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Date : 20120305


Dossier : IMM‑4491‑11

Référence : 2012 CF 289

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 mars 2012

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

KUN YOUNG ALEX KIM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle un agent d’immigration a refusé, le 5 juillet 2011, d’exempter le demandeur de présenter un passeport étranger valide à l’appui de sa demande de visa de résident permanent au Canada. Pour les motifs qui suivent, j’ai rejeté la présente demande.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen adulte de la République de Corée (Corée du Sud). Il est entré au Canada au moyen d’un visa de résident temporaire afin de faire ici des études universitaires. Il a fait ses études et obtenu un diplôme. Son visa a expiré. Il est resté au Canada jusqu’à aujourd’hui. Pendant son séjour au Canada, il a rencontré une Canadienne; il vit avec elle et ils ont eu deux enfants ensemble. Nul ne conteste le fait qu’ils entretiennent ce qui peut être considéré comme étant une union de fait, question que j’examinerai plus loin dans les présents motifs.

 

[3]               Le demandeur a présenté une demande de visa de résident permanent afin de pouvoir demeurer au Canada. L’alinéa 50(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR) prévoit qu’un tel demandeur doit détenir un passeport qui lui a été délivré par le pays dont il est citoyen. En l’espèce, le demandeur est titulaire d’un passeport de la Corée du Sud, mais celui‑ci est périmé. La preuve indique que pour qu’il puisse renouveler son passeport, il doit retourner en Corée du Sud. La preuve indique aussi que s’il retournait en Corée du Sud, il serait immédiatement tenu de s’enrôler dans les forces armées et d’y faire deux années de service militaire. Étant donné que sa famille de fait est au Canada et qu’il a un bon emploi au Canada, le demandeur n’est pas prêt à retourner en Corée du Sud par crainte d’être obligé de faire deux années de service militaire.

 

[4]               En ce qui concerne le Règlement (le RIPR), l’article 124 définit comme suit l’époux ou le conjoint de fait :

 

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common‑law partner in Canada class if they

 

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 

 

[5]               Par conséquent, pour faire partie de la catégorie des conjoints de fait au sens du RIPR, une personne doit, entre autres choses, détenir le statut de résident temporaire au Canada. Le statut de résident temporaire du demandeur a expiré.

 

[6]               L’alinéa 52(1)a) du RIPR exige que la personne qui demande un visa de résident temporaire détienne un passeport étranger qui est valide pour la période de séjour autorisée :

 

52. (1) En plus de remplir les autres exigences réglementaires, l’étranger qui cherche à devenir résident temporaire doit détenir l’un des documents suivants, valide pour la période de séjour autorisée :

 

a) un passeport qui lui a été délivré par le pays dont il est citoyen ou ressortissant, qui ne lui interdit pas de voyager au Canada et grâce auquel il peut entrer dans le pays de délivrance;

 

52. (1) In addition to the other requirements of these Regulations, a foreign national seeking to become a temporary resident must hold one of the following documents that is valid for the period authorized for their stay:

 

(a) a passport that was issued by the country of which the foreign national is a citizen or national, that does not prohibit travel to Canada and that the foreign national may use to enter the country of issue;

 

 

[7]               Le demandeur ne détient pas de passeport valide de la Corée du Sud, seulement un passeport périmé.

 

[8]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a publié des lignes directrices, intitulées IP 8, qui renferment un énoncé selon lequel le ministre « peut » juger qu’un passeport périmé « est approprié ». La note qui suit figure dans la section intitulée « Personne sans statut » :

 

NOTA : Si le demandeur n’a pas acquis un passeport ou un titre de voyage valide au moment de l’octroi du droit de résidence permanente, il peut être jugé interdit de territoire au Canada. Les personnes dont le cas est examiné aux termes de la présente politique d’intérêt public ne peuvent pas bénéficier d’une dispense de passeport. Les personnes qui demandent cette dispense doivent présenter leur demande dans le cadre du volet CH habituel.

 

En règle générale, CIC ne devrait accepter que les passeports valides et non périmés pour les besoins de l’octroi de la résidence permanente au titre de R72. Cela dit, l’utilisation d’un passeport qui est arrivé à expiration au cours du traitement de la demande peut être appropriée pour répondre aux exigences de R72 lorsque l’identité a été établie avec certitude.

 

[9]               En l’espèce, le demandeur a retenu les services d’avocats qui ont communiqué avec Citoyenneté et Immigration Canada. Dans une lettre datée du 12 janvier 2009, un représentant du ministère a écrit aux avocats du demandeur pour leur indiquer que, au lieu d’un passeport valide, il serait prêt à accepter un [traduction] « titre de voyage pour aller simple délivré par les autorités de la Corée du Sud ».

 

[10]           Dans une lettre datée du 1er mai 2007, le consulat confirme que le demandeur n’a pas fait son service militaire, qu’il devrait retourner en Corée du Sud et qu’il ne pouvait obtenir un passeport qu’après avoir terminé ses deux années de service militaire.

 

[11]           Dans une déclaration solennelle faite le 13 janvier 2009, un étudiant en stage au cabinet des avocats du demandeur affirme qu’il s’est entretenu avec un employé du consulat de la Corée du Sud à Vancouver et a appris que pour obtenir le « titre de voyage », le demandeur (qui vit à Edmonton) devrait se présenter au consulat à Vancouver et fournir, entre autres, [traduction] « une copie de l’itinéraire de vol du demandeur, comprenant un vol direct de Vancouver vers la [Corée du Sud] ».

 

[12]           Par conséquent, il semble que le demandeur pourrait se rendre à Vancouver, présenter au consulat de la Corée du Sud un billet pour aller simple vers la Corée du Sud, obtenir un « titre de voyage » qui serait satisfaisant aux yeux des autorités canadiennes et ne jamais vraiment se rendre en Corée du Sud. Donc, pour le coût d’un aller simple et de quelques jours à Vancouver, le demandeur aurait pu obtenir un document qui serait accepté par les autorités canadiennes.

 

[13]           Toutefois, le demandeur semble ne pas le voir de cette façon. Ses avocats ont écrit aux autorités canadiennes le 19 janvier 2009 et ont notamment déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

Je joins des imprimés du site Expedia.ca qui indiquent les coûts que représente l’achat du genre de billet d’avion dont notre client aurait besoin. (Veuillez noter que notre recherche montre que le billet pour un aller simple direct s’élève à environ 2 500,00 $ CAN). Ce montant s’ajouterait aux coûts du séjour à Vancouver et à toute perte de salaire éventuelle qu’il pourrait subir. J’espère que vous conviendrez que ce qui s’élèverait à une dépense de près de 3 000 $ est un coût démesurément élevé dans les circonstances (bien que cela serait encore préférable à une séparation obligatoire de 24 mois d’avec sa famille, qui est sa seule alternative si vous décidez qu’il doit fournir un titre de voyage de la Corée afin d’obtenir le droit d’établissement).

 

À la lumière de ces renseignements sur le coût élevé que pourrait représenter cette démarche pour notre client, qui est le seul salarié de son ménage et pour qui les exigences du consulat coréen seraient très onéreuses dans une telle situation, je vous demande de commenter sur votre exigence selon laquelle M. Kim doit obtenir un titre de voyage pour un aller simple et peut‑être lui offrir d’autres options. Veuillez noter que, si nécessaire, nous sommes prêts à présenter des observations au sujet d’une dispense de l’exigence relative au passeport (R50/R72) conformément à la section 5.15 du Guide IP 8 du CIC.

 

 

[14]           Les parties ont échangé d’autres lettres, mais il semble que les autorités canadiennes n’aient pas répondu à la demande de fournir d’autres solutions.

 

[15]           Dans la décision faisant l’objet du contrôle, qui est reproduite dans une lettre envoyée par Citoyenneté et Immigration Canada au demandeur, au soin de ses avocats, le demandeur a été informé que sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait a été rejetée. L’agent n’était pas prêt à renoncer à l’exigence relative au passeport ou au titre de voyage valide, ou à accepter un passeport périmé. Les notes versées au dossier précisent que l’agent n’était pas convaincu [traduction] « que [le demandeur] n’était pas en mesure d’obtenir un passeport ou un titre de voyage valide, seulement qu’il a choisi de ne pas satisfaire aux exigences de son gouvernement pour en obtenir un ».

 

[16]           Je conclus que la décision est raisonnable. Il est très difficile de comprendre pourquoi le demandeur, qui craignait que son retour en Corée du Sud se traduise par deux années de service militaire, n’a pas saisi l’occasion d’acheter un billet pour un aller simple en Corée du Sud, de ne jamais l’utiliser et de passer quelques jours à Vancouver pour traiter avec le consulat. Sa décision a eu comme conséquence d’entraîner la Cour, ses avocats et les avocats du ministère dans une futile demande de contrôle judiciaire.

 

[17]           Le demandeur soutient qu’il suffit à la personne qui demande un visa de résidence permanente (article 50 du RIPR) de produire un passeport, contrairement au demandeur de visa de résidence temporaire (article 52 du RIPR) qui doit produire un visa valide. Cette prétention ne tient pas compte de l’article 124 du RIPR, qui traite des demandes de conjoints de fait (telle que la présente demande) et exige que le demandeur détienne un statut de résident temporaire au Canada (statut qu’il n’a pas). Le ministre a généreusement offert une solution de rechange, soit un « titre de voyage » qui aurait pu être facilement obtenu à un coût modeste en temps et en argent. Le demandeur a laissé filer cette chance.

 

[18]           L’avocat du demandeur a demandé que je certifie la question suivante :

[traduction]

Une personne qui présente une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada a‑t‑elle besoin d’un passeport valide pour obtenir le statut de résident permanent?

 

[19]           L’avocat du demandeur et celui du défendeur ont tous deux écrit des lettres à la Cour, le demandeur à l’appui de la question à certifier et le défendeur s’y opposant. Je suis d’accord avec le défendeur. Les faits de l’espèce ne justifient pas la certification d’une question. Les faits en l’espèce n’ont pas trait à la question de savoir si un passeport valide est nécessaire; la question est de savoir si le ministre, qui a renoncé à l’exigence du passeport valide, a agi de manière raisonnable à l’égard de la question du titre de voyage et du refus ou du défaut du demandeur d’en produire un. À cet égard, l’affaire ressemble fort à celle de la décision Rakheja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 633, dans laquelle la Cour en est arrivée au même résultat que celui auquel j’arrive en l’espèce. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS,

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée;

 

2.                  Aucune question n’est certifiée;

 

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4491-11

 

INTITULÉ :                                       KUN YOUNG ALEX KIM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Hugues

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 5 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Modupe Oluyomi

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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