Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date: 20130131

Dossier : IMM-3727-12

Référence : 2013 CF 105

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

RASHPAL SINGH CHADHA

MANPINDER KAUR

ISHIKA KAUR CHADHA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision datée du 16 mars 2012 (la décision), par laquelle un agent des visas (l’agent) du haut‑commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni, rejetait la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur, à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). 

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur principal (le demandeur) est un citoyen de l’Inde, âgé de 45 ans, et il est un résident du Kowaït. Les demanderesses secondaires sont son épouse et sa fille. Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié (fédéral) le 21 avril 2010, demande qui était fondée sur ses qualifications professionnelles comme comptable. Le Bureau de réception centralisée des demandes (le BRCD) a effectué un examen initial de sa demande et l’a ensuite transférée à l’agent pour que celui-ci rende une décision définitive. Le demandeur a été avisé de ce transfert par une lettre datée du 16 juillet 2010.

 

[3]               Le demandeur a présenté sa demande au titre du code 1111 de la Classification nationale des professions – vérificateurs/vérificatrices et comptables (la CNP 1111). La CNP 1111 énonce que les comptables exercent une partie ou l’ensemble des fonctions principales suivantes :

a)                  concevoir, mettre en œuvre et administrer des systèmes comptables et préparer des renseignements financiers pour des particuliers, des services à l’intérieur d’entreprises, de sociétés ou d’autres genres d’établissements;

b)                  examiner les livres comptables, et préparer les états financiers et les rapports;

c)                  concevoir et appliquer des méthodes d’établissement et de comptabilisation du coût de revient et des procédures de contrôle interne;

d)                 examiner les états et les comptes financiers et préparer les déclarations de revenus;

e)                  analyser les états financiers et les rapports et donner des conseils dans le domaine financier ou fiscal;

f)                   remplir, à l’occasion, des fonctions de liquidateur dans des cas de faillite;

g)                  superviser et former, s’il y a lieu, des stagiaires comptables, d’autres comptables ou des techniciens en administration.

[4]               Le demandeur a fourni, à titre d’annexe 3 à sa demande, une liste des fonctions qu’il avait exercées au cours de sa carrière professionnelle :

[traduction]

a)                  rapprocher et tenir à jour les comptes du bilan;

b)                  vérifier les fiches techniques des matières premières utilisées pour transformer le pétrole en produit fini;

c)                  préparer la liste de paye mensuelle et les rapports sur les salaires journaliers;

d)                 tenir à jour les contrats d’entretien et effectuer le suivi auprès des clients quant à ces contrats;

e)                  s’occuper des comptes débiteurs;

f)                   préparer les rapports d’analyse de recouvrement;

g)                  s’occuper de l’encaisse et des rapprochements bancaires;

h)                  superviser la vérification annuelle des stocks.

 

[5]               Le demandeur a aussi fourni des lettres de ses anciens employeurs : Kuwait National Lube Oil Co., Al-Sundus Gen. Trading & Cont. Est., Kuwait Oxygen & Acetylene Company et United Fisheries of Kuwait. Ces sociétés y faisaient toutes l’éloge du demandeur et y confirmaient que ce dernier avait travaillé pour elles, mais aucune des lettres ne faisait état des fonctions exercées par le demandeur en tant qu’employé.

 

[6]               Après avoir reçu la lettre datée du 16 juillet 2010, le demandeur n’a pas eu de nouvelles, jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre datée du 16 mars 2012, qui l’informait que sa demande n’était pas admissible à passer à la prochaine étape du traitement.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[7]               Dans la présente affaire, la décision comprend la lettre datée du 16 mars 2012 (la lettre de refus) ainsi que les notes consignées par l’agent au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI).

 

[8]               L’agent a effectué un examen complet de la demande et il a conclu que celle‑ci n’était pas admissible à passer à la prochaine étape du traitement, parce que [traduction] « les renseignements fournis à l’appui de la demande [n’étaient] pas suffisants pour démontrer que le demandeur satisfai[sait] à la description de la profession et/ou qu’il avait exercé une partie appréciable des fonctions principales du code de la CNP ».

 

[9]               L’agent a conclu que les fonctions principales énumérées par le demandeur à l’annexe 3 ne correspondaient pas aux fonctions principales décrites dans la CNP 1111 et que les lettres d’emploi ne décrivaient pas réellement ses emplois antérieurs. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait une année d’expérience dans la profession visée à la CNP 1111 et il a conclu que la demande n’était pas admissible à passer à la prochaine étape du traitement.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           Le demandeur soulève les questions en litige suivantes dans la présente demande :

a)            L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas aux exigences prévues à la CNP 1111, alors qu’il y répondait clairement?

b)            L’agent a-t-il contrevenu à son devoir d’agir équitablement envers le demandeur en omettant de lui donner la possibilité de répondre à ses préoccupations?

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[11]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer dans chaque cas une analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à la question dont elle est saisie, la cour de révision peut l’adopter. C’est seulement lorsque cette recherche s’avère infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[12]           La première question en litige nécessite un examen de la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’était pas admissible au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). La jurisprudence a établi que cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 980, au paragraphe 11; Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, au paragraphe 22).

 

[13]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[14]           Dans ses prétentions, le demandeur soutient aussi que les motifs de l’agent sont insuffisants. Il fait valoir qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale. Cependant, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (Newfoundland Nurses), la Cour suprême du Canada a conclu, au paragraphe 14, que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. En fait, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». Par conséquent, l’insuffisance des motifs sera analysée de pair avec la raisonnabilité de la décision dans son ensemble.

[15]           La deuxième question en litige concerne l’équité procédurale (Kuhathasan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 457, au paragraphe 18 (Kuhathasan)). Comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 RCS 539, au paragraphe 100, « [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». Par conséquent, la norme de contrôle applicable à la deuxième question en litige est la décision correcte.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Visa et documents

 

 

*                               11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

[…]

 

*        (1) Le présent article s’applique aux demandes de visa et autres documents visées au paragraphe 11(1) — sauf à celle faite par la personne visée au paragraphe 99(2) —, aux demandes de parrainage faites par une personne visée au paragraphe 13(1), aux demandes de statut de résident permanent visées au paragraphe 21(1) ou de résident temporaire visées au paragraphe 22(1) faites par un étranger se trouvant au Canada, aux demandes de permis de travail ou d’études ainsi qu’aux demandes prévues au paragraphe 25(1) faites par un étranger se trouvant hors du Canada.

*        

(2) Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d’aider l’atteinte des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral.

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions :

 

a) prévoyant les groupes de demandes à l’égard desquels s’appliquent les instructions;

a.1) prévoyant des conditions, notamment par groupe, à remplir en vue du traitement des demandes ou lors de celui-ci;

b) prévoyant l’ordre de traitement des demandes, notamment par groupe;

 

 

c) précisant le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe;

 

 

d) régissant la disposition des demandes dont celles faites de nouveau.

(3.1) Les instructions peuvent, lorsqu’elles le prévoient, s’appliquer à l’égard des demandes pendantes faites avant la date où elles prennent effet.

(3.2) Il est entendu que les instructions données en vertu de l’alinéa (3)c) peuvent préciser que le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe, est de zéro.

 

 

 

(4) L’agent — ou la personne habilitée à exercer les pouvoirs du ministre prévus à l’article 25 — est tenu de se conformer aux instructions avant et pendant le traitement de la demande; s’il ne procède pas au traitement de la demande, il peut, conformément aux instructions du ministre, la retenir, la retourner ou en disposer.

 

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

 (1) This section applies to applications for visas or other documents made under subsection 11(1), other than those made by persons referred to in subsection 99(2), to sponsorship applications made by persons referred to in subsection 13(1), to applications for permanent resident status under subsection 21(1) or temporary resident status under subsection 22(1) made by foreign nationals in Canada, to applications for work or study permits and to requests under subsection 25(1) made by foreign nationals outside Canada.

 

 

(2) The processing of applications and requests is to be conducted in a manner that, in the opinion of the Minister, will best support the attainment of the immigration goals established by the Government of Canada.

 

(3) For the purposes of subsection (2), the Minister may give instructions with respect to the processing of applications and requests, including instructions

 

(a) establishing categories of applications or requests to which the instructions apply;

(a.1) establishing conditions, by category or otherwise, that must be met before or during the processing of an application or request;

(b) establishing an order, by category or otherwise, for the processing of applications or requests;

 

(c) setting the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year; and

 

(d) providing for the disposition of applications and requests, including those made subsequent to the first application or request.

(3.1) An instruction may, if it so provides, apply in respect of pending applications or requests that are made before the day on which the instruction takes effect.

(3.2) For greater certainty, an instruction given under paragraph (3)(c) may provide that the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year be set at zero.

 

(4) Officers and persons authorized to exercise the powers of the Minister under section 25 shall comply with any instructions before processing an application or request or when processing one. If an application or request is not processed, it may be retained, returned or otherwise disposed of in accordance with the instructions of the Minister.

 

 

[17]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent en l’espèce :

     Expérience (21 points)

 

*                               80. (1) Un maximum de 21 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié en fonction du nombre d’années d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent temps plein du nombre d’années d’expérience de travail à temps partiel, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande, selon la grille suivante :

*                                

[…]

 

Expérience professionnelle
 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), le travailleur qualifié, indépendamment du fait qu’il satisfait ou non aux conditions d’accès établies à l’égard d’une profession ou d’un métier figurant dans les description des professions de la Classification nationale des professions, est considéré comme ayant acquis de l’expérience dans la profession ou le métier :

 

a) s’il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession ou le métier dans les descriptions des professions de cette classification;

 

b) s’il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession ou du métier figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

 

Experience (21 points)

 

*       80. (1) Up to a maximum of 21 points shall be awarded to a skilled worker for full-time work experience, or the full-time equivalent for part-time work experience, within the 10 years preceding the date of their application, as follows:

 

 

 

 

 

[…]

 

Occupational experience
 

(3) For the purposes of subsection (1), a skilled worker is considered to have experience in an occupation, regardless of whether they meet the employment requirements of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, if they performed

 

 

 

(a) the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

 

(b) at least a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all the essential duties.

 

 

 

[18]           Le 15 juin 2009, Citoyenneté et Immigration Canada a publié le Bulletin opérationnel 120 (le BO 120). Ce bulletin vise à fournir « aux agents des visas des directives additionnelles concernant la prise de décisions définitives sur l’admissibilité au traitement relativement aux cas de travailleurs qualifiés du volet fédéral (TQF) présentés par le Bureau de réception centralisée des demandes de Sydney ». Le BO 120 mentionne :

Manque de preuves que la demande satisfait aux instructions ministérielles : Les agents des visas évalueront la demande en fonction des renseignements au dossier. Si le demandeur n’a pas présent assez de renseignements pour permettre de déterminer si sa demande est admissible au traitement, une décision défavorable en ce qui concerne l’admissibilité doit être rendue.

 

[…]

 

En ce qui concerne la catégorie SW1 (l’une des 38 professions mentionnées dans les IM), examiner les documents relatifs à l’expérience de travail. Ces documents sont notamment ceux qui sont énumérés dans la liste de contrôle des documents de l’appendice A des formulaires propres au bureau des visas. Ils devraient comporter suffisamment de détails pour prouver que le demandeur a une année d’expérience de travail continue ou d’expérience équivalente d’un travail rémunéré dans la profession au cours des dix dernières années. Il faut accorder moins de valeur probante aux documents qui ne fournissent pas suffisamment d’information au sujet de l’employeur ou qui contiennent seulement de vagues descriptions des tâches et des périodes d’emploi. Les descriptions de tâches reproduisant littéralement la formulation de la CNP doivent être considérées comme intéressées. Les agents des visas à qui l’on présente de tels documents peuvent se demander si ceux-ci décrivent avec exactitude l’expérience du demandeur. Un document ne comportant pas suffisamment de précisions pour permettre la vérification éventuelle ni une description crédible de l’expérience d’un demandeur risque de ne pas convaincre un agent de l’admissibilité d’une demande.

 

 

[19]           La liste de contrôle, qui figure à l’appendice A du formulaire de demande à l’intention des travailleurs qualifiés (fédéral), est aussi pertinente quant à la présente demande. Les instructions suivantes figurent à la page A-4 de ce document :

7.         EXPÉRIENCE DE TRAVAIL

 

[…]

 

            Chacune des lettres doit contenir les renseignements suivants :

                                                           i.              la période précise au cours de laquelle vous avez travaillé au sein de la compagnie

 

                                                            ii.           les postes que vous avez occupés au cours de cette période ainsi que la période au cours de laquelle vous avez occupé chaque poste

 

                                                          iii.           […] les principales responsabilités et les tâches qui vous incombaient dans le cadre de chacune de vos fonctions

 

                                                          iv.           le salaire annuel total ainsi que les avantages y ayant trait

 

                                                            v.           la signature de votre superviseur immédiat ou de l’agent du personnel de la compagnie

 

                                                          vi.           une carte d’affaires du signataire

 

[…]

 

 

 

LES ARGUMENTS

Le demandeur

            La raisonnabilité de la décision

[20]           Le demandeur soutient qu’il a évidemment exercé les fonctions exigées de la profession, puisqu’il a travaillé comme comptable pendant 13 ans. De plus, les fonctions qu’il a exercées étaient explicitement détaillées à l’annexe 3 de sa demande. Le demandeur soutient aussi que le BRCD n’aurait pas envoyé sa demande à l’agent pour examen approfondi si, à première vue, le demandeur ne semblait pas répondre aux exigences de la CNP 1111.

[21]           Le demandeur déclare que la décision ne contient aucune explication quant à savoir pourquoi l’agent ne croyait pas, compte tenu de la preuve dont il était saisi, qu’il répondait aux exigences de la CNP 1111. Les conclusions de l’agent ne reposent sur aucune assise factuelle, et les motifs contiennent des lacunes en ce qui a trait à l’analyse et à l’explication. Les motifs de l’agent n’expliquent pas le fondement des conclusions tirées dans la décision, et cela constitue une erreur susceptible de contrôle (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Jeizan, 2010 CF 323).

L’équité procédurale

[22]           Le demandeur soutient aussi que l’agent n’est pas arrivé à la décision en conformité avec les principes d’équité procédurale et qu’il a omis de fournir au demandeur la possibilité de dissiper ses doutes. Comme l’a mentionné le juge Richard Mosley au paragraphe 22 de la décision Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284 :

Il est bien établi que, dans le contexte des décisions d’un agent des visas, l’équité procédurale exige que le demandeur ait la possibilité de répondre aux éléments de preuve extrinsèques sur lesquels l’agente des visas s’est fondée et qu’il soit informé des préoccupations que l’agente a à cet égard : Muliadi, précité. À mon avis, le fait que la Cour d’appel fédérale a souscrit, dans l’arrêt Muliadi, précité, aux remarques que lord Parker avait faites dans la décision In re H.K. (An Infant), [1967] 2 Q.B. 617, montre que l’obligation d’équité peut exiger que les fonctionnaires de l’Immigration informent les demandeurs des questions suscitées par leur demande, pour que ceux-ci aient la chance d’« apaiser » leurs préoccupations, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise. D’autres décisions de la présente cour étayent cette interprétation de l’arrêt Muliadi, précité. Voir, par exemple, Fong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 705 (1re inst.), John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 350 (1re inst.) (QL) et Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3d) 38 (C.F. 1re inst.), où il a été statué qu’à l’entrevue, l’agent des visas doit informer le demandeur de l’impression défavorable que lui donne la preuve que celui-ci a soumise.

 

 

[23]           Dans la décision Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 :

Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées cidessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

 

[24]           Aussi, dans la décision Gedeon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1245, aux paragraphes 101 et 102 :

Bien que la demanderesse ait le fardeau de démontrer qu’elle réunit les conditions requises pour entrer au Canada, cela ne dispense pas l’agent de l’obligation d’agir équitablement. Notre Cour a déclaré à de nombreuses reprises que, même si un décideur n’est pas tenu de se reporter explicitement à chacun des éléments de preuve dont il a été saisi et qui tendent à réfuter une conclusion de fait qu’il a tirée, ni d’analyser chacun de ceux-ci, « cela dépend beaucoup de la pertinence et de la force de la preuve ainsi que de l’importance pour la décision finale relative au fait auquel se rapporte la preuve », pour reprendre les termes du juge Rouleau dans Toth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. n° 1518 (1re inst.).

 

En l’espèce, l’agent aurait dû faire clairement état dans la Décision ou les notes du STIDI des motifs du rejet de la description par l’employeur des antécédents de travail et des responsabilités de la demanderesse au Liban, et il aurait dû fournir à celle-ci l’occasion de dissiper ses inquiétudes à cet égard. Ne pas l’avoir fait constituait une erreur qui donne lieu à révision.

 

 

[25]           Le demandeur soutient que, si l’agent avait des préoccupations concernant la preuve jointe à la demande, il avait l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Le demandeur ne savait pas qu’il y avait un problème avec la documentation, et aucune des préoccupations de l’agent ne lui avait été signalée.

[26]           Comme il a été mentionné dans la décision Liao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1926, au paragraphe 17, « l’agent des visas s’acquitte de cette obligation d’informer le demandeur s’il oriente comme il se doit ses questions ou s’il demande des renseignements raisonnables qui donnent au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations ».

[27]           Le demandeur soutient que son cas est similaire à la situation décrite dans la décision Kuhathasan, précitée, où la Cour a mentionné ce qui suit aux paragraphes 39 à 41 :

S’agissant des questions d’équité procédurale soulevées dans la présente affaire, je pense qu’il faut garder à l’esprit que le dossier des demandeurs était étudié dans des circonstances quelque peu exceptionnelles et que les procédures habituelles devaient être ajustées en conséquence. Rien ne me prouve vraiment que les demandeurs ont eu accès aux renseignements dont ils avaient besoin pour satisfaire à toutes les exigences prévues par la Loi. Les directives apparaissant sur le site Web du défendeur étaient publiées pour que les demandeurs et les personnes qui les aidaient sachent comment présenter leur demande. Ces directives disaient aux demandeurs d’utiliser le formulaire de demande fédérale pour travailleur qualifié, et aussi de produire la lettre d’un proche au Canada qui allait leur offrir un soutien financier.

 

Il se trouve que les demandeurs ont fait tout ce qu’on leur avait dit de faire et qu’ils se sont conformés aux directives qui figuraient sur le site Web. Le principal doute de l’agente, tel qu’il apparaît dans sa décision, concernait les moyens généraux d’existence des demandeurs, encore que, d’après le dossier, elle eut aussi des doutes secondaires sur les ressources du proche vivant au Canada.

 

Au vu des circonstances propres à la présente affaire, il m’est impossible de voir comment les demandeurs auraient pu prédire, et régler, la question de leurs moyens d’existence, les questions accessoires concernant les ressources du proche au Canada ou la question de leurs aptitudes linguistiques. Ils ont fait ce qu’on leur avait dit de faire en se fondant sur les directives du site Web. Les moyens généraux d’existence des demandeurs étaient à l’évidence un aspect crucial de la décision de l’agente. L’équité exigeait donc de l’agente qu’elle donne aux demandeurs une occasion ou une autre de dissiper les doutes qu’elle avait à ce chapitre. Rien ne me prouve que, si les demandeurs avaient eu une telle possibilité, ils n’auraient pas pu dissiper les doutes de l’agente. Le demandeur principal est un professionnel établi, qui a également fait état de plusieurs autres relations et ressources auxquelles il pourrait s’adresser pour obtenir un soutien financier.

 

 

[28]           Le demandeur se fonde aussi sur la décision Sekhon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 700, dans laquelle le juge James O’Reilly s’exprimait ainsi, aux paragraphes 12 à 14 :

Les observations de M. Sekhon visaient à répondre aux préoccupations de l’agente concernant la question de savoir si l’école exerçait bien ses activités à l’adresse indiquée. Les lettres des parents et les photos devaient répondre à ces préoccupations et d’autres documents relatifs aux finances de l’école ont été produits. M. Sekhon n’aurait toutefois pas pu répondre aux autres préoccupations de l’agente puisqu’il ne les connaissait pas.

 

En conséquence, j’estime que M. Sekhon n’a pas eu une possibilité raisonnable de répondre aux préoccupations de l’agente concernant les faiblesses de sa demande.

 

[…]

 

L’agente n’a pas donné à M. Sekhon la possibilité de répondre aux véritables préoccupations suscitées par sa demande. Il n’a donc pas été traité équitablement. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner le réexamen de la demande de M. Sekhon par un autre agent. […]

 

 

[29]           Le demandeur soutient que, compte tenu de ce qui précède, l’agent avait l’obligation de l’aviser des problèmes que posait sa demande et de lui donner la possibilité de présenter une réponse. Le défaut de l’agent de s’acquitter de ces obligations entraînait une violation de son droit à l’équité procédurale.

Le défendeur

[30]           Le 29 novembre 2008, le gouvernement du Canada a publié, dans la Gazette du Canada, les instructions données en vertu de l’article 87.3 de la Loi, portant que, pour qu’une demande soit traitée, il faut d’abord établir si elle est admissible à être traitée. Le 15 juin 2009, Citoyenneté et Immigration Canada a publié le BO 120, qui fournit « aux agents des visas des directives additionnelles concernant la prise de décisions définitives sur l’admissibilité au traitement relativement aux cas de travailleurs qualifiés du volet fédéral (TQF) présentés par le Bureau de réception centralisée des demandes de Sydney ».

            La raisonnabilité de la décision

[31]           La Cour a établi qu’il incombe au demandeur de présenter une demande claire et complète ainsi que de convaincre l’agent qu’il a répondu à toutes les exigences relatives à sa demande (Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 453 (1re inst)). Les agents des visas n’ont pas une obligation générale de demander des clarifications à un demandeur (Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1239).

[32]           Dans la présente affaire, le demandeur a fourni cinq lettres de recommandation; aucune d’entre elles ne décrivait les fonctions qu’il avait réellement exercées. Par conséquent, le défendeur soutient qu’il était loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas démontré qu’il exerçait les fonctions décrites dans l’énoncé principal de la CNP 1111.

[33]           L’agent n’a pas fait fi de la preuve. Il a spécifiquement examiné la preuve documentaire du demandeur, y compris son annexe 3, et il a jugé qu’elle n’était pas suffisante pour établir que le demandeur avait l’expérience requise dans la CNP 1111. Le défendeur soutient que, compte tenu du BO 120, ci-dessus, et des préoccupations que l’agent avait à l’égard des lettres soumises par le demandeur, il s’agissait d’une conclusion raisonnable. Il était loisible à l’agent de conclure que la preuve était insuffisante pour démontrer l’expérience de travail du demandeur (Elisha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 520).

[34]           La Cour a mentionné ce qui suit aux paragraphes 9 et 10 de la décision Rodrigues c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 111 :

Dans la décision Noman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1169, bien que la Cour ait indiqué que le demandeur n’est pas obligé de remplir toutes les fonctions principales d’une catégorie d’emploi de la CNP, il doit cependant en remplir quelquesunes, c’est‑à‑dire plus qu’une.

 

Le rôle de l’agente des visas consiste en fait à déterminer le caractère véritable du travail exercé par le demandeur. L’exécution indirecte d’une ou plusieurs fonctions d’une ou plusieurs catégories d’emploi ne fait pas passer l’emploi ou les fonctions d’une catégorie de la CNP à une autre.

 

 

[35]           Le demandeur n’a pas réussi à convaincre l’agent qu’il avait l’expérience requise dans la CNP 1111, et il n’a pas démontré l’existence de quelque erreur que ce soit dans la décision de l’agent.

[36]           De plus, contrairement à ce qu’affirme le demandeur dans ses observations, le défendeur soutient que l’agent a bel et bien motivé sa décision (Newfoundland Nurses, précité, aux paragraphes 14 à 23). Dans les notes qu’il a consignées au STIDI, l’agent expliquait qu’il n’était pas convaincu que le demandeur avait l’expérience de travail requise.

L’équité procédurale

[37]           Le défendeur souligne que, dans le contexte d’une demande de résidence permanente, l’obligation d’équité procédurale se situe à l’extrémité inférieure du registre (Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, au paragraphe 10) et que l’agent n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur la possibilité de dissiper ses réserves quant à la demande.

[38]           Les tribunaux judiciaires, lorsqu’ils sont appelés à déterminer en quoi consiste l’obligation d’agir équitablement eu égard aux demandeurs de visa, doivent prendre soin de concilier les exigences de l’équité avec les nécessités du processus administratif de l’immigration dont il est question (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, aux paragraphes 30 à 32). Il s’agit d’une décision administrative : par conséquent, l’obligation d’agir équitablement est moins étendue que dans le contexte d’une décision rendue par un tribunal quasi‑judiciaire (Khan).

[39]           L’agent n’a pas l’obligation de fournir un compte rendu au demandeur quant aux lacunes dans sa demande (Kamchibekov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1411, au paragraphe 25). La question de savoir si le demandeur a l’expérience pertinente requise pour la profession à l’égard de laquelle il allègue être un travailleur qualifié est directement fondée sur les exigences de la Loi et du Règlement (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1279, aux paragraphes 20 à 22). Par conséquent, le défendeur soutient que l’agent n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur une occasion de répondre à ses préoccupations, au même titre que le demandeur n’avait pas un droit à une entrevue pour corriger ses propres lacunes (Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 442).

La réponse du demandeur

[40]           Le demandeur maintient que la faiblesse des motifs de l’agent constitue un manquement à l’équité procédurale. Il prétend de plus que les lettres mentionnaient qu’il avait occupé le poste de comptable pendant des années, et qu’il devait, par conséquent, exercer les fonctions décrites dans la CNP 1111, ce dont l’agent n’a pas tenu compte. Le demandeur affirme qu’il n’aurait pas pu garder son travail de comptable pendant 15 ans s’il n’avait pas exercé une partie ou l’ensemble des fonctions exposées à l’annexe 3.

[41]           Le demandeur soutient également que l’agent avait l’obligation de lui donner la possibilité de dissiper tout doute qu’il avait à l’égard de sa demande. Il ne s’agit pas d’un cas où le demandeur a omis de produire une preuve suffisante; le demandeur a produit la preuve et l’agent avait des préoccupations quant à celle‑ci. Le demandeur soutient que les précédents qu’il a invoqués dans ses observations soutiennent cette thèse.

ANALYSE

[42]           Comme l’expliquent clairement les notes consignées au STIDI, la demande a été rejetée au motif que l’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait fourni une preuve suffisante du fait qu’il avait une année d’expérience de travail dans la CNP 1111. L’agent n’était pas persuadé que le demandeur avait accompli l’ensemble des tâches décrites dans l’énoncé principal établi pour la profession ou le métier dans les descriptions des professions de la CNP 1111 ou que le demandeur avait exercé toutes les fonctions essentielles et une partie appréciable des fonctions principales énoncées dans les descriptions des professions de la CNP 1111. L’agent n’était pas convaincu que les fonctions principales exercées par le demandeur correspondaient aux fonctions principales figurant dans la CNP 1111. L’agent a conclu que les lettres d’emploi présentées par le demandeur à l’appui de sa demande ne donnaient aucune description des fonctions exercées par le demandeur dans le contexte de ces emplois. Autrement dit, la demande renfermait des lacunes et elle ne contenait pas les renseignements qu’on avait demandé au demandeur de fournir. On a conclu que la demande du demandeur n’était pas admissible à passer à la prochaine étape du traitement.

[43]           La décision a été rendue conformément aux instructions du ministre publiées dans la Gazette du Canada et au BO 120, lesquels sont des documents publics accessibles aux demandeurs, ainsi qu’au paragraphe 80(3) du Règlement. Le demandeur semble penser que les lacunes dans sa demande (c.‑à‑d. le fait que les lettres de ses employeurs qu’il a fournies n’étaient pas conformes, autant en ce qui a trait aux exigences qu’au degré de détails) peuvent être ignorées et que sa demande aurait dû être examinée sur le fondement de ce qu’il croit être une preuve suffisante de son expérience antérieure.

[44]           Comme le juge Yvon Pinard l’a confirmé dans la décision Kamchibekov, précitée, au paragraphe 18 :

Le défendeur souligne avec raison que nous sommes dans le contexte d’une détermination de l’admissibilité, où il est dit aux agents des visas d’évaluer la demande telle qu’elle est et de passer directement, en temps opportun, au stade de la détermination finale de l’admissibilité. (Voir le Bulletin opérationnel 120, précité). La décision de l’agent cadre donc avec ces lignes directrices. Le demandeur n’a pas établi que l’agent a commis une erreur en examinant la preuve qui lui avait été soumise.

 

 

[45]           En l’espèce, le demandeur a produit une demande incomplète et qui contenait des lacunes, et ce, en dépit du fait qu’il avait pleinement connaissance, ou qu’il aurait raisonnablement dû avoir connaissance, des exigences. Les propos du juge Richard Mosley dans la décision Elisha, précitée, aux paragraphes 10 à 13, sont instructifs :

On a fourni à la demanderesse des directives détaillées sur la manière de remplir sa demande, lesquelles sont énoncées dans le Guide de traitement des demandes à l’étranger OP 6 et les Directives propres au bureau des visas, Buffalo, datées de novembre 2010. Ces directives prévoient des exigences quant aux renseignements qui doivent figurer dans les lettres de recommandation fournies par les employeurs. Comme les lettres d’emploi ne contenaient pas les renseignements nécessaires, la demanderesse a tenté d’y remédier en fournissant une explication écrite. Or, dans de tels cas, selon les directives du bureau des visas de Buffalo, le demandeur doit également produire des documents tels que des contrats de travail, des descriptions de poste et des évaluations de rendement précisant les fonctions du poste afin d’appuyer l’allégation relative à l’emploi visé.

 

En l’espèce, la demanderesse n’a fourni aucun document justificatif à l’appui de son travail au New York Presbyterian Hospital, si ce n’est sa carte d’identité, et de son emploi au Duke University Hospital.

 

Il incombait à la demanderesse de présenter une demande accompagnée de tous les documents justificatifs pertinents et de fournir, à l’appui de cette demande, une preuve crédible suffisante : Karanja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 574, au paragraphe 8; Oladipo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24. Elle se devait de présenter « la meilleure preuve possible ». Elle ne l’a tout simplement pas fait.

 

En conséquence, la décision de rejeter la demande appartenait bien aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

 

[46]           Compte tenu des pièces fournies par le demandeur et des instructions applicables quant à l’examen, je ne peux affirmer qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait exercé les fonctions principales décrites dans la CNP 1111. L’agent a donné des motifs complets pour justifier cette conclusion, et rien n’indique que l’agent ait omis de tenir compte de quelque élément de preuve fourni par le demandeur.

[47]           En ce qui concerne toute exigence en matière d’équité procédurale, je crois que le défendeur énonce correctement le droit applicable quant à cette question. L’agent n’était pas obligé de faire part de ses préoccupations au demandeur dans la présente affaire. L’agent a conclu que la documentation fournie par le demandeur était faible et qu’il n’y avait pas de preuve suffisante pour démontrer que le demandeur avait une année d’expérience de travail dans la catégorie de la CNP au titre de laquelle il avait présenté sa demande.

[48]           La teneur de l’équité procédurale varie et est de nature contextuelle. Les tribunaux judiciaires, lorsqu’ils sont appelés à déterminer en quoi consiste l’obligation d’agir équitablement eu égard aux demandeurs de visa, ont pris soin de concilier les exigences de l’équité avec les nécessités du processus administratif de l’immigration dont il est question. Voir Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21; Patel, précité, au paragraphe 10; Khan, précité, aux paragraphes 22, 30 à 32.

[49]           Le devoir d’agir équitablement dans la présente affaire, qui concernait un décideur administratif, est moins étendu que dans une affaire concernant un tribunal quasi‑judiciaire, où l’obligation de soumettre les préoccupations au demandeur peut être plus stricte. Voir Khan, précité, aux paragraphes 31 et 32. La Cour fédérale a conclu que l’agent n’a pas l’obligation de fournir un compte rendu au demandeur quant aux lacunes de sa demande. Voir Kamchibekov, précitée, au paragraphe 25; Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 489, au paragraphe 9; Nabin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 200, aux paragraphes 7 à 10.

[50]           La question de savoir si le demandeur a l’expérience pertinente requise pour la profession à l’égard de laquelle il allègue être un travailleur qualifié est directement fondée sur les exigences de la Loi et du Règlement. Voir Chen, précitée, aux paragraphes 20 à 22. Par conséquent, l’agent n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur une occasion de présenter une réponse à ses préoccupations, au même titre que le demandeur n’avait pas droit à une entrevue pour corriger ses propres lacunes. Voir Kamchibekov, précitée, au paragraphe 26, et Kaur, précitée.

[51]           Il ne s’agissait pas, comme l’allègue le demandeur, d’une affaire concernant la crédibilité ou l’exactitude des renseignements qu’il avait fournis. Le demandeur n’a tout simplement pas présenté une demande conforme aux instructions pertinentes, et l’agent a, à juste titre, suivi le BO 120.

[52]           Aucune partie n’a proposé de question grave de portée générale à des fins de certification.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3727-12

 

INTITULÉ :                                      RASHPAL SINGH CHADHA; MANPINDER KAUR; ISHIKA KAUR CHADHA

 

                                                            -   et   -

 

                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION                                                 

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 janvier 2013

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 31 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Sherif R. Ashamalla                                                                POUR LES DEMANDEURS

                                                                                                                    

Margherita Braccio                                                                 POUR LE DÉFENDEUR       

 

 

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Sherif R. Ashamalla                                                                POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                               

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.