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Date : 20120423

Dossier : T-282-11

Référence : 2012 CF 464

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2012

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

SEBASTIAN CERRA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Sebastian Cerra (M. Cerra), par laquelle ce dernier conteste la décision rendue au troisième palier de la procédure de règlement des griefs par le sous-commissaire principal (le sous-commissaire) du Service correctionnel du Canada (le Service correctionnel), le 20 janvier 2011.

 

[2]               M. Cerra est un détenu sous responsabilité fédérale, qui purge une peine d’emprisonnement à l’Établissement Mountain, situé à Agassiz, en Colombie-Britannique. M. Cerra se plaint de la pratique du Service correctionnel de le réveiller, de façon récurrente, durant la nuit. Il affirme que cette pratique le prive de sommeil et qu’elle constitue une peine cruelle et inusitée.

 

[3]               M. Cerra avait initialement allégué dans son grief que les agents correctionnels le réveillaient délibérément toutes les heures. Dans le grief, il est à tout le moins implicite que M. Cerra était préoccupé par le comportement de certains agents correctionnels, et non par le caractère licite de la politique du Service correctionnel concernant le dénombrement des détenus et les patrouilles de sécurité. Dans ses arguments présentés à la Cour, M. Cerra semblait toutefois contester autant la politique que la manière dont celle-ci était appliquée.

 

[4]               Parce qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour peut seulement se pencher sur la raisonnabilité de la décision contestée. Il n’est pas approprié de conduire un tel examen en ayant égard à des éléments de preuve ou à des arguments dont le sous-commissaire principal ne disposait pas. J’ajouterais à cela que la politique du Service correctionnel qui est au cœur de la plainte de M. Cerra avait antérieurement été confirmée par la Cour dans la décision Wild c Canada (Service correctionnel), 2004 CF 942, 256 FTR 240 [Wild]. Dans cette affaire, le juge Edmond Blanchard a conclu que la politique en question était « justifiée[…] et souhaitable[…] dans un milieu carcéral lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité du public et des détenus » : Wild, au paragraphe 44. Le juge Blanchard avait également fait remarquer que la politique de sécurité devait être appliquée de manière à déranger le moins possible les détenus, ou, selon le libellé de l’article 8 de la politique, « en utilisant la technique qui comporte le moins d’intrusion ».

 

[5]               La politique de sécurité ordonne que des vérifications de sécurité soient effectuées fréquemment à l’égard de l’ensemble des détenus durant la nuit. Elle exige que les agents correctionnels vérifient que chaque détenu est vivant. Il me semble, et le juge Blanchard était aussi de cet avis dans la décision Wild, précitée, qu’il est inévitable que des détenus soient, de temps à autre, réveillés au cours des rondes de sécurité. La politique n’exige toutefois pas d’interrompre le sommeil des détenus toutes les heures pour s’assurer qu’ils respirent. De plus, il va sans dire que le harcèlement volontaire d’un détenu par les agents correctionnels serait illicite et constituerait une violation de l’obligation légale de traiter humainement les détenus.

 

[6]               Cependant, il n’y a rien dans le dossier dont je dispose qui permet d’établir que le sous‑commissaire a commis une erreur en rejetant le grief de M. Cerra. La décision est bien étayée par la preuve à laquelle elle renvoie et, par conséquent, elle fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59, qui citait Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47.

 

[7]               Le dossier révèle que le grief de M. Cerra a été traité de manière sérieuse par le Service correctionnel. Des suivis ont été effectués à l’égard des niveaux de bruit pendant une certaine période, pour s’assurer que le personnel correctionnel adhérait aux bonnes pratiques et respectait la politique; aucune violation n’a été décelée. Le sous-commissaire a fait remarquer que, dans les étapes initiales de son grief, M. Cerra avait omis d’invoquer les incidents précis à l’appui de sa plainte. M. Cerra n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve provenant d’autres détenus pour corroborer ceux qu’il a présentés au sujet du harcèlement délibéré dont il faisait l’objet, et les enquêtes menées par le Service correctionnel n’ont pas permis de découvrir une telle preuve.  

 

[8]               Dans son argumentation à la Cour, M. Cerra n’a pas été capable de dégager d’erreur susceptible de contrôle dans la décision du sous-commissaire. En fait, il ressort de ses observations qu’il a mal compris les limites inhérentes à la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire. La Cour n’a pas le pouvoir absolu d’annuler une telle décision, mais doit plutôt faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des constatations et des conclusions du décideur initial. Il n’existe pas de fondement juridique permettant à la Cour de juger que la décision du sous-commissaire était contraire à la loi ou déraisonnable. La demande de M. Cerra sera rejetée, et les dépens, dont le montant est fixé à 250 $, incluant les débours, sont adjugés au défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et que les dépens, dont le montant est fixé à 250 $, incluant les débours, sont adjugés au défendeur.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-282-11

 

INTITULÉ :                                      CERRA

c

PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 4 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Barnes

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 23 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sebastian Cerra

LE DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)

 

François Paradis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sebastian Cerra

Agassiz (C.-B.)

 

LE DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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