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Date: 20120301

Dossier : IMM-3766-11

Référence : 2012 CF 283

Montréal (Québec), le 1er mars 2012

En présence de madame la juge Bédard

 

ENTRE :

 

MAROUANE EL YAHYAOUI

 

 

partie demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) qui a refusé de traiter la demande de rétablissement de statut de résident temporaire du demandeur parce qu’elle a été déposée à l’extérieur du délai de 90 jours prévu à l’article 182 du Règlement sur l’immigration et de la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

[3]               Le demandeur avait un permis de résident temporaire valide jusqu’au 30 septembre 2010. L’article 182 du Règlement prévoit qu’un visiteur peut faire une demande de rétablissement de son statut de résident temporaire dans les 90 jours suivant la perte de son statut. Ce délai est un délai de rigueur (Nzegwu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 107 (Can LII). Le bulletin opérationnel 195 de CIC prévoit que les demandes de permis de travail doivent être présentées au Centre de traitement des demandes de Vegreville, mais que dans certaines situations d’urgence identifiées, les demandes de permis de travail peuvent aussi être envoyées à un bureau local de CIC.

 

[4]               L’article 13 du Règlement prévoit les modes de production des documents qui peuvent être utilisés aux fins de production de documents requis par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 ch 27 ou par le Règlement :

 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la production de tout document requis par la Loi ou le présent règlement s’effectue selon l’une des méthodes suivantes :

 

     a) la production de l’original;

*    b) la production d’un double certifié conforme;

*    c) dans le cas d’une demande qui peut être produite sur un formulaire reproduit à partir du site Web du ministère, la production du formulaire rempli, ou l’envoi de celui-ci directement sur le site Web du ministère s’il y est indiqué que le formulaire peut être rempli en ligne.

*    Exception

 

(2) Sauf disposition contraire du présent règlement, les passeports, visas de résident permanent, cartes de résident permanent, visas de résident temporaire, permis de séjour temporaire, permis de travail et permis d’études ne peuvent être produits autrement que par présentation de l’original.

*     (1) Subject to subsection (2), a requirement of the Act or these Regulations to produce a document is met

 

 

*     (a) by producing the original document;

*     (b) by producing a certified copy of the original document; or

*     (c) in the case of an application, if there is an application form on the Department's website, by completing and producing the form printed from the website or by completing and submitting the form on-line, if the website indicates that the form can be submitted on-line.

*                 Exception

 

(2) Unless these Regulations provide otherwise, a passport, a permanent resident visa, a permanent resident card, a temporary resident visa, a temporary resident permit, a work permit or a study permit may be produced only by producing the original document.

 

[5]               Le site Web de CIC contient un guide qui décrit comment les demandes de modifications et de prolongation de séjour au Canada peuvent être faites. Le guide fournit les renseignements nécessaires au dépôt d’une demande de rétablissement de statut et précise comment et à quel endroit les demandes de rétablissement peuvent être déposées. À l’époque pertinente au présent dossier, le guide prévoyait qu’une demande de rétablissement de statut pouvait être acheminée par la poste, au Centre de traitement des demandes de Vegreville, en Alberta, à l’adresse indiquée dans le guide, ou électroniquement, par un demandeur non représenté. Il est à noter qu’à cette époque, CIC ne permettait pas à des représentants d’avoir accès au compte en ligne d’un client. C’est donc dire qu’une personne qui n’était pas représentée pouvait faire une demande électronique, alors qu’une personne qui était représentée ne pouvait se prévaloir de ce mode d’envoi et devait acheminer sa demande par la poste. Cette situation a été corrigée depuis.

 

[6]               Le délai de 90 jours pour présenter la demande de rétablissement du demandeur expirait le 29 décembre 2010. Le demandeur était représenté par Me Hugues Langlais. Le dossier du demandeur a été préparé par Me Langlais et il a été complété le 23 décembre 2010, lorsque le demandeur lui a remis les frais exigés par CIC pour traiter une demande de rétablissement. Le bureau de Me Langlais était fermé pour la période des fêtes du 24 décembre au 28 décembre 2010 inclusivement.

 

[7]               Le 29 décembre 2010, l’adjointe du Me Langlais a fait parvenir la demande de rétablissement du demandeur au Centre de traitement de CIC à Vegreville, et ce, par télécopieur à l’attention d’une gestionnaire du bureau. Il est admis que la demande de rétablissement du demandeur n’aurait pas pu être déposée dans un bureau local de CIC parce qu’elle ne correspondait pas aux paramètres prévus au bulletin opérationnel 195. Me Langlais a fait parvenir la demande par télécopieur parce qu’il savait qu’il s’agissait de la dernière journée pour déposer la demande à l’intérieur du délai de 90 jours et que l’original de la demande, qu’il a envoyé à cette même date par Poste express, ne serait pas reçu la même journée au Centre de traitement de Vegreville. CIC a refusé de considérer la demande de rétablissement reçue par télécopieur et a jugé que la demande reçue par la poste le 30 décembre 2010 avait été déposée à l’extérieur du délai de 90 jours prévu à l’article 182 du Règlement. Le demande de rétablissement de statut du demandeur a donc été refusée.

 

[8]               Le demandeur formule deux principaux reproches à l’égard de la décision de CIC.

 

[9]               Il soutient, dans un premier temps, que la politique administrative de CIC qui était en vigueur à l’époque et qui empêchait un demandeur représenté de soumettre une demande par voie électronique était inéquitable, déraisonnable et violait les règles de justice naturelle parce qu’elle désavantageait les demandeurs qui choisissaient de se faire représenter dans leurs démarches auprès de CIC. Ainsi, la demande de rétablissement d’un demandeur non représenté pouvait être envoyée par la voie électronique à minuit moins une de l’échéance du délai de prescription, alors que la demande d’un demandeur représenté devait être postée dans un délai suffisant pour permettre à la demande de parvenir au Centre de traitement de Vegreville avant l’expiration du délai de 90 jours.

 

[10]            Dans un deuxième temps, le demandeur soutient que, compte tenu de l’urgence de la situation, son procureur n’avait aucun autre moyen pour faire parvenir sa demande dans les délais que de l’acheminer par télécopieur. Il était donc déraisonnable pour CIC de ne pas accepter le dépôt par télécopieur.

 

[11]           Les arguments du demandeur ne peuvent réussir et j’estime que la décision de CIC de refuser le dépôt de la demande de rétablissement du demandeur ne comporte aucune erreur susceptible de révision.

 

[12]           Je reconnais que la politique de CIC en vigueur à l’époque était désavantageuse pour les clients qui choisissaient de se faire représenter dans le cadre d’une demande de permis de séjour temporaire ou de rétablissement de statut et c’est probablement la raison pour laquelle CIC a depuis changé sa politique. Je considère par ailleurs que cette politique n’empêchait pas un demandeur de se faire représenter dans le cadre de ses démarches, mais elle lui imposait d’agir avec une certaine célérité en tenant compte des délais d’envoi postaux. En ce sens, je ne partage pas l’avis du demandeur que la politique administrative avait pour effet de violer les règles de justice naturelle.

 

[13]           De plus, la demande de contrôle judiciaire dans le présent dossier attaque la décision de CIC de refuser de recevoir la demande de rétablissement du demandeur qui a été acheminée par télécopieur et elle ne vise pas à faire annuler la politique administrative en vigueur à l’époque. Je considère donc qu’il n’y a pas lieu que la Cour se prononce sur la légalité de cette politique administrative.

 

[14]           Le demandeur invoque toutefois comme second argument que CIC aurait dû, dans son dossier, passer outre à l’application de la politique administrative et permettre le dépôt de sa demande par télécopieur. Le demandeur reconnaît que sa demande qui a été envoyée par la poste a été reçue par CIC après l’expiration du délai de 90 jours et que sa demande envoyée par télécopieur ne respectait pas la politique administrative de CIC. Cette politique est clairement énoncée dans le guide préparé à l’intention des demandeurs et présenté dans le site Web de CIC. Le demandeur soutient toutefois que compte tenu de la situation d’urgence dans laquelle il se retrouvait, il était déraisonnable que CIC n’accepte pas le dépôt par télécopieur.

 

[15]           Avec égard, je ne partage pas cet avis. Le demandeur disposait d’un délai de 90 jours pour faire sa demande et outre le paiement des droits exigés par CIC, son dossier était prêt le 9 décembre 2010. Or, il a attendu jusqu’au 23 décembre 2010 avant de remettre à son avocat le montant nécessaire pour acquitter les frais exigés par CIC. Je ne considère par que le demandeur a agi avec diligence. De plus, je comprends que le bureau de Me Langlais était fermé du 24 décembre 2010 au 28 décembre, mais il est regrettable que Me Langlais n’ait pas pris des dispositions nécessaires pour que la demande de rétablissement du demandeur soit mise à la poste le 23 décembre 2010 ou à tout le moins avant le 29 décembre 2010. Je considère donc que les raisons pour lesquelles la demande du demandeur n’a pas été envoyée avant le 29 décembre 2010 ne sont pas des raisons qui peuvent être qualifiées de « situation d’urgence » et que « l’urgence » alléguée n’a pas été occasionnée par des événements qui étaient hors du contrôle du demandeur et/ou de son avocat.

 

[16]           De plus, il appartient à CIC, dans le respect des dispositions législatives et règlementaires, de décider des modalités administratives relatives au dépôt de documents, et il n’était pas déraisonnable de décider que des demandes de rétablissement de statut ne pouvaient pas être envoyées par télécopieur. Au surplus, le dépôt d’une demande de rétablissement par télécopieur n’aurait pas respecté les exigences de l’article 13 du Règlement puisqu’un document envoyé par télécopieur n’est pas un document original.

 

[17]           Pour tous ces motifs, je considère qu’il n’y a donc pas lieu que la Cour intervienne. 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et ce dossier ne contient aucune question à certifier.

 

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3766-11

 

INTITULÉ :                                       MAROUANE EL YAHYAOUI  et  MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 29 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      le 1er mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hugues Langlais

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Ian Demers

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hugues Langlais

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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