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Cour fédérale

 

Federal Court


 


 


Date : 20130109

Dossier: IMM-3898-12

Référence : 2013 CF 14

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

 

ABDULL-RAHMANE BAH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 28 mars 2012, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 ch 27 [la LIPR]. La SPR a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR, ni une personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

 

I.          Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen guinéen. Au moment de l’audience devant la SPR, il venait d’obtenir sa majorité.

 

[3]               Le demandeur prétend être le neveu de M. Sidiki Diakité, dénommé Toumba, une personne activement recherchée par le gouvernement guinéen.

 

[4]               Les deux frères du père du demandeur auraient été assassinés sous le régime de Sékou Touré et son père a lui-même fui au Sénégal pour revenir en Guinée en 1984 sous le régime de Lansana Conté. Son père s’est alors lancé dans le commerce tandis que son cousin, Mamadou Bâ, mit sur pied un parti politique, l’Union pour la nouvelle République [UNR] et il se porta candidat aux élections de 1993.

 

[5]               M. Bâ aurait sollicité l’appui financier du père du demandeur, lequel vivait alors à Pita. En 1993, Lansana Conté fut élu suite à des manœuvres frauduleuses. M. Bâ et le père du demandeur auraient donc appelé le peuple à se révolter et les manifestations finirent dans le sang. M. Bâ et plusieurs de ses partisans se sont retrouvés en prison pour ensuite être libérés. Deux gardes de sécurité furent accordés au père du demandeur par M. Bâ.

 

[6]               En 1997, les parents du demandeur sont morts dans un accident d’automobile suspect. Aucune enquête n’a suivi l’accident.

 

[7]               Le demandeur ainsi que sa sœur furent élevés par leur tante maternelle, Aicha Diallo, mariée à Sidiki Diakité, dénommé Toumba. Celui-ci est un garde du Capitaine Dadis Camara, l’homme qui dirigeait le pays depuis décembre 2008.

 

[8]               Le 28 septembre, le demandeur participa à une prière au stade de Conakry. Après la prière de 14 h, des militaires ouvrirent le feu sur la foule. Le demandeur réussit à s’échapper et à se réfugier chez une personne. Le mari de sa tante est alors venu le chercher et de retour à la maison, il expliqua à sa tante que son mari avait commandé le massacre au stade de Conakry. Son oncle avoua finalement que son unité avait perpétré ces crimes.

 

[9]               En décembre 2009, les gardes du Président se lancèrent à la poursuite de l’oncle du demandeur, car celui-ci avait tenté de tuer Dadis Camara. Ils se présentèrent à son domicile et auraient enlevé sa tante ainsi que sa sœur dans un véhicule militaire. Le demandeur était absent lors de l’événement. Il reçut un appel d’un ami de son père, Ahmed Bah, qui lui ordonna de se rendre chez lui.

 

[10]           Celui-ci organisa le départ du demandeur pour l’étranger. Sa femme étant aux États-Unis, celle-ci serait rentrée en Guinée afin de venir le chercher pour qu’elle l’accompagne au Canada. Le demandeur quitta la Guinée le 17 mars 2010 et entra au Canada le 19 mars 2010, accompagné de la femme d’Ahmed Bah.  

 

 

 

II.        Décision révisée

[11]           La SPR a conclu que le demandeur n’a pas établi le bien-fondé de sa demande d’asile puisqu’il n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités son identité et donc il ne peut établir qu’il est le neveu d’une personne recherchée par les autorités guinéennes.

 

[12]           Dans un premier temps, la SPR a noté que le demandeur a été détenu pendant une période de quarante-huit heures à cause de problèmes au sujet de son identité. Le demandeur aurait présenté une photocopie de son acte de naissance aux agents de l’Agence canadienne des services frontaliers [ASFC]. Ceux-ci auraient considéré qu’il est peu lisible. Il a ensuite été libéré sous condition de se présenter à chaque semaine à l’agence et de présenter l’original de son acte de naissance. Le demandeur a par la suite obtenu un passeport.

 

Identité

[13]           Dans un premier temps, la SPR a considéré la photocopie du passeport qui a été fournie par le demandeur. La SPR a conclu que le passeport semble être un passeport guinéen. Cependant, étant donné que le passeport a été obtenu alors que le demandeur se trouvait au Canada, la SPR a voulu avoir davantage de détails sur la manière dont le passeport a été obtenu.

 

[14]           La SPR a considéré l’explication selon laquelle le demandeur aurait communiqué avec un certain Thierno, qui lui a été présenté par son gérant du Pétro-Canada, l’endroit où il travaillait. Cette personne lui aurait dit qu’il est possible d’obtenir un passeport à l’aide d’un dénommé M. Camara. Le demandeur affirme aussi qu’il a envoyé deux photos, la somme de 200$ CAD ainsi que la photocopie de son acte de naissance. La SPR a aussi considéré le fait que le demandeur n’a pas fourni de formulaire ni signé de document. De plus, la SPR a questionné le demandeur au sujet de l’enveloppe qui aurait servi à l’expédition de son passeport. En effet, celle-ci indique la mention « certificat » et non pas « passeport ». Le Conseil du demandeur a expliqué qu’une telle mention est absente, car on ne peut pas expédier de passeport par la poste. De plus, il est indiqué que l’enveloppe ne contient qu’une seule page et qu’elle est de 0.5 gramme. Ainsi, la SPR considère que le demandeur ne peut établir son identité sur la base du passeport qui a été soumis.

 

[15]           En ce qui a trait à la photocopie de l’acte de naissance du demandeur, la SPR a noté que celle-ci est peu lisible et qu’elle n’a donc pas de valeur probante. Le demandeur a été questionné à ce sujet, pour savoir si l’ASFC avait porté à son attention cet élément. Il affirme que oui. On lui a ensuite demandé si l’ASFC avait noté qu’il semble que le rang de naissance ait été effacé. Le demandeur a répondu que non et la SPR a conclu que le demandeur manque de crédibilité, car il est raisonnable qu’il se soit souvenu des questions qui lui ont été posées par les agents de l’ASFC au sujet de la photocopie de son acte de naissance qui est peu lisible.  

 

[16]           De plus, la SPR a demandé s’il serait possible pour le demandeur d’obtenir l’original de l’acte de naissance. La réponse fournie par le demandeur selon laquelle le directeur ne conserve pas les orignaux de ces documents n’est pas satisfaisante. Aussi, le demandeur a indiqué que la copie originale de son acte de naissance se trouvait chez lui, mais que la maison de sa tante a été détruite par les militaires. Enfin, lorsque la SPR a porté à son attention le fait que les autorités guinéennes pourraient lui fournir une copie, celui-ci a répondu qu’il les craint.

 

[17]           Ainsi, la SPR a conclu que le demandeur n’a pas fourni de preuve corroborante pour établir son identité et que les explications fournies pour justifier le fait de ne pas avoir déposé une preuve plus corroborante ne sont pas satisfaisantes.

 

[18]           Toujours pour tenter d’établir l’identité du demandeur, la SPR a interrogé un témoin, Thierno Dioubairote Bah, qui était un membre de l’UNR ainsi qu’un ami du père du demandeur. La SPR a conclu de manière générale, que ce témoin ne peut établir l’identité du demandeur de manière fiable, car celui-ci l’aurait connu alors qu’il était bébé et donc qu’il ne peut le reconnaître visuellement. De plus, le témoin a démontré qu’il n’en connaît que très peu au sujet de la famille du demandeur alors qu’il prétend avoir été à la résidence du père du demandeur à de nombreuses occasions. Enfin, ce témoin a contredit les déclarations du demandeur au sujet des personnes qui auraient été impliquées dans l’accident de voiture de ses parents et le demandeur n’a pu expliquer cette contradiction. En effet, alors que le demandeur prétend que ses parents et deux gardes du corps sont décédés, le témoin explique que trois personnes sont décédées soit un couple et un enfant.

 

[19]           Enfin, la SPR a aussi considéré les photos déposées en preuve par le demandeur. Cependant, elle a conclu que l’identité de ce dernier ne peut être établie sur cette seule base.

 

Crédibilité

[20]           Dans un deuxième temps, la SPR a procédé à l’évaluation de la crédibilité du demandeur.

 

[21]           D’abord, la SPR a noté que le demandeur n’a pas fourni les actes de décès de ses parents alors qu’il aurait été opportun de le faire, car cela constitue la base de sa demande d’asile. En effet, celui-ci allègue que sa famille a toujours été impliquée en politique. L’explication du demandeur selon laquelle ils n’ont probablement jamais existé pour ensuite préciser qu’il ne les a jamais vus et que ses cousins de Pita ne peuvent obtenir ces pièces, n’a pas été jugée comme étant satisfaisante par la SPR. Ainsi, la SPR a constaté que la mort suspecte des parents du demandeur ne peut être établie selon la prépondérance des probabilités.

 

[22]           Deuxièmement, la SPR a questionné le demandeur au sujet de l’accident de voiture de ses parents, en lui demandant les raisons pour lesquelles il croit que celui-ci est lié à l’implication politique de ses parents, les circonstances de celui-ci, ainsi que ce qui lui a été raconté à ce sujet par ses cousins. À la réponse fournie par le demandeur selon laquelle son père finançait l’UNR, que la rumeur n’était à l’effet que l’accident n’en était pas un réellement et que peu des membres de sa famille lui en ont parlé, la SPR a considéré que celui-ci n’est pas crédible à ce sujet. De plus, la SPR a soupesé le témoignage contradictoire fourni par le témoin Thierno Dioubairote Bah au sujet de l’accident et le fait que le demandeur n’a pas déposé d’articles de journaux qui feraient état de la mort de son père, qui était une personne importante selon les dires du demandeur.

 

[23]           Troisièmement, la SPR a considéré l’implication politique alléguée du demandeur. La SPR a considéré de manière négative le fait que le demandeur fournisse une carte de membre du parti de

l’Union des Forces démocratiques de Guinée qui démontre qu’il est membre depuis l’âge de 14 ans sans qu’aucune mention ne soit faite de ce fait dans son récit écrit. De plus, la SPR considère que même dans la mesure où le demandeur aurait été impliqué politiquement en Guinée, son implication ne peut être que très limitée étant donné son âge.

 

[24]           Quatrièmement, la SPR a considéré le témoignage du demandeur au sujet du massacre au stade de Conakry du 28 septembre 2009. Le demandeur prétend avoir été présent à ce terrible événement. À plusieurs égards, le témoignage du demandeur contredit la preuve documentaire au sujet du déroulement de la fusillade et la SPR a donc considéré son témoignage comme n’étant pas crédible.

 

[25]           Cinquièmement, la SPR a questionné le demandeur au sujet de Sidiki Diakité, dénommé Toumba. Encore à ce sujet, la SPR a conclu que le demandeur n’est pas crédible, car il ne peut établir que sa tante était mariée à cet homme activement recherché par Alpha Condé et qu’il ne peut fournir que très peu d’informations au sujet des membres de la famille de Diakité. Le demandeur prétend qu’il ne s’est pas intéressé à son oncle et encore moins à sa famille, car il serait responsable de l’assassinat de son père. La SPR n’a pas considéré cette explication comme étant satisfaisante étant donné que le demandeur a vécu avec sa tante jusqu’à l’âge de seize ans.

 

[26]           Enfin, en ce qui a trait à la mort de sa sœur, le demandeur prétend avoir appris le décès de celle-ci en même temps que celui de sa tante. Questionné au sujet de la manière dont il a été mis au courant, il prétend que ce serait une connaissance en Guinée qui aurait assisté à l’enterrement, mais qu’il ne se souvient pas de la date exacte de celui-ci et qu’il n’a pas de photo. De plus, le demandeur n’a soumis aucun acte de décès. Ainsi, la SPR a considéré que le témoignage du demandeur au sujet de la mort de sa sœur n’est pas fiable.

 

[27]           Ainsi, la SPR a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger », car son identité ne peut être établie selon la prépondérance des probabilités et qu’il n’est pas crédible.

 

III.       Questions en litige

1. La SPR, a-t-elle erré en considérant que le demandeur n’a pas établi son identité?

 

2. La SPR, a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas crédible?

 

IV.       Norme de contrôle

[28]           La décision de la SPR au sujet de l’identité du demandeur doit être révisée selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux paras 164-166, [2008]

1 RCS 190). La norme de contrôle applicable à l’évaluation de la crédibilité du demandeur est aussi la norme de la décision raisonnable (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 160 NR 315 au para 4, 1993 CarswellNat 303 (CAF)).

 

V.        Analyse

A. Le tribunal, a-t-il erré en considérant que le demandeur n’a pas établi son identité?

Position du demandeur

[29]           En ce qui a trait à l’identité du demandeur, celui-ci soumet que la SPR a erré en concluant qu’elle n’accorde aucune valeur probante au passeport alors qu’elle a reconnu qu’il semble authentique. Le demandeur est d’avis que la SPR ne pouvait rejeter le passeport pour la seule raison que le processus par lequel celui-ci a été obtenu n’est pas habituel, car cette conclusion n’est pas appuyée par la preuve documentaire.

[30]           Pour ce qui est de l’acte de naissance, le demandeur soumet que la conclusion de la SPR est erronée dans les circonstances étant donné qu’il n’est pas juste d’affirmer que la photocopie de l’acte de naissance semble avoir été altérée et qu’elle est peu lisible. Le demandeur est d’avis que le membre instructeur a fondé sa conclusion d’absence de crédibilité du demandeur en ce qui a trait aux réponses fournies à l’ASFC au sujet de son acte de naissance sur des conjectures et qu’il s’agit d’une erreur du décideur.

 

Position du défendeur

[31]           En ce qui a trait à l’identité du demandeur, le défendeur rappelle que le demandeur a le fardeau d’établir son identité et de recueillir les documents pouvant l’établir et que l’absence de tels documents peut affaiblir la crédibilité du demandeur et ce, en vertu de l’art. 106 de la LIPR et de l’art. 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 [les Règles de la SPR].

 

[32]           Ainsi, sur cette seule base, la SPR aurait pu rejeter la demande d’asile présentée par le demandeur. Selon le défendeur, il était raisonnable dans les circonstances, de ne pas accorder de valeur probante à la photocopie de l’acte de naissance, au passeport, au témoignage de Thierno Dioubairote Bah ainsi qu’aux bulletins scolaires soumis par le demandeur.

 

Analyse

[33]           La conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombe de prouver son identité est raisonnable. En effet, tout demandeur d’asile a le fardeau d’établir son identité. Dans le cas du demandeur, celle-ci est particulièrement importante, car c’est cette dernière qui constitue la base de sa demande d’asile étant donné qu’il prétend être le neveu d’une personne activement recherchée par le gouvernement guinéen. C’est sur le demandeur que repose le fardeau de prouver son identité dans le cadre d’une demande de réfugié et ce, en vertu de l’art. 7 des Règles de la SPR, ainsi que tous les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Ni le passeport ni la photocopie de l’acte de naissance du demandeur ne peuvent établir son identité.

 

[34]           Dans un premier temps, en ce qui a trait au passeport, il est établi que l’apparence d’authenticité d’un document entraîne une présomption réfutable de validité. Ainsi, il est possible pour les autorités canadiennes de contester la véracité des inscriptions contenues dans un passeport étranger (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Joseph, 2011 CF 1481 au para 43, 214 ACWS (3d) 241; Azziz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 663 au para 67, 368 FTR 281). 

 

[35]           Dans les circonstances, la SPR s’est enquise de la manière dont le passeport a été obtenu. Il était raisonnable de le faire dans les circonstances étant donné que le passeport a été obtenu alors qu’il était au Canada et qu’il est nécessaire de vérifier si le passeport a été obtenu d’une manière qui pourrait mettre en doute son authenticité.                   

 

[36]           La SPR a examiné le processus qui a servi à l’obtention du passeport et elle a noté les éléments suivants :

 

1.  Le demandeur a réussi à obtenir le passeport en consultant une personne qu’il a connu

     grâce à un collègue de travail du Pétro-Canada, un certain M. Camara.

2. Le demandeur a remis la somme de 200$ CAD ainsi que deux photos à M. Camara pour

     que celui-ci obtienne un passeport au nom du demandeur.

 

3. La preuve révèle qu’aucun document n’a été signé pour l’obtention du passeport.

 

4. La photocopie d’acte de naissance fournie pour obtenir le passeport est illisible et n’est

     donc pas fiable.

 

[37]           Ainsi, ces éléments de preuve au sujet de la manière dont le passeport a été obtenu viennent clairement renverser la présomption d’authenticité de ce document. Ainsi, la SPR a valablement conclu que le passeport n’a pas de valeur probante.

 

[38]           En ce qui a trait à l’acte de naissance, la conclusion de la SPR est raisonnable et appuyée sur la preuve qui lui a été soumise. La photocopie de l’acte de naissance est illisible et elle ne constitue pas une preuve probante sur laquelle la SPR aurait pu s’appuyer pour établir l’identité du demandeur. De plus, s’il fut possible pour le demandeur d’obtenir le passeport, il est curieux qu’il ne lui fût pas possible d’obtenir une copie lisible de son acte de naissance.

 

[39]           De plus, l’argument du demandeur selon lequel le membre instructeur aurait usé de conjectures dans sa décision est non fondé. En effet, le demandeur a d’abord été interrogé de manière générale à savoir ce que les agents de l’ASFC avaient dit au sujet de son acte de naissance. Il a indiqué que l’on a considéré celui-ci comme étant illisible et qu’on lui a demandé de fournir l’original. Ensuite, le demandeur a prétendu ne pas se souvenir de si oui ou non les agents de l’ASFC lui avaient fait remarquer qu’il semble que le rang ait été altéré. Étant donné que le demandeur se souvient qu’on lui ait dit que son acte de naissance est peu lisible, il aurait été raisonnable qu’il se souvienne des commentaires formulés au sujet de l’apparence de la photocopie d’acte de naissance, laquelle semble avoir été altérée.

 

[40]           Enfin, la SPR a examiné le passeport fourni par le demandeur, la photocopie de l’acte de naissance ainsi qu’un témoignage. Elle a donc considéré l’ensemble de la preuve fournie par le demandeur sans pouvoir arriver à une décision concluante sur l’identité du demandeur. Ainsi, aucun reproche ne peut lui être adressé. En effet, comme l’a rappelé le défendeur, en vertu de l’art. 7 des Règles de la SPR, il relève du fardeau du demandeur de soumettre des documents fiables qui permettent d’établir son identité et de fournir une raison pour expliquer les démarches effectuées pour les obtenir. Aucune explication jugée satisfaisante n’a été fournie par le demandeur pour justifier l’absence d’éléments de preuve fiables pouvant établir son identité, par exemple, une copie certifiée de son acte de naissance délivrée par les autorités guinéennes.

 

[41]           La conclusion de la SPR au sujet de l’identité du demandeur est raisonnable. De plus, cette Cour note que quoique la SPR ne fut pas dans l’obligation de le faire, elle a analysé la crédibilité du demandeur alors même que son identité n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités et que le demandeur n’avait pas démontré avoir fait de démarches sérieuses pour obtenir de tels documents comme exigés par l’art. 106 de la LIPR (voir Husein c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF 726, 1998 CarswellNat 941; Hodanu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 474 au para 17, 2011 CarswellNat 1230).

 

B. Le tribunal, a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur n’est pas

     crédible?

Position du demandeur

[42]           Le demandeur soumet que la SPR a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’âge du demandeur dans le cadre de l’évaluation de sa crédibilité. En effet, celui-ci avait à peine atteint la majorité lors de l’audience devant la SPR. Le demandeur soumet qu’il avait quatre ans lorsque ses parents sont décédés et que lorsqu’il a visité ses cousins à Pita et que ceux-ci auraient pu lui parler de la mort de ses parents, il n’était âgé que de neuf ou dix ans. Ainsi, il était déraisonnable de considérer que le demandeur devrait en savoir davantage sur l’accident dans lequel ses parents auraient été impliqués.

 

[43]            En ce qui a trait à la conclusion de la SPR sur le manque de connaissance du demandeur au sujet de son oncle et de sa famille, celle-ci est déraisonnable et ne tient pas compte de l’âge du demandeur d’autant plus que celui-ci a démontré qu’il avait une certaine connaissance de ces personnes durant son témoignage.

 

[44]           De plus, le demandeur allègue que la SPR aurait dû tenir compte des Directives No 3 : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié : Questions relatives à la preuve et à la procédure [les Directives], ce qu’elle n’a pas fait. Enfin, la SPR a passé sous silence le fait que le demandeur n’a plus de famille directe en Guinée.

 

 

 

Position du défendeur

[45]           Le défendeur soumet que la SPR, dans son évaluation de la crédibilité du demandeur, a toujours accordé de l’importance à l’âge du demandeur au moment où se seraient produits les événements qui fondent sa demande d’asile. De plus, le membre instructeur de la SPR a respecté les exigences procédurales établies dans les Directives et elle n’a donc en aucune façon commis d’erreur.

 

            Analyse

[46]           D’abord, il est reconnu en vertu de l’art. 106 de la LIPR que l’absence de documents probants soumis par le demandeur peut affecter de manière négative sa crédibilité. Ainsi, étant donné que le demandeur n’a pu soumettre des documents probants pour établir son identité et qu’il n’a pas fourni d’explication jugée comme étant satisfaisante par la SPR au sujet de l’absence d’éléments de preuve probants, la conclusion négative au sujet de la crédibilité du demandeur est justifiée dans les circonstances.

 

[47]           Deuxièmement, la SPR n’a commis aucune erreur dans son évaluation de la crédibilité du demandeur. D’abord, étant donné que celui-ci était majeur durant l’audience de la SPR, celle-ci n’était pas dans l’obligation d’appliquer les Directives lors de l’évaluation du témoignage du demandeur.

 

[48]           De plus, la SPR n’a pas tiré de conclusion déraisonnable eu égard à l’âge du demandeur au moment des événements à la base de sa demande. En effet, la SPR n’a pas exigé du demandeur que celui-ci se souvienne d’événements, telle la mort de ses parents, qui se seraient produits alors que le demandeur n’avait que 4 ans. Les questions de la SPR visaient plutôt à savoir ce qui lui avait été raconté par les membres de sa famille alors qu’il était adolescent.

 

[49]           Enfin, l’ensemble des conclusions au sujet de la crédibilité du demandeur est raisonnable dans les circonstances. En effet, le demandeur n’apporte aucune preuve corroborant le décès de sa sœur tel un acte de décès. Ses réponses sont vagues au sujet de la famille de M. Sidiki Diakité, dénommé Toumba, qui est le conjoint de sa tante avec laquelle il a vécu pendant douze ans et aucune mention n’est faite du fait qu’il est membre du parti de l’Union des Forces démocratiques de Guinée dans son récit, alors que c’est un élément pertinent à sa demande d’asile. En ce qui a trait aux événements survenus le 28 septembre 2009 au stade de Conakry, de nombreux éléments de son témoignage contredisent la preuve documentaire sur le déroulement du tragique événement.

 

[50]           Les parties furent invitées à soumettre une question aux fins de certification, mais aucune question ne fut proposée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

                                                                                                     « Simon Noël »

____________________________

                          Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3898-12

 

INTITULÉ :                                      ABDULL-RAHMANE BAH c LE MINISTRE DE

                                                            LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 9 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Annick Legault

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Daniel Baum

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Annick Legault

Avocate

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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