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Date : 20120920

Dossier : IMM-1859-12

Référence : 2012 CF 1098

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2012

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

ROBERT ASUEN JACKSON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Robert Asuen Jackson, a sollicité le contrôle judiciaire de la décision datée du 23 janvier 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [Commission] a rejeté sa demande d’asile en qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger selon l’article 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], laquelle demande était fondée sur la crainte de persécution qu’il disait ressentir à titre d’homosexuel au Nigeria. Pour les motifs exposés ci-après, j’en suis arrivée à la conclusion que la présente demande devrait être rejetée.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen du Nigeria âgé de 38 ans. Depuis 2000, il vit en union de fait avec une femme avec laquelle il a eu deux enfants. Cependant, le demandeur attribue cette union de fait aux pressions sociales et aux attentes de sa religion et de sa famille. Il s’identifie comme un homosexuel.

 

[3]               L’incident qui a incité le demandeur à quitter son pays est survenu le 6 juin 2010, lorsqu’il a rencontré un ancien ami à l’occasion d’une fête d’anniversaire. Le demandeur soutient que les gens qui se trouvaient là, et même l’épouse de son ami, ont eu des soupçons lorsque les deux hommes se sont étreints. Plus tard, ce soir-là, alors que l’épouse de l’ami discutait avec d’autres personnes, le demandeur et son ami ont laissé le groupe et se sont enfermés dans la salle de bain. Ce serait à ce moment-là que l’épouse de l’ami les aurait vus en train de s’embrasser dans la salle de bain. Elle a immédiatement donné l’alarme et les deux hommes ont été attaqués par des émeutiers. Le demandeur a sauté par la fenêtre et s’est enfui. Il est allé chez lui, a fait ses bagages et a quitté la maison avant que son partenaire l’apprenne.

 

[4]               Le demandeur soutient qu’il a passé un mois au domicile de son oncle et chez un ami. Son oncle l’a amené voir son médecin afin de faire soigner ses blessures et ecchymoses et son ami a pris des dispositions pour l’aider à fuir le pays en échange d’une somme de 5 500 $. Le passeur a immédiatement reçu un montant de 2 000 $ et a demandé au demandeur de lui verser le solde plus tard.

 

[5]               Le 11 juillet 2010, l’ami du demandeur a fourni à celui-ci un faux passeport du Royaume‑Uni et un billet d’avion. Le lendemain, le demandeur s’est enfui vers le Canada en passant par la Suisse et est arrivé à Montréal le 13 juillet 2010. Il a sollicité l’asile le 14 juillet 2010 à Ottawa et sa demande a été entendue le 13 décembre 2011.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[6]               Le commissaire a énoncé en détail (1) les raisons pour lesquelles le demandeur n’avait pas réussi à établir son identité à la satisfaction de la Commission et pour lesquelles son allégation de crainte subjective de persécution n’était pas crédible et (2) les raisons pour lesquelles la crainte du demandeur, véritable ou non, n’était pas bien fondée sur le plan objectif, eu égard à la preuve documentaire; chacun de ces motifs était suffisant en soi pour rejeter la demande d’asile du demandeur.

Identité

[7]               Au départ, la Commission a jugé que le demandeur n’avait pas établi son identité à l’aide de ses deux pièces d’identité, soit un permis de conduire et un certificat d’origine établis respectivement le 7 juillet 2010 et le 5 juillet 2010. À l’audience, le demandeur a déclaré qu’il avait demandé personnellement le permis de conduire et qu’un cousin avait obtenu le certificat pour lui.

 

[8]               La Commission a soulevé trois préoccupations au sujet des pièces d’identité.

[9]               D’abord, la Commission a demandé au demandeur pourquoi deux pièces d’identité avaient été établies à peine quelques jours avant son départ du Nigeria. Le demandeur a répondu qu’il avait laissé son ancien permis de conduire à la maison, mais la Commission n’a pas jugé cette explication satisfaisante, étant donné que, d’après ce que le demandeur avait dit lui-même, il était allé chez lui et avait préparé ses bagages avant de partir. De plus, la Commission a jugé qu’il était invraisemblable, selon la prépondérance des probabilités, que l’État établisse un deuxième permis de conduire, étant donné que le demandeur en avait déjà un qui était valable.

[10]           La Commission a également tiré une conclusion défavorable au sujet de l’identité du demandeur en raison de l’absence totale d’autres documents établissant où il vivait, travaillait, etc., comme des factures de services publics, des bordereaux de paie, des renseignements sur les comptes bancaires ou des affidavits d’amis, de parents ou de témoins. La Commission n’a pas accepté l’explication du demandeur selon laquelle il n’a pas de contact avec sa famille au Nigeria et a donc été incapable d’obtenir ces documents. Effectivement, une partie de la preuve se compose d’une série de reçus de transfert montrant que le demandeur envoyait régulièrement de l’argent à une personne, probablement son oncle, au Nigeria pour payer le passeur.

 

[11]           En troisième lieu, le commissaire a souligné qu’il était facile d’avoir accès à des documents contrefaits au Nigeria, en se fondant à la fois sur les éléments de preuve objectifs tirés du cartable national de documentation [CND] et sur ses connaissances spécialisées. La Commission a relevé une différence évidente entre la signature apparaissant sur le formulaire de renseignements personnels [FRP] du demandeur et celle qui figure sur le permis de conduire de celui-ci. En ce qui concerne le certificat d’origine, le commissaire a souligné que les laboratoires juridiques canadiens rejettent habituellement ces certificats comme preuve d’identité, parce qu’ils ne contiennent aucune donnée biométrique.

 

[12]           La Commission a souligné que l’omission du demandeur d’établir son identité était fatale pour sa demande de protection, mais elle a commenté ensuite le bien-fondé de celle-ci. Une lecture de la décision de la Commission montre effectivement que le problème d’identification était étroitement relié à celui de l’absence générale de crédibilité du demandeur.

 

La crainte subjective de persécution : crédibilité

[13]           La Commission a soulevé plusieurs problèmes qui ont affaibli la crédibilité du récit du demandeur et la présence d’une crainte subjective qu’il disait ressentir; ces problèmes les plus importants résident dans les incohérences et dans le manque d’éléments de preuve concernant l’itinéraire et les documents de voyage du demandeur, comme une carte d’embarquement, un billet d’avion, des étiquettes à bagages, etc. Le demandeur a déclaré que le passeur avait conservé tous ces documents pendant le vol et après leur arrivée au Canada, qu’il ne se rappelait pas le nom sous lequel il avait voyagé avec le faux passeport du Royaume-Uni, ni du nom de l’hôtel où il était resté lorsqu’il se trouvait à Montréal avant de prendre un autocar en direction d’Ottawa, et qu’il avait perdu le reçu de l’hôtel ainsi que le billet d’autocar et le reçu s’y rapportant.

[14]           De plus, la Commission a jugé qu’il était invraisemblable que le demandeur se soit rendu à Ottawa pour demander l’asile plutôt que de présenter sa demande à son arrivée à l’aéroport de Montréal. La Commission n’a pas cru l’explication du demandeur selon laquelle personne ne parlait l’anglais à l’Aéroport international de Montréal.

 

[15]           En ce qui concerne l’incident qui serait survenu le 6 juin 2010, la Commission a jugé qu’il était invraisemblable que le demandeur et son ami aient pris le risque de s’étreindre en public malgré les tabous sociaux et les sanctions qui affligent les homosexuels au Nigeria et dont tous les deux étaient au courant. La Commission n’était pas satisfaite de la réponse du demandeur selon laquelle lors de l’événement en question, les personnes à la fête s’occupaient simplement de danser; le simple fait d’adopter ouvertement et publiquement une conduite que tous les deux savaient être inacceptable sur les plans juridique et culturel a été jugé invraisemblable. Qui plus est, la Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur s’était souvenu de la date de l’incident (il a affirmé que celui-ci s’était produit le 6 juin), mais non du jour de la semaine.

 

[16]           La Commission était également préoccupée par le fait que le demandeur n’avait pu présenter aucun élément de preuve médical concernant le traitement qu’il avait apparemment reçu après l’incident du 6 juin 2010 ou d’autres éléments de preuve corroborant son récit, alors qu’il communiquait avec son oncle au Nigeria et qu’il lui envoyait régulièrement de l’argent pour payer le passeur.

 

[17]           Enfin, la Commission a mis en doute l’allégation d’homosexualité du demandeur, parce que celui-ci « ne connaissait étonnamment pas les symboles et les quartiers gais ». La Commission a également souligné que le demandeur avait entretenu une union de fait hétérosexuelle pendant de nombreuses années et qu’il a deux enfants, alors qu’il n’a eu aucune relation homosexuelle depuis son arrivée au Canada, fait que le demandeur attribue à ses problèmes de communication. La Commission n’a pas jugé cette réponse raisonnable, étant donné que le demandeur vit à Ottawa, qui est une ville multiculturelle. Le demandeur n’a assisté qu’à un seul événement gai depuis son arrivée au Canada et il a alors pris plusieurs photographies qu’il a déposées au soutien de sa demande.

 

[18]           Compte tenu de ces conclusions, la Commission a accordé peu de poids au rapport du psychologue selon lequel le demandeur est atteint d’un trouble de stress post-traumatique [TSPT]. La Commission n’a pas vraiment contesté les symptômes mentionnés dans le rapport du Dr Fulford, mais elle n’a pas cru que ces symptômes découlaient des événements que le demandeur a relatés, récit qu’elle n’a pas jugé crédible.

 

La crainte objective de persécution

[19]           La Commission a conclu que le demandeur n’avait présenté aucun élément de preuve établissant de façon convaincante qu’il serait exposé à davantage qu’une simple possibilité de persécution au Nigeria. La Commission a examiné la preuve documentaire objective provenant de différentes sources, y compris les réponses aux demandes d’information [RDI] figurant dans le CNB publié en août 2011, ainsi que quatre articles que le demandeur a déposés au sujet de récentes dispositions législatives que le Sénat du Nigeria a adoptées en novembre et décembre 2011 et qui interdisent le mariage entre personnes de même sexe.

[20]           Après avoir examiné l’ensemble de la preuve objective disponible au sujet des conditions des gais et des lesbiennes au Nigeria, la Commission a privilégié une évaluation faite en février 2011 par un diplomate du Haut-Commissariat du Canada à Lagos. Voici les paragraphes pertinents de cette opinion :

[traduction]

Les actes homosexuels sont effectivement punissables d’une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans, selon le code criminel du Nigéria. Toutefois, l’infraction donne rarement lieu à des poursuites. En 2009, plusieurs militants gais se sont rendus à l’Assemblée nationale pour protester contre un plan visant à rendre le mariage homosexuel illégal. Bien qu’ils aient été fortement critiqués dans les médias et par les dirigeants religieux, aucun des manifestants n’a été poursuivi ou n’a subi de préjudice physique.

 

Le Nigéria n’est pas l’Ouganda. Bien que l’homosexualité soit largement condamnée, il existe des communautés gaies assez actives à Lagos et, dans une moindre mesure, à Abuja.

 

À notre connaissance, il n’y a eu, au cours des dernières années, aucun incident où une personne a été inculpée ou poursuivie pour des actes homosexuels. Nous ne sommes également au courant d’aucune attaque perpétrée contre des homosexuels (bien que cela ne signifie pas qu’aucun incident du genre ne s’est produit).

 

[21]            La Commission a également cité d’autres éléments de preuve du CND allant dans le même sens. Bien qu’il ne soit nullement fait mention du harcèlement ou de la persécution des gais dans le rapport du département d’État des États-Unis daté du 8 avril 2011, ou encore dans l’Operational Guide Note (directive opérationnelle) du Royaume-Uni datée du 14 avril 2009 et dans un rapport norvégien de mars 2006 (CND sur le Nigeria, 31 août 2011, onglets 2.1, 2.3 et 1.4), l’évaluation suivante figure dans un rapport plus récent du Home Office du Royaume-Uni, soit le Country of Origin Information Report (rapport d’information sur le pays d’origine) (onglet 2.2) :

[traduction]

Selon les représentants du LEDAP [projet pour la défense des droits et l’aide juridique], la loi nigériane ne définit pas clairement la sodomie, et la loi sur la sodomie inclut d’autres types d’actes ou de comportements sexuels anticonformistes, qui sont considérés comme de la « sodomie ». En vertu de la loi sur la sodomie, personne ne peut être reconnu coupable sans une confession du crime. Comme il s’agit d’un acte difficile à prouver, personne n’a été reconnu coupable de sodomie en common law. […] Lors d’une rencontre avec l’Organisation pour les libertés civiles (CLO), organisation non gouvernementale nigériane, un porte‑parole a indiqué que, selon lui, les actes ou le comportement homosexuels étaient tolérés au Nigeria, pourvu qu’ils soient pratiqués discrètement et en privé, mais des personnes homosexuelles seraient placées en état d’arrestation pour atteinte aux bonnes mœurs s’ils manifestaient de l’affection en public. Il a ajouté qu’il est plutôt rare que des personnes homosexuelles soient agressées au Nigeria. Il a également dit que les personnes font très peu confiance aux policiers, qui sont perçus comme inefficaces et corrompus, mais que la plupart des personnes croient malgré tout que ces policiers protégeraient des personnes homosexuelles menacées de violence en raison de leur homosexualité. Toutefois, la porte‑parole de Global Rights a affirmé que la violence envers les personnes homosexuelles est répandue et la désapprobation de l’homosexualité par la société en général fait en sorte que, même lorsqu’un pot‑de‑vin est offert aux policiers pour que les accusations de sodomie soient retirées, au moins 65 p. 100 de ces accusations et de ces poursuites sont maintenues, du moins à son avis.

 

 

[22]           La Commission a également souligné les extraits suivants des RDI figurant à l’onglet 6.1 du CND :

Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information indiquant si la peine capitale a déjà été appliquée. D’après les représentants du LEDAP cités dans le rapport de la mission du Royaume-Uni et du Danemark,

 

[traduction]
[d]e 2003 à 2007, 20 personnes [ont été] accusées en vertu des dispositions de la charia touchant l’homosexualité, mais elles n’ont pas toutes été reconnues coupables. Environ 10 à 12 d’entre elles ont été condamnées à la lapidation, mais la peine n’a pas été exécutée, car en appel, les tribunaux fédéraux ont annulé les condamnations […].

 

[...]

 

Parmi les sources qu’elle a consultées, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information sur la protection offerte par les organisations gouvernementales. Selon le rapport d’Amnesty International de 2009, les autorités [version française d’AI] « ne voulaient pas accorder une protection suffisante aux victimes, ou bien se trouvaient dans l’incapacité de le faire » (AI 2009). Cependant, selon le rapport de la mission d’enquête conjointe du Royaume-Uni et du Danemark, un porte‑parole de l’Organisation pour les libertés civiles (Civil Liberties Organization), ONG nigériane,

 

[traduction]

[…] les actes ou le comportement homosexuels étaient tolérés au Nigeria, pourvu qu’ils soient pratiqués discrètement et en privé, mais des personnes homosexuelles seraient placées en état d’arrestation pour atteinte aux bonnes mœurs s’ils manifestaient de l’affection en public. Il a ajouté qu’il est plutôt rare que des personnes homosexuelles soient agressées au Nigéria. Il a encore dit que les gens font très peu confiance aux policiers, qui sont perçus comme inefficaces et corrompus, mais que la plupart des gens croient malgré tout que ces policiers protégeraient des personnes homosexuelles menacées de violence en raison de leur homosexualité (R.‑U./Danemark 20 oct. 2008, sect. 5.8).

 

Toutefois, le même rapport souligne que selon le porte‑parole de Global Rights,

[traduction]

[l]a violence envers les personnes homosexuelles est répandue et la désapprobation de l’homosexualité par la société en général fait en sorte que, même lorsqu’un pot‑de‑vin est offert aux policiers pour que les accusations de sodomie soient retirées, au moins 65 p. 100 de ces accusations et de ces poursuites sont maintenues (R.‑U./Danemark 20 oct. 2008, sect. 5.8).

 

[23]           Soulignant que la version des RDI ne comprenait pas le dernier paragraphe du rapport d’information sur le pays d’origine du Home Office du Royaume-Uni, la Commission a mentionné que, étant donné que presque toutes les sources des RDI proviennent des groupes de défense des droits des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des transgenres (LGBT), « leurs conclusions ne peuvent pas être considérées comme étant objectives, compte tenu de leur subjectivité reconnue », mais « cela ne veut pas dire que leurs conclusions sont entachées d’erreurs de fait ou qu’elles ne sont pas fondées sur des faits objectifs ». En ce qui concerne la récente criminalisation du mariage homosexuel au Nigeria, la Commission a précisé qu’« un tel projet de loi ne fait que confirmer que le Nigeria demeure un pays plutôt homophobe. Étant donné que les actes des homosexuels sont déjà illégaux, ce projet de loi, s’il est adopté, n’empirerait pas considérablement la situation déjà difficile avec laquelle sont aux prises les homosexuels. Je souligne également que des projets de loi semblables ont été présentés en 2005 et 2009 et qu’aucun d’eux n’a été adopté ».

 

[24]           La Commission a donc conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la preuve objective susmentionnée réfutait l’allégation de crainte objective de persécution dans le cas du demandeur.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]           Le demandeur s’oppose à toutes les conclusions que la Commission a formulées au sujet de son identité et de sa crédibilité ainsi qu’à l’appréciation qu’elle a faite du fondement objectif de sa demande. J’ai relevé les questions suivantes à trancher d’après les observations du demandeur :

1)      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait en décidant, à la lumière de ses conclusions sur la crédibilité, que le demandeur n’avait pas prouvé son identité?

 

2)      La décision attaquée soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité de la part du commissaire?

3)      La conclusion de la Commission selon laquelle la crainte de persécution du demandeur n’est pas bien fondée sur le plan objectif est-elle déraisonnable?

 

LES NORMES DE CONTRÔLE

[26]           En l’absence d’observations des parties au sujet de la norme de contrôle applicable, la Cour souligne qu’il est bien reconnu en droit que la norme de la décision raisonnable s’applique lors de la révision des conclusions de la Commission au sujet des faits, de la crédibilité et de son appréciation de la preuve (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF n732, 160 NR 315, Jin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 595, au paragraphe 4, [2012] ACF 677). Dans la même veine, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’a pas établi un fondement objectif au soutien d’une crainte de persécution est une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable (Butt c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 28, au paragraphe 6, [2010] ACF 77).

 

[27]           Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], la Cour s’en tiendra à « la justification [...], à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[28]           La question de savoir si la Commission a mal énoncé ou mal appliqué la règle de droit est une question de droit susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 44, [2009] 1 RCS 339).

 

[29]           Enfin, il a été décidé que la question de savoir s’il existe une crainte de partialité est une question de fait qui relève de la compétence de la cour de révision, qui n’a pas à faire preuve de retenue envers la Commission (Luzbet c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 923, au paragraphe 5, [2011] ACF 1153; Ke c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 862, au paragraphe 35, [2012] ACF 909).

 

ANALYSE

Question 1 – La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait en décidant, à la lumière de ses conclusions sur la crédibilité, que le demandeur n’avait pas prouvé son identité?

[30]           Le demandeur soutient que le critère juridique que la Commission a appliqué pour déclarer invalides ses pièces d’identité n’était pas le bon. Cependant, le demandeur ne m’a pas cité la moindre décision établissant l’existence d’un critère à appliquer pour déterminer l’authenticité des éléments de preuve liés à l’identification.

 

[31]           La Cour fédérale a déjà décidé que « le fait de conclure que des documents d’identité en apparence valablement délivrés sont frauduleux constitue une erreur de droit si la preuve n’établit pas la fraude » (Kathirkamu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 409, au paragraphe 34, [2003] ACF 592, citant Ramalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF 10, 77 ACWS (3d) 156). Cependant, dans la présente affaire, la Commission a expliqué pourquoi les documents d’identité du demandeur étaient insuffisants pour établir l’identité de celui-ci. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que les motifs que la Commission a invoqués appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[32]           Le demandeur reproche à la Commission d’avoir rejeté sans raison valable son témoignage au sujet des raisons pour lesquelles ses pièces d’identité ont été délivrées à une date si rapprochée de son départ et d’avoir commis une erreur en soulevant l’absence d’éléments de preuve supplémentaires qui ne lui avaient pas été demandés pendant l’audience. À mon avis, il ne s’agit pas d’erreurs susceptibles de contrôle judiciaire, dans la mesure où elles sont appuyées par le raisonnement invoqué et par la preuve. Une simple affirmation du fait que le tribunal ne s’est pas montré attentif et sensible à la preuve dont il était saisi est insuffisante, parce que le demandeur n’a pas établi les éléments de preuve que la Commission a écartés ou dont elle n’a pas tenu compte. Au cours de l’audience, le demandeur a été avisé que les deux documents produits n’établissaient pas son identité à la satisfaction de la Commission, dans le contexte de la présente affaire. Il s’est fait demander s’il avait autre chose, ce qui lui a donné l’occasion de déposer des éléments de preuve supplémentaires.

 

[33]           Le demandeur fait valoir que le commissaire, de son propre aveu, n’avait aucune compétence spécialisée en matière d’analyse d’écriture ou de signatures. Cet argument est mal fondé. Je conviens avec le défendeur que, même si les commissaires ne sont pas des spécialistes en matière d’évaluation d’irrégularités pouvant toucher des pièces d’identité, ils sont néanmoins autorisés à utiliser ce qui est évident (comme la différence entre la signature du demandeur qui apparaît sur son FPR et celle qui figure sur son permis de conduire) sans l’aide d’experts. Le fait qu’aucun permis de conduire original n’avait été porté à l’attention de la Commission n’est pas déterminant. Malgré le fait qu’une copie n’a pas la même valeur probante, il était loisible à la Commission, et non à la Cour, de déterminer l’importance à accorder à la documentation dont elle était saisie. Comme l’a souligné le juge Blanchard dans Ipala c Canada (Ministre de la Citoyenneté), 2005 CF 472, au paragraphe 18, [2005] ACF 583, le degré plus élevé de déférence accordé à l’évaluation des pièces d’identité faite par la Commission est justifié par le fait que celle-ci est directement confrontée à ces documents et possède une grande compétence dans ce domaine. Il n’appartient certainement pas à la Cour de décider si le permis de conduire du demandeur est, comme il le soutient, vérifiable de façon rationnelle parce qu’il [traduction] « comporte des données lisibles à la machine qui sont encodées sur la bande magnétique ».

 

[34]           Le demandeur affirme que ses deux pièces d’identité ont été vérifiées et acceptées par des agents spécialisés en matière de vérification de documents à l’Agence des services frontaliers du Canada et à Citoyenneté et Immigration Canada; si tel n’avait pas été le cas, il aurait pu être détenu à des fins d’identité. Selon les décisions que la Cour fédérale a rendues à ce sujet, il faut distinguer l’évaluation de l’identité à des fins de détention d’avec celle qui vise à déterminer le bien-fondé d’une demande d’asile. Ainsi qu’en a décidé le juge Martineau dans Matingou-Testie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 389, au paragraphe 27, [2012] ACF 401 :

[…] la position du Ministre lors de la mise en liberté du demandeur, après plusieurs semaines de détention, ne lie pas la SPR qui est tenue de s’assurer de l’identité de tout demandeur d’asile avant de procéder à l’évaluation de sa demande d’asile. De plus, c’est à la SPR qu’incombe la tâche d’apprécier le caractère probant de toute preuve d’identité soumise par un demandeur d’asile.

 

Même si, dans cette dernière affaire, le demandeur avait été détenu et remis en liberté plus tard, le raisonnement s’applique de la même façon en l’espèce. Si le demandeur avait raison, cela signifierait qu’il ne serait pas nécessaire que la Commission évalue l’identité d’un demandeur d’asile à moins que celui-ci ne soit détenu à son arrivée au Canada; cette conclusion n’est pas appuyée par l’article 106 de la LIPR, ni par l’exigence encore plus explicite de l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, dont voici le texte : « Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer ». À mon avis, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’avait pas établi en bonne et due forme son identité aux fins de l’appréciation du bien-fondé de sa demande d’asile est raisonnable, eu égard aux conclusions générales qu’elle a tirées au sujet du manque de crédibilité du demandeur.

 

Question 2 – La décision attaquée soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité de la part du commissaire?

 

[35]           Le demandeur a mentionné un certain nombre de préoccupations qui, à son avis, soulèveraient une crainte raisonnable de partialité de la part du commissaire qui a tranché sa demande d’asile.

 

[36]           D’abord, le demandeur accorde beaucoup d’importance à une décision de 2010 de la Commission dans laquelle le même commissaire a accueilli la demande d’asile d’un homosexuel nigérian, après avoir conclu que celui-ci ne bénéficiait pas de la protection de l’État au Nigeria, où l’homosexualité est contraire à la loi. Le demandeur ajoute que, dans cette décision, le commissaire a accepté un permis de conduire et un certificat de naissance nigérians à titre de documents établissant de façon satisfaisante l’identité du demandeur d’asile.

 

[37]           Le demandeur cite également le paragraphe 15 des motifs de la décision de la Commission et soutient que le commissaire s’est servi de sa connaissance spécialisée comme excuse pour tirer des conclusions de fait déraisonnables au sujet de sa crédibilité. Voici le texte du paragraphe en question :

Le demandeur d’asile a été invité à produire des documents, comme une carte d’embarquement, un billet d’avion et des étiquettes à bagages, pour prouver qu’il est arrivé au Canada comme il l’a décrit. Il a déclaré qu’il n’avait aucun de ces documents en main et que le passeur avait tout gardé. Selon son FRP, il ne se souvenait même pas du nom, indiqué dans son faux passeport britannique, avec lequel il avait voyagé. Je lui ai fait part de ma connaissance spécialisée de ce type d’histoire. Je lui ai dit que j’ai entendu des histoires presque identiques de la part de plusieurs demandeurs d’asile nigérians et que, dans chaque cas, les vérifications faites par le gouvernement du Canada (date et lieu d’arrivée - Montréal dans tous les cas -, pays de délivrance du passeport et faux nom) ont révélé qu’il n’existait aucune trace de ces arrivées dans les dossiers gouvernementaux. Le demandeur d’asile a répété son histoire. Il a déclaré qu’il avait fait un bref séjour dans un hôtel de Montréal et qu’il avait ensuite pris un autocar à destination d’Ottawa. Prié d’indiquer le nom de l’hôtel et de fournir un reçu, le demandeur d’asile a affirmé qu’il ne se souvenait pas du nom de l’hôtel et qu’il n’avait pas de reçu. Lorsqu’il s’est vu demander de fournir son billet ou son reçu d’autocar, il a déclaré qu’il les avait sans doute perdus.

 

[38]           Il existe une exception au principe selon lequel la cour de révision ne peut examiner des éléments de preuve qui ne font pas partie du dossier dont la Commission était saisie, soit lorsque les motifs de révision comportent une erreur de compétence, notamment un manquement à l’équité procédurale (McFadyen c Canada (Procureur général), 2005 CAF 360, au paragraphe 15; [2005] ACF 1817). Ce type d’erreur comprend la crainte de partialité que les motifs soulèvent chez le décideur. J’ai donc examiné la décision que la Commission a rendue dans l’autre dossier que le demandeur a cité; cependant, pour les motifs exposés ci-après, j’estime que la décision en question n’appuie pas l’allégation du demandeur quant à la crainte de partialité en l’espèce.

 

[39]           D’abord, il appert clairement de la jurisprudence que le commissaire n’est pas tenu d’expliquer les raisons pour lesquelles il s’écarte d’une décision précédente dans des circonstances différentes. Comme l’a souligné le juge Shore dans Aoutlev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 111, au paragraphe 26, [2007] ACF 183 :

La jurisprudence de cette Cour a établi, dans de très nombreuses décisions, qu’un tribunal n’est pas lié par le résultat obtenu dans une autre revendication et ce, même lorsqu’il s’agit d’un parent, puisque la détermination du statut de réfugié se fait cas par cas et qu’il est aussi possible que l’autre décision soit erronée. Bakary c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1111, [2006] A.C.F. no 1418 (QL) (juge Pinard); Rahmatizadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. n578 (QL) (juge Marc Nadon).)

 

 

[40]           Dans Michaud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 886, aux paragraphes 49 et 50, [2009] ACF 1112, où une allégation de manquement à l’équité procédurale a été formulée en raison d’une décision antérieure de la Commission, le juge Kelen a formulé les remarques suivantes :

En ce qui concerne la décision TA7-06842, qui semble contredire la décision rendue par la Commission en l’espèce, ou bien cette décision est erronée ou bien le commissaire a conclu, sans toutefois l’expliquer suffisamment, que l’autre demandeur d’asile était davantage susceptible que le présent demandeur d’asile d’être personnellement exposé à un risque en raison de son expérience passée et récente avec les gangs armés.

 

Un commissaire n’est pas légalement tenu d’expliquer pourquoi il rend une décision différente de celle déjà rendue par la Commission lorsque le profil des demandeurs d’asile est radicalement différent (Woods c. Canada (MCI), 2008 CF 262, 165 A.C.W.S. (3d) 508, paragraphe 25 des motifs du juge Gibson). Il n’est pas non plus nécessaire d’expliquer le fait que l’on s’écarte d’une décision antérieure lorsque les conclusions tirées au sujet de la crédibilité sont différentes (Cius, précité, paragraphes 35 et 36 des motifs du juge Beaudry).

 

[41]           Le critère applicable à la détermination de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part d’un tribunal indépendant comme la CISR consiste à savoir si une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, penserait que le tribunal était probablement partial (Committee for Justice and Liberty c Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, aux pages 394 et 395, approuvé dans le contexte de la décision relative aux considérations d’ordre humanitaire dans Baker, [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 46 et 47). Les motifs à l’appui de la crainte de partialité doivent être importants et ne sauraient s’appuyer sur de simples hypothèses ou conjectures (Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 861, au paragraphe 40; Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 361, au paragraphe 64, [2007] ACF 476). Le demandeur qui veut établir la partialité ou la crainte de partialité doit présenter des éléments de preuve très convaincants (Zambrano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481, au paragraphe 53).

 

[42]           En ce qui concerne la décision visée par le présent contrôle judiciaire, je conviens avec le défendeur qu’il existe des différences importantes entre les circonstances entourant la demande d’asile du demandeur et celles de la décision qu’il invoque. Dans cette dernière décision, non seulement l’autre demandeur d’asile a-t-il été jugé crédible, mais les incidents qu’il a invoqués sont survenus dans le nord du Nigeria, où la charia s’applique. De plus, la preuve documentaire objective invoquée en l’espèce est plus récente que celle sur laquelle la Commission s’est fondée dans la décision précédente. La Cour ajoute que, contrairement à ce que le demandeur a soutenu en l’espèce, dans l’autre affaire en question, le demandeur d’asile avait présenté des éléments de preuve supplémentaires convaincants pour établir son identité, en l’occurrence, un certificat de naissance.

 

[43]           Qui plus est, le fait que le commissaire s’est fondé sur sa « connaissance spécialisée » (lorsqu’il a évoqué des histoires de plusieurs demandeurs d’asile nigérians) constituerait une erreur susceptible de contrôle si la conclusion défavorable qui a été tirée en l’espèce au sujet de la crédibilité reposait sur ce seul motif. Tel n’est pas le cas en l’espèce, étant donné que, dans sa décision, la Commission a relevé un certain nombre d’omissions et d’incohérences qui caractérisent la preuve testimoniale et documentaire du demandeur et qui ont affaibli la crédibilité de celui-ci. En conséquence, après avoir examiné attentivement l’ensemble de la preuve et les motifs de la décision de la Commission, la Cour est d’avis que le demandeur n’a pas réussi à s’acquitter du lourd fardeau qu’il avait en ce qui a trait à l’établissement d’une crainte raisonnable de partialité.

 

 

[44]           Eu égard aux réponses que la Cour a données aux questions précédentes (principalement en ce qui a trait à l’identité et à la crédibilité du demandeur), il ne m’apparaît pas nécessaire d’examiner l’autre question que le demandeur a soulevée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.                   La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1859-12

 

INTITULÉ :                                      ROBERT ASUEN JACKSON c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 20 août 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            MADAME LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 septembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Idorenyin Amana

 

POUR LE DEMANDEUR

Mario Blanchard

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Idorenyin Amana

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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