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Date : 20121204

Dossier : IMM-2801-12

Référence : 2012 CF 1413

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

LEOKADIA JODLOWSKA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVIILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée par Leokadia Jodlowska, qui vise à contester une décision par laquelle un agent de renvoi (agent) qui a refusé sa demande de report de renvoi. La décision a fait l’objet d’une ordonnance de sursis de la juge Elizabeth Heneghan le 23 mars 2012, et l’affaire a été instruite sur le fond à Toronto (Ontario) le 20 novembre 2012.

 

[2]               Mme Jodlowska est une citoyenne polonaise d’origine ethnique rom âgée de 77 ans. Elle vit au Canada depuis onze ans. Elle souffre d’un début de démence et de nombreux problèmes de santé chroniques qui ne mettent toutefois pas sa vie en danger. Elle vit actuellement avec sa fille et son beau‑fils, qui l’aident à pourvoir à ses besoins quotidiens.

 

[3]               La demande de report de Mme Jodlowska est motivée par son état de santé et son origine ethnique rom. Il a été soutenu qu’elle ne serait pas en mesure de se débrouiller en Pologne sans l’aide de sa famille en raison de sa santé déclinante et de la discrimination dont elle ferait l’objet en tant que personne âgée rom. Elle a soutenu que son renvoi devrait être reporté jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’examen pour motifs d’ordre humanitaire qu’elle a récemment présentée.

 

[4]               L’agent a refusé de reporter son renvoi. Il a fait valoir que la demande en instance fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par Mme Jodlowska demeurerait pertinente malgré son retour en Pologne et qu’aucune décision relative à cette demande n’était imminente.

 

[5]               L’agent a également tenu compte de l’état de santé de Mme Jodlowska. Le médecin de famille de cette dernière a dit à l’agent qu’elle était physiquement apte à faire le voyage en avion, mais qu’elle aurait besoin d’aide durant le trajet. Des dispositions ont donc été prises pour que deux agents accompagnent Mme Jodlowska durant son vol de retour en Pologne. Selon un médecin agréé principal du Ministère, les problèmes de santé de Mme Jodlowska pourraient être adéquatement traités en Pologne. En ce qui concerne les autres obstacles à sa réinstallation en Pologne, l’agent a constaté ce qui suit :  

[traduction]

 

Comme il a été mentionné, je constate que les preuves présentées sont insuffisantes pour établir que Mme Jodlowska ne pourrait pas compter sur d’autres amis, membres de sa famille ou organismes de services sociaux et de santé en Pologne pour l’aider à traiter ses problèmes de santé. Je remarque que Mme Jodlowska a eu environ trois mois pour prendre des dispositions relatives à son retour en Pologne.

 

 

[6]               L’agent a également constaté que la question du risque de discrimination avait déjà été abordée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) et dans le cadre d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). Il disposait de pouvoirs légaux [traduction] « extrêmement restreints » qui ne l’autorisaient pas à réexaminer ces conclusions antérieures.

 

[7]               L’avocate de Mme Jodlowska a contesté l’affirmation de l’agent selon laquelle les preuves présentées ne suffisaient pas à établir que Mme Jodlowska n’aurait pas accès en Pologne aux soins médicaux et à l’aide dont elle avait besoin au quotidien. Cette conclusion a été considérée comme incompatible avec le fait que Mme Jodlowska n’avait aucune famille en Pologne qui pourrait l’aider, et était plutôt fondée sur des hypothèses.

 

[8]               Je suis cependant d’avis que lorsqu’il est question d’un retour dans un pays européen, c’est au demandeur qu’il incombe de prouver que les soins médicaux et l’aide pour subvenir aux besoins essentiels ne sont pas disponibles ou accessibles. Le demandeur ne peut demander un report du renvoi au motif qu’il existe un risque qu’il n’a ni documenté ni prouvé, puis se plaindre du fait qu’une décision ait été prise sans égard aux prétendus obstacles à la réinstallation.

 

[9]               En l’espèce, les éléments de preuve relatifs à l’état de santé de Mme Jodlowska étaient plutôt vagues, du moins pour ce qui concerne sa capacité à fonctionner de façon autonome. Il ne fait aucun doute que l’aide que ses enfants lui ont procurée lui a été bénéfique et il est probable qu’elle aurait besoin d’une aide quelconque en Pologne. Mais il revient avant tout à sa famille ou à l’État de veiller sur Mme Jodlowska. En l’absence d’élément de preuve attestant que la famille de Mme Jodlowska ou les autorités polonaises seraient incapables d’appuyer financièrement sa réinstallation ou refuseraient de le faire, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent de s’attendre à ce que l’un ou l’autre s’en charge. Je ne peux déceler aucune erreur que l’agent aurait pu commettre en traitant l’affaire en l’espèce. La demanderesse n’a tout simplement pas pu prouver que ses besoins ne pourraient pas être satisfaits en Pologne.  

 

[10]           Quant aux autres questions soulevées par Mme Jodlowska, elles obligeraient toutes à procéder à une réévaluation de la preuve. Il va sans dire que ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[11]           Que Mme Jodlowska ait eu ou non un prétexte valable pour n’avoir pu présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire à temps, il demeure que le prononcé de la décision concernant cette demande n’était pas imminent. Selon un principe juridique bien établi et reconnu par l’agent, la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pourrait aussi être examinée sur le fond indépendamment du renvoi en Pologne de Mme Jodlowska. Le changement de son lieu de résidence ne mettrait pas fin aux liens familiaux sur lesquels repose sa demande de mesures réparatoires, et si sa situation en Pologne se révélait aussi difficile qu’elle l’avait prédit, la demande pour motifs d’ordre humanitaire pourrait être mise à jour et étoffée. Aucune erreur n’a été décelée dans l’examen que l’agent a fait de cette question en litige.

 

[12]           L’agent n’a pas non plus commis d’erreur en écartant la preuve relative à un risque de discrimination en Pologne. Il était hypothétique d’affirmer que les besoins en matière de soins de santé de Mme Jodlowska ne seraient pas satisfaits en Pologne parce qu’elle est d’origine ethnique rom. L’agent a également fait remarquer, à juste titre, que ses pouvoirs légaux étaient très restreints et que sa démarche auprès de lui ne devait pas se substituer aux autres mesures de réparation qu’elle avait déjà demandées. En effet, le raisonnement sous‑jacent à la présente demande est qu’un agent de renvoi a l’obligation juridique d’examiner l’ensemble de la situation et des questions soulevées lorsqu’il traite une demande de report de renvoi. Ce n’est pas le cas; voir Baron c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 81, [2009] ACF n314, et Doman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 435, [2012] ACF n496.

 

[13]           Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

 

[14]           Aucune des parties n’a proposé une question à certifier, et aucune question de portée générale ne découle de ces motifs.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2801-12

 

INTITULÉ :                                                  JODLOWSKA c MSPCC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 20 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       Le juge Barnes

 

DATE :                                                          Le 4 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Geraldine Macdonald

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kareen Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Geraldine Macdonald

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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