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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130117

Dossier : IMM-5821-12

Référence : 2013 CF 43

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

RAOUL NDAGIJIMANA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire d’une décision d’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue par un agent d’immigration supérieur (l’agent) le 10 mai 2012.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Contexte

 

[3]               Le demandeur est un ressortissant du Burundi, qui est arrivé au Canada en octobre 2006 et a présenté une demande d’asile, qui a été refusée. Sa demande d’ERAR, qui repose sur des motifs entièrement nouveaux par rapport à ceux qui ont été invoqués dans sa demande d’asile, a été reçue le 5 mai 2011.

 

[4]               Dans son ERAR, le demandeur soutenait qu’il craignait avec raison d’être persécuté ou d’être exposé au risque de traitements ou de peines cruels ou inusités en raison de son activité au sein du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), parti politique d’opposition au Burundi. L’agent d’ERAR a admis à titre de nouveaux éléments de preuve tous les documents produits par le demandeur, y compris une copie de sa carte de membre du MSD, une lettre de la section de la diaspora du MSD, des reçus attestant de ses contributions financières au parti entre 2009 et la date de sa demande, et des documents faisant état de la situation au Burundi.

 

[5]               L’agent a conclu que, même si les éléments de preuve documentaire établissaient que des membres du MSD avaient été victimes de persécution au Burundi par le passé, le demandeur n’avait pas suffisamment établi que sa situation était la même que celle de ces personnes. Plus particulièrement, l’agent a estimé que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve attestant qu’il serait perçu comme un membre du MSD ou qu’il intéresserait les autorités du Burundi.

 

II.        Questions en litige

 

[6]               Les questions soulevées par le demandeur peuvent s’énoncer en ces termes :

A.        L’agent a‑t‑il commis une erreur en omettant de tenir une audience;

B.        L’agent a‑t‑il appliqué comme il se devait l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

 

III.       Norme de contrôle

 

[7]               La décision d’un agent quant à la tenue d’une audience pour un ERAR relève de son pouvoir discrétionnaire et commande une retenue considérable (Matano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1290, [2010] ACF no 1659, au paragraphe 10; Andrade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1074, [2010] ACF no 1348, au paragraphe 21). Cependant, l’équité de la procédure dans son ensemble doit être évaluée en fonction de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, au paragraphe 43; Matano, précitée, au paragraphe 11).

 

[8]               De la même façon, la question de savoir si l’agent a appliqué le bon critère juridique représente une question de droit, aussi susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Khosa, précitée, au paragraphe 44; Nagaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 204, [2010] ACF no 240, au paragraphe 17). La façon dont l’agent a appliqué le critère, cependant, est une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9; Nagaratnam, précitée, au paragraphe 14). Comme la Cour suprême l’a indiqué dans Dunsmuir, précité, le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (paragraphe 47).

 

IV.       Analyse

 

A.        Équité de la procédure

 

[9]               Le demandeur invoque l’alinéa 113b) de la LIPR pour soutenir qu’il aurait dû avoir la possibilité de dissiper les doutes de l’agent quant à sa crédibilité lors d’une audience. Il renvoie aux facteurs suivants, énumérés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, qui servent à déterminer si une audience devrait avoir lieu dans un ERAR :

Facteurs pour la tenue d’une audience

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

Hearing — prescribed factors

 

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

[10]           Je ne peux pas accepter la façon dont le demandeur interprète la décision de l’agent. Bien que rien dans la preuve n’indique que l’agent a directement pris en considération les critères en question, je ne suis pas convaincu que l’agent a pris sa décision en fonction de la crédibilité. Sa décision reposait plutôt sur son observation voulant que la demande d’asile n’était pas étayée par une preuve suffisante. Il incombe au demandeur de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa demande, et il était loisible à l’agent d’accorder peu de valeur probante aux éléments de preuve soumis. Par exemple, la lettre du MSD a reçu peu de poids en raison de son manque de précision – un motif justifiable et intelligible. Le fait que les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement n’entrent pas en ligne de compte m’amène à conclure qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale eu égard aux faits en l’espèce.

 

B.        Analyse relative à l’article 96

 

[11]           Le demandeur soutient que l’agent a mal appliqué le critère énoncé à l’article 96 de la LIPR en l’obligeant à établir qu’il s’exposait à un risque personnalisé. Je ne peux pas accepter cet argument. Si le demandeur a raison de souligner que, en vertu de l’article 96, le demandeur n’a qu’à établir qu’il appartient à un groupe particulier et que, à titre de membre de ce groupe, il existe une possibilité sérieuse qu’il soit exposé à la persécution, l’agent, en l’espèce, n’était pas convaincu que tous les membres du MSD constituaient un groupe particulier exposé à une possibilité sérieuse de persécution. Il est plutôt clair que l’agent estimait que seuls les membres du MSD ayant une certaine notoriété pouvaient constituer un groupe particulier susceptible d’être exposé à un tel risque. Il est clair, à partir des documents, que le demandeur n’a pas fourni de preuve à cet égard et, pour cette raison, l’agent a raisonnablement conclu que le demandeur ne s’exposerait qu’à une simple possibilité de persécution. Par conséquent, l’agent en est venu à cette conclusion à partir de son analyse de la preuve, démarche qui entre dans son champ d’expertise, et que je trouve raisonnable eu égard aux faits en l’espèce.

 

V.        Conclusion

 

[12]           L’agent a exercé de manière raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir d’audience et a appliqué l’article 96 de la LIPR de manière adéquate et raisonnable.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5821-12

 

INTITULÉ :                                      RAOUL NDAGIJIMANA c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Near

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 17 janvier 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

 

Pour le demandeur

A. Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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