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Date : 20120918

Dossier : IMM-9279-11

Référence : 2012 CF 1086

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 septembre 2012

En présence du juge en chef

 

 

ENTRE :

 

RONALD ANTONIO CASTELLON VIERA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Ronald Antonio Castellon Viera, est un citoyen du Salvador. La Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison de son appartenance non contestée à la Mara Salvatrucha (MS), également appelée MS-13, gang auquel il s’est joint vers l’âge de 10 ou 12 ans et qu’il a quitté volontairement lorsqu’il avait 15 ou 16 ans.

 

[2]               Tant la SAI que la Section de l’immigration ont conclu que la MS est une organisation criminelle visée à l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Elles ont également jugé que M. Castellon n’avait pas la capacité mentale nécessaire pour former l’intention de joindre les rangs de la MS, mais qu’il avait atteint cette capacité mentale quelque temps avant de quitter le gang.

 

[3]               Cependant, la SAI et la Section de l’immigration ne s’entendaient pas sur la question de savoir si le demandeur était demeuré membre de la MS sous la contrainte après avoir eu cette capacité mentale. La Section de l’immigration a conclu qu’après avoir eu la capacité mentale nécessaire, M. Castellon a continué à faire partie du gang sous l’effet de la contrainte jusqu’à ce qu’il le quitte  « dès qu’il a eu l’occasion de le faire ». En revanche, la SAI a jugé que le demandeur ne répondait pas au critère de la contrainte, après avoir conclu que certains aspects de son témoignage n’étaient pas vraisemblables et qu’il n’était pas un témoin fiable. La SAI a souligné que ces aspects minaient la crédibilité générale du demandeur et qu’elle préférait la version de deux autres témoins. La SAI semble s’être fondée principalement, ou du moins dans une mesure importante, sur la preuve présentée par ces deux témoins pour conclure que M. Castellon n’avait pas démontré qu’il répondait au critère de la contrainte.

 

[4]               M. Castellon reproche à la SAI d’avoir commis les erreurs suivantes :

a.                   elle n’a pas conclu que a) la décision de la Section de l’immigration était erronée en droit, en fait ou en droit et en fait ou b) qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle, conformément aux alinéas 67(1)a) et b) de la LIPR;

b.                  elle n’a pas rendu une décision visée aux alinéas 67(1)a) ou b) selon la prépondérance des probabilités;

c.                   elle a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur sans donner à celui-ci la possibilité de se faire entendre;

d.                  elle a tiré une conclusion déraisonnable au sujet de la crédibilité du demandeur.

 

[5]               Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que la SAI n’a pas commis les deux premières erreurs reprochées par M. Castellon, mais qu’elle a commis la troisième. En conséquence, la présente demande sera accueillie sans qu’il soit nécessaire d’examiner la quatrième question.

 

I.          La norme de contrôle

 

[6]               Les deux premières questions que M. Castellon a soulevées concernent la portée de la compétence de la SAI. En conséquence, elles sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 59, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 42, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]). 

 

[7]               La troisième question est une question d’équité procédurale, qui est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte (arrêt Dunsmuir, susmentionné, aux paragraphes 55, 79 et 87, arrêt Khosa, susmentionné, au paragraphe 43).

 

[8]               S’il avait été nécessaire d’examiner la quatrième question que M. Castellon a soulevée et qui concerne le caractère raisonnable de la conclusion que la SAI a tirée au sujet de la crédibilité du demandeur, cette question aurait été susceptible de contrôle judiciaire selon la norme du caractère raisonnable (arrêt Dunsmuir, susmentionné, aux paragraphes 51 à 55, arrêt Khosa, susmentionné, aux paragraphes 46 et 47, Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 11 à 18).

 

II.        Analyse

 

A.                            La SAI a-t-elle commis une erreur en ne concluant pas a) que la décision de la Section de l’immigration était erronée en droit, en fait ou en droit et en fait ou b) qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle, conformément aux alinéas 67(1)a) et b) de la LIPR?

 

[9]               M. Castellon affirme que la SAI a commis une erreur en omettant d’examiner ou de mentionner les alinéas 67(1)a) et b), qui énoncent les seuls motifs qu’elle pouvait invoquer pour accueillir l’appel du ministre à l’égard de la décision de la Section de l’immigration. En d’autres termes, il reproche à la SAI d’avoir commis une erreur en ignorant la décision du tribunal inférieur et en examinant à nouveau l’affaire. Je ne suis pas d’accord avec le demandeur.

 

[10]           Il est maintenant établi qu’un appel interjeté devant la SAI est « une audition de novo au sens large » (Kahlon c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1989 ACF no 104, au paragraphe 5 [Kahlon], Mohamed c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 CF 90, aux paragraphes 9 à 13 (CA) [Mohamed], Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1963, au paragraphe 8, Ni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 241, au paragraphe 9, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Savard, 2006 CF 109, au paragraphe 16, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Venegas, 2006 CF 929, au paragraphe 18, et Contreras Mendoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 934, aux paragraphes 17 à 20 [Contreras Mendoza]). 

 

[11]           En conséquence, la compétence de la SAI ne se limite pas au pouvoir de décider si la Section de l’immigration a conclu à juste titre ou de façon raisonnable qu’une personne qui cherche à être admise au Canada appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire. La SAI est plutôt tenue de décider si la personne est effectivement interdite de territoire (décision Mohamed, susmentionnée, décision Kahlon, susmentionnée, et décision Contreras Mendoza, susmentionnée). Contrairement à ce qu’affirme M. Castellon, aucune disposition de la LIPR non plus qu’aucune décision rendue ne restreignent l’exercice de la compétence de novo de la SAI aux situations où de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été portés à l’attention de la Section de l’immigration sont présentés.

 

[12]           Il s’ensuit que la SAI n’était pas tenue de faire montre de retenue à l’égard des conclusions de la Section de l’immigration ou d’affirmer explicitement a) que la décision de celle-ci était erronée en droit ou en fait ou en droit et en fait ou b) qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. Il suffit pour la Cour fédérale de conclure, après avoir examiné l’ensemble de la décision de la SAI, que celle-ci était effectivement convaincue qu’au moment où il a été disposé de l’appel, a) la décision attaquée était erronée en droit ou en fait ou en droit et en fait ou b) qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle.

 

[13]           Après avoir passé en revue la décision de la SAI, je n’ai pas de mal à conclure que celle-ci était effectivement convaincue que la décision de la Section de l’immigration était erronée en droit et en fait.

 

[14]           Au début de sa décision, la SAI a correctement énoncé sa tâche, soit décider, « compte tenu de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés [...] s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’intimé est interdit de territoire au Canada au titre de l’alinéa 37(1)a) de la [LIPR] du fait qu’il est membre d’une organisation criminelle ».

 

[15]           La SAI a souligné notamment que M. Castalonne avait reconnu qu’il est un ressortissant étranger, que la MS est une organisation criminelle au sens de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR et qu’il a été membre de la MS.

 

[16]           La SAI s’est ensuite attardée à la question de savoir si M. Castellon ne devrait pas être considéré comme un membre de la MS, en raison de son âge et de son degré de compréhension au moment de son adhésion à ce groupe. Après avoir cité des passages de Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CAF 85, aux paragraphes 51 et 53, la SAI a conclu que le raisonnement suivi dans cette affaire, qui concernait une allégation d’appartenance à une organisation terroriste par une personne qui était alors mineure, s’appliquait tout autant à l’appartenance à une organisation criminelle.

 

[17]           La SAI a ensuite passé la preuve en revue et souscrit à la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle il avait été établi par la preuve que M. Castellon avait adhéré à la MS avant l’âge de 12 ans. Cependant, elle a précisé qu’alors que la Section de l’immigration a jugé qu’il avait quitté l’organisation « au milieu de son adolescence, bien avant qu’il n’atteigne la majorité », la SAI a conclu simplement que le demandeur l’a quittée avant de devenir un adulte, mais pas nécessairement « bien avant », étant donné qu’il avait admis à un agent d’exécution qu’il était parti lorsqu’il avait « environ 17 ans ».

 

[18]           La SAI a ensuite souligné que, dans le cadre des activités que M. Castellon a poursuivies alors qu’il était membre de la MS, il a transporté de la cocaïne, il a volé des biens et de l’argent à des personnes et à des entreprises à la pointe d’un couteau, il a été témoin de crimes graves, notamment l’assassinat de deux personnes par d’autres membres du gang, et il a assisté à des réunions au cours desquelles il a entendu d’autres membres du gang discuter de meurtres et les planifier. La SAI a ajouté que, lorsque le demandeur a commis ses crimes, il portait des vêtements aux couleurs et à l’image du gang et ses victimes étaient en mesure de dire à quel gang il appartenait en raison de ses tatouages.

 

[19]           Après avoir commenté le critère de la contrainte, qui a été examiné brièvement dans Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306, au paragraphe 40, la SAI s’est penchée sur le témoignage que M. Castellon a présenté au sujet des efforts qu’il avait déployés pour obtenir de l’aide de l’école qu’il fréquentait afin de quitter le gang, des risques auxquels il croyait être exposé s’il tentait de quitter le gang et de son éventuel départ du gang pour aller dans un « centre de réadaptation ». La SAI a également commenté le témoignage d’un expert qui a témoigné pour le compte du ministre, ainsi que le témoignage d’une personne qui avait travaillé à l’école que M. Castellon fréquentait.

 

[20]           En bout de ligne, la SAI a conclu que M. Castellon n’avait pas établi le premier des trois éléments conjonctifs du critère de la contrainte, soit le fait qu’il était exposé à « un péril corporel imminent » (Oberlander c Canada (Procureur général), 2009 CAF 330, au paragraphe 25). En conséquence, la SAI a jugé, en se fondant sur l’ensemble de la preuve portée à son attention, que M. Castellon était une personne visée à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR.

 

[21]           Eu égard à ce qui précède, je n’ai pas de mal à conclure que la SAI était convaincue que la décision de la Section de l’immigration était erronée en fait et en droit. Après avoir énoncé correctement la portée de sa compétence, la SAI a résumé, également correctement, le critère à appliquer lors de l’examen de la question clé de la contrainte et a commenté le témoignage de M. Castellon et des deux autres témoins. La SAI a finalement conclu que les faits n’établissaient pas l’existence de motifs raisonnables de croire que « la crainte d’un péril corporel imminent tel qu’il se trouve privé de sa liberté de choisir ce qui est juste et de s’abstenir de ce qui est illicite » aurait pu être inspirée à une personne raisonnablement du même âge que le demandeur et ayant une intelligence et une expérience comparables. Pour en arriver à cette conclusion, la SAI était implicitement convaincue que la décision portée en appel était erronée en droit et en fait, comme le prévoit l’alinéa 67(1)a) de la LIPR.

 

[22]           M. Castellon a ajouté que les principes de la préclusion et de la chose jugée empêchaient la SAI d’infirmer la décision de la Section de l’immigration en l’absence de nouveaux éléments de preuve et sans égard aux motifs d’appel énoncés au paragraphe 67(1) de la LIPR. Je ne suis pas d’accord.

 

[23]           Tel qu’il est mentionné plus haut, la SAI a implicitement conclu que la décision de la Section de l’immigration sur la question de la contrainte était erronée en droit et en fait. Ce faisant, elle a rempli la condition préalable à l’exercice de sa compétence prévue à l’alinéa 67(1)a). Étant donné que la décision de la Section de l’immigration n’était pas une décision « finale », les principes de la préclusion et de la chose jugée ne s’appliquent pas (Danyluk c Ainsworth Technolgies Inc., 2001 CSC 44, au paragraphe 25, [2001] RCS 460, Angle c Ministre du Revenu national, [1975] 2 RCS 248, aux paragraphes 20 à 25).

 

B.                             La SAI a-t-elle commis une erreur en ne rendant pas une décision visée à l’alinéa 67(1)a) ou b) selon la prépondérance des probabilités?

 

[24]           M. Castellon fait valoir que la SAI ne peut accueillir un appel interjeté à l’égard d’une décision de la Section de l’immigration à moins d’être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que celle-ci a commis une erreur. Je ne suis pas d’accord.

 

[25]           À mon avis, la position de M. Castellon affaiblirait les principes de prudence et de prévention qui sous-tendent la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » prévue à l’alinéa 37(1)a) (Re Jaballah, 2010 CF 79, aux paragraphes 58, 59 et 64).

 

[26]           Tel qu’il est mentionné plus haut, la compétence de la SAI ne se limite pas à décider si la Section de l’immigration a conclu de façon raisonnable ou à juste titre qu’une personne cherchant à se faire admettre au Canada appartient à une catégorie de personnes interdites de territoire. La SAI doit plutôt décider si la personne est effectivement interdite de territoire (décision Mohamed, susmentionnée, décision Kahlon, susmentionnée, décision Contreras Mendoza, susmentionnée, et Rattan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 32, au paragraphe 7 [Rattan]). En d’autres termes, lorsqu’elle est saisie d’un appel d’une décision de la Section de l’immigration, la SAI se trouve essentiellement dans la même position que celle-ci. Dans le contexte de la présente affaire, cela signifie que la SAI avait pour tâche de décider si M. Castellon était interdit de territoire au Canada, eu égard au critère énoncé à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR et aux règles d’interprétation prévues à l’article 33. Ces règles prévoient de façon non ambiguë que « les faits – actes ou omissions – mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir ».

 

[27]           En conséquence, la SAI n’a pas commis d’erreur en omettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de la Section de l’immigration était erronée en droit ou en fait ou en droit et en fait.

 

C.              La SAI a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de M. Castellon sans accorder à celui-ci la possibilité de se faire entendre?

 

 

[28]           M. Castellon reproche à la SAI de ne pas l’avoir informé qu’elle avait l’intention de réévaluer la crédibilité de son témoignage et de ne pas lui avoir accordé la possibilité de témoigner en personne, comme il l’avait fait devant la Section de l’immigration. Je suis d’accord.

 

[29]           La SAI a initialement fixé la tenue d’une audience de vive voix dans la présente affaire. Cependant, le 7 juillet 2011, les parties ont présenté ensemble une demande écrite en vue de faire annuler cette audience et de faire examiner l’appel sur dossier. Leur position a été expliquée comme suit : [traduction] « Aucune des parties n’a l’intention de présenter d’autres éléments de preuve et toutes les deux comptent se fonder exclusivement sur le dossier d’appel et présenter des observations sur des points de droit » (non souligné dans l’original).

 

[30]           Dans les observations écrites datées du 17 août 2011 que M. Castellon a subséquemment fait parvenir à la SAI, il est également mentionné en toutes lettres que le demandeur avait compris que l’appel se limiterait à des questions de droit. Voici comment il s’est exprimé à la page 2 de ses observations :

[traduction]

Le défendeur et le ministre ont convenu de restreindre l’appel à la présentation d’observations écrites sans produire de nouveaux éléments de preuve. Cette façon de procéder convient, étant donné que les questions que l’appelant a soulevées portent sur des points de droit. En conséquence, les erreurs que le ministre invoque doivent être des erreurs pouvant être décelées au vu du dossier.

 

[31]           En ce qui concerne la question de la contrainte, il appert clairement des observations de M. Castellon que celui-ci croyait que la SAI devait faire montre d’une « grande retenue » à l’endroit de la décision de la Section de l’immigration.

 

[32]           Eu égard à ce qui précède, la SAI aurait dû (i) informer M. Castellon qu’elle avait l’intention de réévaluer la crédibilité de celui-ci relativement à la question de la contrainte et (ii) lui accorder la possibilité de présenter d’autres observations sur ce point. En omettant de le faire, la SAI a privé M. Castellon de ses droits à l’équité procédurale.

 

D.              La SAI a-t-elle commis une erreur en tirant une conclusion déraisonnable au sujet de la crédibilité de M. Castellon?

 

 

[33]           Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée au sujet de la troisième question soulevée par M. Castellon, il n’est pas nécessaire que j’examine cette question.

 

III.       Conclusion

 

[34]           La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

IV.       Aucune question à certifier

 

 

[35]           M. Castellon a proposé les deux questions suivantes à des fins de certification :

1.      Lorsque le ministre interjette appel devant la Section d’appel de l’immigration d’une décision rendue par la Section de l’immigration, conformément au paragraphe 63(5) de la LIPR, est-il tenu de prouver que la décision était erronée en fait ou en droit ou en fait et en droit selon la prépondérance des probabilités?

 

2.      Lorsque le ministre interjette appel devant la Section d’appel de l’immigration d’une décision rendue par la Section de l’immigration, conformément au paragraphe 63(5) de la LIPR, et que les parties conviennent que l’appel sera examiné sur dossier au motif que la question à trancher est seulement une question de droit qui ne repose pas sur la crédibilité, la SAI commet-elle une erreur de procédure en fondant sa décision sur des motifs liés à la crédibilité sans accorder au défendeur la possibilité de se faire entendre de vive voix?

 

[36]           L’avocate du ministre s’est opposée aux deux questions proposées au motif qu’elles ne révèlent aucune question grave et ne seraient pas déterminantes dans le cadre d’un appel. Je suis d’accord.

 

[37]           L’alinéa 74d) permet seulement la certification d’une « question grave de portée générale ». À mon avis, aucune des questions proposées par M. Castellon ne respecte cette norme.

 

[38]           Quant à la première des questions proposées, la jurisprudence est uniforme : la compétence de la SAI ne se limite pas à décider si la Section de l’immigration a conclu à juste titre ou de façon raisonnable qu’une personne cherchant à se faire admettre au Canada appartient à une catégorie de personnes interdites de territoire. La SAI doit plutôt décider si la personne est effectivement interdite de territoire (décision Mohamed, susmentionnée, décision Kahlon, susmentionnée, décision Contreras Mendoza, susmentionnée, décision Rattan, susmentionnée). Lorsqu’elle prend ce type de décision, la SAI se trouve essentiellement dans la même position que la Section de l’immigration. Cela signifie qu’elle doit décider si le ministre a établi l’existence des motifs raisonnables de croire envisagés par l’alinéa 37(1)a) et par l’article 33.

 

[39]           Les décisions rendues dans Asgharpour-Khiabani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 810, au paragraphe 20, et Brace c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 582, au paragraphe 14, sont différentes. En résumé, la première décision ne concernait pas une audience à laquelle s’appliquait la norme de preuve prévue à l’alinéa 37(1)a) et à l’article 33. Quant à la décision rendue dans Bruce, l’analyse de la Cour fédérale a porté essentiellement sur le traitement par la SAI des considérations d’ordre humanitaire en application de l’alinéa 67(1)c) et sur les facteurs d’appréciation pertinents qui ont été énoncés dans Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (QL) et approuvés par la Cour suprême du Canada dans Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 RCS 84, au paragraphe 90. De plus, dans Bruce, le juge Harrington a formulé une réserve explicite à l’égard de son affirmation au moyen des mots soulignés du passage suivant : « Sauf disposition contraire d’un texte de loi, une seule norme de preuve est applicable devant les tribunaux civils et cette norme est la prépondérance de la preuve » (non souligné dans l’original).

 

[40]           La deuxième question proposée porte sur une situation factuelle qui concerne uniquement les faits de la présente affaire. En conséquence, il ne convient pas de certifier cette question.




JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                                            La décision datée du 24 novembre 2011 de la Section d’appel de l’immigration est infirmée et renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

 

2.                                            Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9279-11

 

INTITULÉ :                                      RONALD ANTONIO CASTELLON VIERA c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)   

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 août 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge en chef Crampton

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 septembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Gabriel Chand

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Chand & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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