuve relative aux « efforts » déployés par la Hongrie pour protéger les Roms aux éléments de preuve suivants lesquels ces efforts étaient inefficaces, et en se fondant sur des éléments de preuve non pertinents?

b.                  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI à Debrecen?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[36]     Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada explique qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. C’est seulement lorsque cette recherche s’avère infructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs pertinents pour l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[37]     Dans l’arrêt Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale a jugé, au paragraphe 36, que la norme de contrôle applicable à une conclusion tirée au sujet de la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. Le juge Leonard Mandamin a suivi cette approche dans la décision Lozada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17. De plus, dans la décision Chaves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay-Lamer a estimé, au paragraphe 11, que la norme de contrôle applicable dans le cas d’une conclusion relative à la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. La norme de la décision raisonnable est celle qui s’applique à la première question en litige.

 

[38]     L’existence d’une PRI est une question mixte de fait et de droit qui est assujettie à la norme de la décision raisonnable (Davila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1116, au paragraphe 26; Nzayisenga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1103, au paragraphe 25; M.A.C.P. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 81, au paragraphe 29). La norme de contrôle applicable à la seconde question est celle de la décision raisonnable.

 

[39]     Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 , au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[40]     Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

[…]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

[…]

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les demandeurs

            La SPR a-t-elle procédé à une analyse déraisonnable de la protection de l’État?

[41]     Le passage suivant est tiré du paragraphe 10 de la décision Tatarski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 660 :

 

[…] si le tribunal détermine que le demandeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour se prévaloir de la protection de l’État, cette conclusion ne porte un coup fatal à la demande que si le tribunal conclut aussi que la protection de l’État aurait raisonnablement été offerte; pour tirer une telle conclusion, le tribunal doit examiner les caractéristiques uniques de pouvoir et d’influence du prétendu persécuteur sur la capacité et la volonté de l’État de protéger le demandeur; lorsque le tribunal se fonde sur une loi réparatrice, cette loi, en elle-même, n’est pas suffisante; il doit exister une preuve que les réparations ont eu un effet positif pratique.

 

[42]     En l’espèce, la SPR a reconnu que le demandeur avait été victime de harcèlement de la part d’un agent de police, mais a estimé qu’il n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour chercher à obtenir la protection de l’État puisqu’il n’avait pas signalé l’incident à la CIPP. La SPR n’a pas accepté son explication selon laquelle qu’il n’était pas au courant de l’existence de la CIPP. Par ailleurs, on ne sait pas avec certitude comment la CIPP aurait pu protéger le demandeur, car suivant la preuve, la police ne donne suite qu’à une infime partie des recommandations de la CIPP et le mandat de cette dernière est de formuler des recommandations à la police et de transmettre ses recommandations au Parlement.

 

[43]     En ce qui concerne la demanderesse, la SPR a estimé qu’elle n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État, puisqu’elle n’avait pas déposé de plainte officielle ou tenté d’obtenir une ordonnance judiciaire contre son ancien conjoint. La SPR a toutefois reconnu que l’ancien conjoint avait scandé des slogans de la Garde hongroise pour s’attirer les bonnes grâces des policiers.

 

[44]     Les demandeurs font valoir que, compte tenu des expériences qu’ils ont eues par le passé avec la police, ils avaient de bonnes raisons de croire qu’il serait inutile d’essayer de s’adresser à la police pour obtenir de l’aide. La Cour fédérale a déclaré ce qui suit dans la décision Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, (Bors), au paragraphe 68 :

La Cour conçoit, selon la preuve, que la demanderesse ou sa famille n’auraient pas directement demandé la protection de la police. Après des événements non contredits incluant un domicile incendié par un cocktail molotov, l’utilisation d’armes à feu et l’hospitalisation de la demanderesse et de son fils pour blessures graves, la demanderesse et sa famille auraient pu penser que la police, ou du moins les autorités étatiques concernées, auraient été au courant de l’état de détresse dans lequel se trouvait leur famille, et de leur situation de crise. De plus, comme discuté ci-dessus, la preuve documentaire démontre la précarité du lien de confiance entre les autorités policières et les communautés romes. Comme spécifié par le Guide, une crainte des autorités peut provoquer un manque de confiance dans l’appareil étatique suite aux antécédents qui auraient marqué des individus concernés. (Voir le par. 198 du Guide : « 198. Une personne qui, par expérience, a appris à craindre les autorités de son propre pays peut continuer à éprouver de la défiance à l’égard de toute autre autorité. Elle peut donc craindre de parler librement et d’exposer pleinement et complètement tous les éléments de sa situation. »).

 

[45]     Dans le cas qui nous occupe, la preuve démontrait que les policiers se livraient à du racisme et à de la brutalité contre les Roms de manière continue. Suivant la preuve documentaire, les Roms sont ciblés par la police. Les autorités refusent la plupart du temps de réagir aux violences perpétrées contre les Roms, les crimes racistes font l’objet de laxisme sur le plan de la surveillance et de la répression, les Roms sont victimes de discrimination et de brutalité policières, les victimes roms ont de la difficulté à faire la preuve des crimes commis contre eux, les policiers « terrorisent » les communautés roms et ils sont extrêmement hésitants à prendre des mesures disciplinaires. À la lumière de ces éléments de preuve, les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur en concluant qu’ils n’avaient pas pris toutes les mesures raisonnables pour chercher à obtenir la protection de l’État.

 

[46]     La SPR a également commis une erreur en se fondant sur les efforts déployés par le gouvernement hongrois plutôt que sur l’efficacité de ces efforts. Dans le cadre de son analyse de la protection de l’État, la SPR a décrit en détail la situation troublante auquel les Roms ont à faire face présentement en Hongrie. Elle a conclu que les Roms étaient exposés à la persécution dans pratiquement tous les domaines de la vie courante et que des groupes de droite anti‑Roms gagnaient en popularité. La SPR a néanmoins conclu que les Roms pouvaient compter sur une protection adéquate puisque la Hongrie faisait des « efforts sérieux » pour s’attaquer à ces problèmes. Les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur en se fondant sur les « efforts » et les « mesures » de la Hongrie malgré les éléments de preuve démontrant que ces mesures n’ont pas été efficaces.

 

[47]     Dans bon nombre de décisions récentes, la Cour fédérale a affirmé que le fait que la Hongrie prenait des mesures pour s’attaquer à ses problèmes ne suffisait pas pour constituer une protection adéquate (Hercegi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 250; Rezmuves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 334; Bors, précitée). La SPR doit examiner la réalité des faits et non ce que le gouvernement hongrois tente de mettre en place. Bien qu’il puisse exister une volonté sincère de la part du gouvernement hongrois d’améliorer la situation des Roms, cette volonté ne saurait être assimilée à une protection adéquate de l’État tant que ces efforts n’ont pas d’effet concret. Les demandeurs affirment que le fait que la SPR a reconnu les lacunes d’un aussi grand nombre des mesures prises par le gouvernement hongrois renforce leur position suivant laquelle la SPR a commis une erreur en appliquant le critère des efforts sérieux pour conclure à l’existence d’une protection adéquate de l’État. Par exemple, la SPR a mentionné des mesures législatives qui avaient été adoptées pour protéger les droits des Roms à l’appui de sa conclusion qu’il existait une protection adéquate de l’État, et ce, malgré la preuve documentaire démontrant l’inefficacité de ces mesures.

 

[48]     La SPR a également pris acte des critiques formulées au sujet de la CIPP, de l’Autorité sur l’égalité de traitement et du Protecteur des minorités et a discuté des accusations de négligence visant la police en ce qui concerne les enquêtes portant sur les agressions contre les Roms. On a également critiqué le fait que les organismes de défense des droits de la personne n’avaient pas un mandat assez large et que bon nombre des plaintes étaient rejetées.

 

[49]     La demande présentée dans l’affaire Bors, précitée, avait été accueillie pour la raison suivante, au paragraphe 63 :

Ainsi, il ne suffit pas de démontrer les changements et les améliorations contenues dans l’État hongrois, notamment l’existence de plusieurs recours et la possibilité d’obtenir une protection de l’État hongrois. Encore faut-il prouver que les changements sont mis en œuvre de façon efficace dans la pratique. La preuve d’une volonté d’amélioration et des progrès tentés par l’État ne devrait pas constituer, pour le décideur, un indice décisif à l’effet que les mesures potentielles équivalent à une protection efficace dans le pays sous étude. Comme la jurisprudence ci-dessus le démontre, la volonté, aussi bonne qu’elle pourrait l’être, n’équivaut pas à l’action.

 

Les demandeurs estiment que la SPR a commis la même erreur que dans l’affaire Bors.

 

[50]     Les demandeurs soutiennent également que la SPR s’est fondée sur des éléments de preuve dénués de pertinence pour conclure qu’ils pouvaient compter sur la protection de l’État en Hongrie. La SPR a consacré une importante partie de sa décision (six pages) à discuter de divers aspects de mesures d’intégration sociale tels que l’éducation, l’emploi et la santé. Les demandeurs affirment que ces efforts n’ont rien à voir avec la question de savoir si les Roms qui sont victimes de crime raciste peuvent compter sur la protection de l’État.

 

[51]     Une erreur semblable a été commise dans l’affaire Rezmuves et décrite au paragraphe 11 de cette décision, précitée :

L’analyse de la Commission sur la protection offerte par l’État pose également problème. La Commission examine la preuve concernant la détention arbitraire en Hongrie, la structure des forces policières hongroises, la corruption policière, l’association des agents de police roms qui voit à la protection des Roms qui sont policiers et militaires, d’autres associations connexes en Hongrie et en Europe visant les policiers et les militaires roms, l’expert indépendant et l’organisme chargé de surveiller la mise en application des mesures législatives visant à enrayer la discrimination. Toutefois, la Commission ne s’est pas penchée sur la question pertinente : la protection offerte aux Roms par l’État est‑elle suffisante en Hongrie?

 

[52]     Même si ces éléments de preuve étaient pertinents, la SPR en a tenu compte de façon aussi déraisonnable que les autres éléments de preuve. Autrement dit, la SPR a examiné les mesures prises par le gouvernement hongrois sans tenir dûment compte de l’efficacité de ces mesures. Les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur en se fondant sur l’existence de mesures sociales qui n’ont aucun lien avec l’existence d’une protection adéquate de l’État.

 

La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI à Debrecen?

 

[53]     Les demandeurs affirment qu’en concluant qu’ils pouvaient vivre sans grand danger à Debrecen, la SPR a mal compris la nature de leur demande. Les demandeurs craignent notamment la Garde hongroise ainsi que les autres éléments anti-roms de la société hongroise. Il ressort de la preuve qu’il n’y a tout simplement aucun endroit en Hongrie où les Roms peuvent échapper à cette réalité. Compte tenu du fait que la preuve documentaire indique que la situation est catastrophique pour les Roms partout en Hongrie, le demandeur affirme que la conclusion de la SPR suivant laquelle ils pouvaient vivre sans crainte d’être persécutés à Debrecen était déraisonnable.

 

[54]     La SPR a également jugé invraisemblable que l’ancien conjoint de la demanderesse soit motivé à la pourchasser jusqu’à Debrecen. Le demandeur affirme que la SPR n’a pas tenu compte de la situation particulière de la demanderesse pour en arriver à cette conclusion. Comme l’a affirmé la Cour dans la décision Griffith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1142, au paragraphe 15 :

[…] la réponse à la question de savoir si une PRI est une option possible pour la demanderesse doit comprendre une analyse très précise et éclairée de la question de savoir si cette solution est raisonnable du point de vue de la demanderesse, compte tenu de son état d’esprit et de ses conditions de vie découlant des mauvais traitements. La demanderesse est la seule personne qui peut raconter l’histoire. Savoir comment décider s’il faut la croire est crucial.

 

[55]     Les demandeurs affirment également que la SPR n’a pas tenu compte des Directives sur les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe en ne jugeant pas ses attentes en fonction de la réalité de la demanderesse, y compris les traumatismes dont elle avait souffert en tant que victime de violence conjugale. La Cour fédérale a déclaré ce qui suit, au paragraphe 8 de la décision Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 425 :

[…] afin d’appliquer adéquatement les Directives dans la décision à l’étude et avant d’attendre quoi que ce soit de la demanderesse, la SPR devait juger toute attente potentielle en tenant compte de la réalité que vivait la demanderesse, y compris les troubles dont elle a souffert à la suite de la violence extrêmement grave subie ainsi que sa grande fragilité psychologique. Puisque cette analyse n’a pas été menée, je conclus que les Directives n’ont pas été adéquatement appliquées.

 

[56]     Pour les motifs qui précèdent, les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur en concluant qu’ils disposaient d’une PRI à Debrecen.

 

Le défendeur

La SPR a‑t‑elle procédé à une analyse déraisonnable de la protection de l’État?

[57]     Le défendeur souligne que le demandeur n’a jamais signalé à quelque autorité que ce soit les mauvais traitements qu’il avait subis et qu’il prétend ne pas avoir eu connaissance de la CIPP, mais que la demanderesse a signalé à deux reprises les agressions de son ancien conjoint et que la police a répondu les deux fois. Elle n’a pas tenté d’obtenir une ordonnance judiciaire ou de pousser l’affaire plus loin. Les deux demandeurs se sont dits d’avis que la police ne les aiderait pas; le défendeur affirme que cette réticence subjective à faire intervenir l’État ne suffit pas pour réfuter la présomption de la protection de l’État (Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1126).

 

[58]     La SPR a pris acte des éléments de preuve relatifs à la corruption de la police et du recours à une force excessive contre les Roms, mais a estimé qu’il existait des éléments de preuve démontrant que l’État prenait effectivement des mesures lorsque des plaintes étaient formulées. Les demandeurs soulignent que la CIPP a fait l’objet de critiques, mais la preuve documentaire montre qu’elle a également fait l’objet de louanges de la part du Centre européen des droits des Roms. La SPR a également conclu que les demandeurs disposaient de divers autres recours en réponse aux présumés mauvais traitements dont ils avaient été victimes et qu’ils n’en avaient exercé aucun.

 

[59]     Voici ce que la Cour déclare, au paragraphe 30, de la décision Castaneda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 393 :

Si un demandeur d’asile a omis de prendre toutes les mesures disponibles pour chercher la protection de l’État, la Cour constate qu’il n’est pas suffisant de se baser uniquement sur la preuve documentaire étayant certaines failles dans le système de justice de son pays d’origine (Zamorano; Cortes c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 1487, 154 A.C.W.S. (3d) 450). Le demandeur ne voulait pas aller voir les autorités car il avait peur, et il ne s’est pas adressé à des autorités supérieures ou d’autres organismes. En omettant de prendre des mesures pour chercher la protection de l’État avant de faire une demande d’asile, le demandeur n’a pas réfuté la présomption de la protection de l’État (Cordova c. Canada (M.C.I.), 2009 CF 309, [2009] A.C.F. no 620 (QL)).

 

[60]     Le défendeur affirme que les demandeurs n’ont pas démontré que la protection de l’État ne pourrait pas raisonnablement leur être assurée. Il ajoute que les demandeurs n’ont pas pris de mesures raisonnables pour se prévaloir de cette protection. La conclusion de la SPR suivant laquelle ils n’ont pas réfuté la présomption de protection de l’État ne devrait donc pas être modifiée.

 

[61]     Le défendeur soutient, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, que la SPR ne s’est pas contentée d’examiner les efforts déployés par l’État pour protéger les Roms. La SPR a conclu que la preuve documentaire indiquait que la CIPP et le Protecteur des minorités prenaient effectivement des mesures et soumettaient des rapports lorsque des plaintes leur étaient adressées, que des policiers faisaient l’objet de mesures disciplinaires et que des enquêtes étaient ouvertes au sujet d’agressions à caractère raciste. La SPR a reconnu que la preuve documentaire était contradictoire, mais a estimé que les lacunes constatées au niveau local ne suffisaient pas à réfuter la présomption de la protection de l’État (Zhuravlev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 3 (CF 1re inst)).

 

[62]     L’affaire Bors, précitée, sur laquelle les demandeurs se fondent, se distingue de la présente espèce étant donné que, dans cette affaire, la Cour avait constaté une erreur dans l’examen sélectif que le Tribunal avait fait de la preuve et dans sa conclusion suivant laquelle les Roms n’avaient subi aucune agression au cours de la période en cause. Aucune erreur semblable n’est reprochée dans le cas qui nous occupe; les demandeurs sont tout simplement en désaccord avec l’appréciation que la SPR a faite de la preuve contradictoire qui lui avait été soumise. Le défendeur affirme que rien ne justifie de modifier la décision et que la conclusion tirée par la SPR au sujet de la protection de l’État était raisonnable.

 

La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI à Debrecen?

[63]     Le défendeur souligne que les demandeurs n’ont pas contesté la conclusion de la SPR suivant laquelle rien ne permettait de penser que les policiers qui avaient harcelé le demandeur seraient enclins à le pourchasser jusqu’à Debrecen. Or, il s’agissait de l’allégation de harcèlement la plus importante du demandeur. Les demandeurs affirment maintenant que la SPR a mal interprété la nature de leur demande et que le demandeur et sa famille craignent les éléments racistes de la société hongroise. Rien ne permet de penser que le demandeur et sa femme et son enfant ont fait l’objet d’incidents précis de persécution de la part de la Garde hongroise ou d’autres groupes semblables. Si les demandeurs craignaient ces groupes, il leur incombait de prouver, à l’audience relative à leur demande d’asile, qu’ils étaient personnellement exposés à un risque de la part de ces groupes.

 

[64]     Les demandeurs soutiennent essentiellement que tous les Roms sont exposés à ce risque partout en Hongrie et qu’il n’existe donc aucune PRI viable. Cette affirmation n’est pas appuyée par la preuve et elle est contraire à la jurisprudence récente dans laquelle la Cour a confirmé le rejet de demande d’asile présentée par des Roms provenant de Hongrie (Horvath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 253; Balogh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 216; Banya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 313).

 

[65]     Le défendeur affirme que la conclusion de la SPR suivant laquelle l’ancien conjoint de la demanderesse ne serait pas porté à la pourchasser jusqu’à Debrecen était raisonnable compte tenu des éléments de preuve dont la SPR disposait. La SPR a jugé invraisemblable que l’ancien conjoint de la demanderesse s’informe au sujet de cette dernière à son ancien lieu de travail un mois avant l’audience alors que rien ne permettait de penser qu’il avait tenté d’entrer en contact avec elle au cours des deux années précédentes.

 

[66]     La SPR a également rejeté de façon raisonnable l’affirmation de la demanderesse suivant laquelle son ancien conjoint serait en mesure de la retracer à Debrecen grâce au réseau de la Garde hongroise. Le défendeur affirme que, compte tenu des tentatives limitées et peu complexes que l’ancien conjoint avait faites pour tenter de la retrouver, cette conclusion était raisonnable.

 

[67]     Le défendeur affirme également qu’on ne trouve dans la décision rien qui permette de penser que la SPR n’a pas tenu compte des Directives sur les revendicatrices. Bien qu’il soit vrai que la SPR doit tenir compte de la situation personnelle de la demanderesse d’asile, rien dans la preuve ne permet de penser que les conséquences des violences subies par la demanderesse rendraient déraisonnables la PRI proposée. De plus, la PRI a été proposée pour l’ensemble de la famille, de sorte que la demanderesse pourrait compter au besoin sur l’appui de sa famille à Debrecen.

 

[68]     Interrogé quant à la possibilité d’aller habiter à Debrecen, le demandeur a répondu qu’il ne pourrait y vivre parce qu’il y a du racisme partout en Hongrie. La SPR a examiné cet argument en fonction du second volet du critère relatif à la PRI, en l’occurrence celui de savoir si la PRI proposée est raisonnable (Kumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 601). La SPR a examiné les éléments de preuve relatifs à la réponse de l’État à la discrimination dont les Roms font l’objet en raison de l’argument des demandeurs suivant lesquels ils ne pouvaient vivre à Debrecen pour cette raison précise.

 

[69]     Contrairement à ce que les demandeurs affirment, la SPR n’a pas ignoré la mise en œuvre des mesures visant à lutter contre la discrimination. La SPR a relevé plusieurs domaines dans lesquels des réformes sociales avaient eu lieu et souligné que les Roms victimes de discrimination pouvaient compter sur des services d’aide juridique gratuits. Le défendeur souligne que la SPR a reconnu les difficultés auxquelles l’État était confronté pour mettre en application des mesures législatives au niveau local, mais a conclu que les demandeurs disposeraient de recours en cas de discrimination. L’argument des demandeurs suivant lesquels les mesures en question n’avaient pas réussi à améliorer la vie des Roms équivaut à un désaccord avec l’appréciation de la preuve et ne constitue pas une raison permettant à la Cour de modifier la décision.

 

[70]     Le défendeur affirme que les demandeurs n’ont pas démontré que l’existence du racisme sur l’ensemble du territoire hongrois rend la PRI proposée de Debrecen déraisonnable. La conclusion de l’existence d’une PRI constituait une raison suffisante pour rejeter leur demande d’asile (Khokhar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449).

 

ANALYSE

[71]     Dans sa décision, la SPR s’est concentrée sur l’existence d’une PRI à Debrecen et d’une protection adéquate de l’État en Hongrie. Ces questions sont liées parce que, outre les actes précis de violence perpétrés contre le demandeur et la demanderesse – actes dont la SPR a reconnu l’existence –, les demandeurs affirment également craindre de façon générale le racisme, dont la SPR devait tenir compte, non seulement à part entière, mais également dans le cadre du second volet de l’analyse de la PRI selon l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CAF).

 

[72]     La SPR a pleinement reconnu la situation tout à fait horrible à laquelle les Roms sont exposés en Hongrie :

Selon le bureau central des statistiques, en 2007, la communauté rom constituait la principale minorité ethnique, soit 2 p. 100 de la population ou environ 200 000 personnes. Cependant, selon des estimations non officielles, qui varient énormément, le chiffre réel serait beaucoup plus élevé, c’est-à-dire de 500 000 à 800 000 personnes. Des agressions violentes contre des Roms se sont poursuivies et celles-ci ont suscité d’importantes préoccupations au sein de la population et ont donné lieu à de profonds différends quant à l’existence de crimes à caractère raciste au pays. Des organisations non gouvernementales de défense des droits de la personne ont signalé que les Roms font l’objet de discrimination dans presque tous les domaines de la vie quotidienne, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, du logement, des établissements pénitentiaires et de l’accès aux lieux publics comme les restaurants et les bars. Selon des statistiques de l’Institut hongrois de recherche et de perfectionnement en éducation, les Roms sont beaucoup moins scolarisés que les autres citoyens, et ils ont des revenus et une espérance de vie bien en deçà de la moyenne. Selon un rapport de 2007 publié par l’Organisation internationale du travail, le taux de chômage chez les Roms est d’environ 40 p. 100. Toutefois, dans bon nombre de régions sous‑développées du pays, le taux de chômage chez les Roms excède 90 p. 100. Selon les estimations, le taux de chômage au sein de la population rom est de trois à cinq fois plus élevé que parmi la population non rom. Les Roms vivent encore dans des logements inadéquats; leurs conditions de vie en général sont bien pires que celles du reste de la population.

 

J’ai examiné la preuve documentaire, et j’ai conclu que l’attitude de certains Hongrois, dont certains en position d’autorité, à l’égard des Roms est discriminatoire et préjudiciable. Il ressort clairement de la preuve documentaire que cette attitude a pour effet de marginaliser les Roms. Ceux‑ci sont généralement sous‑employés et sans instruction, et vivent souvent dans des logements subventionnés. Ils font maintenant l’objet de violence de la part de personnes ayant des liens avec des factions radicales qui ont de plus en plus l’appui du grand public dans une certaine mesure. « Les Roms ont cette année encore été victimes de violentes agressions et d’actes de discrimination. Ils vivaient toujours dans un climat de peur […] L’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] a noté en juin que les Roms étaient davantage susceptibles de devenir des “boucs émissaires” et d’être tenus pour responsables des problèmes socioéconomiques que rencontrait le pays, dans la mesure où ils étaient proportionnellement plus nombreux à dépendre des aides de l’État. »

 

La preuve documentaire indique que les Roms sont largement victimes de discrimination. Des éléments de preuve font état d’incidents précis de persécution contre les Roms.

 

Comme je le démontrerai plus loin, la preuve documentaire indique que des actes de persécution sont souvent encouragés et commis par des groupes d’extrême droite, comme la Garde hongroise dissoute, dont les membres ont poursuivi leurs activités sous des noms différents et au sein de diverses nouvelles organisations. En outre, le parti de droite Jobbik se nourrit des opinions de ses électeurs, ce qui contribue à la discrimination contre les Roms et à leur persécution. Selon des sources, le Jobbik est un parti politique « d’extrême droite » ayant des racines nationalistes et un programme fortement anti‑Roms et antisémite. Des sources affirment que la popularité de la Garde hongroise, ainsi que la campagne du parti contre la soi‑disant « criminalité tzigane », ont grandement contribué à la croissance du parti Jobbik. Par ailleurs, bien qu’il semble y avoir eu une certaine surprise devant le succès mitigé du parti Jobbik aux dernières élections nationales, où il est arrivé au troisième rang avec près de 17 p. 100 des votes. La preuve documentaire indique également que le soutien au parti Jobbik a chuté en avril 2011 pour s’établir à 13 p. 100 des électeurs étant alors susceptibles de voter pour lui, et, en août 2011, il a obtenu 15 p. 100 des intentions de vote. Pour reconquérir du soutien, le Jobbik a renouvelé sa campagne contre les Roms au moyen de rassemblements dans des villages partout au pays. Selon Amnesty International :

 

[N]euf agressions commises contre des communautés roms en 2008 et 2009 présentaient les mêmes caractéristiques. Leurs auteurs ont utilisé des cocktails Molotov et des armes à feu. En général, deux personnes munies de carabines tiraient de très près. Les victimes des agressions vivaient dans différentes parties du pays, en revanche leurs habitations étaient principalement situées à la périphérie de quartiers se trouvant près d’une autoroute. Ces agressions ont semé la peur au sein de la communauté rom dans tout le pays. La police a réagi en prenant plusieurs mesures dans le cadre d’un programme censé améliorer la sécurité de la communauté rom. Ces mesures ont dans un premier temps été appliquées dans les comtés où les agressions avaient eu lieu. Elles ont ensuite été étendues aux « quartiers sensibles » qui, selon la police, pouvaient faire l’objet d’agressions similaires. Des patrouilles ont effectué des rondes dans ces zones la nuit et au petit matin.

 

Selon le rapport d’Amnesty International, la police considère qu’au moins neuf agressions violentes auraient été commises par les mêmes auteurs. Le 21 août 2009, des policiers ont arrêté quatre suspects et ont inculpé trois d’entre eux « d’homicides multiples coordonnés, de vol, d’utilisation abusive d’armes ainsi que de vandalisme. Trois des quatre suspects ont été inculpés sur la base d’analyses ADN et d’armes, le quatrième est considéré comme un complice […] La série de crimes commis entre janvier 2008 et août 2009, visant des Roms et leurs biens, a semé la peur au sein de la communauté rom.

 

[73]     La SPR a expliqué, s’agissant de la protection adéquate de l’État, qu’elle préférait « la preuve documentaire plutôt que le témoignage des demandeurs d’asile, car celle‑ci a été établie à même un large éventail de documents publics, provenant d’organisations fiables, tant gouvernementales que non gouvernementales ». La SPR a reconnu qu’« une lecture objective de la preuve documentaire montre que le gouvernement central est motivé et disposé à mettre en œuvre des mesures pour protéger les Roms, mais que ces mesures ne sont pas toujours mises en œuvre efficacement à l’échelle locale ou municipale ». À la lumière de ces préoccupations générales au sujet de l’efficacité des mesures gouvernementales, la SPR a conclu que « la preuve documentaire relative aux efforts du gouvernement visant à protéger les Roms et à prendre des mesures législatives contre des formes plus larges de discrimination et de persécution est contradictoire ».

 

[74]     En ce qui concerne plus précisément le demandeur, la SPR a conclu de la sorte :

Il se pourrait toutefois en l’espèce que le demandeur d’asile n’ait pas démontré que la protection de l’État en Hongrie est si insuffisante qu’il n’ait nul besoin de s’adresser aux autorités, ou qu’il n’ait pas besoin d’avoir fait tous les efforts raisonnables pour solliciter la protection de l’État dans son pays d’origine, comme demander l’aide de personnes d’une autorité supérieure, ou d’avoir recours à d’autres organismes, comme le Protecteur des minorités ou la IPCB, avant de solliciter la protection internationale au Canada. Selon les documents de la Commission, ces organismes de plainte reçoivent les plaintes, tirent leurs conclusions et en font part aux autorités compétentes pour intervention (bien que le nombre de règlements finaux de ces plaintes en faveur du plaignant semble moindre, il ne s’agit pas d’une question que je dois trancher puisque je n’ai pas été saisi des faits qui concernent ces cas, seulement des chiffres signalés). La Commission reconnaît que plusieurs sources contenues dans la preuve documentaire comportent certaines incohérences; toutefois, les éléments de preuve objectifs en ce qui concerne la situation actuelle dans le pays laissent croire que, même si elle n’est pas parfaite, la protection offerte par la Hongrie aux Roms victimes de criminalité, d’abus de pouvoir de la part des policiers, de discrimination ou de persécution est adéquate, que la Hongrie déploie des efforts sérieux pour régler ces problèmes et que la police et les représentants du gouvernement veulent protéger les victimes et qu’ils sont capables de le faire.

 

[75]     Il faut se rappeler que, suivant le témoignage non contredit du demandeur, ce dernier avait été battu par les policiers à cause de la plainte qu’il avait faite au sujet du traitement dont son fils avait fait l’objet de la part des médecins. Il avait essayé d’obtenir une protection pour des raisons légitimes, mais a été cruellement maltraité.

 

[76]     Voici la conclusion tirée par la SPR au sujet de la protection offerte par la police :

Selon des éléments de preuve, la police continue de commettre des abus contre certaines personnes, dont des Roms, mais il existe également des éléments de preuve selon lesquels il est raisonnable de s’attendre à ce que les autorités prennent des mesures pour remédier à ces cas et selon lesquels la police est en mesure de protéger les Roms.

 

[77]     Il est difficile de savoir sur quels éléments de preuve cette conclusion est fondée. Aucune note infrapaginale n’est fournie et le défendeur m’a invité à examiner des éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 32 à 35 de la décision. Or, lorsque je les examine, j’y vois des mentions du travail du Bureau du Protecteur des minorités, du CIPP, et des enquêtes menées par le Bureau national des enquêtes (BNE), travail qui s’est soldé par le procès de quatre suspects pour le meurtre de six personnes.

 

[78]     La plus grande partie de ces éléments de preuve portent sur des plaintes déposées contre des policiers ou d’autres personnes qui s’en sont pris à des Roms. À mon avis, aucun de ces éléments de preuve ne permet de conclure à ce que le juge Richard Mosley appelle « le caractère satisfaisant des efforts concrets déployés » (voir E.Y.H.V. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1364, au paragraphe 16) lorsque la police est appelée à intervenir pour protéger des Roms contre des crimes à caractère raciste et violent – dont il est admis qu’ils sont de plus en plus fréquents – ou pour justifier la conclusion que la police est en mesure de protéger les Roms et qu’elle est disposée à le faire.

 

[79]     Disposant d’éléments de preuve fort semblables, le juge Yves de Montigny a déclaré ce qui suit dans une décision récente, Katinszki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2012 CF 1326, aux paragraphes 14 à 18 :

La Commission a également mentionné diverses organisations qui pourraient assurer une protection aux demandeurs et, encore une fois, semble supposer que ces organisations seraient mieux en mesure de leur fournir une telle protection à Budapest, étant donné que leurs administrations centrales se trouvent dans cette ville. Le problème avec cette supposition est qu’il n’y a pas de preuve au dossier attestant que ces organisations seraient mieux en mesure de « protéger » les demandeurs à Budapest qu’ailleurs dans le pays. Qui plus est, assurer une protection ne fait pas partie du rôle des organisations mentionnées par la Commission (soit la Commission indépendante chargée de traiter les plaines contre la police, le Bureau des commissaires parlementaires, l’Autorité pour l’égalité de traitement, l’Association des agents de police roms, ainsi que le Bureau des plaintes au Bureau de la Police nationale) – leur rôle est de formuler des recommandations et, au mieux, de faire enquête sur l’inaction de la police après les incidents.

 

La jurisprudence de la Cour établit très clairement que la police est présumée être la principale institution chargée d’assurer la protection des citoyens et que les autres institutions publiques ou privées sont présumées n’avoir ni les moyens ni le rôle d’assumer une telle responsabilité. Comme la juge Tremblay-Lamer l’a si justement affirmé dans Zepeda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491, [2009] 1 RCF 237, aux paragraphes 24 et 25 :

 

En l’espèce, la Commission a fait état de divers autres organismes auprès desquels les demandeurs, se disant insatisfaits des efforts de la police et croyant celle-ci corrompue, auraient pu s’adresser, comme la Commission nationale des droits de la personne, la Commission des droits de la personne d’un État, le Secrétariat de l’administration publique, le Programme de lutte contre l’impunité, la Direction d’aide du contrôleur général, ou encore le Bureau du procureur général de la République au moyen de sa procédure de plainte.

 

Or, j’estime que ces autres institutions ne constituent pas, en soi, des voies de recours. Sauf preuve du contraire, la police est la seule institution chargée d’assurer la protection des citoyens d’un pays et disposant, pour ce faire, des pouvoirs de contrainte appropriés. Ainsi, par exemple, il est expressément mentionné dans la preuve documentaire que la loi ne confère à la Commission nationale des droits de la personne aucun pouvoir de contrainte (« Mexique : Situation des témoins des crimes et de la corruption, des femmes victimes de violences et des victimes de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » [Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Recherche sur les pays d’origine : Exposé]).

 

Voir également : Risak c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 1581, 25 Imm LR (2d) 267, au paragraphe 11.

 

Par conséquent, je conclus qu’il n’était pas loisible à la Commission de conclure selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés à Budapest. Le demandeur a subi des agressions à Budapest en raison de son origine ethnique rom. Il n’y a rien dans l’analyse de la Commission se rapportant à la PRI et il n’y a rien dans la preuve qui suggère que Budapest est plus sûre que tout autre endroit au pays, à part le fait que « Budapest est une grande ville » et qu’elle « héberge diverses organisations, et le gouvernement hongrois y offre des services gouvernementaux aux Roms qui sont victimes de discrimination […] » Ni la taille de la ville, ni les organisations énumérées n’offrent une protection efficace contre la persécution à Budapest.

 

La Commission a également commis une erreur en se fondant sur les efforts déployés par l’État pour répondre aux problèmes auxquelles font face les Roms. Au paragraphe 15 de ses motifs, la Commission a écrit : « Le tribunal reconnaît que des crimes violents visant les Roms sont encore commis. Cependant, il est raisonnable de s’attendre à ce que les autorités prennent des mesures à la suite de signalements. » C’est au niveau opérationnel qu’il faut évaluer la protection. Cela s’avère d’autant plus exact dans un État où le niveau de démocratie est à son niveau le plus bas de l’histoire récente, d’après la preuve documentaire versée au dossier. De plus, le 2010 Human Rights Report : Hungary (rapport de 2010 sur les droits de la personne en Hongrie) du Département d’État américain, daté du 8 avril 2011, sur lequel se fonde la Commission pour étayer sa conclusion que les Roms peuvent compter sur la protection de l’État, contredit expressément cette conclusion. Dans l’aperçu (à la page 1), les auteurs du rapport font valoir ce qui suit :

 

[traduction]

Parmi les atteintes aux droits de la personne, il y a l’usage d’une force excessive par la police contre les suspects, particulièrement les suspects roms, la corruption au sein du gouvernement, la violence sociétale envers les femmes et les enfants, le harcèlement sexuel des femmes ainsi que la traite de personnes. D’autres problèmes ont pris de l’ampleur, comme la violence d’extrémistes et le discours antagoniste contre les minorités ethniques et religieuses, ainsi que la discrimination envers les Roms dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’emploi et de l’accès aux services sociaux.

 

Il n’y a rien dans ce rapport qui laisse croire qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que les autorités prennent des mesures à la suite de signalements. En fait, le rapport du Département d’État américain étaye la conclusion contraire.

 

[80]     Le juge Russel Zinn a examiné les éléments de preuve semblables et a tenu un raisonnement similaire dans la décision Orgona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1438, aux paragraphes 5 à 16 :

La SPR a conclu que les demandeurs, en ne communiquant jamais avec la police ou avec d’autres organisations, n’ont pas pris toutes les mesures raisonnables afin d’obtenir la protection de l’État. Selon la SPR, « les éléments de preuve objectifs montrent que les demandeurs] aurai[ent] pu se prévaloir de nombreux recours [s’ils] avai[ent] décidé de signaler certains problèmes à la police et qu’[ils] avai[ent] été insatisfai[ts] des mesures prises par les policiers ». Le Bureau de l’ombudsman pour les minorités, la Commission indépendante des plaintes contre la police [IPCB] et l’Association des agents de police roms sont mentionnés comme certains des organismes auxquels ils auraient pu s’adresser.

 

La SPR a souligné que l’IPCB est un organisme indépendant de la police qui examine les plaintes relatives aux actes commis par des policiers et fait des recommandations à la direction de la police nationale. De plus, si les « recommandations ne sont pas entérinées, l’affaire peut alors être portée devant un tribunal ».

 

Deuxièmement, la SPR a décrit les divers rapports faisant état d’agressions contre les Roms au cours des dernières années et a souligné que « la police [avait] réagi en prenant plusieurs mesures dans le cadre d’un programme censé améliorer la sécurité de la communauté rom ». Par exemple, dans les endroits où la police estimait que des agressions semblables pouvaient se dérouler, des agents patrouillaient la nuit et tôt le matin. Selon la SPR, des éléments de preuve objectifs révélaient que la police avait effectué plusieurs arrestations relativement à ce genre d’agressions.

 

Dans le cadre de son examen de l’allégation de discrimination, la SPR a souligné que « selon la documentation de la Commission, la Hongrie est l’un des pays qui possèdent les lois antidiscrimination et le système de protection des minorités les plus complets de la région de l’Europe centrale et de l’Est ». Cependant, elle a aussi constaté que le défaut des autorités locales de mettre en œuvre cette législation explique en bonne partie la discrimination dont souffrent les Roms. Malgré cette conclusion éclairante, la Commission a souligné que les Roms disposent de bon nombre d’organisations auprès desquelles ils peuvent chercher à obtenir réparation s’ils sont victimes de discrimination.

 

La Commission a aussi souligné que le gouvernement hongrois a pris un certain nombre de mesures qui visent à réduire les injustices que subissent les Roms dans les domaines du logement, de l’emploi, de l’éducation, de la santé et de la représentation politique.

 

Après avoir examiné la preuve documentaire, la SPR « [a confirmé] qu’en Hongrie, l’État offre une protection adéquate, bien qu’imparfaite, aux Roms qui sont victimes de crimes, de violence policière, de discrimination ou de persécution ».

 

Ce sont les actes, et non les bonnes intentions, qui démontrent l’existence réelle d’une protection contre la persécution. Voir sur ce point quelques-unes des très nombreuses décisions de la Cour relatives à la protection de l’État en Hongrie : Balogh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 809, au paragraphe 37; Kovacs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1003, au paragraphe 70; Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, au paragraphe 63; Hercegi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 250, au paragraphe 5; Kanto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1049, au paragraphe 40; Sebok c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1107, au paragraphe 22; Katinszki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1326, au paragraphe 17; Kemenczei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1349, aux paragraphes 57 à 60.

 

La décision qui fait l’objet du contrôle regorge de déclarations et de citations qui font état des bonnes intentions du gouvernement. Cependant, il y a peu d’allusions aux déclarations relatives à l’efficacité de ces efforts. La SPR mentionne un document qui décrit une série de neuf agressions particulièrement horribles commises contre des membres de la collectivité rom entre janvier 2008 et août 2009. Ces agressions avaient un point commun, soit que leurs auteurs faisaient usage de cocktails Molotov et d’armes à feu. Les victimes étaient tuées, brûlées ou grièvement blessées.

 

Ces crimes ont fait l’objet d’une enquête et quatre personnes ont finalement été accusées. Or, cet élément de preuve ne révèle rien des efforts consentis pour démasquer et poursuivre ceux qui ont été impliqués dans les nombreuses « autres » agressions contre des Roms en Hongrie ou des résultats de ces efforts. La preuve concernant les mesures prises par la police pour réagir à des meurtres en série connus de tous et largement médiatisés ne donne pas vraiment une idée de la façon dont la police traite les criminels qui ressortent moins du lot. Cependant, s’appuyant sur cette réaction particulière à ces horribles crimes planifiés, la SPR concluait qu’[traduction] « il existe de solides éléments de preuve objectifs démontrant que la police a mené des enquêtes et procédé à des arrestations ». La situation des demandeurs, et de la plupart des Roms, n’est pas celle des victimes de ces neuf agressions. Par conséquent, la SPR a commis une erreur en s’appuyant, de façon sélective, sur des éléments de preuve qui avaient peu à voir avec les demandeurs et leur situation en Hongrie.

 

La SPR mentionne aussi que les particuliers peuvent s’adresser à l’IPCB pour demander réparation lorsque la police n’agit pas correctement. Elle écrit qu’il s’agit d’un organisme indépendant qui examine les plaintes relatives à des actes commis par des policiers et qui fait des recommandations au chef de la police nationale; elle ajoute que si les recommandations ne sont pas entérinées, l’affaire peut être portée devant un tribunal. À première vue, il semble s’agir d’un outil efficace qui garantit que les plaintes faites au sujet des policiers sont réellement examinées; cependant, selon un autre document, « en pratique », le chef de la police nationale « n’accorde aucune considération à 90 p. 100 des décisions » de cet organisme. Il semble donc n’exister aucun moyen réel de réparation pour la grande majorité des plaignants. La conclusion de la SPR selon laquelle ce processus fournit aux Roms une occasion raisonnable d’obtenir une réparation est déraisonnable.

 

La Commission n’ayant pas indiqué comment elle en était arrivée à conclure qu’il existe une protection adéquate de l’État en Hongrie pour les Roms qui sont victimes de crimes, de violence policière, discrimination ou de persécution, sa conclusion ne peut être jugée raisonnable compte tenu de la preuve indiquant le contraire dans le cartable national de documentation, notamment de l’extrait suivant du document d’Amnesty International intitulé Violent Attacks Against Roma in Hungary : Time to Investigate Racial Motivation :

 

[Traduction]

La recherche d’Amnesty International sur certaines des neuf agressions et sur d’autres incidents rapportés révèle que les autorités hongroises n’ont pas consigné la violence contre les Roms en Hongrie et n’y ont pas réagi efficacement, notamment en n’enquêtant pas sur de possibles motivations raciales. Ce rapport présente en détail les lacunes commises dans les réactions du système de justice criminelle hongrois relativement à ces crimes haineux. Bien qu’il existe des dispositions législatives visant à lutter contre les crimes haineux, elles ne sont pas bien appliquées, notamment parce que la police n’a pas la capacité de reconnaître les crimes haineux et de faire enquête à ce sujet et qu’elle ne reçoit pas la formation qui lui permettrait d’améliorer sa capacité dans ce domaine. La police n’est pas dotée de lignes directrices quant à la façon d’enquêter sur les crimes haineux et de traiter les victimes – il n’existe pas non plus de lignes directrices qui informent les poursuivants au sujet de la façon de superviser ces enquêtes. L’aide et le soutien fournis par l’État aux victimes de crimes haineux sont aussi inadéquats. En ce qui concerne la prévention, les autorités n’ont pas adopté de mesures efficaces pour évaluer la nature et l’ampleur du problème, notamment parce qu’elles ne recueillent pas de données ventilées sur les crimes haineux, ce qui les empêche de recenser les tendances et d’élaborer des politiques qui constituent des réponses plus appropriées.

 

[…]


Malgré les dispositions législatives existantes sur les crimes haineux, la Hongrie a été critiquée parce qu’elle n’a pas mis en œuvre ces dispositions. Le faible pourcentage de poursuites dans les cas de crimes commis pour des motifs raciaux était expliqué par l’hésitation de la police, des poursuivants et des tribunaux à enquêter sur les motivations raciales ainsi que sur les crimes violents et non violents contre les Roms et à en reconnaître l’existence.

 

[…]

 

Amnesty International s’inquiète du fait que les autorités hongroises ne prennent pas les mesures nécessaires pour éviter la violence contre les Roms et y réagir efficacement à cause des limitations et des lacunes du système de justice criminelle.

 

[Non souligné dans l’original]

 

Enfin, la SPR a conclu que ces demandeurs n’avaient pas écarté la présomption de la protection de l’État, notamment parce qu’ils ne l’avaient pas recherchée. Cependant, parce que la SPR jugeait (à partir de ces éléments de preuve sélectionnés) qu’une protection adéquate de l’État était offerte, elle n’a pas examiné et vérifié sérieusement la preuve et les observations des demandeurs selon lesquelles ils ne l’avaient pas recherchée parce qu’elle n’aurait pu « raisonnablement être assurée ». Selon la preuve au dossier, il semblait s’agir d’une croyance raisonnablement étayée et, dans les cas où la protection ne peut raisonnablement être assurée, il n’est pas nécessaire de la rechercher : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689.

 

[81]     Les conclusions auxquelles j’arrive en l’espèce ressemblent beaucoup à celles des juges de Montigny et Zinn. Rien ne permet de penser qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que les autorités compétentes chargées de protéger les Roms contre les violences à caractère raciste (c’est‑à‑dire la police) interviendront et que la police est apte et disposée à protéger les Roms contre de telles violences. Dans ces conditions, la SPR n’a pas, en l’espèce, examiné de façon sérieuse ou adéquate la question et elle n’a pas vérifié les allégations des demandeurs selon lesquelles ils n’avaient pas et ne pouvaient pas obtenir la protection de l’État à Debrecen, ou nulle part ailleurs en Hongrie, parce que cette protection ne pouvait pas raisonnablement leur être assurée. Tout comme dans l’affaire Orgona, précitée, selon la preuve au dossier en l’espèce, il semblait s’agir d’une croyance raisonnablement étayée et, dans les cas où la protection ne peut raisonnablement être assurée, il n’est pas nécessaire de la rechercher (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689).

 

[82]     Les avocats conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.                  ACCUEILLE la demande, ANNULE la décision et RENVOIE l’affaire à la SPR pour la faire examiner de nouveau par un tribunal différemment constitué;

2.                  DÉCLARE qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3870-12

 

INTITULÉ :                                      NORBERT GULYAS, VIKTORIA GLONCZI, KATALIN NAGY, NORBERT GULYAS ( MINEUR)

 

                                                            -  et  -

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 février 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS : 

 

Elyse Korman                                                                         POUR LES DEMANDEURS

 

Rachel Hepburn Craig                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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