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Date : 20120322

Dossier : IMM-4275-11

Référence : 2012 CF 352

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

QADIR EMAL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le 8 avril 2011, une agente d’immigration (l’agente) du Haut-Commissariat du Canada à Islamabad, au Pakistan, a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur dans la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire. L’agente a fait reposer sa décision sur le défaut du demandeur d’établir son identité et sur le fait qu’elle avait des réserves au sujet de sa crédibilité.

 

[2]               Le demandeur affirme que la décision de l’agente était déraisonnable tant en ce qui concerne la question de l’identité que celle de la crédibilité. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

[3]               Comme j’estime que la décision est bien fondée en ce qui concerne l’identité, il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs invoqués pour contester les conclusions tirées au sujet de la crédibilité. Si le demandeur ne pouvait pas établir son identité selon la prépondérance des probabilités, l’agente n’avait pas l’obligation de poursuivre l’examen de sa demande (Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519, au paragraphe 64).

 

[4]               Le demandeur a affirmé qu’il était un citoyen de l’Afghanistan. Il a en outre allégué ceci : ses parents biologiques ont été tués lors d’un attentat à la bombe alors qu’il était très jeune; il a été élevé par sa famille adoptive même s’il n’a jamais été adopté officiellement, il a quitté l’Afghanistan en compagnie de sa famille adoptive en 1997 par crainte des talibans. La famille adoptive du demandeur est arrivée au Canada à la faveur du Programme de parrainage privé de réfugiés. En 2002, le demandeur s’est rendu en Iran avec son frère biologique, Mahmood. Ils sont tous les deux retournés ensuite au Pakistan, où ils ont présenté une demande de résidence permanente dans le cadre du Programme de parrainage privé. Le frère du demandeur, Mahmood, a toutefois trouvé la mort lors les inondations survenues au Pakistan en 2010. Conjointement avec la Canadian Afghan Women’s Organization, le frère adoptif du demandeur, Eshpoon, a entrepris des démarches de parrainage en vue de faire admettre le demandeur au Canada.

 

[5]               L’agente a reçu le demandeur en entrevue le 9 novembre 2010. Les notes versées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) au sujet de l’entrevue en question font état des réserves exprimées par l’agente au sujet de l’identité du demandeur :

a.       Le demandeur a affirmé que tous les membres de sa famille étaient des Tadjiks alors que les membres de sa famille qui se trouvaient au Canada avaient des noms pachtounes.

b.      Le demandeur n’avait pas signalé dans sa demande que ses parents n’étaient pas ses parents biologiques.

c.       Les membres de la famille du demandeur au Canada n’avaient pas inscrit le nom du demandeur et de Mahmood comme membres de leur famille dans leurs demandes (l’agente ne mentionne que les demandes des parents et des sœurs du demandeur).

d.      Le demandeur n’avait aucune pièce d’identité.

 

 

[6]               L’agente a fait part de ces réserves au demandeur et lui a également fait observer qu’il était bien habillé pour un simple vendeur de marché. Voici ce qu’il a répondu, selon les notes du STIDI :

[traduction]

Il demande : Pourquoi est-ce qu’ils me parraineraient si je n’étais pas leur fils? Le demandeur affirme qu’il aime bien s’habiller. Il explique qu’il cherche à améliorer ses conditions de vie. Le demandeur explique que la police l’a arrêté, mais qu’il leur a versé un pot-de-vin.

 

 

[7]               L’agente a conclu que les réponses du demandeur n’apaisaient pas ses craintes et, dans une lettre datée du 8 avril 2011, elle a rejeté sa demande. La lettre reprend certaines des réserves déjà évoquées au sujet de l’identité du demandeur ainsi que d’autres préoccupations quant à sa crédibilité.

 

Question en litige

[8]               Le demandeur affirme que l’agente a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve présentés pour établir son identité et la composition de sa famille, en particulier le fait que son nom figurait sur la demande de résidence permanente au Canada présentée par son frère Eshpoon.

 

[9]               Il s’agit là d’une formulation correcte de la question précise en litige devant la Cour, mais il convient de la situer dans le contexte plus large de la norme de contrôle applicable pour déterminer si la décision de l’agente était raisonnable.

 

Analyse

[10]           Bien que j’aie des réserves au sujet de certaines des conclusions tirées par l’agente en ce qui concerne la crédibilité, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la décision que l’agente a rendue au sujet de l’identité est raisonnable et qu’il convient donc de rejeter la demande. Le législateur a décidé de faire de l’identité une condition minimale obligatoire à respecter, et il incombe au demandeur de l’établir. Les articles 11 et 16 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) disposent :

 

Visa et documents

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

Cas de la demande parrainée

 

(2) Ils ne peuvent être délivrés à l’étranger dont le répondant ne se conforme pas aux exigences applicables au parrainage.

 

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

If sponsor does not meet requirements

 

(2) The officer may not issue a visa or other document to a foreign national whose sponsor does not meet the sponsorship requirements of this Act.

 

Obligation du demandeur

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

 

Éléments de preuve

 

(2) S’agissant de l’étranger, les éléments de preuve pertinents visent notamment la photographie et la dactyloscopie et il est tenu de se soumettre, sur demande, à une visite médicale.

 

 

 

 

Établissement de l’identité

 

(3) L’agent peut exiger ou obtenir du résident permanent ou de l’étranger qui fait l’objet d’une arrestation, d’une mise en détention, d’un contrôle ou d’une mesure de renvoi tous éléments, dont la photographie et la dactyloscopie, en vue d’établir son identité et vérifier s’il se conforme à la présente loi.

 

Obligation — answer truthfully

 

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

 

Obligation — relevant evidence

 

(2) In the case of a foreign national,

 

(a) the relevant evidence referred to in subsection (1) includes photographic and fingerprint evidence; and

 

(b) the foreign national must submit to a medical examination on request.

 

Evidence relating to identity

 

(3) An officer may require or obtain from a permanent resident or a foreign national who is arrested, detained or subject to a removal order, any evidence — photographic, fingerprint or otherwise — that may be used to establish their identity or compliance with this Act.

 

 

[11]           Je passe maintenant aux trois moyens précis invoqués pour contester les conclusions tirées au sujet de l’établissement de l’identité.

 

[12]           L’agente a fait observer que le demandeur n’avait produit aucune pièce d’identité et a conclu qu’il n’était pas vraisemblable qu’il n’ait aucun document après avoir vécu au Pakistan pendant de nombreuses années et transité par l’Iran. Il était par ailleurs loisible à l’agente de rejeter l’explication offerte par le demandeur lorsqu’elle l’a interrogé sur ce point et qu’il a affirmé qu’il versait des pots-de-vin aux policiers lorsqu’on lui demandait ses papiers. Il était raisonnablement loisible à l’agente de tirer cette conclusion étant donné qu’elle peut tirer des conclusions d’invraisemblance fondées sur la logique et le bon sens.

 

[13]           Deuxièmement, le demandeur affirme que l’agente avait effectivement en main des éléments de preuve portant sur son identité, en l’occurrence, sa demande, la lettre d’appui de l’Afghan Women’s Organization et la demande de son frère Eshpoon qui confirmait son identité. À mon avis, l’existence de ces documents ne rend pas pour autant la conclusion de l’agente déraisonnable. Il était raisonnable de la part de l’agente de s’attendre à ce que, compte tenu des déplacements du demandeur entre l’Afghanistan et le Pakistan, puis de l’Iran au Pakistan, il ait obtenu à un moment ou à un autre des pièces d’identité. La conclusion que l’agente a tirée sur le fondement du défaut du demandeur d’établir son identité était donc raisonnable et rien ne justifie l’intervention de la Cour (Alakozai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 266, au paragraphe 26). De plus, le fait que ses parents et ses sœurs ne l’ont pas inscrit en tant que fils ou frère dans leurs demandes respectives a à juste titre joué un rôle dans la décision de l’agente. Il faut se rappeler qu’il incombe au demandeur d’établir son identité.

 

[14]           Troisièmement, le demandeur conteste la lettre de décision dans laquelle l’agente affirme avoir examiné les demandes dont il est fait état au registre du Haut-Commissariat et qui concernent [traduction] « les personnes que vous affirmez être vos parents et vos sœurs; or, votre nom n’apparaît nulle part dans ces documents ». Le demandeur affirme que cette affirmation ne valait que pour ses parents et sœurs adoptifs; son frère Eshpoon avait effectivement inscrit son nom dans sa demande. Comme l’agente avait en mains toutes les demandes, y compris celle d’Eshpoon, il ne lui était pas loisible de ne citer que les demandes qui confirmaient sa conclusion et d’ignorer celles qui la contredisaient.

 

[15]           Je conviens avec le demandeur que l’agente a commis une erreur en ne tenant compte que des quatre demandes qui ne mentionnaient pas son nom et en écartant celle dans laquelle son nom était indiqué. Toutefois, compte tenu de la conclusion raisonnable que l’agente a tirée en estimant que le demandeur n’avait pas expliqué de façon crédible son absence totale de pièces d’identité, sa décision peut être confirmée sur le fondement de cette seule conclusion, de sorte que l’erreur commise au sujet de la demande d’Eshpoon n’a aucune incidence sur le résultat.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE par les présentes la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-4275-11

 

INTITULÉ :                                                  QADIR EMAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 16 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 22 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

POUR LE DEMANDEUR

 

Tessa Kroeker

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associés
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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