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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120323


Dossier : T-787-11

Référence : 2012 CF 347

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

JASON ROBERT EDWARD POULIOT

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur cherche à faire annuler la décision par laquelle Transports Canada (Sécurité et sûreté/Soutien des programmes de sûreté), le 11 avril 2011, a refusé de lui accorder l’habilitation de sécurité en matière de transport qui lui aurait permis de travailler comme manutentionnaire de fret pour Federal Express dans une zone sécurisée de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto.  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

 

Les faits

 

[2]               Le demandeur, M. Jason Robert Edward Pouliot, est un employé de Federal Express (FedEx).  Il voulait être promu au poste de manutentionnaire de fret pour FedEx à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto. Ce poste exige une habilitation de sécurité en matière de transport accordée par Transports Canada. M. Pouliot a présenté une demande en vue d’obtenir cette habilitation en vertu de l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, ch A‑2 (la Loi sur l’aéronautique).

 

[3]               Le processus de traitement de la demande d’habilitation de sécurité comprend la vérification du casier judiciaire. En effectuant cette vérification, Transports Canada a été mis au fait d’un incident mettant en cause le demandeur survenu le 1er août 2007. Le demandeur avait emmené en voiture une personne nommée Leo Peralta (M. Peralta) à une succursale de la CIBC à Toronto (Ontario).  Pendant que le demandeur attendait dans la voiture en stationnement, M. Peralta était entré dans la banque et avait remis au caissier un billet exigeant de l’argent et indiquant qu’il était armé. M. Peralta avait reçu 2 000 $ en argent du caissier; il était ensuite retourné à la voiture et tous les deux s’étaient enfuis. Le demandeur avait été arrêté et inculpé relativement à cet incident. Les accusations avaient été retirées par la suite.

 

[4]               Le 25 février 2011, Transports Canada a envoyé une lettre au demandeur indiquant que sa demande d’habilitation de sécurité avait été transmise à l’Organisme consultatif pour que ce dernier examine le dossier. La lettre contenait un résumé des faits relatifs à l’incident du 1er août 2007, tirés du rapport reçu de la police. La lettre indiquait au demandeur de consulter la politique sur le Programme d'habilitation de sécurité de Transports Canada et comprenait le lien permettant d’y avoir accès en ligne. La lettre invitait également le demandeur à répondre et à fournir des renseignements complémentaires ou à faire valoir des circonstances atténuantes relativement à cet incident.

 

[5]               Le demandeur a répondu à la lettre, indiquant qu’il ignorait totalement que M. Peralta avait l’intention de dévaliser la banque, qu’il n’y avait participé d’aucune manière et qu’il n’avait jamais reçu un seul sous de l’argent qui avait été dérobé. Il disait regretter d’avoir fait confiance à M. Peralta et soulignait qu’il souhaitait poursuivre sa carrière chez FedEx.

 

[6]               Le demandeur a été informé, dans une lettre datée du 11 avril 2011, que sa demande d’habilitation de sécurité avait été rejetée. La lettre contenait le passage suivant :

[traduction]

 

La présente fait suite à votre demande visant à obtenir une habilitation de sécurité en matière de transport à l’aéroport international Lester B. Pearson et à notre lettre du 25 février 2011 se rapportant à l’examen de votre demande. Veuillez prendre note que le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités a rejeté votre demande sur la foi de l’information au dossier et de la recommandation suivante du comité consultatif :

 

L’Organisme consultatif a recommandé à l’unanimité de rejeter la demande d’habilitation de sécurité. Après un examen approfondi du dossier, y compris le rapport de police décrivant en détail l’incident qui lui a récemment valu d’être inculpé au pénal pour vol qualifié, inculpation qui a été retirée par la suite, l’Organisme consultatif soupçonne qu’il est étroitement associé à une personne qui se livre ou est soupçonnée de se livrer à des actes graves de violence contre les personnes ou les biens. L’Organisme consultatif croit également, en s'appuyant sur les probabilités, qu’il peut être sujet ou poussé à commettre un acte d'intervention illicite visant l'aviation civile ou à aider ou inciter toute autre personne à commettre un tel acte. Les renseignements fournis dans son explication écrite n’étaient pas suffisants pour que l’Organisme consultatif recommande d’accorder une habilitation.

 

 

La norme de contrôle et la question en litige

 

[7]               La seule question que la Cour doit trancher en l’espèce est celle de savoir si le demandeur a été privé de son droit à l’équité procédurale. Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte : voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

[8]               Je conviens avec le défendeur que le demandeur n’a pas été privé de son droit à l’équité procédurale, et la demande doit être rejetée.

 

[9]               C’est d’abord le contexte qui définit la nature de l’obligation d’équité procédurale, comme il est indiqué dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. La Cour a déjà statué dans des causes antérieures, que l’obligation d’équité est faible dans le présent contexte. Lorsque le litige porte sur une simple demande d’autorisation ou de permis faite par une personne qui n'a aucun droit existant à cette autorisation ou à ce permis, les exigences imposées par l’obligation d’agir équitablement sont minimes. Le ministre doit rendre une décision qui n’est pas fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition : voir Motta c Canada (Procureur général), [2000] ACF.no 27, au paragraphe 13.

 

[10]           Dans les cas où une habilitation de sécurité existante est révoquée ou non renouvelée, la norme applicable est légèrement plus rigoureuse, mais elle demeure minimale. Dans Rivet c Canada (Procureur général), 2007 CF 1175, au paragraphe 25, la Cour a statué :

Considérant ces facteurs, je suis d’accord avec le défendeur que l’obligation d’équité procédurale, en l’espèce, est plus que minimale, sans exiger un niveau de protection procédurale élevé (voir, par exemple, DiMartino c. ministre des Transports, 2005 CF 635, [2005] A.C.F. no 876 (C.F.) (QL), au paragraphe 20). Ainsi, les protections procédurales dont bénéficie le demandeur en l’instance se limitent au droit de connaître les faits reprochés contre lui et au droit de faire des représentations à l’égard de ces faits. Ces garanties procédurales ne comprennent pas le droit à une audience.

 

 

[11]           Ainsi, comme le fait observer le défendeur, même si Transports Canada était assujetti à la plus rigoureuse des deux normes d’équité définies dans le présent contexte, il ne fait aucun doute que cette norme a été respectée : le demandeur a été informé des faits qu’on lui reprochait (sa participation au vol de banque) et il a eu l’occasion de formuler des observations à l’égard de ces faits et de la pertinence de lui accorder une habilitation de sécurité.

 

[12]           Le demandeur soutient que cela n’était pas suffisant, que Transports Canada était obligé de l’informer des motifs particuliers pour lesquels l’habilitation de sécurité demandée pourrait lui être refusée. Le demandeur affirme notamment qu’il aurait dû être avisé que le risque de se laisser influencer par d’autres et le fait qu’il ait continué de fréquenter M. Peralta causaient des problèmes.  Un argument similaire a été présenté au juge James Russell dans Russo c Canada (Transports), 2011 CF 764, et il a été rejeté. Le juge Russell a déclaré au paragraphe 56 :

Le demandeur semble laisser entendre qu'il aurait dû être avisé à l'avance des préoccupations en question à l’étape de l'enquête pour être en mesure de réfuter des conclusions qui n'ont été tirées qu'après la tenue de cette enquête et l’examen de l’ensemble des renseignements. Il ne s'agit pas à mon avis d'une question d'équité procédurale. Le demandeur était parfaitement au courant de ce que comportait une vérification de sécurité et les conseillers en sécurité lui ont même dit, lors de son entrevue, qu'il existait des préoccupations au sujet de son casier judiciaire, en plus de lui préciser l'objet du processus. Le demandeur a exposé sans réserve et avec franchise les circonstances entourant sa condamnation pour production d'une substance visée à l'annexe II et sa consommation actuelle de marijuana.

 

 

[13]           De même, dans la présente affaire, Transports Canada avait informé le demandeur qu’il hésitait à lui accorder une habilitation de sécurité au vu de l’incident du 1er août 2007 et lui avait demandé de fournir des renseignements ou des explications pour le convaincre d’accorder l’habilitation. 

 

[14]           Le risque de se laisser influencer et l’association avec d’autres personnes sont l’un et l’autre mentionnés dans la politique de Transports Canada, à défaut de l’être dans la lettre du 25 février 2011.  La lettre invite expressément le demandeur à consulter la politique. Ce que le demandeur cherche à obtenir, en l’espèce, au titre de l’équité procédurale, c’est la possibilité de réfuter les conclusions raisonnables qui sont le fait de sa conduite, ou à y répondre.  Transports Canada ne peut pas être obligé d’indiquer à l’avance, dans le but d’aviser le demandeur de la preuve à réfuter, lequel des facteurs pourrait être jugé déterminant pour l’examen de la demande d’habilitation de sécurité, car ce serait lui imposer une obligation d’équité plus stricte que celle qui s’applique dans le présent contexte, alors que cela n’est pas justifié selon la jurisprudence susmentionnée.  Il suffit que le demandeur soit avisé des divers facteurs, éléments et critères que Transports Canada peut prendre en considération pour prendre sa décision quant à la pertinence de lui accorder une habilitation de sécurité.  En conséquence, la demande doit être rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, et elle est rejetée par les présentes. 

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-787-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            JASON ROBERT EDWARD POULIOT c LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE :                                               Le 23 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary

POUR LE DEMANDEUR

 

Jon Bricker

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chaudhary Law Office

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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