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Date : 20120416

Dossier : IMM‑5980‑11

Référence : 2012 CF 435

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

CECIL ROY DOMAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 26 août 2011, par laquelle un agent d’exécution de la loi des bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a rejeté la demande que lui avait présentée M. Doman en vue de faire reporter son renvoi du Canada vers le Royaume‑Uni [la décision]. M. Doman sollicitait le report de son renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de sa demande pendante fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qu’il avait présentée en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

[2]               Le demandeur soutient que la décision devrait être annulée parce que l’agent n’a pas dûment tenu compte de l’intérêt supérieur de son fils et qu’il a ignoré l’impact cumulatif des diverses conséquences négatives qu’aurait le renvoi, notamment la dislocation d’une famille très unie, les difficultés inusitées auxquelles le demandeur serait exposé et les conséquences négatives que ce renvoi aurait sur la demande pendante présentée par M. Doman sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire. À l’appui de ces arguments, le demandeur affirme que je devrais accorder une grande importance à l’ordonnance par laquelle le juge Near a sursis provisoirement à l’exécution de la mesure de renvoi (IMM‑5980‑11, le 7 septembre 2011). Le demandeur soutient que, pour accorder le sursis demandé, le juge Near devait examiner attentivement le bien‑fondé de la demande et qu’il ne pouvait accorder le sursis que s’il était convaincu qu’il existait de bonnes chances qu’elle soit accueillie.

 

[3]               Pour sa part, le défendeur fait valoir que la décision devrait être confirmée parce qu’elle est raisonnable. Plus précisément, le défendeur affirme que la seule obligation imposée à l’agent était de procéder à un examen rapide des questions soulevées par le demandeur, ajoutant que l’agent a effectivement examiné ces questions et que la conclusion qu’il a tirée était raisonnable vu le dossier dont il disposait. Quant au sursis ordonné par le juge Near, le défendeur affirme qu’il a peu ou point de valeur à titre de précédent, étant donné que la question qui lui était soumise était différente de celles qui sont soulevées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La question de l’effet du sursis ordonné par le juge Near peut être tranchée rapidement étant donné qu’il est bien établi que les motifs exposés au soutien d’une requête en sursis provisoire ne lient pas le juge qui statue sur le fond de la demande, puisque les questions soumises au juge saisi de la requête en sursis sont différentes de celles sur lesquelles le juge qui entend l’affaire au fond est appelé à trancher. Il en est ainsi même si, comme en l’espèce, le juge saisi de la requête était tenu d’appliquer un critère plus rigoureux pour déterminer si la demande soulevait une question sérieuse à trancher (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682, au paragraphe 9; Haghighi c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 372, aux paragraphes 15 à 18 et 35 et 36; Williams c Canada, 2010 CF 274, au paragraphe 29, [2011] 3 RCF 198). De plus, comme c’est souvent le cas, le juge Near s’est peu attardé au bien‑fondé de la demande, se contentant d’affirmer qu’il était [traduction] [...] d’avis que le demandeur a soulevé une question sérieuse en ce qui concerne l’analyse de la dépendance de son fils et de l’intérêt à court terme de ce dernier » (au paragraphe 2 de l’ordonnance). Vu son caractère non contraignant et sa brièveté, l’ordonnance du juge Near ne constitue pas un précédent très solide à l’appui de la thèse du demandeur en l’espèce.

 

[5]               Pour comprendre les autres arguments invoqués par le demandeur, il est nécessaire d’examiner le contexte factuel ainsi que le raisonnement suivi par l’agent pour rendre sa décision.

 

I.          CONTEXTE

[6]               M. Doman est né en Jamaïque en 1947. Il est parti vivre en Angleterre avec sa mère en 1962 et a obtenu la citoyenneté britannique vers 1965. À un certain moment entre 1965 et 1987, la mère de M. Doman est venue au Canada, où elle a obtenu la citoyenneté canadienne. En 1987, à la suite du décès de sa mère causé par une erreur de médication survenue à l’hôpital, M. Doman est entré au Canada muni d’un visa de visiteur. Il a dû passer un certain temps au Canada pour se présenter devant le tribunal relativement au décès de sa mère et pour s’occuper de la succession. Il a renouvelé son visa de visiteur pour une période déterminée, et le document a expiré en 1989. Après l’expiration de ses visas de visiteur, M. Doman a choisi de demeurer au Canada sans toutefois entreprendre de démarches pour régulariser sa situation : ce n’est que tout récemment, quand sa présence illégale au pays a été portée à l’attention des autorités de l’immigration, qu’il a cherché à régulariser son statut. M. Doman a occupé une foule d’emplois non spécialisés au Canada et a payé de l’impôt sur les revenus tirés de ses divers emplois.

 

[7]               M. Doman a un fils, Steven Miles, né en 1990. À l’âge de trois ans, Steven a été abandonné par sa mère. Il habite depuis avec M. Doman, qui constitue sa seule source de soutien économique et affectif. À l’école qu’il fréquentait, on a constaté que Steven souffrait de difficultés d’apprentissage et, conformément aux dispositions de la Loi sur l’éducation de l’Ontario, LRO 1990, c E.2, un plan d’enseignement individuel [PEI] a été élaboré à son intention. Les seuls éléments de preuve relatifs aux difficultés d’apprentissage de Steven dont disposait l’agent étaient ceux qui se trouvaient dans le PEI de 2009, dans lequel il était noté que Steven était atteint d’une [traduction] « déficience intellectuelle légère ». À titre de mesures spéciales, on lui a offert de l’encadrement pour régler des problèmes de gestion du comportement, un lieu de travail spécial et des échéances plus souples. Steven est actuellement inscrit à un programme collégial de formation comme électricien et il devrait obtenir son diplôme en 2012. Il devra ensuite travailler comme apprenti avant d’obtenir son accréditation.

 

[8]               Après que sa situation eut été portée à l’attention des autorités de l’immigration en 2010, M. Doman a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR], qui a été rejetée le 30 septembre 2010. M. Doman a été informé du rejet de sa demande d’ERAR le 8 novembre 2010. Le même jour, il a présenté une demande en vue de faire reporter son renvoi après le congé de Noël. L’agent de l’ASFC qui était chargé de son dossier lui a expliqué que sa demande de report ne serait pas accueillie, mais que, comme aucune date de renvoi n’avait encore été fixée, son renvoi n’était pas imminent. M. Doman a choisi d’acheter lui‑même son billet de retour au Royaume‑Uni. Il devait se présenter à une entrevue aux bureaux de l’ASFC le 12 novembre 2010 avec son billet en main. Il n’a pas acheté le billet et, au cours de son entrevue du 12 novembre, on lui a ordonné de se revenir trois jours plus tard avec le billet. Le 15 novembre, M. Doman ne s’est pas présenté à l’entrevue à laquelle il avait été convoqué. Il s’est présenté aux bureaux de l’ASFC quelques jours plus tard, prétextant qu’il s’était trompé de date d’entrevue en raison d’un malentendu, mais il n’avait toujours pas son billet et il a déclaré qu’il ne serait pas en mesure d’en acheter un. L’ASFC a par conséquent pris des dispositions pour acheter le billet à sa place.

 

[9]               M. Doman a reçu instruction de se présenter en vue de son renvoi le 26 novembre 2010. Le renvoi était prévu pour le 6 janvier 2011, ce qui permettait à M. Doman de passer la période de Noël au Canada comme il le souhaitait. Toutefois, son renvoi a été annulé le 22 décembre en raison de l’impossibilité d’obtenir les documents de voyage nécessaires. Le titre de voyage n’a été obtenu que le 17 juin 2011. Le 9 août 2011, M. Doman a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Le lendemain, il lui a été signifié un nouvel ordre de se présenter en vue de son renvoi, lequel était initialement prévu pour le 9 septembre 2011. Le 10 août 2011, M. Doman a présenté une demande de report de son renvoi qui s’est soldée par la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        LA DÉCISION

[10]           Dans sa décision, l’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur de Steven et a cité textuellement les observations formulées par l’avocat du demandeur au sujet des difficultés auxquelles, selon M. Doman, Steven serait exposé si son père, le demandeur, devait retourner au Royaume‑Uni. Après avoir examiné les observations, l’agent a fait observer qu’il était [traduction] « sensible au fait que le processus de renvoi peut s’avérer difficile » et a reconnu que l’exécution de la mesure de renvoi [traduction] « peut exiger une période d’adaptation pour Steven ». Il a poursuivi en faisant observer que Steven, en tant que citoyen canadien, pouvait bénéficier des programmes sociaux canadiens. L’agent a conclu que les éléments de preuve présentés sur cette question dans la demande de report du renvoi étaient insuffisants pour démontrer que Steven ne serait pas en mesure de se trouver du travail au Canada ou qu’il [traduction] « [...] subirait des conséquences négatives sur le plan scolaire si son père était renvoyé du Canada ».

 

[11]           L’agent a ensuite examiné le degré d’établissement de M. Doman au Canada ainsi que les difficultés auxquelles il serait confronté s’il devait retourner au Royaume‑Uni. Parmi les facteurs dont il a tenu compte, mentionnons les suivants : le temps que M. Doman a passé au Canada, son âge, le fait qu’il avait toujours travaillé à temps plein au Canada, son absence de casier judiciaire, le fait qu’il ne possédait pas de propriété ou d’entreprise au Canada et son affirmation qu’il n’aurait pas de logis s’il retournait au Royaume‑Uni, laquelle déclaration reposait uniquement sur ce que M. Doman affirmait qu’un employé du consulat britannique lui avait dit. À cet égard, M. Doman a soutenu qu’il avait communiqué avec le consulat pour s’informer des endroits où il pouvait se loger au Royaume‑Uni et qu’on lui avait répondu qu’il n’y avait [traduction] « rien de disponible » en raison du ralentissement de l’économie. Compte tenu de ces facteurs, l’agent a estimé que le degré d’établissement de M. Doman au Canada ne justifiait pas le report de sa mesure de renvoi.

 

[12]           L’agent a ensuite examiné la demande pendante du demandeur fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Il a fait observer que cette demande ne serait pas tranchée avant une vingtaine de mois et qu’elle n’avait été déposée que quelques jours auparavant, treize mois après que M. Doman eut été jugé [traduction] « prêt au renvoi », après avoir été informé de la décision négative rendue au sujet de sa demande d’ERAR. L’agent a également fait observer que la LIPR ne contient pas de dispositions permettant de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi en raison de l’existence d’une demande pendante fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ajoutant que l’ASFC avait l’obligation, aux termes de l’article 48 de la LIPR, d’appliquer la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettaient. L’agent a conclu que le report du renvoi de M. Doman du Canada n’était pas justifié et il lui a donné l’ordre de se présenter pour son renvoi le 9 septembre 2011, à la date qui avait été déjà fixée.

 

III.       ANALYSE

[13]           La norme de contrôle applicable à la décision est celle de la décision raisonnable (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 25, [2010] 2 RCF 311 [Baron]; Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, au paragraphe 27, [2011] ACF 1454 (CAF), [Shpati]). La norme de la décision raisonnable commande la retenue de la Cour et oblige celle‑ci à examiner les motifs du tribunal ainsi que le dossier dont il disposait. La Cour ne peut intervenir que s’il est démontré que les motifs du tribunal ne sont pas « justifiés, transparents ou intelligibles » et que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

 

[14]           Pour évaluer le caractère raisonnable de la décision, il est important de rappeler le rôle que joue l’agent aux termes de l’article 48 de la LIPR. Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont souvent fait observer que la loi ne confère aux agents d’exécution qu’un pouvoir discrétionnaire limité en matière de report de mesures de renvoi (voir, par ex., Baron, au paragraphe 49; Shpati, au paragraphe 45, et Williams, au paragraphe 31). Ce pouvoir limité ressort d’ailleurs du libellé de la loi elle‑même. L’article 48 dispose en effet :

 
Mesure de renvoi

 (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

Conséquence

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

Effect

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

[15]           Ainsi que le libellé de l’article 48 l’indique clairement, la personne qui fait l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire doit quitter le Canada « dès que les circonstances le permettent ». Le pouvoir discrétionnaire conféré aux agents de l’ASFC se borne par conséquent à déterminer à partir de quel moment les circonstances permettent le renvoi. Ainsi que le juge Zinn le fait observer dans la décision Williams, aux paragraphes 32 à 35, la jurisprudence reconnaît trois catégories de situations pouvant amener un agent à reporter un renvoi :

1.   lorsque la date initialement prévue ne peut être retenue en raison de problèmes liés aux préparatifs de voyage, comme l’absence de documents de voyage ou des problèmes de transport;

2.   lorsque d’autres facteurs rendent irréaliste la date qui avait été initialement fixée, notamment pour permettre à un enfant de terminer l’année scolaire ou en cas de naissances ou de décès imminents d’une des personnes visées par la mesure de renvoi;

3.   lorsque le processus prévu par la LIPR et pouvant aboutir au droit d’établissement est en marche et pourrait annuler la mesure de renvoi.

 

[16]           Les cas entrant dans la troisième catégorie sont ceux qui correspondent à la plupart des litiges soumis à notre Cour. Dans les arrêts Baron et Shpati, précités, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que le simple fait qu’une demande d’examen des risques avant renvoi ou une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sont pendantes ne justifie pas à lui seul le report du renvoi. Il doit exister des « circonstances spéciales » se rapportant au processus en cours. Parmi ces circonstances spéciales, il y a lieu de mentionner les cas dans lesquels le refus de reporter l’exécution de la mesure de renvoi exposera la personne visée à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain (Baron, précité, au paragraphe 51, Wang, précité, au paragraphe 41). Sinon, il arrive à l’occasion que la Cour considère comme des circonstances spéciales les situations dans lesquelles une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été déposée en temps opportun, mais son traitement accuse un retard important (Simoes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 936, 7 Imm. LR (3d) 141 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12; Villanueva c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 543, au paragraphe 35). En pareil cas, l’agent doit se demander si le report du renvoi est justifié, comme le juge Zinn l’a fait observer dans la décision Williams, au paragraphe 38. Cet examen fait intervenir certains facteurs, dont :

la conduite du demandeur, notamment s’il s’est conformé à la Loi ou s’il a cherché à la contourner, l’existence d’autres raisons méritant d’être examinées invoquées à l’appui du report et la durée du report qui est demandée ou qui sera probablement applicable. […] L’agent doit simplement examiner les facteurs pertinents en jeu dans la situation qui lui est présentée.

 

 

[17]           Parmi les raisons avancées pour justifier un report en pareil cas, mentionnons l’intérêt supérieur des enfants visés, dont l’agent devra tenir compte dès lors que les autres facteurs s’appliquent. Toutefois, ainsi que le juge Pinard l’a fait observer dans la décision Turay c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 1090, au paragraphe 21, [2009] ACF 1369 [Turay]), « [...] [l]’agent de renvoi doit seulement prendre en compte les intérêts à court terme des enfants, et sans procéder à aucune analyse approfondie à ce sujet ». Il a souvent été jugé que lorsqu’un agent des renvois est saisi d’une demande de report de renvoi, il n’a pas à effectuer une « mini » appréciation de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (Chetaru c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 436, au paragraphe 18; Munar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2005 CF 1180, au paragraphe 36, [2005] ACF 1488).

 

[18]           La jurisprudence appuie jusqu’à un certain point l’idée qu’une personne qui a atteint l’âge de la majorité peut être considérée comme un « enfant » aux fins de l’analyse exigée par l’article 48 de la LIPR (Naredo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 192 DLR (4th) 373, [2000] ACF no 1250, au paragraphe 20; Yoo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 343, au paragraphe 32, 343 FTR 253). Toutefois on trouve également des précédents qui appuient la thèse contraire (Saporsantos Leobrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 587, au paragraphe 63, [2010] ACF 692).

 

[19]           Lorsqu’on applique ces principes à la présente demande, il est évident que la décision de l’agent était raisonnable.

 

[20]           Si l’on suppose, sans trancher la question, que Steven, qui est maintenant âgé de 22 ans, est un « enfant » dont l’intérêt supérieur devait être pris en considération par l’agent, celui‑ci a effectivement tenu compte de tous les aspects pertinents quant à la situation de Steven. Le demandeur soutient que l’agent aurait dû fournir un raisonnement plus détaillé en ce qui concerne l’intérêt supérieur de Steven. À mon avis, cette prétention n’est pas fondée, et ce, pour diverses raisons.

 

[21]           D’abord et avant tout, cette prétention invite la Cour à se livrer à une analyse détaillée de la façon dont l’agent a rédigé ses motifs. Il s’agit précisément du genre d’examen qui n’est pas justifié selon la norme de la décision raisonnable. Suivant la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue et de n’annuler la décision que si les motifs exposés à l’appui de celle‑ci ne sont pas justifiés, transparents ou intelligibles et si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[22]           Pour ce qui est des motifs, ils sont compréhensibles et ils sont donc « transparents et intelligibles ». Ils sont également « justifiés ». Il n’était pas nécessaire d’exposer de longs motifs. Comme la Cour l’a fait observer dans la décision Turay, l’agent n’était pas tenu de procéder à un examen exhaustif et fouillé des arguments invoqués au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il suffisait qu’il examine les arguments invoqués. C’est ce qu’il a fait.

 

[23]           Pour ce qui est du résultat, l’agent a fait reposer sa décision sur l’absence d’éléments de preuve concernant la présumée incapacité de Steven de se trouver du travail ou de terminer ses études si son père n’était pas présent au Canada. Comme nous l’avons déjà fait observer, les seuls éléments de preuve dont disposait l’agent au sujet de l’incapacité de Steven étaient le PEI. À mon avis, compte tenu du peu d’éléments de preuve portés à la connaissance de l’agent, la conclusion que l’agent a tirée au sujet de l’intérêt supérieur de Steven est certainement raisonnable. Rien ne permettait de distinguer la situation de Steven de celle des autres enfants ayant des difficultés d’apprentissage qui pourraient être obligés de travailler ou d’obtenir un prêt d’étudiant pour financer leurs études.

 

[24]           En ce qui concerne le présumé défaut de l’agent de tenir compte du caractère cumulatif des autres facteurs soulevés à l’appui de la demande de report, cette prétention doit elle aussi être rejetée. Là encore, l’agent a effectivement examiné chacun des éléments soulevés par le demandeur. Qui plus est, j’estime que la conclusion à laquelle l’agent est finalement parvenu était plus que raisonnable vu l’ensemble des faits de la présente affaire. À cet égard, rappelons que le demandeur est demeuré illégalement au Canada pendant environ 22 ans. Il n’a présenté sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qu’à la toute dernière minute et l’examen de sa demande n’a pas été retardé en raison d’un arriéré de dossiers. De plus, l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve fiable en ce qui concerne le sort qui attendait probablement M. Doman à son retour en Grande‑Bretagne. Le demandeur se livre à de pures spéculations lorsqu’il affirme qu’il ne pourra se trouver du travail au Royaume‑Uni alors qu’il a toujours travaillé au Canada au cours des 22 dernières années.

 

IV.       CONCLUSION

[25]           Vu ce qui précède, rien ne justifie notre Cour d’intervenir et de modifier la décision, étant donné que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de révision. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[26]           Aucune question n’a été présentée aux fins de certification en vertu de l’article 74 de la LIPR et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

JUGEMENT

 

LA COUR :

1.                  REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire;

2.                  NE CERTIFIE aucune question de portée générale;

3.                  N’ADJUGE aucuns dépens.

 

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5980‑11

 

INTITULÉ :                                                   CECIL ROY DOMAN c
MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 21 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 16 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Naseem Mothoowani

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Manuel Mendelzon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman,

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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