Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120503


Dossier : IMM-6414-11

Référence : 2012 CF 526

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

AMARJEET SINGH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), d’une décision (la décision) d’une agente d’immigration (l’agente) au Haut‑commissariat du Canada à Londres, au Royaume-Uni, datée du 23 août 2011, rejetant la demande de permis d’études du demandeur.

 

CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un ressortissant de l’Inde qui étudie au Royaume-Uni (le RU). Ses parents vivent en Inde, comme ses trois frères. La sœur du demandeur vit au Canada avec son époux (Rainal).

[3]               Le demandeur détient un diplôme en gestion hôtelière, technologie de la restauration et tourisme de la Punjab Technical University en Inde. Il fréquente l’école d’études supérieures Ethames au RU, en vue de l’obtention d’un baccalauréat en tourisme international et gestion hôtelière. Le 1er avril 2011, le demandeur a reçu une offre du George Brown College (le GBC) à Toronto pour suivre le programme en gestion hôtelière, tourisme et loisirs à cet établissement. Il a accepté l’offre et acquitté les droits de scolarité dans le but de commencer le programme d’études le 6 septembre 2011.

[4]               Afin de pouvoir étudier au GBC, le demandeur a demandé un permis d’études pour venir au Canada. Le Haut‑commissariat du Canada à Londres, au RU (le Haut‑commissariat), a reçu sa demande le 10 août 2011. Avec sa demande, le demandeur a fourni une lettre de l’honorable Bal Gosal, député de la circonscription où habite sa sœur, demandant à l’agente d’examiner le dossier du demandeur. Le demandeur a également produit une lettre dans laquelle il exposait à l’agente les raisons pour lesquelles il voulait étudier au GBC ainsi qu’un affidavit de Rainal. Dans l’affidavit, Rainal indiquait qu’il acquitterait les frais d’hébergement, de déplacement et de subsistance du demandeur au Canada et garantissait que celui‑ci rentrerait en Inde et ne vivrait pas aux crochets du gouvernement au Canada.

[5]               L’agente a pris en considération les observations du demandeur et rejeté sa demande le 23 août 2011. Le même jour, elle a rédigé deux lettres destinées au demandeur lui faisant connaître sa décision.

DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[6]               La décision, en l’espèce, consiste dans les deux lettres que l’agente a envoyées au demandeur le 23 août 2011 (les lettres de refus) ainsi que les notes de l’agente versées au dossier dans le Système mondial de gestion des cas (les notes du SMGC).

[7]               Les lettres de refus indiquent que l’agente n’était pas convaincue que le demandeur répondait à toutes les exigences de la Loi. Plus particulièrement, l’agente ne croyait pas que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, étant donné ses antécédents en matière de voyage, son statut au regard de l’immigration et ses liens familiaux au Canada. L’agente a également mentionné le parcours académique général du demandeur en tant que facteur de sa décision de rejeter la demande.

[8]               Dans les notes du SMGC, l’agente a indiqué qu’un permis d’études avait déjà été refusé au demandeur en août 2011. Elle a aussi signalé que le demandeur détient un baccalauréat en tourisme international de l’école d’études supérieures Ethames, à Londres, au RU, et qu’il était inscrit au programme en gestion hôtelière, tourisme et loisirs du GBC. Étant donné que le demandeur détient déjà un baccalauréat et un diplôme en gestion hôtelière, technologie de la restauration et tourisme, l’agente trouvait illogique que le demandeur mène des études de moindre niveau au Canada. Elle a estimé que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il ne resterait pas au RU pour terminer ses études, dont l’achèvement était prévu en 2013.

[9]               L’agente a indiqué que le demandeur avait un statut temporaire au RU; elle craignait que le demandeur cherche à s’installer en permanence au Canada. Elle a jugé que les liens du demandeur en Inde n’étaient pas suffisamment solides pour le motiver à rentrer dans ce pays à la fin de son séjour au Canada. L’agente a de plus estimé que le demandeur avait de solides liens familiaux au Canada et était jeune, célibataire et libre de ses mouvements. Le demandeur n’avait jamais non plus voyagé dans d’autres pays. L’agente n’était pas convaincue que le demandeur était un étudiant temporaire, de sorte qu’elle a rejeté sa demande de permis d’études.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[10]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite

d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

32. Les règlements régissent l’application des articles 27 à 31, définissent, pour l’application de la présente loi, les termes qui y sont employés

et portent notamment sur:

 

 

 

a) les catégories de résidents temporaires, notamment les étudiants et les travailleurs;

[…]

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

32. The regulations may provide for any matter relating to the application of sections 27 to 31, may define, for the purposes of this Act, the terms used in those sections, and may include provisions respecting

 

(a) classes of temporary residents, such as

students and workers;

[...]

 

[11]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), s’appliquent également en l’espèce :

9. (1) L’étranger ne peut entrer au Canada pour y étudier que s’il a préalablement obtenu un permis d’études.

 

[…]

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un

contrôle, les éléments suivants sont établis:

 

 

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre

de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

 

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre

pays;

 

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

 

e) il n’est pas interdit de territoire;

 

f) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

 

[...]

 

210. La catégorie des étudiants est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents temporaires.

 

[…]

 

216. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un

contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

 

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

 

d) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

 

[…]

9. (1) A foreign national may not enter Canada to study without first obtaining a study permit.

 

[…]

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following

an examination, it is established that the foreign national

 

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker

or student class;

 

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

 

 

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

 

 

(d) meets the requirements applicable to that class;

 

 

(e) is not inadmissible; and

 

 

(f) meets the requirements of section 30

 

[…]

 

210. The student class is prescribed as a class of persons who may become temporary

Residents

 

[…]

 

216. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

(a) applied for it in accordance with this Part;

 

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

 

(c) meets the requirements of this Part; and

 

(d) meets the requirements of section 30;

 

[…]

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

a.                   L’agente a‑t‑elle contrevenu au droit à l’équité procédurale du demandeur en ne le convoquant pas en entrevue;

 

b.                  L’agente a‑t‑elle laissé de côté des éléments de preuve en concluant que le demandeur n’était pas un étudiant temporaire véritable;

 

c.                   Les motifs de l’agente sont‑ils insuffisants?

 

 

NORME DE CONTRÔLE

[13]           Dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question soumise à la cour de révision est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter la norme. C’est seulement lorsque cette recherche se révèle infructueuse que la cour de révision entreprend l’examen des quatre facteurs applicables pour l’analyse relative à la norme de contrôle.

[14]           La décision de l’agente de ne pas convoquer le demandeur en entrevue met en cause la possibilité de réponse du demandeur, laquelle représente un aspect de l’équité procédurale. Selon la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29 (QL), au paragraphe 100, « [il] appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». De plus, la Cour d’appel fédérale a conclu dans Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, que « la question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation ». La norme de contrôle applicable à la première question en litige est la décision correcte.

[15]           La conclusion de l’agente voulant que le demandeur ne soit pas un étudiant temporaire véritable représente une conclusion de fait. Dans Dunsmuir, précité, au paragraphe 51, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il faut généralement faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait des décideurs. La Cour suprême du Canada a confirmé cette conclusion dans Smith c Alliance Pipeline, 2011 CSC 7, au paragraphe 26. La norme de contrôle applicable à la deuxième question en litige est la raisonnabilité.

[16]           En ce qui concerne la suffisance des motifs de l’agente, la Cour suprême du Canada a conclu dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14, que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule d’annuler une décision. En fait, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». La suffisance des motifs de l’agente sera analysée en même temps que la raisonnabilité de la décision dans son ensemble.

[17]           Dans le contrôle d’une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, l’analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

ARGUMENTS

Le demandeur

            Agente tenue de procéder à une entrevue

 

[18]           Le demandeur prétend que l’agente était obligée de le convoquer en entrevue pour qu’il puisse dissiper les doutes qu’elle avait au sujet de sa demande. Il invoque la décision Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, dans laquelle le juge Richard Mosley avait conclu que l’agente des visas devait convoquer le demandeur de visa en entrevue pour que celui‑ci puisse répondre aux questions soulevées par des éléments de preuve extrinsèques (voir le paragraphe 22). Même si l’agente n’était pas obligée de lui fournir un résultat intermédiaire de sa demande, elle devait lui donner l’occasion de répondre aux doutes qu’elle avait quant à la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des renseignements qu’il avait fournis (voir Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24). Le demandeur cite le Guide de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), OP 12 – Étudiants, dans lequel il est indiqué à la page 46 :

Dans certains cas, il peut être nécessaire de rencontrer le demandeur. Il ne faut pas fixer de rendez‑vous au demandeur dans le seul but d’obtenir de simples renseignements. Les questions qui justifient la tenue d’une entrevue pourraient inclure :

 

a) questions ou doutes concernant les raisons du demandeur de venir au Canada, les dispositions prises afin de subvenir à ses besoins et son aptitude ou sa volonté de quitter le Canada; ou

 

b) circonstances où l’agent a besoin de renseignements additionnels avant de rendre sa décision concernant la demande.

 

Cette liste n’est pas exhaustive; d’autres circonstances exceptionnelles peuvent justifier la tenue d’une entrevue.

[19]           Si l’agente avait des doutes au sujet de la crédibilité du demandeur ou des documents que celui‑ci avait fournis, elle devait le convoquer en entrevue pour qu’il puisse y répondre. La demande du demandeur était complète et étayée de nombreux documents. Cependant, l’agente a tiré une inférence défavorable au sujet de son intention sans aucune preuve à l’appui. En omettant de convoquer le demandeur en entrevue, l’agente a contrevenu au droit à l’équité procédurale du demandeur.

L’agente a laissé de côté des éléments de preuve

[20]           Le demandeur soutient que l’agente a conclu qu’il n’était pas un étudiant temporaire véritable tandis que tous les documents qu’il avait soumis prouvaient le contraire. Voilà qui montre que l’agente n’a pas pris en considération tous les éléments de preuve lui ayant été soumis. Lorsque l’agente a conclu que le demandeur n’avait jamais voyagé à l’étranger, elle n’a pas tenu compte du fait qu’il vivait au RU. Elle a également laissé de côté des éléments de preuve en concluant que ses liens familiaux en Inde n’étaient pas suffisamment solides pour le motiver à rentrer dans ce pays à la fin de ses études. La demande du demandeur montre que sa mère, son père et ses trois frères vivent en Inde, élément d’information que l’agente a clairement omis de prendre en considération. En fait, l’agente a conclu que le Canada présentait un facteur d’attirance très net pour le demandeur, même si sa demande montrait qu’il n’avait qu’une sœur en ce pays. L’agente n’a pas tenu compte du fait que, comme le demandeur, la plupart des demandeurs de permis d’études sont jeunes, célibataires et libres de leurs mouvements. Retenir ces éléments contre lui reviendrait à exclure la plupart des demandeurs de permis d’études.

[21]           Le demandeur affirme également que l’agente n’a pas tenu compte de ses observations selon lesquelles il voulait étudier au GBC en raison du volet d’apprentissage pratique qui y est offert. L’agente a clairement laissé de côté ses observations à cet égard, de même que l’affidavit de Rainal.

            Motifs insuffisants

[22]           Le demandeur prétend également que les motifs de l’agente sont insuffisants parce qu’ils ne répondent pas aux fins pour lesquelles les motifs doivent être exposés (voir Via Rail Canada Inc c Office national des transports, [2000] ACF  no 1685, aux paragraphes 21 et 22). Les motifs de l’agente ne reflètent pas exactement le raisonnement débouchant sur ses conclusions et n’expliquent pas pourquoi elle a conclu que le demandeur n’était pas un étudiant véritable et qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour. Ses motifs ne permettent pas non plus au demandeur de prévoir quel résultat aurait une nouvelle demande de permis d’études.

Le défendeur

            Pas de manquement à l’équité procédurale

[23]           Le défendeur soutient que l’agente n’était pas tenue de convoquer le demandeur en entrevue, de sorte qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale du fait de l’absence d’entrevue. L’obligation d’équité procédurale dans l’examen d’une demande de permis d’études est peu exigeante étant donné qu’il incombe aux demandeurs de prouver qu’ils répondent aux conditions applicables et que l’obtention d’un visa ne constitue pas un droit conféré par la loi. Les agents ne sont tenus de fournir aux demandeurs de visa la possibilité de répondre à leurs réserves que lorsqu’ils examinent des renseignements que les demandeurs ne connaissent pas. Le défendeur établit une distinction entre la présente espèce et l’affaire Hassani, précitée, qui indique que lorsque les réserves d’un agent découlent directement de la Loi ou du Règlement, l’agent n’est pas tenu de donner aux demandeurs la possibilité d’y répondre (voir le paragraphe 24).

[24]           Dans le cas en l’espèce, les réserves ayant amené l’agente à rejeter la demande de permis d’études du demandeur découlaient directement de la Loi. L’agente n’avait pas de doutes quant à la crédibilité du demandeur ou à l’authenticité des documents que celui‑ci avait soumis; elle a simplement évalué les renseignements fournis par le demandeur et conclu que ceux‑ci ne la convainquaient pas qu’il répondait aux exigences de la Loi. L’agente n’était pas obligée de présenter des conclusions provisoires au demandeur, et celui‑ci a tort d’invoquer la décision Rukmangathan, précitée.

[25]           Le défendeur soutient également que le Guide OP‑12 prévoit seulement que l’agent a le pouvoir discrétionnaire de convoquer le demandeur en entrevue. Le libellé de la disposition invoquée par le demandeur est souple, et non pas obligatoire. En l’espèce, l’agente a exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire et a choisi de ne pas avoir d’entrevue.

L’agente n’a pas laissé de côté des éléments de preuve

[26]           Le défendeur ajoute que l’agente n’a pas laissé de côté des éléments de preuve lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’était pas un étudiant temporaire véritable. Les notes du SMGC indiquent que l’agente savait parfaitement que le demandeur vivait au RU, de sorte qu’il est clair qu’elle ne songeait pas au séjour que celui-ci faisait dans ce pays lorsqu’elle a indiqué qu’il n’avait jamais voyagé à l’étranger. Sa conclusion à cet égard était raisonnable dans le contexte de la décision et du dossier dans son ensemble.

[27]           Bien que le demandeur ne soit pas d’accord avec les conclusions de l’agente au sujet de la solidité de ses liens en Inde et au Canada, le défendeur estime que ces conclusions sont raisonnables. Il était raisonnable pour l’agente de conclure que la présence d’une sœur au Canada constituait un facteur indiquant qu’il resterait au Canada à la fin de son séjour. De plus, même si l’agente n’a pas expressément énoncé les raisons pour lesquelles le demandeur voulait étudier au GBC, cela ne veut pas dire qu’elle n’en a pas tenu compte. Les motifs énoncés par l’agente ne devraient pas être examinés à la loupe; pris globalement, ils montrent que l’agente a pris en considération l’ensemble de la preuve.

            L’insuffisance des motifs ne justifie pas l’annulation de la décision

[28]           Enfin, le défendeur invoque l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Association, précité, et soutient que la Cour ne peut pas annuler la décision uniquement parce que les motifs sont insuffisants. La décision de l’agente de refuser un permis d’études au demandeur était raisonnable, comme l’attestent les motifs et le dossier, de sorte qu’elle satisfait au critère établi dans Newfoundland and Labrador NursesAssociation, et la Cour ne devrait pas intervenir.

Réponse du demandeur

[29]           Le demandeur soutient que le défendeur établit à tort une distinction d’avec les affaires Rukmangathan et Hassani, précitées. Le demandeur renvoie au paragraphe 22 de la décision Rukmangathan, précitée, dans laquelle le juge Mosley écrivait : « [L]’obligation d’équité peut exiger que les fonctionnaires de l’Immigration informent les demandeurs des questions suscitées par leur demande, pour que ceux‑ci aient la chance d’“apaiser” leurs préoccupations, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise. »

[30]           La décision montre que l’agente avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur, de sorte qu’elle était tenue de convoquer celui-ci en entrevue. Il ne s’agissait pas ici d’une demande incomplète, mais bien d’un cas où l’agente a conclu que le demandeur ne quitterait pas le pays à la fin de ses études. L’agente a tiré une inférence défavorable au sujet de l’intention du demandeur, mais elle était tenue de convoquer celui-ci en entrevue avant de tirer une telle conclusion.

ANALYSE

[31]           Comme l’a souligné le défendeur, la Cour devrait faire preuve d’une déférence considérable à l’égard de la décision de l’agente de refuser le visa. Les agents des visas possèdent une expertise reconnue de l’analyse et de l’évaluation des demandes de visa d’étudiant. La décision relative à une demande de permis d’étudiant temporaire n’est pas une décision de nature judiciaire ou quasi judiciaire.

 

[32]           Il incombait au demandeur de convaincre l’agente qu’il n’était pas un immigrant. Il lui revenait d’établir, notamment, que ses intentions étaient authentiques et qu’il quitterait le Canada à la fin de la période autorisée. L’agent des visas devrait pouvoir faire cette évaluation au vu de la demande.

 

[33]           La décision d’un agent des visas de refuser un visa est hautement discrétionnaire. Cependant, un tel pouvoir discrétionnaire ne peut pas s’exercer de manière arbitraire. Il existe une différence énorme entre une décision discrétionnaire et une décision arbitraire. Les questions sur lesquelles je dois me prononcer en l’espèce ont été soulevées devant la Cour à maintes reprises, et j’estime qu’il serait utile dès le départ d’examiner certains éléments de la jurisprudence applicable avant de se pencher sur les faits en l’espèce.

[34]           D’abord, en ce qui concerne l’obligation d’équité, le juge Francis C. Muldoon a fourni des orientations générales dans Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 791, aux paragraphes 45 à 50 :

Le premier facteur identifié par la Cour dans l’arrêt Baker est la mesure dans laquelle le processus administratif se rapproche du processus judiciaire. Plus la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemble à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès. Le traitement d’une demande de permis de séjour pour étudiant par un agent des visas est hautement administratif et ne ressemble pas à une prise de décision judiciaire. Ce facteur milite en faveur de conditions moins strictes concernant l’obligation d’agir équitablement.

 

Le deuxième facteur est la nature du régime législatif en vertu duquel agit l’organisme en question. Des protections plus importantes seront exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d’appel, ou lorsque la décision est déterminante quant à la question en litige. Pour les demandes de permis de séjour pour étudiant, le demandeur éconduit peut demander réparation à la Cour par voie de contrôle judiciaire. Cela milite en faveur d’exigences procédurales moins strictes.

 

Le troisième facteur permettant de définir la nature et l’étendue de l’obligation d’équité est l’importance de la décision pour les personnes visées. Plus la décision est importante dans leur vie et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses. Une décision négative signifie que la demanderesse ne pourra étudier au Canada pendant une période temporaire. Elle est libre de présenter une autre demande dans l’avenir. Par conséquent, ce facteur milite en faveur d’exigences procédurales moins strictes.

 

Le quatrième facteur porte sur les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision. Si le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure. Néanmoins, cette doctrine ne peut pas donner naissance à des droits matériels. Une personne qui demande un permis de séjour pour étudiant n’a pas une attente légitime concernant la procédure suivie pour traiter sa demande.

 

Finalement, l’analyse des procédures requises par l’obligation d’équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement lorsque la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l’organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances. La Loi sur l’immigration n’exige pas qu’une procédure particulière soit suivie pour traiter les demandes de permis de séjour pour étudiant. Considérant le grand nombre de demandes de ce genre qui sont traitées, la procédure adoptée par l’ambassade devrait être respectée.

 

Si l’on pondère les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, les protections procédurales exigées par l’obligation d’équité devraient être assouplies pour le traitement des demandes de permis de séjour pour étudiant par les agents des visas à l’étranger. Par conséquent, il n’y a pas de raisons de prétendre qu’il y a eu manquement à l’équité dans ce processus parce qu’une agente des visas n’a pas communiqué tous ses doutes à la demanderesse, ou qu’elle ne lui a pas accordé la possibilité de dissiper ces doutes. [Renvois omis.]

 

 

[35]           Dans Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, aux paragraphes 31 et 32, la Cour d’appel fédérale a examiné les facteurs qui limitent le contenu de l’obligation d’équité dans des cas comme celui-ci :

Les facteurs qui tendent à limiter le contenu du devoir d’équité en l’espèce sont les suivants : l’absence d’un droit reconnu par la loi d’obtenir un visa; l’obligation pour le demandeur de visa d’établir son admissibilité à un visa; les conséquences moins graves en général du refus d’un visa pour l’intéressé, contrairement à la suppression d’un avantage, par exemple la suppression du droit de résider au Canada, et le fait que la question en litige dans cette affaire (à savoir la nature des services dont Abdullah aura probablement besoin au Canada, et la question de savoir si tels services constitueraient un fardeau excessif) n’en est pas une à laquelle le demandeur est particulièrement à même de répondre.

 

Finalement, lorsqu’elle fixe le contenu du devoir d’équité qui s’impose pour le traitement des demandes de visas, la Cour doit se garder d’imposer un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration, étant donné le volume des demandes que les agents des visas doivent traiter. La nécessité pour l’État de maîtriser les coûts de l’administration et de ne pas freiner le bon déroulement du processus décisionnel doit être mise en parallèle avec les avantages d’une participation de l’intéressé au processus.

 

 

[36]           Le juge Robert L. Barnes a également examiné ces questions dans Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1298, au paragraphe 20 :

En l’espèce, il s’agissait, pour le défendeur, d’une demande de visa parmi les milliers reçues chaque mois à Beijing. Sa pratique quant à la façon de rendre les décisions témoigne de la charge de travail liée au processus. Peu importe le bien‑fondé de sa demande, la demanderesse n’avait pas le droit d’entrer au Canada. Dans un tel contexte, l’obligation d’équité consistant à motiver une décision se situe au plus bas de l’échelle pour ce qui est des détails à fournir et des formalités procédurales à respecter et, à mon avis, les motifs fournis à la demanderesse satisfaisaient adéquatement à cette obligation juridique.

 

 

[37]           Il est également établi que, pour reprendre les termes employés par la juge Judith Snider dans Ayatollahi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 248, au paragraphe 12, « la décision qui est prise à la suite d’une demande de permis temporaire de séjour pour étudiant n’est pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire ».

[38]           Il faut garder en tête qu’il incombe au demandeur de convaincre l’agente qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé. À cet égard, il convient de tenir compte de ce qu’a écrit le juge Luc Martineau dans Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2012] ACF no 203, au paragraphe 7 :

Les arguments du demandeur ne sont pas convaincants. La jurisprudence enseigne que lorsqu’un demandeur ne s’acquitte pas de la charge de présentation de la preuve qui consiste à convaincre l’agent des visas qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé, une entrevue ne constitue pas une obligation prévue par la loi. C’est aux demandeurs qu’il incombe de s’acquitter du fardeau de fournir aux agents des visas des demandes complètes (Lu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 440, au paragraphe 11; Dhillon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 614, aux paragraphes 30 à 32; Bonilla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 20, au paragraphe 22 [Bonilla]). Règle générale, si un agent possède de l’information extrinsèque dont le demandeur n’est pas au courant, ce dernier devrait avoir l’occasion de dissiper chez l’agent les réserves découlant de cette preuve (Ling c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1198, au paragraphe 16; Chow c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 996, au paragraphe 14). Il existe une exception similaire dans le cas où la conclusion de l’agent est fondée sur une considération subjective plutôt que sur une preuve objective (Bonilla), précitée, au paragraphe 27; Yuan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF 1852, au paragraphe 12). Ce n’est pas le cas en l’espèce. Dans le cas qui nous occupe, l’agent des visas s’est fondé seulement sur les documents présentés ou connus par le demandeur; par conséquent, il n’était pas tenu de tenir une entrevue. Le billet de banque expiré et l’absence de tout autre dossier ou document financier confirmant la résidence et l’enregistrement constituent, comme tels, des éléments pertinents pour évaluer la capacité financière du demandeur et son degré d’établissement en Chine (par exemple, le demandeur ne possède pas de maison en Chine). L’agent des visas n’a donc pas commis d’erreur susceptible de révision à cet égard.

 

 

[39]           Les propos du juge Russel Zinn dans Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 620, au paragraphe 7, s’appliquent également en l’espèce :

J’estime que l’observation selon laquelle l’agente aurait dû donner au demandeur la possibilité de répondre à ses doutes est sans fondement. Le juge Russell, dans la décision Ling c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1198, a passé en revue les circonstances où, selon la loi, l’agent des visas doit donner une telle possibilité. Se fondant sur l’arrêt Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 468, il a tout d’abord noté que la loi ne prévoyait pas le droit à une entrevue, ni à aucun dialogue du type proposé en l’espèce. Deuxièmement, il a ensuite mentionné que, en règle générale, la possibilité de réponse n’existe que lorsque l’agent possède des informations à l’insu du demandeur. À l’instar de Ling, ce n’est pas le cas en l’espèce, ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de donner à M. Singh la possibilité de répondre aux doutes de l’agent. De plus, lorsque l’agent ne se fie qu’à des pièces présentées ou connues du demandeur, comme c’est le cas en l’espèce, l’entrevue n’est pas nécessaire.

 

[40]           Dans le cas en l’espèce, l’agente a indiqué qu’elle avait refusé le visa parce que :

a.                   compte tenu des antécédents de voyage du demandeur, de son statut au regard de l’immigration et de ses liens familiaux au Canada et en Inde, elle n’était pas convaincue que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour;

b.                  elle avait des doutes au sujet du « parcours académique général » du demandeur.

 

[41]           Les notes fournissent des précisions sur le raisonnement de l’agente :

[traduction] 

J’ai examiné la demande et le SSOBL de l’intéressé — refus antérieur du permis d’études en août de cette année. L’intéressé présente une nouvelle demande. Homme célibataire âgé de 25 ans originaire de l’Inde. Permis d’études au RU valide jusqu'en 2013. Détient un baccalauréat en tourisme international de l’école d’études supérieures Ethames à Londres. Accepté au George Brown College au programme de gestion hôtelière, tourisme et loisirs. Constate que la sœur de l’intéressé réside au Canada. Au dossier : Copie d’une lettre de l’honorable Bal Gosal (ministre d’État (Sports)), LOFA — droits de scolarité de 11 961 $CAN qui semblent avoir été payés, lettre de parrainage du beau‑frère de l’intéressé au Canada, POF et documents se rapportant à la famille canadienne, bulletins scolaires de l’intéressé en Inde et preuve d’études au RU ainsi que divers documents à l’appui. L’intéressé a obtenu en 2006 un diplôme en gestion hôtelière, technologie de la restauration et tourisme de la Punjab Technical University, il étudie en vue d’obtenir un baccalauréat (spécialisé) en tourisme international et gestion hôtelière. Il ne semble pas logique que l’intéressé mène des études de moindre niveau dans ce domaine. Il n’est pas clairement expliqué pourquoi le demandeur ne reste pas au RU pour terminer son programme d’études, qui est censé prendre fin en 2013. Craintes que l’objectif principal soit d’entrer et de rester au Canada. Le statut de l’intéressé au RU est temporaire et, compte tenu de l’information au dossier, je ne suis pas convaincue que les liens de l’intéressé en Inde soient suffisamment solides pour le motiver à quitter le Canada. Le facteur d’attirance au Canada semble également élevé en raison des liens familiaux. L’intéressé n’a jamais voyagé à l’étranger, est jeune, célibataire, sans personnes à charge et totalement libre de ses mouvements. Vu les documents et l’information au dossier, je ne suis pas convaincue que l’intéressé est un étudiant temporaire véritable qui quittera le pays à la fin de ses études. Permis d’études refusé.

 

 

[42]           Donc, le refus est justifié par les motifs suivants :

a.                   Il ne semble pas logique que le demandeur entreprenne des études à un moindre niveau dans ce domaine;

b.                  Il n’est pas clairement expliqué pourquoi le demandeur ne reste pas au RU pour terminer son programme d’études, lequel devrait prendre fin en 2013;

c.                   Le statut du demandeur au RU est temporaire, et l’information au dossier ne montre pas de liens assez solides en Inde pour le motiver à quitter le Canada;

d.                  Le facteur d’attirance au Canada est élevé à cause des liens familiaux;

e.                   Le demandeur n’a jamais voyagé à l’étranger;

f.                    Le demandeur est jeune, célibataire, sans personnes à charge et totalement libre de ses mouvements.

 

[43]           L’on peut ne pas être d’accord avec certains de ces motifs. Par exemple, le demandeur signale que la plupart des étudiants sont célibataires, sans personnes à charge et totalement libres de leurs mouvements. Cependant, cet argument est à côté de la question. Les facteurs doivent être examinés ensemble, et la jeunesse et la mobilité du demandeur, même s’il a ces caractéristiques en commun avec d’autres étudiants, sont de toute évidence pertinentes. Après tout, il arrive que des jeunes viennent au Canada à la faveur d’un visa et restent au pays à l’expiration de celui‑ci.

[44]           Le demandeur conteste ces conclusions particulières de la décision et soutient :

[traduction] 

L’agente a noté que le demandeur n’avait jamais voyagé à l’étranger; cependant, selon la preuve, celui‑ci, qui est originaire de l’Inde, étudiait en Angleterre;

 

L’agente a indiqué que les liens du demandeur en Inde ne sont pas assez solides; cependant, selon la preuve, la famille du demandeur, y compris sa mère, son père et ses trois frères, reste toute en Inde;

 

L’agente a indiqué que le « facteur d’attirance au Canada semble également élevé en raison des liens familiaux »; cependant, selon la preuve, le demandeur n’a qu’une sœur au Canada. Il est à la fois abusif et arbitraire de conclure que les liens du demandeur en Inde, où vit la majorité de sa famille, ne sont pas suffisamment solides, mais que ceux au Canada le sont assez parce qu’il y a une sœur;

 

L’agente a indiqué que le demandeur était « jeune, célibataire, sans personnes à charge et totalement libre de ses mouvements », et a retenu ces éléments contre lui. Le demandeur demande un permis d’études au Canada, et les étudiants sont en général « jeunes et célibataires ». Quoi qu’il en soit, l’agente a tort de se fonder sur des généralisations pour justifier le refus d’un permis d’études. Si la jeunesse et le célibat constituent des motifs raisonnables pour refuser un permis d’études, alors aucun étudiant étranger ne devrait être admis au Canada. (Voir Bonilla c M.C.I. [sic], 2007 CF 20.)

 

Nous soutenons également que l’agente a commis une erreur de droit en négligeant de prendre en considération certains éléments de preuve pertinents lui ayant été soumis. Ainsi, le demandeur a produit une déclaration dans laquelle il explique les raisons pour lesquelles il voulait suivre le programme de gestion hôtelière, tourisme et loisirs du George Brown College, à savoir que le programme offre un stage pratique en plus des cours magistraux, et que le stage pratique de sept semaines offert par l’établissement d’enseignement représente une belle possibilité d’apprentissage pour le demandeur. Cet élément de preuve a été clairement laissé de côté par l’agente, qui avait des réserves quant au type particulier de programme que le demandeur voulait suivre au Canada. De plus, le demandeur a fourni un affidavit de Mohinder Singh Rainal, son beau-frère, dans lequel celui-ci  s’engageait à assumer les frais d’hébergement et de subsistance du demandeur au Canada et promettait que le demandeur rentrerait en Inde à la fin de ses études. Ces éléments de preuve s’appliquaient clairement à la question de l’intention du demandeur de rentrer en Inde à la fin de ses études, mais ont été laissés de côté par l’agente.

 

 

[45]           Rien n’indique que des éléments de preuve aient été laissés de côté. L’agente a manifestement examiné tout le dossier, puis a fourni les motifs pour lesquels elle n’était pas convaincue que le demandeur quitterait le Canada. Elle a mis en balance les raisons avancées par le demandeur pour vouloir fréquenter le GBC avec le fait qu’il s’agissait d’un recul académique pour lui, tout en les examinant au regard de ses liens familiaux au Canada et en Inde, de son jeune âge, son inexpérience et son absence de voyages à l’étranger. Manifestement, il est possible de ne pas souscrire aux conclusions qu’elle a tirées, mais je ne crois pas pouvoir dire que ces conclusions n’appartiennent pas aux issues décrites dans Dunsmuir.

[46]           Les raisons pour lesquelles le visa a été refusé sont claires. L’agente n’était pas convaincue que le demandeur était « un étudiant temporaire véritable qui quittera[it] le pays à la fin de son séjour » étant donné qu’il n’était pas logique qu’il abandonne son programme d’études au RU pour venir au Canada. L’agente a énoncé les motifs de cette conclusion dans la décision. Certains facteurs militaient certes en faveur du demandeur, mais, si j’examine les éléments de preuve globalement, je ne peux pas dire que les conclusions de l’agente n’appartiennent pas aux issues décrites dans Dunsmuir.

            Équité procédurale

[47]           L’élément le plus solide de l’argumentation du demandeur en ce qui concerne l’équité procédurale en l’espèce est celui voulant qu’il n’ait pas eu la possibilité de répondre à la réserve principale de l’agente, nommément :

Il ne semble pas logique que l’intéressé mène des études de moindre niveau dans ce domaine. Il n’est pas clairement expliqué pourquoi le demandeur ne reste pas au RU pour terminer son programme d’études, qui est censé prendre fin en 2013.

 

 

[48]           Le demandeur soutient qu’il a expliqué pourquoi il avait choisi de suivre le cours au George Brown College, au Canada, qu’il ne pouvait pas prévoir cette réserve subjective concernant son départ du Royaume-Uni et qu’il aurait dû avoir la possibilité de s’expliquer sur ce point. Le demandeur s’appuie en particulier sur la décision rendue par le juge Mosley dans Rukmangathan, précitée, aux paragraphes 22 et 23 :

Il est bien établi que, dans le contexte des décisions d’un agent des visas, l’équité procédurale exige que le demandeur ait la possibilité de répondre aux éléments de preuve extrinsèques sur lesquels l’agente des visas s’est fondée et qu’il soit informé des préoccupations que l’agente a à cet égard : Muliadi, précité. À mon avis, le fait que la Cour d’appel fédérale a souscrit, dans l’arrêt Muliadi, précité, aux remarques que Lord Parker avait faites dans la décision In re H.K. (An Infant), [1967] 2 Q.B. 617, montre que l’obligation d’équité peut exiger que les fonctionnaires de l’Immigration informent les demandeurs des questions suscitées par leur demande, pour que ceux‑ci aient la chance d’« apaiser » leurs préoccupations, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise. D’autres décisions de la présente cour étayent cette interprétation de l’arrêt Muliadi, précité. Voir, par exemple, Fong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 705 (1re inst.), John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 350 (1re inst.) (QL) et Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3d) 38 (C.F. 1re inst.), où il a été statué qu’à l’entrevue, l’agent des visas doit informer le demandeur de l’impression défavorable que lui donne la preuve que celui‑ci a soumise.

 

Toutefois, ce principe d’équité procédurale ne va pas jusqu’à exiger que l’agent des visas fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » des lacunes que comporte sa demande : Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1091 (1re inst.) (QL), paragraphe 21, et Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1926 (1re inst.) (QL), paragraphe 23. L’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur des questions qui découlent directement des exigences de l’ancienne Loi et de son règlement d’application : Yu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 36 F.T.R. 296, Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1 et Bakhtiania c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1023 (1re inst.) (QL).

 

 

[49]           Dans le cas en l’espèce, la réserve de l’agente n’avait pas trait aux éléments de preuve fournis par le demandeur. Les éléments de preuve révélaient que le demandeur, qui prétendait vouloir obtenir de l’expérience internationale, voulait abandonner son programme d’études au RU et venir au Canada pour entreprendre un programme d’études au George Brown College. Le demandeur a expliqué ce qu’il aimait du programme offert au George Brown College, mais il n’a pas expliqué que ce qu’il recherchait n’était pas disponible en Angleterre dans le cadre de son programme en cours.

[50]           La situation en l’espèce présente des similitudes avec l’affaire Hong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 463, au paragraphe 17; dans cette décision, le juge Richard Boivin a rejeté une demande qui, notamment, avançait l’argument suivant :

En ce qui concerne ses études, Mme Hong souligne qu’elle a fourni à l’agent des visas un certificat démontrant qu’elle a terminé et réussi un programme en gestion du tourisme et de l’hôtellerie au Vietnam. Selon Mme Hong, l’agent des visas a erré en concluant que les études qu’elle comptait faire n’étaient pas raisonnables compte tenu de ses études antérieures et qu’elle n’était pas assez établie au Vietnam pour lui accorder un permis d’études d’un an.

 

 

[51]           La décision Tran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 1377, aux paragraphes 30 à 33, est également instructive en ce sens que la demanderesse, comme c’est le cas en l’espèce, soutenait que l’agent avait négligé de lui faire part de ses réserves et de lui fournir une possibilité de répondre :

Comme je l’ai mentionné, la protection procédurale fournie dans le contexte d’une demande de visa d’étudiant est « moins stricte ». Il n’y a pas eu de manquement à l’équité du fait que l’agente des visas n’a pas communiqué tous ses doutes à M. Le Minh Duc Tran ou ne lui a pas accordé la possibilité de dissiper ses doutes. (Li, précité; Skoruk, précité.)

 

Il est également raisonnable de s’attendre à ce que les agents de visas se servent de leur propre expérience et de leur propre expertise pour trancher les demandes qui leur sont soumises. (Wen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1262, [2002] A.C.F. no 1719 (QL), au paragraphe 16; Skoruk, précité, paragraphe 14.)

 

L’agente des visas n’a pas commis d’erreur en tenant compte du fait que des programmes de gestion culinaire semblables sont offerts au Vietnam et dans l’Asie du Sud, pour une [traduction] « fraction du coût ». Contrairement à ce que M. Minh Duc Tran a soutenu, l’agente des visas ne s’est pas fondée sur des éléments de preuve extrinsèques, mais elle s’est plutôt fondée sur sa propre expertise et sur son analyse de l’ensemble des éléments de preuve qui lui avaient été fournis. (Wen, précité, paragraphes 18 et 19.)

 

Comme dans la décision Skoruk, précitée, ces facteurs propres aux conditions locales et ceux qui concernaient davantage M. Le Minh Duc Tran faisaient partie de l’ensemble de la situation que l’agente des visas devait évaluer pour arriver à sa décision. (Affidavit Brown; Skoruk, précité, paragraphe 14).

 

 

[52]           Le demandeur semble soutenir qu’une question d’équité procédurale est soulevée chaque fois que l’agent a des réserves que le demandeur ne pouvait raisonnablement pas avoir prévues. Je crois que la jurisprudence de la Cour démontre le contraire. Les demandeurs peuvent raisonnablement s’attendre à ce que les agents utilisent leur propre expérience et leur propre expertise pour évaluer la demande et tirent des inférences et des conclusions à partir des éléments de preuve leur ayant été soumis sans nécessairement faire connaître aux demandeurs leurs interrogations. Il revient aux demandeurs de présenter des demandes qui sont convaincantes et qui prévoient les inférences défavorables qui peuvent être tirées des éléments de preuve et des conditions locales et de répondre à celles‑ci.

[53]           Les commentaires peut‑être les plus éclairants à ce sujet figurent dans la décision Ayatollahi, précitée, où la juge Snider a écrit ce qui suit aux paragraphes 20 et 21 :

En l’espèce, l’agent des visas a énoncé ses motifs comme suit :

 

[traduction] J’ai en partie fondé ma décision sur le fait que j’estimais que les projets d’études du demandeur n’étaient pas raisonnables, en ce sens qu’il se proposait de participer à un programme à l’intention des parajuristes dans le but exprès d’appliquer ses études à l’entreprise de construction de son père, en Iran. Le demandeur n’a fourni aucune explication au sujet de la façon dont les études qu’il se proposait de faire au Canada avaient de fait quelque chose à voir avec ses projets futurs en Iran. Les systèmes juridiques et commerciaux en Iran sont forts différents de ceux qui existent au Canada et, à mon avis, de telles études auraient une utilité précise restreinte pour une entreprise de construction iranienne. J’ai donc également conclu que les projets d’études du demandeur étaient fort peu crédibles et j’ai refusé la demande.

 

À mon avis, l’omission de l’agent des visas de faire part de ses préoccupations au demandeur n’a pas donné lieu à un manquement à l’équité procédurale. Fait plus important, il incombait au demandeur de présenter ses meilleurs éléments de preuve. Or, il ne l’a pas fait; plus précisément, il n’a pas donné d’explications au sujet des études qu’il se proposait de faire, si ce n’est pour dire qu’il voulait aider son père à son retour. Étant donné la charge qui incombait au demandeur, je crois qu’il aurait été avec raison loisible à l’agent de refuser la demande pour ce seul motif.

 

 

[54]           Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que l’agente ne lui a pas fait part de ses réserves et ne lui a pas donné l’occasion d’y répondre. À mon avis, compte tenu des faits en l’espèce, cela équivaudrait à ce que l’agente dise au demandeur qu’il ne l’avait pas, avec ses éléments de preuve, convaincue qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour et lui fournisse ensuite l’occasion de la convaincre du contraire. L’agente n’avait pas de réserves particulières à l’égard des éléments de preuve. C’est seulement que, en évaluant l’ensemble de la preuve, — « [v]u les documents et l’information au dossier » —, l’agente n’était pas convaincue qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour. Il incombait au demandeur de convaincre l’agente qu’il partirait. L’agente n’était aucunement tenue de faire savoir au demandeur qu’il ne s’était pas acquitté de ce fardeau et de lui accorder davantage de temps pour la convaincre du contraire ainsi que l’occasion de le faire.

[55]           La jurisprudence permet, à mon avis, de conclure que, dans ce type de situation, l’agente n’était aucunement obligée de faire connaître ses réserves au demandeur et de lui permettre d’y répondre. Les éléments de preuve ne posaient aucun problème. La réserve de l’agente était la suivante : étant donné les éléments de preuve soumis par le demandeur et, en particulier, le fait qu’il n’ait pas bien expliqué pourquoi il devait déménager au Canada pour ses études et ne pouvait pas obtenir le programme d’études en question au RU, elle n’était pas convaincue qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour. Je ne crois pas que l’agente était tenue de faire connaître au demandeur ses conclusions reposant sur son évaluation de la preuve et de lui donner l’occasion de la convaincre du contraire.

[56]           Je peux comprendre pourquoi le demandeur est mécontent de la décision. Je peux comprendre pourquoi il estime qu’il a fourni des éléments de preuve solides indiquant qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour et que l’agente aurait dû accorder la préséance à ces éléments de preuve plutôt qu’aux facteurs sur lesquels elle s’est fondée. Cependant, il ne m’appartient pas d’intervenir et de deviner les intentions de l’agente. Le législateur a décidé que c’est elle qui doit exercer le pouvoir discrétionnaire et, dans la mesure où elle exerce ce pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable, la Cour ne peut pas intervenir, même si elle serait arrivée à une conclusion différente.

[57]           Les avocats conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier, et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6414-11

 

INTITULÉ :                                       AMARJEET SINGH

                                           

                                                            -   et   -

 

                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                              ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 avril 2012

                                                           

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clare Crummey                                                                        POUR LE DEMANDEUR

                                                                                                                    

Ildikó Erdei                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates                                                            POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

                                                                                                                  

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.