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Date : 20121129

Dossier : IMM-3513-12

Référence : 2012 CF 1386

Montréal (Québec), le 29 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

HUGO GOMEZ HERRERA

ANA BERTA RODRIGUEZ CARDONA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs contestent la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [tribunal] statuant qu’ils n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [Loi].

 

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Mexique. Ils craignent d’être enlevés et tués par des membres d’une organisation criminelle, les Zetas. Selon le Formulaire de renseignements personnels [FRP] du demandeur principal, M. Hugo Gomez Herrera, tout aurait commencé en septembre 2008, lorsque des individus s’identifiant comme membres des Zetas auraient exigé le paiement d’un montant de 5 000 pesos, au plus tard le 1er octobre 2008. Craignant pour sa vie, il aurait effectué le versement demandé le 1er octobre 2008. Les criminels seraient revenus le 25 octobre et le 29 décembre 2008 pour exiger de nouveaux paiements. Le 1er décembre 2008, le demandeur principal aurait fait un versement mais, n’ayant pas les ressources nécessaires, il aurait refusé de payer la somme demandée le 1er janvier 2009, soit un montant de 10 000 pesos. Le 1er janvier 2009, la camionnette du demandeur principal aurait été volée et les criminels auraient appelé le demandeur principal pour lui offrir de lui rendre son véhicule en échange d’une somme forfaitaire de 20 000 pesos. Finalement, en février 2009, le demandeur principal se serait adressé à la police pour déposer une plainte. Malheureusement, il se serait fait envoyer au ministère public qui aurait refusé de prendre sa déclaration. En mars 2009, le demandeur principal serait déménagé chez son épouse à Acambaro, Guanajuato, mais les menaces auraient continué, et c’est pourquoi, les demandeurs ont pris la décision de demander l’asile au Canada.

 

[3]               Le tribunal a déterminé que le témoignage présenté par le demandeur principal a été marqué par de nombreuses « contradictions et tergiversations », de sorte que les demandeurs n’ont pas été en mesure de démontrer le bien-fondé de leur crainte de persécution. Étant donné que la seule question en litige est celle de la crédibilité des demandeurs, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. 

 

[4]               Le tribunal peut raisonnablement conclure qu’un demandeur d’asile n'est pas crédible à cause d'invraisemblances, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés « en termes clairs et explicites ». En l’espèce, la décision sous étude est bien motivée; le tribunal a noté diverses contradictions ou invraisemblances dans le témoignage du demandeur principal. Enfin, sa conclusion générale de non-crédibilité et d’absence de risque s’appuie sur la preuve au dossier. Il convient donc de rejeter la présente demande.  

 

[5]               Je conviens avec le savant procureur des demandeurs qu’on peut interpréter le FRP du demandeur principal comme n’excluant pas forcément un deuxième paiement aux Zetas le 1er novembre 2008, mais force est de constater que l’interprétation retenue par le tribunal n’est pas déraisonnable non plus. Il y a eu également beaucoup de confusion à l’audition dans les réponses du demandeur principal concernant la plainte faite à la police le 1er janvier 2009 suite au vol de la camionnette. Malheureusement, la vraie version des faits, s’il en est une, telle que le plaide aujourd’hui le procureur des demandeurs, n’a pas été présentée devant le tribunal aussi clairement qu’aujourd’hui. À mon humble avis, il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de tirer une inférence négative, même si en rétrospective, après une lecture attentive des transcriptions, une autre interprétation des faits semble également possible.

 

[6]               Les demandeurs s’en prennent également au fait que le tribunal se soit notamment fondé sur un élément secondaire. Lors de l’audience, le demandeur principal a témoigné qu’il avait pris l’initiative de vendre à la sauvette des articles, afin de s’assurer d’avoir les mensualités de 5 000 pesos que lui exigeaient les Zetas. Le tribunal lui a fait remarquer que ce fait ne paraissait pas dans son FRP et que le demandeur principal avait plutôt indiqué qu’il se serait enfermé chez sa mère pendant un mois. Le tribunal a noté que les explications fournies quant à ce fait semblaient incohérentes. On peut en effet se demander pourquoi il devait vendre à la sauvette des articles de son magasin, si celui-ci n’était pas encore fermé. Je me répète ici, mais l’inférence négative du tribunal n’est pas déraisonnable en soi, car il faut bien le dire, le demandeur principal reste vague sur cette question, d’où le qualificatif de « tergiversations » utilisé ailleurs dans la décision pour décrire l’ensemble de son témoignage.

 

[7]               Même si les demandeurs ne sont pas d’accord avec le résultat, il faut lire la décision du tribunal dans son ensemble et à la lumière de toute la preuve au dossier. Même si le tribunal s’est peut-être trompé dans son appréciation de certaines réponses données par le demandeur principal, je retiens, dans l’ensemble, que les réponses du demandeur principal étaient souvent confuses, ce qui pouvait susciter un questionnement légitime du tribunal. Lorsqu’on additionne les contradictions ou les invraisemblances, cumulativement, le tribunal pouvait raisonnablement conclure que le récit des demandeurs n’était pas crédible, et ce, même si je conviens avec le procureur des demandeurs que ce n’était pas la seule issue possible.

 

[8]               En conclusion, les conclusions de fait du tribunal font partie des options pouvant le mener à raisonnablement conclure à un manque de crédibilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190), de sorte que la présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Aucune question d’importance générale ne se soulève en l’espèce; aussi, aucune question ne sera certifiée par la Cour.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3513-12

 

INTITULÉ :                                      HUGO GOMEZ HERRERA ET

                                                            ANA BERTA RODRIGUEZ CARDONA c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 27 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     le 29 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jorge Colasurdo

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Salima Djerroud

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jorge Colasurdo

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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