Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130118

Dossier : IMM-5056-12

Référence : 2013 CF 45

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

JI HO CHO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 2 mai 2012, par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur, ayant commis de graves crimes de droit commun, est exclu de la protection.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Le demandeur, ressortissant de la République de Corée, est arrivé au Canada le 16 novembre 2006 en tant que visiteur. Il est demeuré au Canada sans changement de statut jusqu’au 28 septembre 2010, date à laquelle il a déposé une demande d’asile.

 

[4]               En Corée, alors qu’il était adolescent, le demandeur a été mêlé à des bandes de quartier et, à 23 ans, est devenu membre à part entière de l’Eagles Group. De son propre aveu, il a, alors qu’il était membre de cette bande, commis plusieurs crimes, y compris des crimes de violence causant des lésions corporelles, la pratique de taux d’intérêt illégaux, des extorsions, la corruption de fonctionnaires, bon nombre de ces crimes ayant été commis pour le compte d’une organisation criminelle, en l’occurrence les Eagles. Peu de temps avant son arrivée au Canada, le demandeur purgeait en Corée une peine de prison. Il était, lors de son départ, l’un des principaux dirigeants de la bande.

 

[5]               La Commission a conclu qu’il s’agissait là de crimes graves, punissables au Canada d’une peine maximale d’emprisonnement d’au moins 10 ans, et qu’il y avait de sérieuses raisons de croire que le demandeur avait effectivement commis ces crimes. Il n’y a pas de litige entre les parties quant à ces faits.

 

II.        Les questions en litige

 

[6]               Le demandeur soulève deux questions en l’espèce :

A.        La SPR a‑t‑elle commis une erreur en ne prenant pas en compte le fait que, pour certains des crimes qu’il avait commis, le demandeur avait purgé sa peine?

 

B.        La SPR a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas, avant de conclure à l’exclusion, la preuve étayant tant l’inclusion que l’exclusion?

 

III.       La norme de contrôle

 

[7]               Le point de l’exclusion de la protection accordée aux réfugiés soulève des questions mixtes de fait et de droit et elle est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 238, [2008] ACF no 299, au paragraphe 10). L’interprétation de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies est toutefois susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 324, [2012] ACF no 1609, aux paragraphes 24 et 25).

 

IV.       Analyse

 

[8]               Le demandeur développe une argumentation à deux volets. Il fait d’abord valoir que la SPR a commis une erreur en l’excluant de la protection accordée aux réfugiés, car il a renoncé au crime organisé et purgé les peines auxquelles il avait été condamné. Cela étant, sa situation ne correspond plus aux facteurs en cause dans l’arrêt Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2008] ACF no 1740 (Jayasekara, CAF). Il soutient par ailleurs que la SPR aurait dû, à l’audience, examiner non seulement les éléments qui tendaient à l’exclusion, mais également ceux qui favorisaient l’inclusion.

 

[9]               Je ne saurais retenir ni l’un ni l’autre de ces arguments. Dans son arrêt Jayasekara, précité, la Cour d’appel fédérale a clairement précisé qu’en ce qui concerne la gravité du crime, les facteurs à retenir aux fins de l’alinéa 1Fb) sont les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits ainsi que les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité (voir Jayasekara, CAF, au paragraphe 44). La Cour a été tout aussi claire en déclarant qu’il n’y a pas à mettre dans la balance « des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité comme, par exemple, le risque de persécution dans le pays d’origine » (Jayasekara, CAF, précité, au paragraphe 44; Febles, précité, aux paragraphes 29 et 30).

 

[10]           Je suis convaincu que, pour décider de l’exclusion du demandeur de la protection accordée aux réfugiés, la SPR a correctement appliqué les facteurs dégagés dans l’arrêt Jayasekara. Le risque de persécution en Corée – ou, pour reprendre les termes du demandeur, les facteurs tendant à son inclusion – ainsi que sa réinsertion et le fait qu’il a purgé sa peine, sont des facteurs étrangers qui n’ont pas à être pris en compte pour apprécier, aux fins de l’alinéa 1Fb) de la Convention, la gravité d’un crime (Febles, précité, aux paragraphes 34 et 35; Chawah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 324, [2009] ACF no 385, aux paragraphes 5 et 6). De fait, la Cour d’appel a été claire en précisant que « [l’alinéa 1Fb)] permet d’exclure tout autant les auteurs de crimes graves de droit commun qui cherchent à utiliser la Convention pour échapper à la justice locale, que les auteurs de crimes graves de droit commun qu’un État juge indésirable d’accueillir sur son territoire, qu’ils cherchent ou non à fuir une justice locale, qu’ils aient ou non été poursuivis pour leurs crimes, qu’ils aient ou non été reconnus coupables de ces crimes ou qu’ils aient ou non purgé la sentence qui leur aurait été imposée relativement à ces crimes » (Zrig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, [2003] ACF no 565, au paragraphe 129; Radi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 16, [2012] ACF no 9, au paragraphe 18). Cela étant, la demande doit être rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5056-12

 

INTITULÉ :                                      JI HO CHO c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 10 JANVIER 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 18 JANVIER 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LE DEMANDEUR

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.