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Date : 20130311

Dossier : IMM-7462-12

Référence : 2013 CF 259

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

BERNADETTE SYMPHORIEN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Symphorien conteste une décision relative à un examen des risques avant renvoi [l’ERAR] selon lequel elle ne serait pas exposée à la persécution, au risque d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée à Sainte-Lucie.

 

[2]               Mme Symphorien est une demandeure d’asile déboutée qui a été victime d’agressions sexuelles et qui craint d’autres violences de la part de deux anciens petits amis et d’un autre homme. Elle affirme que deux de ces trois hommes l’ont agressée sexuellement au Canada, même si tous les trois sont de Sainte-Lucie. Elle craint que ces trois hommes, leur famille et/ou toute personne chargée par ceux-ci de lui infliger de mauvais traitements la prennent pour cible si elle était renvoyée à Sainte-Lucie. Plus précisément, en ce qui concerne le troisième homme, elle soutient qu’il l’a agressée sexuellement en décembre 2010, qu’elle a témoigné contre lui en cour en Ontario et qu’il a été reconnu coupable. Des lettres du ministère du Procureur général corroborent ses affirmations. Elle craint la famille de cet homme à Sainte-Lucie, qui aurait proféré des menaces contre elle et contre sa famille.

 

[3]               Sa demande d’asile a été entendue avec celle de sa mère et de ses deux frère et sœur. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rendu une décision défavorable le 29 avril 2011. Les questions déterminantes étaient la crédibilité, le risque généralisé et la protection de l’État. Au sujet du dernier élément, la SPR a affirmé que « [l]es demandeurs d’asile n’ont pas produit d’éléments de preuve clairs et convaincants démontrant que la protection de l’État serait inadéquate. ».

 

[4]               De la même façon, l’agent d’ERAR a conclu que la question déterminante dans la demande d’ERAR était la protection de l’État. L’agent a conclu que [traduction] « la demandeure d’asile n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve clairs et convaincants de l’incapacité de l’État de la protéger contre les menaces de ces trois hommes à Sainte-Lucie ».

 

[5]               La demanderesse soulève deux questions en plus de sa contestation du caractère raisonnable de la conclusion relative à la protection de l’État : 1) l’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en négligeant de tenir une audience, et 2) l’agent a‑t‑il mal interprété la preuve. Étant donné ma conclusion, énoncée ci‑après, selon laquelle la conclusion relative à la protection de l’État était raisonnable, il n’est pas nécessaire d’analyser ces autres questions car la demande doit être rejetée sur ce seul fondement.

 

[6]               Comme il est indiqué, la SPR a conclu que la demanderesse n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État – conclusion à laquelle l’agent d’ERAR n’a pas dérogé. La demanderesse soutient que la conclusion de l’agent relative à la protection de l’État est déraisonnable parce qu’il ou elle n’a pas examiné la question de savoir si la protection de l’État était suffisante à Sainte-Lucie pour les personnes, comme elle, qui sont victimes et témoins d’actes criminels. C’est le nouveau risque allégué dans sa demande d’ERAR; la SPR n’a pas analysé la protection de l’État selon un tel scénario. La demanderesse soutient que l’agent n’a pas tenu compte expressément de la preuve qui suit – Réponse à une demande d’information – LCA103495.EF, datée du 6 juillet 2010 :

Protection des témoins et des victimes

D’après le ministère des Affaires intérieures et de la Sécurité nationale (Ministry of Home Affairs & National Security), Sainte-Lucie travaille à l’élaboration d’un programme de protection des témoins et à l’aménagement d’installations permettant aux témoins de faire des déclarations enregistrées sur vidéo et de présenter des enregistrements vidéo en preuve devant le tribunal plutôt que de comparaître en personne (Sainte-Lucie 17 mars 2010). La modification du programme de protection des témoins serait l’une des priorités du RSLPF (ibid. 1er févr. 2010).

Cité par le St. Lucia Star, le commissaire de police adjoint a expliqué que le RSLPF ne disposait pas des ressources nécessaires pour affecter des policiers à la protection de chaque témoin (St. Lucia Star 21 mai 2010). Il a affirmé que les témoins hésitaient à se manifester et à témoigner par crainte de représailles, mais qu’en réalité, aucun témoin s’étant manifesté jusqu’à présent n’aurait subi de conséquences (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant en ce sens.

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 22 juin 2010, un inspecteur du Corps de police royal de Sainte-Lucie (RSLPF) a affirmé que la protection des témoins était une [traduction] « question préoccupante » dans la région et que la Caribbean Community (CARICOM) […] travaille à la mise sur pied d’un programme de protection unifié dans le cadre duquel les témoins et les membres de la magistrature d’un pays de la CARICOM pourraient demander la protection d’un autre pays en cas de besoin (RSLPF 22 juin 2010). Toutefois, il a souligné que ce plan n’était qu’à l’étape des discussions et que sa date de mise en œuvre, voire sa mise en œuvre même, était indéterminée (ibid.). Selon ses dires, Sainte-Lucie offre lorsque nécessaire une protection non officielle aux témoins, dans des refuges sécuritaires, mais il ne s’agit pas d’une [traduction] « solution viable » (ibid.).

[Non souligné dans l’original.]

 

[7]               La demanderesse soutient que l’homme contre qui elle a témoigné est dangereux, comme l’atteste le fait qu’elle a été transférée à Toronto en attendant la tenue du procès. Elle a ajouté que le fait que Sainte-Lucie est en train de modifier son programme de protection de l’État indique la nécessité dans ce pays de protéger les personnes, comme elle, des gens contre qui elles doivent témoigner.

 

[8]               Le problème concernant son affirmation tient au fait que le rapport sur lequel elle se fonde contient une déclaration expresse selon laquelle « aucun témoin s’étant manifesté jusqu’à présent n’aurait subi de conséquences », qui étaye la conclusion de l’agent voulant que la protection de l’État est disponible pour les personnes comme la demanderesse. Il est vrai qu’il s’agit d’une déclaration des autorités et que celles-ci ont peut‑être intérêt à laisser entendre qu’elles ont la situation bien en main; cependant, il n’existe aucune preuve du contraire sinon le fait qu’un programme est en voie d’être modifié. Ces éléments de preuve, dans le meilleur des cas, laissent entendre que la déclaration peut ne pas être totalement vraie, mais cela ne constitue pas un fondement suffisant pour que la Cour conclue que la décision est déraisonnable dans le sens où l’entendait la Cour suprême dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. Par conséquent, la demande doit être rejetée.

 

[9]               Aucune partie n’a proposé de question à certifier.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge


 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7462-12

 

 

INTITULÉ :                                      BERNADETTE SYMPHORIEN c LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 28 février 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Zinn

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 11 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Odeleye

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Ezrin

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BABOLA, ODELEYE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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