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Date : 20120510

Dossiers : IMM‑36‑12

IMM‑1698‑12

IMM‑2813‑12

Référence : 2012 CF 563

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2012

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

B072

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les présents motifs sont prononcés dans le cadre de trois demandes de contrôle judiciaire déposées par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) relativement à la mise en liberté du défendeur d’un centre de détention de l’Immigration par suite de décisions rendues par différents membres de la Section de l’immigration. Les trois demandes ont été réunies conformément à des ordonnances de la Cour prononcées le 15 mars 2012 et le 5 avril 2012, et elles ont fait l’objet d’une instruction accélérée à Vancouver, en Colombie‑Britannique, le 13 avril 2012. Il convient de répéter que ces instances sont visées par une ordonnance de confidentialité rendue par la Cour, le 8 mars 2012, afin de protéger l’identité du défendeur et celle des membres de sa famille. Par ordonnances, la Cour a sursis à l’exécution de toutes les décisions attaquées jusqu’à ce que les demandes du ministre soient tranchées.

 

Contexte touchant l’immigration

[2]               Le défendeur et des membres de sa famille sont arrivés au Canada à bord du « MV Sun Sea », le 13 août 2010. Le défendeur est détenu dans un centre de détention de l’Immigration depuis son arrivée, mais la Section de l’immigration a procédé à de nombreux contrôles des motifs de la détention. Initialement, le défendeur a été détenu en raison de préoccupations liées à son identité. Lorsque le défendeur a finalement reconnu qui il était, le ministre a demandé, et obtenu, qu’il demeure en détention pour des motifs de sécurité. Au cours d’un contrôle des motifs de la détention tenu les 6 et 13 mars 2011 (soit le 12e contrôle), le ministre a également avancé que le défendeur devait être détenu parce qu’il risquait de s’enfuir. Le président de l’audience a convenu avec le ministre que le défendeur présentait un risque de fuite, mais pas qu’il constituait un danger pour la sécurité publique. Il a expressément fait état des antécédents de tromperie du défendeur et il a conclu que ce dernier était peu fiable. On a soutenu que ce manque de crédibilité avait miné la possibilité que la garantie proposée influe sur le comportement du défendeur et on a ordonné son maintien en détention.

 

[3]               Des contrôles des motifs de la détention subséquents ont donné lieu à des décisions analogues et, le 10 novembre 2011, la Section de l’immigration a conclu que le défendeur était interdit de territoire suivant l’alinéa 37(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), pour criminalité organisée parce qu’il s’était livré au passage de clandestins. On a donc ordonné son expulsion. Cette décision fait actuellement l’objet d’une demande de contrôle judiciaire et l’autorisation de présenter celle‑ci a été accordée.

 

[4]               Le 1er décembre 2011, la Section de l’immigration a procédé au 19e contrôle des motifs de détention. Le président de l’audience a ordonné le maintien en détention du défendeur parce qu’il n’existait aucun motif clair et convaincant de ne pas respecter les conclusions précédentes voulant qu’il pose un risque de fuite. Le président a également estimé que la conclusion selon laquelle le défendeur était interdit de territoire et visé par une mesure d’expulsion constituait un élément jouant en faveur de son maintien en détention.

 

[5]               Les 29 et 30 décembre 2011, le défendeur a comparu dans le cadre de son 20e contrôle des motifs de la détention. À l’appui de sa mise en liberté, le défendeur a proposé à titre de garantie un cautionnement en espèces de 20 000 $. On a en outre signalé au président de l’audience, le membre Mackie, que le défendeur avait demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR) qui, selon le ministre, devrait se terminer trois mois après la réception des observations. À la fin de l’audience, le membre Mackie a ordonné la mise en liberté conditionnelle du défendeur. Il s’agit de la décision portant le numéro du greffe IMM‑36‑12 qui est visée par la présente demande. Les conditions imposées par le membre Mackie comprennent le dépôt d’un cautionnement en espèces de 20 000 $ par la caution, l’obligation de se présenter chaque mois aux autorités et celle d’adopter une bonne conduite.

 

[6]               Lorsqu’il a ordonné la mise en liberté du défendeur, le membre Mackie a reconnu qu’il existait des motifs justifiant la poursuite de la détention de ce dernier parce qu’il risquait de s’enfuir, mais que des conditions de mise en liberté appropriées pouvaient permettre de réduire ce risque. Certaines des conclusions essentielles tirées par le membre Mackie sont reproduites ci‑dessous :

[traduction]

Comme j’ai décidé que le maintien en détention était approprié, je dois maintenant examiner les facteurs prévus à l’article 248 du Règlement. À cette étape‑ci, le seul motif justifiant la détention est une conclusion voulant qu’il existe un risque de fuite. En ce qui concerne la période déjà passée en détention, ce jeune homme est détenu depuis les 16 derniers mois. S’il n’est pas remis en liberté, sa détention future durera vraisemblablement pendant au moins une autre période de six mois à la lumière des renseignements à jour présentés hier, ne serait‑ce qu’en raison des seuls processus en cours et sans même présumer de tous les recours futurs dont dispose [le défendeur].

 

Il n’y a eu aucun retard injustifié et la durée générale de la présente affaire découle notamment du fait que [le défendeur] était l’un des 492 immigrants arrivés sur un seul navire et qu’il a, dans une certaine mesure, manqué de franchise et de candeur pendant les premiers mois de sa détention. À l’heure actuelle, aucune période de détention future ne peut être considérée comme indéfinie puisque l’issue des processus particuliers en cours sera vraisemblablement connue dans un délai raisonnable.

 

Enfin, je dois me demander si la mesure proposée à la place de la détention suffit à compenser le risque que [le défendeur] ne se présente pas pour son renvoi s’il est remis en liberté. À la lumière des principes généraux en matière de cautionnement applicables dans notre pays et de notre forte croyance en le droit de chacun à la liberté dans la mesure du possible, je conclus que le cautionnement en espèces de 20 000 $ offert, s’il est déposé, assorti de conditions de mise en liberté rigoureuses, constituerait une mesure suffisante permettant de compenser le risque perçu. En d’autres termes, j’estime que [le défendeur] se présentera comme il le doit à l’avenir si un cautionnement en espèces important assorti de conditions rigoureuses est déposé.

 

La caution, Mme Vaithiyanathan, a longuement témoigné hier pendant l’audience tenue par voie de téléconférence. Manifestement, elle comprend la nature de ses responsabilités à titre de caution et, même si elle n’a pas de lien de parenté avec le défendeur et n’est pas une amie de longue date, elle le connaît depuis au moins six mois et elle communique fréquemment avec lui par téléphone, parfois jusqu’à quatre fois par semaine. De plus, en novembre 2011, elle a voyagé de Maple, en Ontario, à Maple Ridge, en Colombie‑Britannique, expressément pour le rencontrer, ce qu’elle a fait au Fraser Regional Correctional Centre, où il est détenu. Depuis cette rencontre, elle a continué de lui parler souvent au téléphone.

 

Elle paraît bien saisir la situation actuelle [du défendeur] et les défis auxquels il fait face. Elle a affirmé avoir confiance en lui et croire qu’il respectera les conditions de sa mise en liberté. Elle a ajouté qu’elle ferait tout ce qui est raisonnablement possible pour veiller à ce qu’il respecte les conditions de la mise en liberté. Elle lui a même offert de vivre chez elle. Si l’espace est insuffisant, elle est après tout une femme mariée avec trois enfants et des beaux‑parents – je devrais reformuler cette phrase, je ne suis pas certain que ce soit ses beaux‑parents, il pourrait s’agir de ses parents – donc, si l’espace est insuffisant, elle lui trouvera une résidence tout près.

 

Si l’épouse [du défendeur] est autorisée à déménager avec lui en Ontario, elle reconnaît que sa résidence pourrait être quelque peu surpeuplée, mais elle croît bien qu’ils pourront se débrouiller et elle prendra toutes les mesures nécessaires pour l’aider à se conformer à l’ensemble des exigences de l’ASFC. Elle a même affirmé que, si elle s’inquiétait de ce qu’il ne respecte pas les conditions de la mise en liberté, elle communiquerait immédiatement avec l’ASFC. Il importe également de signaler qu’elle n’est pas une femme riche, qu’elle n’a jamais déposé un cautionnement pour un immigrant auparavant, qu’elle a un prêt hypothécaire considérable et que les trois enfants vivent toujours à la maison, mais qu’elle s’est néanmoins engagée à déposer ce qui, pour elle, constitue un important cautionnement en espèces parce qu’elle a confiance en [le défendeur]. J’estime que le fait de savoir que la caution risque la stabilité de son avenir financier pour l’aider lui et son épouse incitera fortement [le défendeur] à faire ce qu’on exige de lui de sorte qu’elle ne perde pas son cautionnement.

 

Vraisemblablement, l’un des très rares points à l’égard desquels mon raisonnement s’écarterait de celui adopté par l’un des membres précédents tient à mon opinion selon laquelle le fait que [le défendeur] ait emmené son épouse avec lui au Canada et ait maintenant un enfant né au Canada – lesquels vivent tous deux ici dans la région de Vancouver – et que son épouse fasse actuellement l’objet d’une audience relative à une demande d’asile constitue en réalité un facteur jouant en sa faveur. En effet, je ne crois pas qu’il risque de faire quoi que ce soit qui puisse compromettre les possibilités qui s’ouvrent à son épouse au Canada.

 

Il existe un autre facteur qui, selon moi, devrait l’inciter à se présenter aux autorités comme requis : son affaire n’est pas terminée. Même s’il ne sera pas autorisé à présenter une demande d’asile à cette étape‑ci, il a le droit de déposer une demande d’examen des risques avant renvoi, ce qu’il a fait.

 

En outre, la décision prise dans le cadre de l’enquête est contestée devant la Cour fédérale et un avocat précédent avait fait mention de la possibilité de demander au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon favorable en application du paragraphe 37(2) de la Loi. Je crois que cet ensemble de circonstances, conjugué à la mise en œuvre de la mesure de rechange proposée, permet de réduire en l’espèce le risque que [le défendeur] ne s’enfuie.

 

Dans une ordonnance rendue le 10 février 2012, le juge François Lemieux a sursis à l’exécution de cette décision. Selon le juge Lemieux, le défaut, pourrait‑on soutenir, du membre Mackie d’apprécier pleinement la capacité de la caution à exercer un contrôle sur le comportement du défendeur soulève une question sérieuse à juger.

 

[7]               Le 13 février 2012, la Section de l’immigration a tenu son 21e contrôle des motifs de la détention. À nouveau, le président de l’audience, le membre Tessler, a ordonné la mise en liberté conditionnelle du défendeur. Le membre Tessler a conclu que ce dernier posait un risque de fuite se situant entre modéré et faible, mais que le risque pouvait être suffisamment réduit au moyen du dépôt d’un cautionnement en espèces de 20 000 $ par la caution et de l’obligation de se présenter chaque semaine aux autorités. Cette décision fait l’objet de la demande du ministre portant le numéro du greffe IMM‑1698‑12. Les principales conclusions dégagées par le membre Tessler sont les suivantes :

[traduction]

Je ne suis pas d’accord lorsqu’on affirme que [le défendeur] pose un risque élevé ou appréciable de fuite. Je ne qualifie ainsi que les personnes à l’égard desquelles des éléments établissent l’existence d’une raison extraordinaire de croire qu’elles ne coopèreraient pas à l’exécution d’une mesure de renvoi prise à leur endroit. Les criminels recherchés par la justice qui viennent au Canada afin d’éviter des poursuites dans leur pays d’origine et qui ont les moyens et l’adresse nécessaires pour se soustraire au renvoi en sont le meilleur exemple. Je signale que, même dans ces cas, la mise en liberté n’est pas entièrement écartée lorsque les conditions tiennent compte de ce risque.

 

Tous les demandeurs d’asile affirment qu’ils ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine, car ils y risquent la persécution. En réalité, ils sont rarement détenus au motif qu’ils risquent de s’enfuir. Je ne crois pas que le ministre a établi en l’espèce que [le défendeur] pose un risque de fuite plus grand que quiconque ne voulant pas retourner dans son pays d’origine. En conséquence, bien que je convienne avec mes collègues que [le défendeur] présente un risque de fuite parce que son manque de franchise avec les autorités de l’Immigration a compromis sa crédibilité, il n’est pas justifié, à mon avis, de le qualifier de risque de fuite sérieux ou élevé. Le ministre n’a pas établi que [le défendeur] avait davantage de raisons d’éviter le renvoi que la personne ordinaire qui fuit l’agitation politique secouant son pays d’origine.

 

Comme il a un frère, une épouse et un enfant en bas âge au Canada, et un enfant avec lequel il n’a jamais pu passer du temps puisqu’il est né ici alors – elle est née ici alors qu’il était en détention, il est beaucoup moins probable qu’il choisisse de se cacher ou de s’enfuir seul du Canada.

 

Au cours de la présente audience, il a témoigné qu’il ne veut pas séparer les membres de sa famille et qu’il ne posera aucun geste susceptible de compromettre sa capacité à faire en sorte que la famille demeure réunie. Il était très bouleversé lorsqu’il a décrit son déplacement – le déplacement subi par sa famille au cours de la guerre civile au Sri Lanka. Il sait pertinemment qu’il pourrait être renvoyé au Sri Lanka par voie d’expulsion; dans l’intervalle, il est une personne dans l’attente d’un examen des risques avant renvoi, il a une épouse et un enfant au Canada, et il souhaite les retrouver. Il s’est engagé à coopérer avec les autorités s’il devient nécessaire de le renvoyer au Sri Lanka.

 

En résumé, [le défendeur] ne pose pas plus qu’un risque de fuite modéré ou faible. Sa situation donne à penser que la vraisemblance d’une fuite de sa part soit a été exagérée dans le passé, soit a diminué avec le temps.

 

À la lumière de cette conclusion, je vais maintenant me pencher sur la question liée à la caution.

 

Très peu de nouveaux renseignements ont été présentés dans le cadre du contrôle des motifs de la détention. On a produit les motifs de l’ordonnance de sursis, [le défendeur] a rendu un bref témoignage et la caution – la caution proposée a à nouveau été appelée à témoigner, Mme Uthayakumari Vaithiyanathan, U‑t‑h‑a‑y‑a‑k‑u‑m‑a‑r‑i V‑a‑i‑t‑h‑i‑y‑a‑n‑a‑t‑h‑a‑n.

 

Dans les motifs relatifs au sursis, le juge renvoie à certaines observations formulées par la Cour fédérale dans la décision Canada c B157, et je cite :

 

Premièrement, on ne trouve nulle part dans sa décision d’évaluation de la capacité de la caution proposée d’exercer un contrôle sur les actes du détenu, alors que la raison d’être du recours à une caution est de s’assurer que l’intéressé se conformera aux conditions de sa mise en liberté et obtempérera aux avis de comparution qui lui sont adressés. Pour qu’une telle garantie remplisse véritablement son office, la caution doit être motivée à exercer un contrôle sur la personne libérée et être en mesure de le faire.

 

J’ai toujours cru comprendre que, dans le cadre des ordonnances de mise en liberté, une certaine part de risque est constamment tolérée ou jugée acceptable et que la décision d’ordonner la mise en liberté conditionnelle se fonde sur la prépondérance des probabilités. Les conditions de la mise en liberté, y compris le dépôt de cautionnements et de garanties, n’ont jamais auparavant été considérées comme une mesure susceptible d’éliminer tous les risques qu’une personne s’enfuie. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on craint qu’il soit improbable que la personne se présente pour son renvoi. Si la personne omet de se présenter pour le renvoi, le ministre se voit alors simplement privé de la possibilité immédiate de la renvoyer, mais au moins la sécurité publique n’est pas mise en danger, et je signale que c’est la raison pour laquelle, dans la décision Sahin, la Cour fédérale a mis l’accent sur le fait que les motifs de la détention constituaient un des éléments à prendre en compte au regard de la mise en liberté.

 

En outre, il n’y a rien d’absolu en ce qui concerne les cautions. Il ne s’agit pas d’une science exacte et il n’appartient pas à la caution de jouer le rôle de geôlier. Aucune caution ne peut garantir de manière absolue que ses efforts, conjugués au cautionnement, permettront d’éliminer tous les risques qu’une personne ne se présente pas à une future instance d’immigration et ne se conforme pas à l’ensemble des conditions de la mise en liberté. Souvent, la caution est un membre de la famille et on peut affirmer que la relation familiale elle‑même donne naissance, chez la personne mise en liberté, à un genre d’obligation morale de faire en sorte que ce membre de la famille ne soit pas privé des sommes qu’il a avancées. Il est plus difficile d’obtenir ce genre de persuasion morale lorsque la caution est un tiers et qu’elle n’a pas une relation étroite avec la personne mise en liberté, mais cela ne veut pas dire que c’est impossible.

 

Moins le risque de fuite est élevé, moins il importe de trouver la caution idéale. Comme [le défendeur] ne pose qu’un risque de fuite faible ou modéré, il est inutile que la caution soit en mesure de constamment surveiller ses allées et venues. Il n’est pas nécessaire qu’il fasse l’objet d’une quelconque assignation à résidence et Mme Vaithiyanathan n’est pas tenue d’agir comme un geôlier remplaçant à son égard. 20 000 $ constituent une somme d’argent importante et ce n’est pas une somme qui – ce n’est pas une somme que la caution peut se permettre de perdre. Son rôle consiste à veiller à ce que [le défendeur] respecte les conditions de sa mise en liberté et qu’il se présente pour son expulsion si on le lui demande, de sorte que le cautionnement ne soit pas confisqué au profit du gouvernement.

 

Madame Vaithiyanathan fait confiance [au défendeur] et à son épouse par suite de la relation qu’elle a établie avec eux. Elle est disposée à recevoir [le défendeur] à son domicile puis, lorsque son épouse viendra en Ontario, à leur trouver un logement situé tout près puisqu’elle n’a pas suffisamment d’espace pour [le défendeur], son épouse et son enfant.

 

Elle ne veut pas perdre son cautionnement, et il s’agit d’un incitatif puissant. Elle est disposée à informer l’ASFC si elle a l’impression que [le défendeur] ne se conforme pas aux conditions de sa mise en liberté.

 

À la lumière de ma conclusion voulant que [le défendeur] ne pose qu’un risque de fuite faible ou modéré, je suis convaincu qu’il ne fera rien qui puisse mettre le cautionnement de Mme Vaithiyanathan en péril. Il existe une relation entre lui et son épouse et la caution, et ils partagent une communauté d’intérêts. Il ne veut pas être séparé de sa famille à nouveau et seul son respect des conditions de sa mise en liberté peut lui permettre d’espérer que sa famille demeurera réunie.

 

Il convient en outre de signaler que, des 492 personnes se trouvant à bord du Sun Sea, seules six demeurent en détention. Parmi les personnes libérées, aucune, à ma connaissance, n’a fait défaut de respecter les conditions de sa mise en liberté. Fait notamment partie de ce groupe le frère [du défendeur], qui a lui aussi été déclaré interdit de territoire pour avoir été complice de l’opération menée sur le Sun Sea, qui est également inadmissible à demander l’asile et dont le seul recours susceptible de lui permettre de demeurer au Canada est l’examen des risques avant renvoi.

 

Déjà, l’ASFC a visité le domicile de Mme Vaithiyanathan, a interrogé cette dernière et a vu où [le défendeur] demeurera initialement. Je suis conscient des vives préoccupations du ministre, qui craint que [le défendeur] ne se soustraie au renvoi. Je ne partage pas les profonds doutes du ministre quant la coopération future [du défendeur]. S’il perçoit un risque accru, le ministre a toujours la prérogative de l’arrêter à nouveau et de faire valoir que [le défendeur] doit être maintenu en détention.

 

Il importe que je sois attentif aux préoccupations du ministre et je suis donc prêt à imposer des conditions qui permettent d’y répondre mais qui, parallèlement, tiennent aussi compte de mon évaluation du risque.

 

Je conviens donc que [le défendeur] doit se présenter chaque semaine à l’ASFC, qui sera ainsi périodiquement en contact avec lui et pourra s’assurer de sa présence constante – de sa présence constante au Canada. Je vais en outre prévoir une condition selon laquelle l’ASFC sera autorisée à se présenter à la résidence [du défendeur] afin de confirmer son respect des conditions. Je vais aussi imposer une condition interdisant [au défendeur] de communiquer avec quiconque participe au passage de clandestins.

 

Je suis donc disposé à offrir [au défendeur] une mise en liberté conditionnelle.

 

[8]               Le 8 mars 2012, le juge Simon Noël a rendu une ordonnance afin de surseoir à l’exécution de cette décision. Le juge Noël a défini un certain nombre de questions sérieuses à juger qui touchaient au caractère raisonnable de l’analyse de la preuve effectuée par le membre Tessler et qu’il serait préférable, selon lui, d’examiner dans le cadre d’une instruction complète et accélérée.

 

[9]               Le 14 mars 2012, la Section de l’immigration a tenu son 22e contrôle des motifs de la détention devant le membre McPhelan. Lorsqu’il a présenté ses observations, l’avocat du ministre a dit au membre McPhelan que l’affaire était complexe et délicate. Pour ces raisons, on avait demandé des conseils au siège à Ottawa et, par conséquent, [traduction] « il [était] plus difficile de préciser l’échéance exacte du règlement de [la demande d’ERAR] qu’il ne le serait dans le cas d’une affaire ordinaire ». Néanmoins, la première étape de l’ERAR faisait de toute évidence l’objet d’un examen prioritaire et l’avocat prévoyait qu’elle se terminerait au plus tard à la fin avril. Selon l’avocat du ministre, le seul autre élément nouveau tenait au fait que le défendeur ferait probablement l’objet d’accusations pénales pour avoir participé à une opération de passage de clandestins.

 

[10]           L’avocat du défendeur a signalé au membre McPhelan que, dans une affaire connexe, l’avocat du ministre n’avait pas été en mesure de prévoir avec exactitude quand l’ERAR serait terminé. Selon l’avocat, cette incertitude était telle qu’elle permettait de se demander si la détention du défendeur prendrait fin un jour.

 

[11]           Le membre McPhelan a rendu une décision le 21 mars 2012 et, encore une fois, il a ordonné la mise en liberté conditionnelle du défendeur. Les conditions comprenaient le dépôt d’un cautionnement en espèces de 20 000 $ par une connaissance de la famille, un couvre‑feu et l’obligation de se présenter tous les jours aux autorités.

 

[12]           Dans sa longue décision, le membre McPhelan examine les antécédents de détention du défendeur, dont les motifs donnés à l’appui de sa détention continue pendant les 19 mois précédents. Lorsqu’il a décidé de mettre le défendeur en liberté, le membre McPhelan a fait état en détail des antécédents de détention du défendeur et a dégagé plusieurs conclusions quant au risque qu’il ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté. Voici certaines de ces conclusions :

a.                   Le défendeur avait initialement trompé les autorités de l’Immigration au sujet de sa véritable identité et il a été détenu jusqu’en janvier 2011 pour ce motif;

b.                  Après le 12 janvier 2012, le défendeur a été détenu pour des raisons de sécurité parce qu’il était soupçonné d’avoir participé aux activités des TLET;

c.                   Le 6 mai 2011, le ministre a soutenu qu’il y avait lieu de maintenir le défendeur en détention parce qu’il risquait de s’enfuir et le président de l’audience a souscrit à son point de vue. Le président de l’audience a conclu que le défendeur ne constituait pas un danger pour la sécurité publique. Il a également conclu que, compte tenu du manque de crédibilité du défendeur, ses promesses ne pouvaient suffire à justifier une simple mise en liberté conditionnelle;

d.                  Le 16 novembre 2011, la Section de l’immigration a conclu que le défendeur était interdit de territoire au Canada parce qu’il était l’un des principaux organisateurs de l’opération de passage de clandestins sur le « MV Sun Sea »;

e.                   Au moment du contrôle des motifs de la détention tenu le 1er décembre 2011, on a maintenu le défendeur en détention parce qu’il était extrêmement motivé à éviter un renvoi au Sri Lanka et qu’il présentait donc un risque de fuite important. Le président de l’audience était en outre préoccupé du fait que le défendeur avait refusé de signer un document de voyage nécessaire pour faciliter son éventuel renvoi;

f.                   Lors du contrôle des motifs de la détention tenu le 29 décembre 2011, on a ordonné la mise en liberté conditionnelle du défendeur [voir les motifs, au paragraphe 6, plus haut]. À cette date, le défendeur avait signé le document de voyage requis. Le membre Mackie était préoccupé parce que le défendeur continuait de poser un risque de fuite mais, selon lui, l’influence de la caution, le dépôt d’un cautionnement en espèces de 20 000 $ et l’obligation de se présenter aux autorités de façon périodique permettaient de justifier sa mise en liberté;

g.                  Le membre McPhelan n’était pas convaincu que le cautionnement en espèces de 20 000 $ déposé par la caution aurait une incidence sur le comportement du défendeur, mais il estimait que la présence des membres de sa famille au Canada et leur demande d’asile l’inciteraient à bien agir. Le membre McPhelan a fait remarquer ce qui suit au sujet de cette influence :

[traduction] […] Je reconnais, comme l’a affirmé l’avocat dans ses observations, que vous voulez retrouver votre épouse et votre enfant au Canada, et leur présence pendant toute la durée de la dernière audience montre la force de cette relation. Je conviens avec le membre Mackie que la présence de votre épouse et de votre enfant au Canada tend à diminuer le risque que vous ne preniez la fuite.

 

h.                  La contestation du défendeur, en Cour fédérale, de la décision relative à l’interdiction de territoire rendue par la Section de l’immigration constituait [traduction] « une très forte incitation » à se conformer aux conditions de la mise en liberté;

i.                    L’ERAR en cours relatif au défendeur constituait une solution tout à fait viable et il était donc peu probable qu’il se cache avant de connaître l’issue de cette mesure;

j.                    Les accusations de nature réglementaire portées contre le défendeur en Thaïlande ne constituaient pas un facteur appréciable même si elles dénotaient une [traduction] « tendance » néfaste;

k.                  La participation du défendeur à l’opération de passage de clandestins à bord du « MV Sun Sea » et sa grande utilisation d’un faux passeport dénotaient une volonté de contrevenir aux lois sur l’immigration canadienne et aggravaient le risque de fuite;

l.                    Le défendeur continuait de manquer de crédibilité et l’on ne pouvait ajouter foi à ses promesses de bonne conduite à leur face même;

m.                Vraisemblablement, le défendeur continuerait de se présenter aux autorités jusqu’à ce que l’ERAR soit terminé mais, devant un renvoi imminent, il était peu probable qu’il se présente.

 

[13]           Le membre McPhelan a ensuite conclu son analyse de la preuve et du droit de la façon suivante :

[traduction]

Vous êtes détenu depuis 19 mois maintenant. Au Canada, la détention est considérée comme une mesure extraordinaire et il convient d’envisager des mesures de rechange. Vous êtes un jeune homme qui n’a jamais fait l’objet d’une déclaration de culpabilité, qui fait face à des accusations relativement mineures en Thaïlande et à l’égard duquel aucun lien avec les TLET n’a jamais été établi. Vous ne tentez pas actuellement de faire obstacle au renvoi en refusant de signer une demande de document de voyage. Vous ne constituez ni un danger pour la sécurité publique au Canada, ni une menace à la sécurité du Canada; néanmoins, vous êtes toujours en détention après tout ce temps.

 

Dans la décision Sahin, le tribunal a mentionné qu’une longue détention est d’autant justifiable que l’intéressé est considéré comme une menace pour la sécurité publique par opposition à un simple risque de fuite. En ce qui concerne la durée de la détention future, vous ne pouvez être renvoyé avant que l’issue de l’ERAR ne soit connue et que l’ASFC n’obtienne un document de voyage du Sri Lanka. Le représentant du ministre a affirmé que, selon la meilleure estimation du coordonnateur local de l’ERAR, le traitement de votre demande d’ERAR devrait se terminer au plus tard à la fin avril. Il a ajouté que les affaires relatives au « Sun Sea » sont complexes et délicates, et que des conseils ont été demandés au siège de l’ASFC à Ottawa pour prendre ces décisions.

 

Plus tard au cours de l’audience, lorsque je lui ai posé une question afin d’obtenir des précisions, l’agent d’audience a affirmé que l’estimation à la fin avril du délai nécessaire pour terminer le traitement vise à déterminer si vous posez un risque ou non. Il a refusé de dire combien de temps durerait l’ERAR si l’affaire doit être évaluée à Ottawa. L’avocat n’était pas d’accord avec l’estimation du ministre et il a soutenu que, dans une autre affaire relative à une ERAR liée au « Sun Sea » dont il avait connaissance, les représentants du ministre avaient, lors de contrôles subséquents des motifs de la détention, commencé à fournir des estimations de plus en plus longues du temps nécessaire pour terminer l’ERAR et qu’ils avaient finalement admis qu’ils ignoraient combien de temps durerait l’ERAR parce que l’affaire était traitée à Ottawa. Je suis également au courant de cette affaire.

 

À mon avis, l’estimation selon laquelle une décision sera rendue au plus tard à la fin avril si on conclut que vous ne posez pas un risque de fuite est plutôt optimiste et je n’ai aucune idée du temps qu’il faudra pour traiter votre demande si elle doit faire l’objet d’une évaluation à Ottawa. Il est donc fort difficile de prévoir pendant combien de temps vous pourriez demeurer en détention. Il n’y a eu ni retard ni manque de diligence de la part de l’ASFC dans la présente affaire. Un certain retard a été occasionné par votre manque de coopération dans le cadre de l’enquête de l’ASFC et votre refus initial de signer une demande de document de voyage, et un autre mois s’est écoulé avant que l’on vous invite à présenter une demande d’ERAR.

 

Je suis convaincu qu’une mesure de rechange réaliste à la détention a été proposée, laquelle est assortie de conditions rigoureuses, dont un couvre‑feu, que j’entends fixer de 20 h 00 à 6 h00, et un cautionnement en espèces de 20 000 $, et je propose que le défendeur se présente aux autorités chaque semaine parce que j’ai vérifié où vit la caution et où vivrait l’intéressé par rapport à l’endroit où sont situés les bureaux du CELGT. Il ne semble pas vraiment possible d’imposer à l’intéressé de se présenter quotidiennement aux autorités. Je crois qu’il s’agit d’un trajet d’une demi‑heure dans chaque direction par l’autoroute. Compte tenu de l’obligation du défendeur de se présenter fréquemment aux autorités et des autres conditions rigoureuses, l’ASFC peut toujours vous arrêter à nouveau si elle croit que le risque de fuite a sensiblement changé.

 

Quant au point de savoir si la caution est acceptable, je ne saisis pas bien pourquoi M. le juge Noel a renvoyé à l’alinéa 47(2)b) du Règlement. Initialement, cette personne devait signer une garantie d’exécution mais, après discussion avec l’avocat, on a plutôt opté pour le versement d’un cautionnement en espèces. Dans sa version anglaise, le Règlement établit une distinction entre la personne qui fournit une garantie d’exécution et la personne qui verse un dépôt. La personne dont il est question en l’espèce n’agira pas à titre de garante, mais bien de caution. Le paragraphe 47(2) fait état des exigences applicables lorsqu’une garantie d’exécution est fournie. Selon moi, l’alinéa 47(2)b) ne vise pas les cautions et il ne s’applique pas, à strictement parler, à ces dernières.

 

Je me suis néanmoins demandé quel effet le dépôt d’un cautionnement en espèces par cette personne aura vraisemblablement sur votre comportement. Vous connaissez cette personne depuis six mois. Contrairement aux membres Mackie et Tessler, je vois mal pourquoi vous vous sentiriez obligé, dans le cas de cette caution en particulier, de ne pas mettre son argent en péril. La caution a expliqué devant le membre Mackie comment elle avait réuni le montant du cautionnement en espèces et elle a déjà déposé les fonds. L’ASFC a eu l’occasion de visiter son domicile. Selon le témoignage non contredit que la caution a rendu devant le membre Tessler, les agents sont restés chez elle pendant deux heures, ils lui ont posé des questions et ils ont pris des photographies. Malgré cela, et malgré les ressources dont il dispose, le ministre n’a pas établi qu’elle n’était pas une caution acceptable.

 

Elle sait que vous êtes interdit de territoire pour avoir participé au passage de clandestins et que vous pourriez être tenu de quitter le Canada. Vous vivrez chez elle. Elle comprend les obligations qui lui incombent à titre de caution. Elle sait qu’elle risque de perdre son argent si vous ne respectez pas les conditions de votre mise en liberté et je crois qu’elle informera l’ASFC si vous violez ces conditions. Le dépôt d’un cautionnement par cette personne n’entraîne pas une situation où vous vous sentirez contraint de ne pas mettre son argent en péril. Par contre, le fait qu’elle ait déposé son argent et qu’elle vous aura à l’œil offre, quant à votre respect des conditions, un degré accru de surveillance qui s’ajoutera à celui que l’ASFC est en mesure d’exercer. Je conclus donc que Mme Vaithiyanathan est une caution acceptable et que la solution proposée en remplacement de la détention est réaliste compte tenu de l’ensemble des circonstances.

 

Auparavant, vous étiez détenu en vue de l’enquête. Le ministre me demande maintenant de vous maintenir en détention en vue de votre renvoi du Canada. L’échéance de la détention n’est plus la même et, évidemment, vous avez passé davantage de temps en détention. J’estime avoir des motifs clairs et convaincants pour arriver à une conclusion différente de celles tirées par les membres qui ont décidé de vous maintenir en détention.

 

Ce n’est qu’au cours des audiences d’octobre et de novembre 2011 qu’une caution a offert de déposer une somme de 10 000 $ à titre de mesure de rechange à la détention dans le cadre de l’enquête. Cette fois‑ci, la caution sera une personne différente. Lorsque le membre a rejeté la première caution qui offrait de déposer une somme de 10 000 $ lors du contrôle des motifs de la détention en octobre, il vous maintenait en détention dans l’attente de l’issue de votre enquête. Il n’avait pas à décider s’il y avait lieu de vous maintenir en détention en vue d’un renvoi. Il a signalé qu’on avait sursis au prononcé de la décision dans le cadre de l’enquête pendant plus d’une semaine, que le membre présidant l’enquête accordait la priorité à cette décision parce que vous étiez détenu et qu’il ne s’attendait pas à ce que la détention en vue de l’enquête soit longue.

 

Le membre a rejeté cette caution notamment parce que rien ne donnait à penser que cette personne vous ait jamais rencontré ni même parlé. Elle connaissait votre épouse, mais ne savait que peu de chose sur vous et sur votre situation. Le membre a envisagé votre possible mise en liberté dans l’éventualité où une caution acceptable consentirait à fournir un cautionnement. Il a tenu les propos suivants à la ligne 28 de la page 6 de la transcription :

 

Néanmoins, à l’avenir, s’il semble que vous risquiez une autre longue détention, s’il pouvait être établi que Mme Krishnamoorthy connaissait bien les circonstances particulières de votre cas et si elle consentait toujours à fournir un cautionnement en votre nom et si elle était en mesure de donner certaines précisions sur la façon dont elle pourrait avoir une influence sur vous et sur votre comportement, l’issue serait alors peut‑être différente. Mais cela fait beaucoup de si et, à la lumière des renseignements présentés devant moi aujourd’hui, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il s’agit d’une solution de rechange adéquate dans les circonstances particulières de votre cas.

 

Lorsque j’ai décidé de vous maintenir en détention en vue de votre enquête le 3 novembre 2011, la situation était analogue. Je m’attendais à ce qu’une décision dans le cadre de l’enquête soit vraisemblablement prise à l’intérieur d’un délai d’un mois et à ce que votre situation au regard de la détention puisse être réévaluée une fois que la décision dans le cadre de l’enquête serait connue.

 

Au contrôle des motifs de la détention tenu le 1er décembre 2011, l’ASFC a pour la première fois demandé votre détention en vue d’un renvoi du Canada. Vous n’étiez pas représenté par avocat ce jour‑là et vous n’avez pas proposé une solution de rechange à la détention; il n’est pas étonnant que le membre vous ait maintenu en détention. La situation actuelle est différente. La nouvelle caution vous a rencontré en personne. Elle vous parle au téléphone périodiquement. Elle en sait long sur votre situation. Elle sait que vous êtes reconnu comme un passeur de clandestins.

 

Depuis que je vous ai vu la dernière fois en novembre, vous avez passé une autre période de quatre mois en détention. Il est plus difficile de connaître l’échéance d’une détention future aujourd’hui qu’il ne l’était à ce moment. Si votre ERAR doit faire l’objet d’une évaluation, le ministre ne peut préciser quand cette mesure sera terminée et c’est à cause de ce changement de situation que je vous offre la mise en liberté maintenant alors que je ne l’ai pas fait en novembre 2011.

 

 

[14]           Par une ordonnance sur consentement rendue le 5 avril 2012, j’ai sursis à l’exécution de cette décision jusqu’à ce que les présentes demandes de contrôle judiciaire soient tranchées.

 

Questions en litige

[15]           Quelle est la norme de contrôle appropriée?

 

[16]           Les décisions prises à la suite d’un contrôle des motifs de la détention qui sont visées par les présentes demandes comportent‑elles des erreurs susceptibles de révision?

 

Analyse

[17]           Pour les raisons qui suivent, il est seulement nécessaire d’examiner la demande par laquelle le ministre conteste la troisième ordonnance de la Section de l’immigration visant la mise en liberté du défendeur, soit la décision prise par le membre McPhelan le 21 mars 2012. Comme j’arrive à la conclusion que cette décision est raisonnable, les contestations qu’oppose le ministre aux ordonnances antérieures de mise en liberté rendues par les membres Tessler et Mackie sont rejetées en raison de leur caractère théorique.

 

[18]           Le ministre soutient que le membre McPhelan a commis une erreur en tirant des conclusions hâtives fondées sur des conjectures quant à la durée anticipée de la détention du défendeur et en tirant des conclusions déraisonnables et abusives concernant le caractère approprié des solutions de rechange à la détention. Le ministre avance également que le membre McPhelan a commis une erreur en ne prêtant pas suffisamment attention aux conclusions dégagées dans le cadre de contrôles antérieurs des motifs de la détention selon lesquelles le défendeur manquait de crédibilité, posait un risque de fuite élevé et ne pouvait être contrôlé par une caution.

 

[19]           À la lumière du dossier qui m’est présenté, les questions en litige susmentionnées sont des questions mixtes de fait et de droit, lesquelles commandent le recours à la norme déférente de la décision raisonnable : voir les décisions Canada (MCI) c B046, 2011 CF 877, au paragraphe 32, 394 FTR 217; Canada (MCI) c B157, 2010 CF 1314, aux paragraphes 23 à 25, 379 FTR 251; et Sittampalam c Canada (MCI), 2006 CF 1118, au paragraphe 7, 300 FTR 48[1].

 

[20]           Selon le paragraphe 58(1) de la LIPR, la Section de l’immigration doit prononcer la mise en liberté d’un étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, que la personne constitue un danger pour la sécurité publique ou qu’elle se soustraira vraisemblablement au contrôle ou au renvoi. Les articles 245 et 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002‑227 (le RIPR), énoncent les critères dont la Section de l’immigration doit tenir compte pour l’application du paragraphe 58(1). Dans le cas de l’article 248, s’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, la Section de l’immigration doit néanmoins prendre en compte les autres critères suivants :

a.                   le motif de la détention;

b.                  la durée de la détention;

c.                   l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

d.                  les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;

e.                   l’existence de solutions de rechange à la détention.

 

[21]           L’avocate du ministre fait valoir que le membre McPhelan a commis la même erreur que celle constatée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (MCI) c Li, voir la note de bas de page numéro 1 plus haut, à savoir qu’il s’est prématurément fondé sur des conjectures à propos du temps requis pour terminer la première étape de l’ERAR visant le défendeur. Suivant cette observation, le membre McPhelan aurait dû maintenir le défendeur en détention jusqu’à ce que la période prévue par le ministre se soit écoulée. On affirme que cette supposition inadmissible est manifeste dans les passages suivants de la décision :

[traduction]

[…] En ce qui concerne la durée de la détention future, vous ne pouvez être renvoyé avant que l’issue de l’ERAR ne soit connue et que l’ASFC n’obtienne un document de voyage du Sri Lanka. Le représentant du ministre a affirmé que, selon la meilleure estimation du coordonnateur local de l’ERAR, le traitement de votre demande d’ERAR devrait se terminer au plus tard à la fin avril. Il a ajouté que les affaires relatives au « Sun Sea » sont complexes et délicates, et que des conseils ont été demandés au siège de l’ASFC à Ottawa pour prendre ces décisions.

 

Plus tard au cours de l’audience, lorsque je lui ai posé une question afin d’obtenir des précisions, l’agent d’audience a affirmé que l’estimation à la fin avril du délai nécessaire pour terminer le traitement vise à déterminer si vous posez un risque ou non. Il a refusé de dire combien de temps durerait l’ERAR si l’affaire doit être évaluée à Ottawa. L’avocat n’était pas d’accord avec le ministre quant à son estimation et il a soutenu que, dans une autre affaire relative à un ERAR liée au « Sun Sea » dont il avait connaissance, les représentants du ministre avaient, lors de contrôles subséquents des motifs de la détention, commencé à fournir des estimations de plus en plus longues du temps nécessaire pour terminer l’ERAR et qu’ils avaient finalement admis qu’ils ignoraient combien de temps durerait l’ERAR parce que l’affaire était traitée à Ottawa. Je suis également au courant de cette affaire.

 

À mon avis, l’estimation selon laquelle une décision sera rendue au plus tard à la fin avril si on conclut que vous ne posez pas un risque de fuite est plutôt optimiste et je n’ai aucune idée du temps qu’il faudra pour traiter votre demande si elle doit faire l’objet d’une évaluation à Ottawa. Il est donc fort difficile de prévoir pendant combien de temps vous pourriez demeurer en détention. Il n’y a eu ni retard ni manque de diligence de la part de l’ASFC dans la présente affaire. Un certain retard a été occasionné par votre manque de coopération dans le cadre de l’enquête de l’ASFC et votre refus initial de signer une demande de document de voyage, et un autre mois s’est écoulé avant que l’on vous invite à présenter une demande d’ERAR.

 

 

Depuis que je vous ai vu la dernière fois en novembre, vous avez passé une autre période de quatre mois en détention. Il est plus difficile de connaître l’échéance d’une détention future aujourd’hui qu’il ne l’était à ce moment. Si votre ERAR doit faire l’objet d’une évaluation, le ministre ne peut préciser quand cette mesure sera terminée et c’est à cause de ce changement de situation que je vous offre la mise en liberté maintenant alors que je ne l’ai pas fait en novembre 2011.

 

 

[22]           Je ne crois pas que cette partie de la décision équivaut à des conjectures. Le membre McPhelan a pris acte de la thèse avancée par le ministre selon laquelle l’ERAR relatif au défendeur serait vraisemblablement terminé au cours des six prochaines semaines, mais il a conclu que cette estimation était [traduction] « optimiste ». Cette conclusion ne me paraît pas déraisonnable compte tenu de l’observation de l’avocat du ministre voulant qu’en raison de la participation du [traduction] « siège », il soit plus difficile d’obtenir une échéance exacte qu’il ne le serait dans le cas d’une affaire [traduction] « ordinaire ». En réalité, je m’étonne qu’une période supérieure à trois mois puisse être nécessaire pour mener à terme un ERAR dans le cadre d’une affaire censément prioritaire touchant une personne détenue depuis le 13 août 2010. La Cour a précédemment mentionné que le préjudice lié au maintien en détention en matière d’immigration doit être atténué par la résolution rapide des instances en cours dans ce domaine : voir la décision Sahin c Canada (MCI), [1995] 1 CF 214, aux paragraphes 32 et 33, 85 FTR 99 (C.F. 1re inst.).

 

[23]           Il ne suffit pas que le ministre affirme au membre qu’un ERAR est en cours. Il était loisible au ministre de fournir des détails explicites quant à l’état de l’ERAR relatif au défendeur et de donner des raisons précises expliquant pourquoi une période de trois mois et demi était nécessaire pour terminer cet examen et pourquoi la participation du siège entraînerait des retards ou des incertitudes. Le ministre a omis de présenter cette information au membre McPhelan et, compte tenu de cette omission, il ne peut se plaindre du recours à des conjectures. Les préoccupations du membre McPhelan se fondaient sur la preuve et, par conséquent, ce dernier ne s’appuyait pas sur des suppositions lorsqu’il a affirmé qu’il [traduction] « est donc fort difficile de prévoir pendant combien de temps vous pourriez demeurer en détention ». Cette incertitude constituait un facteur jouant en faveur de la mise en liberté du défendeur : voir l’arrêt Charkaoui c Canada (MCI), 2007 CSC 9, au paragraphe 115, [2007] 1 RCS 350.

 

[24]           Il me semble en outre que le ministre a trop mis l’accent sur la période de temps nécessaire pour terminer l’ERAR visant le défendeur. Cette question n’avait aucune pertinence immédiate puisque, comme l’a signalé le membre McPhelan, le défendeur avait également contesté la conclusion d’interdiction de territoire dégagée par la Section de l’immigration. Or, ce recours exige plusieurs mois pour être mené à terme et on a estimé qu’il s’agissait d’une [traduction] « très forte incitation » à se conformer aux conditions de la mise en liberté.

 

[25]           Le ministre avance en outre que la décision de mettre le défendeur en liberté était déraisonnable parce que le membre McPhelan a conclu qu’il était peu probable que le défendeur, face à un renvoi imminent, ne se présente aux autorités. Selon le ministre, cette conclusion est incompatible avec le libellé de l’article 244 du RIPR, lequel exige le maintien en détention d’une telle personne.

 

[26]           Je ne crois pas que le passage invoqué par le ministre puisse être lu séparément du reste de l’analyse effectuée par le membre McPhelan. Il ressort, à tout le moins implicitement, des motifs du membre McPhelan que celui‑ci a fait état de sa préoccupation relative au risque de fuite avant d’appliquer les facteurs énoncés à l’article 248 du RIPR, notamment la durée de la détention, le temps nécessaire pour terminer les instances en cours et l’existence de solutions de rechange à la détention. En d’autres termes, le membre McPhelan a conclu que les facteurs prévus à l’article 248 l’emportaient, en définitive, sur le risque de fuite inhérent.

 

[27]           Le ministre reproche également au membre McPhelan d’avoir commis une erreur lorsqu’il s’est appuyé sur des solutions de rechange à la détention qui ne suffisaient pas à atténuer le risque de fuite antérieurement reconnu que posait le défendeur. Vu le manque de crédibilité établi du défendeur, son rôle clé dans l’organisation de l’opération menée sur le « MV Sun Sea » et son absence de préoccupation quant aux intérêts de la caution, il était abusif de conclure qu’une quelconque mesure autre que la détention permettrait d’assurer sa présence pour le renvoi. Selon cet argument, le membre McPhelan se serait déraisonnablement écarté des conclusions antérieures de la Section de l’immigration en l’absence de motifs clairs et convaincants : voir l’arrêt Canada (MCI) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, aux paragraphes 11 à 13, [2004] 3 RCF 572.

 

[28]           Le membre McPhelan a toutefois précisé les changements de circonstance qui étayaient la mise en liberté du défendeur, dont les suivants :

a.                   le temps supplémentaire passé en détention par le défendeur;

b.                  le manque de fiabilité des estimations du ministre quant à la période de temps nécessaire pour terminer l’ERAR visant le défendeur;

c.                   l’échéance de la détention future du défendeur était [traduction] « moins claire » qu’auparavant;

d.                  le fait d’avoir doublé le cautionnement en espèces proposé;

e.                   la force de l’influence de la nouvelle caution comparativement à celle de la caution initialement proposée;

f.                   le fait que le défendeur ait signé le document de voyage requis.

 

[29]           Le fait que le ministre ne croit pas que ces changements suffisent à justifier la mise en liberté du défendeur ne signifie pas qu’il était déraisonnable pour le membre McPhelan d’agir sur le fondement de ceux‑ci. Cet argument n’est rien d’autre qu’une invitation à soupeser à nouveau la preuve, ce qui n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire.

 

[30]           Je n’estime pas non plus que la conclusion tirée par le membre McPhelan selon laquelle il était peu probable que le défendeur se préoccupe des intérêts financiers de la caution soit incompatible avec sa conclusion voulant que cette dernière constitue une [traduction] « caution acceptable ». Le membre McPhelan a clairement compris que la valeur de la caution ne relève pas exclusivement du domaine de la pression morale. Dans la présente situation, la caution était bien informée au sujet du défendeur et de sa famille et elle était fermement motivée à surveiller le comportement du défendeur et, notamment, son respect d’un couvre‑feu. Il ressort de la décision du membre McPhelan qu’il était plus vraisemblable que le défendeur soit motivé par la présence de sa famille au Canada et par son désir de donner suite à sa demande d’asile jusqu’à ce qu’elle soit tranchée. Il ne s’agit pas d’une situation où la Commission a omis d’effectuer une analyse, quelle qu’elle soit, du caractère acceptable de la caution. Même si le membre McPhelan était préoccupé par la capacité de la caution à exercer une influence sur le défendeur, cela ne signifiait pas que la caution ne pouvait jouer un rôle utile pour vérifier si ce dernier respectait les conditions de la mise en liberté.

 

[31]           Il importe de mentionner que les trois récentes décisions maintenant contestées par le ministre ont été rendues par trois membres différents de la Section de l’immigration, dont deux avaient ordonné, à des étapes antérieures du processus, le maintien en détention du défendeur. Dans le cas de la plus récente ordonnance de mise en liberté, le membre McPhelan avait prononcé le maintien en détention du défendeur à au moins trois occasions en 2011 avant d’adopter un point de vue différent le 14 mars de cette année. Cela n’est ni étonnant, ni troublant. Cette situation révèle plutôt une absence de parti pris dans l’examen de la sérieuse question des longues périodes de détention par les autorités de l’Immigration, comme en l’espèce, et elle reflète la règle énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui c Canada (MCI), précité, selon laquelle le processus de contrôle continu des motifs de détention par les autorités de l’Immigration doit être valable et doit tenir compte de l’évolution du contexte et des circonstances propres à chaque cas.

 

[32]           Les affaires comme celle de l’espèce ne demeurent pas statiques; le processus exige donc une réévaluation rigoureuse de la détention. Cela est particulièrement vrai si, comme en l’espèce, aucun danger sérieux à la sécurité publique n’a été décelé. Pour dire les choses simplement, au fur et à mesure que la durée de la détention d’une personne augmente sans qu’elle ne semble pouvoir prendre fin dans un proche avenir, plus grandes sont les préoccupations quant à la perte de liberté de cette personne et la nécessité d’envisager des solutions de rechange. Mon collègue, le juge Yves de Montigny, a bien exprimé ce point dans la décision Canada (MCI) c B157 (ordonnance, 6 décembre 2010, Ottawa, IMM‑6862‑10, CFPI), dans le passage suivant :

[traduction] Premièrement, il me semble qu’une personne ne devrait pas se voir privée de sa liberté à la légère, en particulier lorsqu’elle a déjà été détenue depuis plus de trois mois. Je suis conscient de l’intérêt public qu’il y a à faire en sorte que les opérations de passage de clandestins ne soient pas tolérées et que les personnes qui participent à ce genre de manœuvres illégales soient traitées en conséquence. Toutefois, cette préoccupation ne doit pas occulter le fait que le droit de ne pas être emprisonné ou détenu est certainement l’un des plus fondamentaux et une pierre angulaire d’un État constitutionnel, et qu’une personne ne doit pas être privée du bénéfice d’une ordonnance de mise en liberté sans un examen minutieux des arguments avancés pour contester cette ordonnance. En l’absence de tout élément de preuve établissant qu’une personne constitue un danger pour la sécurité publique, je croirais que plus la durée de sa détention a été longue et plus l’examen que fait la Cour des arguments avancés par le ministre pour contester l’ordonnance de mise en liberté rendue par la Section de l’immigration doit être approfondi.

 

 

[33]           Il convient d’ajouter que la détention par les autorités de l’Immigration ne s’apparente pas à une forme de châtiment. La détention ne peut être imposée que si les conditions prévues par la loi en matière de détention sont remplies. Dans la présente affaire, la question pertinente était celle de savoir s’il y avait lieu de maintenir le défendeur en détention parce qu’il était peu probable qu’il se présente pour une audience ou pour son renvoi. L’apparente participation du défendeur à une opération complexe de passage de clandestins et son manque de crédibilité constituaient des facteurs pertinents, mais l’étaient tout autant la présence des membres de sa famille au Canada, leurs tentatives continues d’y obtenir l’asile, l’influence de la caution et le montant du cautionnement, l’incapacité du ministre à fournir une estimation exacte du temps nécessaire pour terminer l’ERAR visant le défendeur, le temps nécessaire pour statuer sur la contestation judiciaire, par ce dernier, de la décision d’interdiction de territoire et le fait que le défendeur était en détention depuis 19 mois. Le membre a apprécié ces facteurs d’une manière appropriée et il a conclu que les motifs pour maintenir le défendeur en détention n’étaient plus convaincants.

 

[34]           La responsabilité confiée à la Section de l’immigration en matière de contrôle des motifs de la détention est lourde. L’élément central de cette responsabilité tient à la difficile tâche de prévoir un comportement futur à la lumière d’événements et d’un comportement antérieurs. La Section de l’immigration doit en outre mettre en balance les intérêts opposés d’une personne sous garde, laquelle ne doit pas être indûment privée de sa liberté, d’une part, et l’intérêt public lié à l’application de la loi, y compris l’exécution efficace des renvois en matière d’immigration, de l’autre. Il existe rarement une seule réponse satisfaisante dans les cas comme celui‑ci. Chaque personne faisant face au renvoi du Canada à un endroit qui est moins favorable pose, dans une certaine mesure, un risque de fuite. Le membre a compris ce fait, il a apprécié la preuve disponible et il a conclu que le risque était acceptable si la mise en liberté était assortie de conditions rigoureuses. Ce n’est pas le rôle de la Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de substituer son jugement à celui du décideur compétent et, même si j’avais ce pouvoir, il ne s’agit pas en l’espèce d’une décision que j’aurais été enclin à infirmer. La décision était amplement étayée par la preuve et elle était raisonnable en ce sens qu’elle fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir l’arrêt Canada (MCI) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339. La demande du ministre est par conséquent rejetée.

 

[35]           À la fin des plaidoiries en l’espèce, les avocats des deux parties ont fait part de leur désir de proposer une question à certifier. Le demandeur aura deux jours à compter de la date du présent jugement pour soumettre une question à certifier par écrit, et le défendeur aura deux jours, par la suite, pour y répondre.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que les présentes demandes soient rejetées. Le jugement relatif à une question certifiée dans le dossier portant le numéro du greffe IMM‑2813‑12 est reporté jusqu’à la réception d’autres observations des parties, le cas échéant.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  IMM‑36‑12

                                                                        IMM‑1698‑12

                                                                        IMM‑2813‑12

 

INTITULÉ :                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION c B072

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Helen Park

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gurpreet Badh

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Smeets Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1]     Je reconnais qu’une conclusion fondée sur des conjectures qui est essentielle à une décision peut constituer une erreur de droit : voir l’arrêt Canada (MCI) c Li, 2009 CAF 85, [2010] 2 FCR 433. Toutefois, dans la présente affaire, je ne puis souscrire à l’opinion voulant que le membre ait procédé à une évaluation prématurée ou fondée sur des conjectures lorsqu’il s’est dit préoccupé par la fiabilité de l’estimation du ministre quant à la durée de la première étape de l’ERAR visant le défendeur.

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