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Date : 20130307

Dossier : IMM-7026-12

Référence : 2013 CF 236

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

ERADNABUPADHI SARAWANAMUTTU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka d’origine ethnique tamoule âgée de 74 ans. Elle est arrivée à Niagara Falls, en Ontario, le 23 septembre 2009, après un voyage de 9 jours qui l’a fait passer trois pays intermédiaires, et elle a présenté une demande d’asile de l’intérieur du Canada 5 jours plus tard, à Toronto. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendu sa décision de vive voix à la fin de l’audience relative à sa demande d’asile.

 

[2]               La Commission a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité et elle a jugé que la demanderesse ne craignait pas avec raison d’être persécutée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), par la police ou par l’armée, en raison de son appartenance à un groupe social en particulier.

 

[3]               Bien que la décision ne représente pas un modèle de clarté, possiblement parce qu’elle a été rendue de vive voix, je n’estime pas que les conclusions de la Commission concernant la crédibilité et l’absence de risque prospectif sont déraisonnables.

 

La crédibilité

[4]               La question principale et déterminante était la crédibilité de la demanderesse relativement à son allégation selon laquelle son petit-fils de 19 ans avait disparu et qu’elle s’était enfuie peu après que l’armée s’était rendue chez elle, l’avait interrogé au sujet de la disparition de son petit‑fils et lui avait proféré des menaces. La Commission jugeait entre autres que le témoignage de la demanderesse était vague.

 

[5]               La demanderesse prétend que le commentaire de la Commission à propos du caractère « vague » de son témoignage n’est pas intelligible. Bien que je convienne que le commentaire de la Commission à cet égard soulève une interrogation, je suis d’avis, après avoir examiné la décision dans son ensemble, que la Commission voulait dire que son témoignage n’était pas suffisamment détaillé. Celui‑ci était très général et il n’était pas appuyé par des éléments de preuve documentaires objectifs.

 

[6]               La demanderesse n’a jamais expliqué pourquoi l’armée était soudainement apparue à son domicile pour lui demander où était son petit‑fils. Comment les militaires pouvaient‑ils savoir que son petit‑fils était disparu, alors qu’elle n’avait pas signalé cette disparition à qui que ce soit? Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas signalé la disparition de son petit‑fils, elle a déclaré que celui‑ci [traduction] « ne s’enfuyait jamais ». Cela aurait soutenu une réaction opposée de la part de sa grand‑mère. Il aurait été plus urgent de le retrouver s’il ne s’était jamais enfui, et non le contraire. Si la demanderesse avait bel et bien une raison valable de ne pas signaler la disparition aux autorités et qui aurait expliqué son inaction, comme le fait que [traduction] « la police et l’armée ne prennent pas les plaintes des Tamouls au sérieux », elle n’en a jamais fait part.

 

[7]               En revanche, elle a relaté dans son témoignage que l’armée lui avait explicitement mentionné de l’informer dans l’éventualité où les TLET communiqueraient de nouveau avec elle. La Commission était d’avis que, dans un endroit où les disparitions aux mains des TLET sont un problème bien connu, elle aurait dû, en tant que grand‑mère préoccupée, solliciter l’aide des autorités par quelque manière, et non seulement « espérer » le retour de son petit‑fils. Je suis d’avis qu’il s’agissait d’une conclusion intelligible et raisonnable. En dernier lieu, si la conclusion de la Commission en ce qui concerne la disparition alléguée est raisonnable, il s’ensuit que le témoignage de la demanderesse quant à la manière avec laquelle l’armée l’avait ensuite traitée était une invention ou, comme semble le laisser entendre la Commission, qu’il avait à tout le moins été embelli.

 

[8]               Par conséquent, je suis d’avis que la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse n’était pas exposée au risque d’être persécutée par l’armée en raison de la disparition de son petit‑fils était déraisonnable.

 

Le risque prospectif

[9]               La demanderesse soutient aussi qu’elle craint avec raison d’être persécutée, du fait que les demandeurs d’asile d’origine tamoule qui sont déboutés et qui reviennent de l’étranger sont exposés à des mauvais traitements aux mains des autorités à leur retour au Sri Lanka. Elle prétend aussi que la Commission a commis une erreur dans son traitement de la preuve, en ne choisissant qu’une partie de la preuve documentaire et en omettant de mentionner ou de faire ressortir les passages de cette preuve qui appuyaient la thèse de la demanderesse.

 

[10]           À mon avis, une interprétation raisonnable du document pertinent en l’espèce, soit la Réponse à la demande d’information LKA103815, est que les autorités sri‑lankaises effectuent un contrôle des personnes qui retournent au Sri Lanka pour y trouver des criminels et des « terroristes », et les Tamouls qui ont des liens ou à qui on attribue des liens avec les TLET font l’objet d’un examen plus serré à leur retour, et, dans certains cas, des abus sont commis. Selon la preuve du haut‑commissariat, la criminalité est, à sa connaissance, le seul motif qui avait entraîné la détention.

 

[11]           Comme il a été mentionné précédemment, la Commission a conclu que le témoignage de la demanderesse concernant le fait qu’on lui attribuerait des liens avec les TLET en raison de la disparition prétendue de son petit‑fils n’était pas crédible. Il s’ensuit que les parties de la preuve documentaire portant que les personnes qui ont des liens avec les TLET font l’objet d’un examen plus serré à leur retour au Sri Lanka ne s’appliquent pas au risque auquel la demanderesse est exposée. En l’absence de lien, le raisonnement de la Commission, selon lequel une femme de 74 ans à qui on n’attribue aucun dossier criminel ne serait pas exposée à de la persécution aux mains des autorités à son retour, était raisonnable compte tenu de la preuve documentaire.

 

[12]           Il incombe à la demanderesse de souligner, parmi les éléments de preuve documentaire dont disposait la Commission, ceux qui ont une incidence plus directe quant à la question de l’âge et du sexe, et qui démontraient qu’il y avait plus qu’une possibilité qu’une femme tamoule âgée de 74 ans, qui n’a aucun dossier criminel et aucun lien avec les TLET, serait détenue ou ferait l’objet de mauvais traitements à l’aéroport ou à un autre point de contrôle d’une manière qui constituerait de la persécution. Je ne vois tout simplement pas de tels éléments de preuve. En leur absence, je ne suis pas convaincu que la conclusion de la Commission n’appartient pas aux issues possibles acceptables : selon la preuve documentaire, la demanderesse ne correspondait pas à une personne ayant un profil de risque élevé.

 

[13]           La présente demande doit être rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question en vue de la certification.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge


 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7026-12

 

 

INTITULÉ :                                      ERADNABUPADHI SARAWANAMUTTU

c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 février 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 7 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Charles Jubenville

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANDERVENNEN LEHRER

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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