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Date : 20121130

Dossier : IMM-3832-12

Référence : 2012 CF 1405

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

PARAMJEET KAUR

JARNAIL SINGH

GURKIRPAL SINGH

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs contestent la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [le tribunal] rejetant leur demande d’asile en raison de l’absence de crédibilité du demandeur principal, M. Jarnail Singh Manko. Il s’agit de se demander si la conclusion du tribunal constitue une issue acceptable pouvant se justifier en regard des faits et du droit.

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de l’Inde. Ils disent craindre pour leur vie et leur sécurité parce que le demandeur principal aurait notamment refusé en 2008 de livrer à la police un militant qui avait travaillé dans son commerce et qui avait réussi à s’enfuir de la police après avoir été arrêté. De fait, le demandeur principal aurait été battu et son épouse, Mme Paramjeet Kaur, aurait été violée par la police. Suivant les conseils d’un « agent », les demandeurs quittent l’Inde le 25 juin 2008 pour se rendre aux Etats-Unis avec un visa de six mois. Ils arrivent illégalement au Canada le 3 octobre 2008 et présentent quelques jours plus tard leur demande d’asile.

 

[3]               Les demandeurs prétendent aujourd’hui devant la Cour que le tribunal a ignoré des preuves pertinentes sans justification suffisante. Il s’agit de preuves venant corroborer le viol dont la demanderesse dit avoir été l’objet en prison (certificat médical indien et une lettre d’un médecin canadien), de même qu’un affidavit du conseiller municipal de sa ville indienne reprenant les allégations générales des demandeurs. Ces derniers reprochent également au tribunal de ne pas avoir considéré certains détails importants (e.g. l’adresse de l’entreprise du demandeur principal sur le papier en-tête; durée limitée des visas en Thaïlande et en Malaisie), ou d’avoir écarté autrement arbitrairement les explications raisonnables du demandeur principal quant au commerce visé et à leur comportement.

 

[4]               Ayant lu les dossiers de demande des deux parties et entendu les représentations orales de leurs procureurs, il n’y a pas lieu d’intervenir. Les reproches des demandeurs m’apparaissent non fondés. La conclusion de non-crédibilité du tribunal est bien motivée et repose sur la preuve au dossier. Même si la rédaction de la décision n’est pas parfaite, il est clair que le tribunal a considéré l’ensemble de la preuve, ainsi que les explications du demandeur principal, qu’il pouvait estimer insuffisantes ou non crédibles en l’espèce.

 

[5]               Le demandeur principal n’a pas été jugé crédible, d’une part, parce qu’il était incapable à l’audition de répondre à des questions simples du tribunal sans donner des réponses confuses ou revenir au récit présenté dans son Formulaire de renseignements personnels [FRP]. D’autre part, le tribunal a conclu que le comportement du demandeur principal était « antinomique de celui d’une personne qui craint pour sa vie ». Cette détermination d’absence de crainte subjective est également fondée sur la preuve au dossier. En effet, les demandeurs sont notamment demeurés aux États-Unis plusieurs mois sans faire de demande d’asile.

 

[6]               Il incombait aux demandeurs de fournir des explications raisonnables. Aux dires du demandeur principal, les demandeurs s’en sont remis totalement à leur « agent », jusqu’au point de risquer l’entrée illégale au Canada et le refoulement, alors qu’ils avaient un visa valide de six mois aux Etats-Unis. C’est à cause de l’avis de l’agent – les États-Unis ont adopté une attitude stricte envers les immigrants après le 11 septembre 2001 – que les demandeurs n’y ont pas fait une demande d’asile. D’ailleurs, le même agent aurait déjà conseillé au demandeur principal de se rendre en Thaïlande et Malaisie en 2007 afin d’obtenir un visa canadien dans ces deux pays. Le rejet de ces explications ne m’apparaît pas déraisonnable en l’espèce.

 

[7]               Enfin, l’élément déclencheur de la fuite des demandeurs serait relié au fait que le demandeur principal n’aurait pas livré à la police indienne un militant qui avait travaillé dans son commerce. Il était loisible au tribunal d’apprécier la qualité des preuves fournies à ce chapitre par les demandeurs. L’établissement de l’existence du commerce, des titres de propriété du demandeur principal, et de l’engagement et de l’identité du militant arrêté étaient tous des éléments pertinents. Or, le tribunal considère que les preuves fournies sont insuffisantes. Par exemple, le papier en-tête et la carte d’identité fiscale présentés comme éléments de preuve de l’entreprise du demandeur principal ne comportent aucun élément permettant de rattacher le demandeur principal à l’activité commerciale dont il a témoigné. Encore une fois, il était loisible au tribunal de rejeter les explications à ce sujet du demandeur principal.

 

[8]               Bien que le tribunal ait pu se tromper ou ignorer certains détails, ces erreurs, s’il en est, même considérées cumulativement, ne sont pas déterminantes en l’espèce. En effet, il faut lire la décision du tribunal dans son ensemble. On retrouve plusieurs défaillances concernant des éléments essentiels de la demande d’asile des demandeurs. La façon de témoigner du demandeur principal, en répétant le contenu de son narratif dans son FRP et en fournissant des réponses confuses à l’audition aux questions simples du tribunal permettait également au tribunal de douter de la crédibilité de son témoignage. D’ailleurs, il n’était pas déraisonnable de conclure que le comportement des demandeurs était incompatible avec celui de personnes craignant pour leur vie ou leur sécurité. À ce cela, s’ajoute la faiblesse de la preuve déposée par le demandeur principal pour corroborer un élément central de sa demande d’asile, son entreprise.

 

[9]               La conclusion du tribunal sur la crédibilité est raisonnable et repose sur la preuve, ou l’absence de preuve au dossier, le cas échéant. En l’espèce, le tribunal n’avait aucune obligation de mentionner tous les éléments de preuve documentaire, d’autant plus qu’ici, le tribunal n’a pas jugé que le récit du demandeur principal était « digne de foi »; de sorte que le tribunal n’avait pas à donner poids à l’affidavit du conseiller municipal, qui n’a d’ailleurs jamais été personnellement témoin des faits allégués par le demandeur principal. Au risque de me répéter, je ne suis pas convaincu que la conclusion du tribunal à l’effet que le témoignage du demandeur principal n’est pas crédible soit déraisonnable en l’espèce.

 

[10]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été proposée par les procureurs et aucune ne sera certifiée par la Cour.


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3832-12

 

INTITULÉ :                                      PARAMJEET KAUR

                                                            JARNAIL SINGH

                                                            GURKIRPAL SINGH c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             28 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     30 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel Le Brun

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Me Suzon Létourneau

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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