Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 


Date : 20121218

Dossier : IMM-3570-12

Référence : 2012 CF 1491

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

 

YONG KAI REN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande conteste une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), dans laquelle la demande d’asile du demandeur à titre de ressortissant de la Chine et de membre du Falun Gong a été rejetée parce que celui‑ci n’avait pas établi son identité, sa nationalité et son pays de référence. La SPR n’a pas tiré de conclusion de fond à l’égard des éléments de preuve fournis par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour prouver son identité, sa nationalité et son pays de référence, le demandeur a présenté les pièces d’identité suivantes : acte de naissance; attestation de fin d’études; carte d’employé; hukou; permis de conduire; visa d’étudiant; et passeport. L’analyse judiciaire des documents menée par la GRC n’a pas révélé que ces documents étaient des faux; toutefois, pour ce qui est des trois premiers, certains éléments de preuve produits ont amené la SPR à conclure qu’il s’agissait de faux (dossier du tribunal, aux pages 151 et 152), conclusion qui est vivement contestée dans la présente demande. En ce qui concerne le hukou, le permis de conduire, le visa d’étudiant et le passeport, j’estime que les passages suivants de la décision visée par le contrôle témoignent d’une reconnaissance par la SPR qu’aucune analyse judiciaire ne permet de conclure que les documents sont faux (dossier du tribunal, aux pages 229 et 230). Cependant, la SPR n’a pas accepté les documents à titre de pièces d’identité pour les motifs suivants :

 

Le registre familial (hukou) du demandeur d’asile et son permis de conduire ont été considérés comme des documents non altérés et imprimés au moyen de processus d’impression de qualité. Comme il a été mentionné précédemment, le tribunal estime que le demandeur d’asile a fourni au moins trois documents frauduleux à l’appui de son identité. Étant donné les préoccupations relatives au témoignage du demandeur d’asile concernant son hukou et son permis de conduire qui ont été mentionnées précédemment, et compte tenu du fait que les documents frauduleux, y compris ceux qui sont authentiques, mais qui ont été obtenus illégalement, sont disponibles à l’échelle de la Chine, le tribunal conclut qu’il ne peut accorder de poids à ces deux documents à l’appui de l’identité et de la nationalité du demandeur d’asile.

Le tribunal estime que le témoignage du demandeur d’asile en ce qui concerne son passeport et la présentation de celui‑ci à la séance du 25 mai 2011 mine sa crédibilité en tant que témoin. Une analyse judiciaire du passeport n’a pas permis de tirer des conclusions étant donné qu’aucun spécimen authentique n’était disponible aux fins de comparaison. Le rapport judiciaire conclut toutefois que le visa d’étudiant constituait un document authentique et non altéré.

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, aux paragraphes 25 et 26.)

 

[3]               Les « préoccupations relatives au témoignage du demandeur d’asile » exprimées par la SPR en ce qui concerne le hukou et le permis de conduire tiennent au fait que « ces documents ne renfermaient aucune odeur particulière et semblaient en parfait état ». La SPR a utilisé cette observation pour conclure qu’étant donné que le demandeur a affirmé avoir, à un certain moment dans le passé, conservé les documents dans une boîte sous son lit, dans sa maison chauffée au bois et au charbon, « il n’était pas vraisemblable que des documents papier qui étaient conservés dans une maison de ferme où le bois servait à cuire les aliments et à chauffer la maison n’absorbent pas d’odeur particulière de fumée ou de la maison ». Le commissaire de la SPR a indiqué que, pour tirer cette conclusion, « il avait admis d’office les documents, et […] s’était servi de sa raison et de sa logique pour ce faire » (décision, au paragraphe 22). J’estime que les conclusions citées plus haut renferment une erreur susceptible de contrôle; la conclusion voulant que les trois premiers documents soient frauduleux ne peut pas servir à discréditer le hukou et le permis de conduire qui semblent authentiques; rien n’indique que le hukou et le permis de conduire aient été obtenus illégalement; la conclusion d’invraisemblance fondée sur l’absence d’odeur est insoutenable eu égard à la preuve au dossier; et pour tirer cette conclusion d’invraisemblance, la SPR ne s’est appuyée sur aucun fait notoire, ni sur le sens commun ou la logique, mais s’est seulement livrée à des conjectures.

 

[4]               Au sujet du « témoignage du demandeur d’asile en ce qui concerne son passeport » qui mine « sa crédibilité », le demandeur a affirmé qu’il avait obtenu un passeport authentique par les voies officielles et qu’il avait fallu deux mois pour que celui‑ci soit délivré. Cependant, se fondant sur une réponse à une demande d’information (RDI), la SPR a conclu que les passeports chinois « sont habituellement produits dans les 15 jours ouvrables suivant la date de présentation de la demande et […] sont parfois fournis plus tôt lorsqu’ils sont traités de façon prioritaire ». Le demandeur a été invité à expliquer l’apparente divergence, ce qu’il n’a pas pu faire à la satisfaction de la SPR (décision, au paragraphe 27). J’estime qu’il n’existe aucun fondement factuel qui oblige le demandeur à fournir une explication : il ne savait pas pourquoi il avait dû attendre deux mois pour obtenir son passeport alors que le délai d’attente annoncé pour la délivrance des passeports est de 15 jours; de plus, l’utilisation du mot « habituellement » ouvre la porte à des exceptions à ce délai d’attente. J’estime que la SPR a rejeté le passeport « authentique » du demandeur sur la foi de soupçons non fondés et d’un interrogatoire inéquitable.

 

[5]               Pour ces motifs, je conclus que la décision de la SPR est déraisonnable.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

La décision visée par le contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Il n’y a pas de question à certifier.

 

                                                                                                « Douglas R. Campbell »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3570-12

 

INTITULÉ :                                      YONG KAI REN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 décembre 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge Campbell

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 18 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lindsay Weppler

POUR LE DEMANDEUR

 

Julie Waldman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.