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Date : 20121220

Dossier: IMM-3820-12

Référence : 2012 CF 1527

Montréal (Québec), le 20 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

 

MILOUD BAGUI

 

 

partie demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 28 mars 2012, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 ch 27 [la LIPR]. La SPR a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR, ni une personne à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

I.          Faits

 

[2]               Le demandeur est un citoyen algérien âgé de 64 ans. Celui-ci était entrepreneur en construction depuis l’an 2000. Il a obtenu en 2005 un contrat pour effectuer des travaux au tribunal de Sidi Bel-Abbès.

 

[3]               Durant le mois de septembre 2007, il aurait été contacté par téléphone par un groupe terroriste qui lui aurait demandé de mettre fin aux travaux.

 

[4]               N’ayant pas réagi suite à cette menace et ayant continué les travaux, des membres du groupe terroriste se sont présentés chez lui pour l’avertir que s’il ne cesse pas les travaux, on lui demandera de payer une somme de 300 millions de dinars. Il a été prévenu de ne pas avertir la police.

 

[5]               Le demandeur est ensuite allé vivre chez son cousin qui est policier et qui habite dans le quartier de El Bayed, lequel est hautement sécurisé.

 

[6]               Une semaine après leur première visite, des individus se seraient présentés une deuxième fois à son domicile et auraient menacé sa femme et ses enfants.

 

[7]               Le demandeur a ainsi contacté son frère qui vit au Canada afin d’obtenir un « certificat d’hébergement ». Il a quitté l’Algérie pour le Canada le 15 avril 2008 et a demandé l’asile le 29 décembre 2008, laissant sa famille derrière lui.

 

II.        Décision révisée

 

[8]               La SPR a considéré que le demandeur était crédible quant à son histoire. Elle a analysé la preuve documentaire relative à la protection offerte en Algérie contre les agissements des groupes terroristes, en particulier Al-Qaïda ainsi que les éléments de preuve présentés par le demandeur.

 

[9]               Elle est arrivée à la conclusion que la décision du demandeur de ne pas se prévaloir de la protection de l’État fut injustifiée dans les circonstances et que celui-ci ne peut donc pas obtenir le statut de réfugié. De plus, la preuve ne démontre pas que le demandeur serait personnellement exposé à un risque s’il retournait en Algérie.

 

III.       Position du demandeur

 

[10]           Le demandeur soumet que la SPR a erré en arrivant à la conclusion selon laquelle la protection des autorités algériennes est disponible au demandeur. Celui-ci soumet qu’il a présenté des éléments de preuve qui établissent que le gouvernement algérien n’est pas en mesure de maîtriser les actes terroristes : des articles de journaux ont été soumis et le demandeur a témoigné à l’effet que la protection est offerte uniquement aux personnes aisées.

 

[11]           Selon le demandeur, il était ainsi raisonnable en l’espèce de ne pas se prévaloir de la protection de l’État et il a donc fourni une explication claire et convaincante justifiant son refus de se prévaloir de la protection de l’État, d’autant plus que le groupe terroriste l’a menacé et l’a prévenu de ne pas porter plainte à la police. Il a consulté un avocat et son cousin policier ne pouvait pas l’aider à déposer une plainte étant donné que la plainte devait être déposée à Sidi Bel-Abbès, endroit où les événements ont eu lieu.

 

[12]           Enfin, le demandeur soumet que la SPR a erré en arrivant à la conclusion selon laquelle le demandeur ne bénéficie pas du statut de « personne à protéger » car selon lui, il serait personnellement exposé à un risque s’il retournait en Algérie. En effet, il soumet qu’il fait partie d’un groupe qui fait face à un risque auquel la population algérienne ne fait pas face de manière générale, car il effectue des travaux pour un tribunal, ce qui pourrait indiquer qu’il appuie l’autorité publique en Algérie.

 

IV.       Position du défendeur

 

[13]           Selon le défendeur, la décision de la SPR est raisonnable. D’abord, le demandeur ne s’est pas prévalu de la protection de l’État algérien alors qu’il aurait été raisonnable de le faire dans les circonstances étant donné que la présomption de protection de l’État s’applique à l’Algérie. De plus, la croyance subjective du demandeur selon laquelle l’État ne peut lui apporter de protection adéquate est insuffisante pour justifier le refus de chercher sa protection.

 

[14]           De plus, en ce qui a trait à l’analyse de la SPR effectuée à la lumière de l’art. 97 de la LIPR, le défendeur soumet que la SPR a valablement conclu que le demandeur n’est pas une « personne à protéger » étant donné que la protection de l’État algérien est efficace et que la preuve est à l’effet qu’advenant un retour en Algérie, le groupe terroriste ne tenterait pas de le menacer.

 

V.        Questions en litige

 

1) La SPR, a-t-elle commis une erreur en déterminant que la protection de l’État algérien est disponible au demandeur ?

 

2) La SPR, a-t-elle commis une erreur en arrivant à la conclusion que le demandeur n’est pas une « personne à protéger » au sens de l’art. 97 de la LIPR ?

 

VI.       Norme de contrôle

 

[15]           La norme de contrôle applicable aux deux questions en litige est la norme de la décision raisonnable étant donné que ce sont des questions mixtes de droit et de faits (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 164-166, [2008] RCS 190).

 

VII.     Analyse

 

1)   La SPR, a-t-elle commis une erreur en déterminant que la protection de l’État algérien est disponible au demandeur ?

 

[16]           La décision de la SPR est raisonnable et aucune intervention de cette Cour n’est requise dans les circonstances.

 

[17]           La SPR a valablement conclu que l’Algérie est un État démocratique. La SPR a considéré la preuve documentaire au sujet de la protection offerte par les autorités algériennes ainsi que la preuve déposée par le demandeur au sujet d’actes terroristes commis à Sidi Bel Abbès et en Algérie ainsi que le témoignage du demandeur. Elle a conclu, et ce, de manière juste que quoique la protection offerte ne soit pas parfaite, l’Algérie a adopté des mesures concrètes pour contrer les actes de terrorisme et que cet État est donc de manière générale, en mesure d’offrir une protection efficace à ses citoyens.

 

[18]           Il a été établi dans l’arrêt (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 103 DLR (4th) 1 que lorsqu’un État est considéré comme étant démocratique, le demandeur doit fournir une explication convaincante pour justifier le fait de ne pas avoir eu recours à la protection de l’État.

 

[19]           La SPR a conclu, et ce, de façon raisonnable, que le refus du demandeur de ne pas se prévaloir de la protection de l’État était injustifié. Il a été établi par cette Cour à maintes reprises que le demandeur qui ne peut démontrer qu’il a effectué des démarches concrètes pour obtenir la protection de l’État ne peut chercher la protection d’un État tiers en faisant une demande d’asile (Ballesteros c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 352 aux para 15-17, 2009 CarswellNat 2469). Le demandeur n’a présenté aucune preuve jugée satisfaisante par la SPR, et spécifique à sa situation, et il base son refus que sur une croyance selon laquelle les autorités algériennes ne viennent en aide uniquement aux « étrangers et aux cadres ».

 

[20]           Ainsi, la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’a pas établi les éléments essentiels à une demande d’asile est bien fondée.

 

2)   La SPR, a-t-elle commis une erreur en arrivant à la conclusion que le demandeur n’est pas une « personne à protéger » au sens de l’art. 97 de la LIPR ?

 

[21]           En ce qui a trait à la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’est pas une « personne à protéger », celle-ci est raisonnable eu égard à la preuve soumise par le demandeur.

 

[22]           En effet, la SPR a considéré que le fait que le demandeur n’a plus été importuné suite à son déménagement chez son cousin et que sa femme et ses enfants, ayant maintenant déménagé, n’avaient pas été menacés depuis les événements relatés. De plus, la preuve documentaire est à l’effet que de manière générale, l’État algérien est en mesure d’offrir une protection adéquate à ses citoyens. L’analyse de la capacité d’un État à protéger ses citoyens effectuée par la SPR sert autant à vérifier si une personne peut établir le bien-fondé de sa demande d’asile qu’à vérifier si celle-ci revêt le statut de « personne à protéger » (Arellano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1265 au para 41, 2006 CarswellNat 3469). Il était donc raisonnable d’en arriver à la conclusion qu’il est probable que le demandeur ne serait pas exposé à un risque à sa personne s’il devait retourner en Algérie.

 

[23]           Les parties furent invitées à soumettre une question pour fin de certification mais aucune question ne fut soumise.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3820-12

 

INTITULÉ :                                      MILOUD BAGUI  et  MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 19 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     le 20 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Liette Robillard

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Mario Blanchard

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Liette Robillard

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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