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Date : 20120229


Dossier : IMM-4489-11

Référence : 2012 CF 276

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 29 février 2012

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

 

RICARDO LUNA RIOS, ROSA ZAMUDIO DEMERUTIS, et MARTHA LUNA ZAMUDIO et FERNANDA LUNA ZAMUDIO représentées par leur tuteur à l'instance RICARDO LUNA RIOS

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d'une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire de la décision du 1er juin 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n'avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention et de l'article 96 de la Loi, ni celle de personnes à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi. Cette conclusion était fondée sur des réserves de la Commission concernant leur crédibilité et, outre ces réserves, sur sa conclusion selon laquelle les demandeurs pouvaient se prévaloir d'une protection adéquate de l'État au Mexique.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent l'annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l'affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

Contexte

 

[3]               Le demandeur principal est Ricardo Mauricio Alejandro Luna Rios. Les autres demandeurs sont parents avec lui : Rosa Martha Zamudio Demerutis est son épouse; Martha Alejandra Luna Zamudio, sa fille mineure; Fernanda Gabriela Luna Zamudio, sa fille mineure. Tous les demandeurs sont des citoyens du Mexique.

 

[4]               Les demandeurs sont venus en visite au Canada en 2005 pour aider la sœur de l'épouse du demandeur principal qui vivait une grossesse difficile. À ce moment-là, le demandeur principal a travaillé illégalement au Canada. Toutefois, comme les parents n'étaient pas en mesure d'inscrire leurs filles à l'école, la famille est retournée au Mexique en 2006.

 

[5]               En 2007, le demandeur principal a commencé à travailler comme directeur d'une importante station‑service dans la ville de Mexico. Bien que la station‑service ait été la propriété de Corpo Gas, le demandeur principal a été engagé et employé par Proselic. Les mêmes personnes sont propriétaires de Corpo Gas et de Proselic. En vertu d'un contrat, Proselic fournit des employés, comme le demandeur principal, pour travailler aux stations‑service de Corpo Gas. Corpo Gas est propriétaire de plusieurs stations‑service dans la ville de Mexico.

 

[6]               La station‑service que gérait le demandeur principal comptait 16 pompes, 50 employés et plusieurs postes de travail. La station‑service vendait chaque jour de l'essence totalisant environ 50 000 $ canadiens (600 000 pesos mexicains) et la plupart des ventes étaient réglées au comptant. Le coffre-fort principal était situé au rez-de-chaussée de la station-service. Un petit coffre-fort se trouvait également dans le bureau du demandeur principal. La station‑service faisait l'objet d'importantes mesures de sécurité, y compris la vidéosurveillance. Deux fois par jour, la banque envoyait des véhicules blindés pour recueillir l'argent du coffre‑fort principal.

 

[7]               Au cours de l'emploi du demandeur principal à titre de directeur de la station‑service, il a renvoyé environ 15 employés pour diverses raisons, dont le vol. Plusieurs employés renvoyés étaient en colère lors de leur renvoi et l'un d'entre eux a également menacé le demandeur principal.

 

[8]               En 2009, le demandeur principal a commencé à avoir des problèmes. Premièrement, à la mi-avril, deux hommes se sont présentés à la station‑service pour demander du travail. Contrairement à d'autres candidats, ces hommes étaient bien habillés et ont posé plusieurs questions sur les activités d'exploitation. Plus tard, le 15 mai 2009, une personne s'identifiant comme le commandant et qui avait un accent du nord du Mexique a téléphoné au demandeur principal. La personne qui appelait a indiqué au demandeur principal qu'il avait vu la famille de celui-ci à l'épicerie. Au cours des jours qui ont suivi, le demandeur principal a reçu plusieurs appels téléphoniques anonymes à l'occasion desquels la personne qui téléphonait raccrochait sans prononcer un mot.

 

[9]               Le 22 mai 2009, le demandeur principal a reçu un appel sur sa ligne directe au bureau dont le numéro était confidentiel. La personne qui appelait avait un accent du nord du Mexique et a indiqué qu'elle téléphonait au nom du commandant. L'interlocuteur a exigé une somme d'un million de pesos (une valeur d'environ 95 000 $ à ce moment‑là) et a prévenu le demandeur principal que s'il ne payait pas, que s'il se cachait ou sollicitait l'aide de la police, on le retrouverait et que quelque chose de mal arriverait. L'interlocuteur a dit au demandeur principal de prendre les fonds à même les ventes quotidiennes. Le lendemain, le demandeur principal s'est adressé à Arturo Sosa, un des vérificateurs de l’entreprise (plus tard décrit comme un superviseur lors de l'audience), et il lui a demandé, sans fournir de détails, ce qu'il devait faire en cas de menaces proférées contre lui si de l'argent lui était demandé. Le vérificateur lui a indiqué que dans un tel cas, il devait s'adresser à la police.

 

[10]           Le 25 mai 2009, un voisin a avisé l'épouse du demandeur principal qu'un étranger avait demandé où demeurait la famille. Comme l'étranger avait décrit la famille avec exactitude et déclaré qu'il était un ami de la famille, le voisin lui a indiqué où vivaient les demandeurs. Le même jour, le demandeur principal a reçu un appel téléphonique d'un interlocuteur qui lui a posé des questions à propos de ses filles à l'école. L'interlocuteur a également rappelé au demandeur principal la demande d'argent. Apeurés, le demandeur principal et son épouse ont retiré leurs filles de l'école.

 

[11]           Le 28 mai 2009, le demandeur principal a reçu un autre appel téléphonique au travail. L'interlocuteur lui a indiqué de préparer l'argent pour le 1er juin 2009. Le demandeur principal lui a répondu qu'il serait à l'extérieur ce jour‑là pour une vérification des stocks et que réunir l'argent lui prendrait un certain temps. Plus tard ce jour-là, le demandeur principal a signalé tous les événements qui s'étaient produits à la police. Après une entrevue de 30 à 45 minutes, la police a informé le demandeur principal qu'elle n'était pas en mesure de faire quoi que ce soit parce qu'il n'y avait pas de preuve. La police a également refusé la demande du demandeur principal de retracer les appels téléphoniques qu'il avait reçus.

 

[12]           Craignant les menaces proférées, l'épouse du demandeur principal et les enfants sont allées vivre dans la famille de l'épouse. Le couple a également discuté des différentes possibilités de quitter le Mexique. La sœur de l'épouse qui vivait au Canada a accepté de prêter de l'argent à la famille pour acheter des billets pour le Canada lorsqu'on le lui demanderait. La première date possible pour voyager était le 28 juin 2009 en raison de la crise de grippe porcine qui sévissait et qui avait limité le nombre de vols aériens. Les demandeurs ont fait leurs réservations d’avion le 30 mai et ont payé les billets le lendemain.

 

[13]           Le 6 juin 2009, le demandeur principal a présenté sa démission. Il a continué à travailler jusqu'au 15 juin afin de permettre à l’entreprise de trouver et de former un remplaçant et d'effectuer une procédure de vérification sur l'état de la station‑service. Le demandeur principal a également continué à travailler pour gagner de l'argent supplémentaire afin de payer les dépenses de sa famille.

 

[14]           Le 11 juin 2009, un remplaçant a été trouvé pour le poste du demandeur principal. Ce soir-là, le demandeur principal a reçu un autre appel téléphonique d'une personne qui s'est identifiée comme étant le commandant. L'interlocuteur a demandé si l'argent était disponible ainsi que le nom du remplaçant du demandeur principal. Ce dernier a répondu qu'il n'avait pas l'argent et il n'a donné à l'interlocuteur aucun renseignement sur son remplaçant.

 

[15]           Le 20 juin 2009, le demandeur principal a reçu un autre appel téléphonique d'une personne s'identifiant comme étant le commandant. L'interlocuteur a indiqué qu'il savait où vivait la famille du demandeur principal et a exigé de savoir quand l'argent serait disponible. Le demandeur principal a raccroché sans répondre.

 

[16]           Le 22 juin 2009, le demandeur principal a reçu un autre appel téléphonique. L'interlocuteur a déclaré qu'il savait que la famille du demandeur principal vivait chez des parents et a menacé de les retrouver.

 

[17]           Le 28 juin 2009, les demandeurs ont quitté le Mexique et sont arrivés au Canada.

 

[18]           Les demandeurs ont présenté une demande d'asile depuis le Canada le 2 juillet 2009. Ces demandes étaient fondées sur leur crainte d'être persécutés en raison de leur appartenance à un groupe social, à savoir les personnes ciblées en raison de leur emploi particulier et de l'accès à d'importantes sommes d'argent. Ils ont également présenté une demande de protection fondée sur l'article 97 de la Loi en qualité de personnes exposées à une menace particulière à leur vie et que le gouvernement mexicain n'était pas en mesure de protéger.

 

[19]           Les Formulaires de renseignements personnels (FRP) originaux des demandeurs, datés du 3 août 2009, étaient incomplets car ils avaient été rédigés sans l’aide d'un avocat ni le recours à un interprète. Des FRP modifiés, rédigés avec l'aide d'un avocat, ont été déposés le 9 octobre 2009. Une autre modification mineure a également été apportée le 4 mai 2011.

 

[20]           Les demandes d'asile des demandeurs ont été instruites le 11 mai 2011.

 

Décision de la Commission

 

[21]           La Commission a rendu sa décision le 1er juin 2011.

 

[22]           La Commission a tout d'abord résumé les allégations des demandeurs. Ensuite, elle a conclu que l'identité des demandeurs en qualité de citoyens mexicains était établie compte tenu de la preuve dont elle disposait.

 

[23]           La Commission a conclu qu'il n'y avait aucun lien avec l'article 96 de la Loi, car la crainte du demandeur principal était fondée sur la criminalité, ce qui ne relève pas des motifs prévus dans la Convention.

 

[24]           Se livrant ensuite à l'analyse fondée sur l'article 97, la Commission a conclu que la question déterminante à trancher concernait la crédibilité. Selon la Commission, bien que l'échéance du 1er juin 2009 pour le paiement de la somme demandée fût dépassée sans qu’aucun paiement n’ait été effectué, le gang chargé d'extorsion n'a jamais rendu visite aux demandeurs au travail, à la maison ou à l'école. De plus, aucun parent des demandeurs n'a été importuné par le gang qui serait à la recherche des demandeurs. Ainsi, la Commission n'a pas cru, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur principal avait été ciblé pour extorsion.

 

[25]           La Commission a souligné que malgré les menaces proférées en mai 2009 et le dépassement de l'échéance du 1er juin 2009, le demandeur principal a volontairement reporté son départ de l’entreprise pour former son remplaçant afin de respecter les politiques de l’entreprise à la suite de sa démission. La Commission a conclu que ce délai de deux semaines indiquait une absence de crainte étrange, voire fatale. Par conséquent, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur principal n'était pas la cible d'extorsion.

 

[26]           La Commission a également indiqué que le demandeur principal n'avait pas discuté de son problème avec ses supérieurs hiérarchiques, même si l'extorsion et les vols devaient être des événements courants pour les directeurs de stations-service qui avaient la responsabilité d'importantes sommes d'argent provenant des ventes. De plus, à la connaissance du demandeur principal, son remplaçant n'avait pas fait l'objet de tentative d'extorsion. En outre, le « gang » (interlocuteurs téléphoniques) n'a pas affronté le demandeur après le dépassement de l'échéance du 1er juin 2009. La Commission s'est également demandé pourquoi le gang ne s'est pas présenté directement au bureau du demandeur principal pour exiger les ventes de la journée ou l'argent qui se trouvait dans le coffre-fort de son bureau. Enfin, la Commission s'est demandé pourquoi le gang a continué à faire des appels de menaces après que le demandeur principal eut quitté son emploi et n'avait plus accès à l'argent comptant provenant des ventes d'essence.

 

[27]           Se fondant sur ces observations, la Commission n’a pas cru, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur principal était la cible d’une tentative d’extorsion par un gang ou l’avait été.

 

[28]           La Commission a conclu que la protection de l'État constituait une autre question déterminante à trancher. Elle a souligné que le demandeur principal n'avait pas réfuté la présomption de protection de l'État au moyen d’une preuve claire et convaincante. Il est vrai qu’il s'était rendu au poste de police local, mais la police n'a pas accepté sa plainte en raison de l'absence de preuve à l'appui de ses allégations. De plus, la Commission a conclu que l'explication qu’a fournie le demandeur principal pour ne pas avoir parlé de l'extorsion avec les supérieurs hiérarchiques n'était pas crédible. En effet, l’entreprise devait savoir que l'extorsion était un problème courant parmi les directeurs de stations‑service puisqu'ils avaient en main d'importantes sommes d'argent provenant des ventes quotidiennes.

 

[29]           En outre, compte tenu de ses deux années d'expérience à titre de directeur de station‑service et de ses six années d'expérience à titre de vérificateur et de comptable, la Commission a jugé qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que le demandeur principal connaisse les mécanismes de protection à sa disposition au Mexique, dont la Commission des droits de la personne à Mexico et d'autres organismes spécialisés de l'application de la loi. Ainsi, la Commission a conclu que la crainte du demandeur principal à l’égard de la criminalité ne traduisait pas l'incapacité ni l’absence de volonté de l'État d’assurer une protection adéquate au demandeur principal et aux membres de sa famille.

 

[30]           La Commission a ensuite énuméré divers principes dégagés de la jurisprudence en matière d’asile. Elle a indiqué que le Mexique était une démocratie qui fonctionne et qui possède l'appareil étatique nécessaire pour fournir une protection adéquate à ses citoyens. La Commission s’est appuyée sur un élément de preuve documentaire pour conclure que le Mexique possède un service de police, des forces de sécurité et un système judiciaire qui fonctionnent. La preuve indiquait également que le Mexique est doté de plusieurs organismes pour aider les citoyens à se prévaloir de la protection de l'État pour lutter contre la criminalité, les gangs et divers autres crimes. De plus, la preuve indiquait l’importance que la présidence du pays a placée dans la lutte contre le crime et la protection de ses citoyens. La Commission a noté que le fait que des gangs criminels soient actifs au Mexique, au même titre qu’il y en a aux États-Unis, n'est pas une indication de l'absence de la protection de l'État.

 

[31]           En outre, bien qu’il puisse y avoir des lacunes dans le système de justice pénale mexicain, la Commission a souligné que des progrès continuent d’être réalisés pour ce qui est des efforts déployés par le gouvernement pour assurer une protection adéquate à ses citoyens. La Commission n'a trouvé aucun élément de preuve qui indique la présence d’un ébranlement généralisé des institutions démocratiques. En conséquence, l'État mexicain est présumé être en mesure d’assurer une protection adéquate. Un lourd fardeau incombait donc aux demandeurs pour réfuter la présomption de protection de l'État.

 

[32]           Reconnaissant ce lourd fardeau, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas apporté une preuve « claire et convaincante » de l'absence de la protection de l'État dont ils pouvaient s prévaloir au Mexique. Par conséquent, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs n'étaient pas exposés à un risque de préjudice ou à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'ils étaient renvoyés au Mexique.

 

[33]           À l’issue de cette analyse, la Commission a rejeté les demandes d'asile des demandeurs à la fois en vertu de l'article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi.

 

Questions en litige

 

[34]           Selon les demandeurs, les questions en litige sont les suivantes :

            1.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en mettant en doute la crédibilité du demandeur principal, en appréciant mal la preuve et en se fondant sur des réflexions de nature conjecturale et hypothétique?

            2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en ignorant ou en appréciant mal la preuve établissant que les demandeurs étaient personnellement ciblés et en concluant que le Mexique assurait une protection de l'État adéquate?

            3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en ne se livrant pas à l'analyse requise concernant le lien avec un motif prévu par la Convention et en n'examinant pas de façon appropriée la relation entre l'extorsion et la persécution et/ou le besoin de protection?

            4.         Les demandeurs ont-ils été privés de justice naturelle et d'équité lorsque la Commission a rejeté leur demande d'asile au motif qu'ils avaient retardé leur départ du Mexique, alors qu’elle avait implicitement déclaré au début de l'audience qu’il ne s’agissait pas d’une question à examiner parce qu’elle n'avait pas été consignée sur le formulaire d'examen initial de la Section de la protection des réfugiés?

 

[35]           Je reformulerais les questions en litige comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant à l'absence de lien avec un motif de la Convention énoncé à l'article 96 de la Loi?

            3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur principal n'était pas crédible?

            4.         La Commission a-t-elle privé les demandeurs de leur droit à l'équité procédurale en fondant sa décision sur leur départ tardif du Mexique?

            5.         La Commission a-t-elle commis une erreur en effectuant l'analyse fondée sur l'article 97 et en concluant que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l'État au Mexique?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[36]           Les demandeurs soutiennent que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit qui sont en litige en l'espèce sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La Cour doit toutefois intervenir si les conclusions de la Commission sont fondées sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments dont elle disposait. De plus, la question de savoir si quelque chose (une caractéristique personnelle, par exemple) constitue un risque particulier au sens de l'article 97 de la Loi est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[37]           Les demandeurs font valoir que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient fondées sur une mauvaise compréhension ou une mauvaise interprétation des éléments de preuve dont elle disposait. La Commission a également commis une erreur en fondant ses conclusions quant à la crédibilité sur des réflexions de nature conjecturale et hypothétique. Les demandeurs soutiennent que leur témoignage ne comportait pas de contradictions apparentes. Ils prétendent que la Commission doit fournir des motifs clairs et explicites pour mettre en doute leur crédibilité.

 

[38]           Selon les demandeurs, le départ tardif n’a pas été consigné comme question à examiner sur le formulaire d'examen initial de la Section de la protection des réfugiés, pas plus qu’il n'a été soulevé comme question en litige au début de l'audience. De plus, la Commission n'a posé aucune question à ce sujet. En indiquant qu'une certaine question était réglée ou en laissant les demandeurs croire qu'une certaine question était réglée pour ensuite tirer une conclusion défavorable concernant cette question, la Commission a privé les demandeurs de justice naturelle.

 

[39]           Les demandeurs soutiennent néanmoins qu'ils ont expliqué clairement les raisons de leur départ le 28 juin 2009 et de la date à laquelle le demandeur principal a quitté son emploi. La Commission était tenue d’examiner de manière précise cette preuve, qui offrait une interprétation raisonnable des événements. Les demandeurs font également valoir que la Commission a commis une erreur en imposant sa propre opinion de ce qu'elle estimait être « une conduite logique dans les circonstances ».

 

[40]           Les demandeurs soutiennent que le fait que l'employeur du demandeur principal était Proselic, et non Corpo Gas, était pertinent. La Commission a commis une erreur en supposant que le demandeur principal serait en mesure de rechercher de l'aide auprès de Corpo Gas après les menaces. À l'inverse, Proselic n'avait aucune politique relative aux demandes d'extorsion. Les employés devaient donc s'adresser directement à la police comme le demandeur principal l’a fait.

 

[41]           Les demandeurs prétendent en outre que la Commission a commis une erreur en n’expliquant pas sur quoi elle se base pour conclure qu’il aurait été courant pour les directeurs de stations‑service de faire l'objet de demandes d'extorsion ou de vols. Les explications de la Commission devaient être fondées sur des inférences raisonnables, non sur des conjectures ou des hypothèses. De plus, la Commission aurait dû accorder aux demandeurs la possibilité d'expliquer en quoi un élément de preuve qu’elle jugeait invraisemblable était réellement plausible.

 

[42]           Les demandeurs signalent l'observation de la Commission selon laquelle le demandeur principal avait parlé à son superviseur et sa conclusion ultérieure portant que le demandeur principal n'avait pas discuté de son problème avec des superviseurs de l’entreprise. Cette conclusion crée de la confusion et est fondée sur une conjecture déraisonnable concernant la ligne de conduite habituelle pour signaler des demandes d'extorsion. La conclusion de la Commission n'était donc pas fondée sur des contradictions internes du témoignage des demandeurs, mais plutôt sur ce qu'elle estimait être un scénario plus plausible dans les circonstances. Ses conclusions étaient par conséquent déraisonnables.

 

[43]           En outre, la Commission a mal interprété ou ignoré le témoignage du demandeur principal en concluant que personne n’avait appelé son remplaçant. Le témoignage indiquait seulement que le demandeur principal ne savait pas si quelqu’un avait appelé son remplaçant. Le demandeur principal a également tenté d'expliquer les raisons pour lesquelles les membres du gang ont continué à communiquer avec lui après son départ de l’entreprise. La Commission n'a pas tenu compte de ces explications mêmes si elles étaient plausibles lorsqu’elles sont examinées en fonction du milieu d’où proviennent les demandeurs. Ceux‑ci font valoir que leurs explications n'étaient pas illogiques au point de justifier un rejet d'emblée.

 

[44]           S’agissant de la protection de l'État, les demandeurs soutiennent également que la Commission a ignoré ou mal interprété la preuve soumise à l'égard de cette question. Le silence de la Commission relativement à l’élément de preuve qui contredisait ses conclusions indique qu'elle a ignoré cet élément. Plus précisément, la Commission a commis une erreur en ne mentionnant aucun élément de preuve documentaire montrant que les ressources dédiées à la lutte contre la criminalité n'ont pas produit de résultats concrets. Les demandeurs prétendent également que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas si la protection de l'État était véritablement efficace.

 

[45]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en compte le fait que le demandeur principal a alerté les policiers et que ceux-ci ne lui ont pas indiqué de s'adresser à un autre organisme du gouvernement. De plus, la Commission s'est appuyée sur un document de longue date. Un document plus récent indiquait que les organismes de protection au Mexique continuaient d'avoir des résultats limités et peu d'influence.

 

[46]           La Commission a également commis une erreur en concluant que le demandeur principal aurait dû connaître les mécanismes de protection parce qu’il avait été vérificateur. La Commission aurait plutôt dû analyser les tentatives du demandeur principal d'obtenir de la protection et fournir des motifs concernant les raisons pour lesquelles elles étaient insuffisantes. Les efforts déployés par le demandeur principal pour obtenir la protection de l'État étaient suffisants compte tenu de la jurisprudence établie portant que des demandeurs ne doivent pas mettre leur vie en péril pour tenter d'obtenir une protection qui n'est pas offerte.

 

[47]           Les demandeurs font valoir que la Commission a aussi commis une erreur dans son analyse du lien avec un motif prévu par la Convention en ne se demandant pas si le demandeur principal était ciblé en raison de son groupe social, à savoir les directeurs de stations‑service qui ont accès à d'importantes sommes d'argent.

 

[48]           Enfin, les demandeurs soutiennent que la Commission ne s’est pas livrée à une analyse suffisante des risques au sens de l'article 97 de la Loi. La conclusion défavorable de la Commission quant à la crédibilité n'est pas nécessairement un élément déterminant d'une demande d'asile fondée sur l'article 97. La Commission était tenue d'entreprendre l'analyse fondée sur 97 et non simplement l'analyse relative à la protection de l'État. L'analyse fondée sur l'article 97 exige une approche contextuelle qui tient compte de la situation individuelle de chaque demandeur d’asile. En l'espèce, le demandeur principal a été précisément et personnellement ciblé de façon répétée en raison de son emploi et de sa situation. Sa crainte ne visait pas des actes de violence aléatoires. Le fait qu'il a fui le Mexique avec sa famille, un pays où il menait une belle carrière, confirme sa crainte personnelle.

 

Observations écrites du défendeur

 

[49]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission est celle de la décision raisonnable. La Commission ne doit intervenir que si la décision de la Commission n'appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[50]           Le défendeur fait valoir que compte tenu de la grande crainte que le demandeur principal allègue avoir ressentie en raison de la menace d'extorsion, il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur principal aurait quitté son emploi plus tôt et rejoint sa famille qui se cachait jusqu'à la date prévue pour le départ, si sa crainte avait été authentique.

 

[51]           Le défendeur soutient que la Commission n'a pas ignoré la preuve relative à la disponibilité des billets d'avion. La Commission n'a pas cru la raison invoquée par le demandeur principal pour demeurer à son emploi jusqu'à la mi-juin et ne pas se cacher jusqu'à la fin du mois.

 

[52]           Le défendeur souligne que le FRP initial ou modifié du demandeur principal ne mentionnait aucunement qu'il s'était adressé à un superviseur concernant les menaces d'extorsion. Cet élément de preuve indique plutôt que le demandeur principal a parlé de la menace à un vérificateur de l’entreprise qui lui a répondu de s'adresser à la police. La mention d'un superviseur, plutôt qu’un vérificateur, a tout d'abord été indiquée dans les observations des demandeurs dans la présente demande, des observations dont ne disposait pas la Commission lorsqu'elle a rendu sa décision. En outre, contrairement aux observations des demandeurs, la Commission n'a pas fondé ses conclusions quant à la crédibilité exclusivement sur le temps qu’ont pris les demandeurs pour quitter le Mexique, mais s'est également appuyée sur d'autres motifs pour tirer sa conclusion.

 

[53]           Le défendeur soutient également que la Commission n'a pas fondé ses conclusions sur des conjectures. Les conclusions de la Commission concernant le montant d'argent dont les directeurs de stations‑service assument la responsabilité étaient fondées sur le témoignage même du demandeur principal au sujet des ventes à sa station‑service. De plus, compte tenu des observations des demandeurs selon lesquelles les directeurs de stations‑service ayant accès à d'importantes sommes d'argent faisaient l'objet d'extorsion de la part de gangs criminels à une échelle si grande qu'ils faisaient partie d'un groupe social, il était raisonnable pour la Commission de conclure que l'extorsion était un problème courant pour les directeurs de stations-service.

 

[54]           Selon le défendeur, puisque le demandeur principal ne s'était adressé à la police qu'à une seule occasion et n'avait pas communiqué avec d'autres institutions gouvernementales pour obtenir de l'aide, il était également raisonnable que la Commission conclue que sa crainte à l’égard de la criminalité ne traduisait pas l'incapacité ou le refus de l'État de fournir une protection adéquate. La Commission a clairement déclaré qu'elle avait pris en considération les éléments de preuve présentés par le demandeur. L'affirmation des demandeurs selon laquelle la Commission a ignoré la preuve est donc non fondée.

 

[55]           Enfin, le défendeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle la demande d'asile des demandeurs n'avait pas de lien avec un motif prévu par la Convention était raisonnable. Cependant, si cette conclusion était jugée déraisonnable, le défendeur fait valoir qu'elle n'équivaut pas à une erreur susceptible de contrôle, compte tenu du fait qu'elle n'était pas une conclusion déterminante. La Commission a plutôt rejeté la demande d'asile pour des raisons de crédibilité. La Cour d'appel fédérale a clairement établi qu'une conclusion défavorable en matière de crédibilité sera, dans la plupart des cas, déterminante quant à une revendication du statut de réfugié. En conséquence, compte tenu du fait que les demandeurs avaient fondé leur demande relevant de l'article 97 sur le même scénario de faits que leur demande relevant de l'article 96, il était raisonnable que la Commission ne se livre pas une analyse distincte à l'égard de la demande fondée sur l'article 97.

 

Analyse et décision

 

[56]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence antérieure détermine la norme de contrôle applicable à une question dont la cour est saisie, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[57]           Conformément à la jurisprudence établie, les conclusions en matière de crédibilité, décrites comme constituant « l'essentiel de la compétence de la Commission », sont essentiellement de pures conclusions de fait susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, au paragraphe 46; AD c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 584, [2011] ACF no 786, au paragraphe 23; et RKL c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] ACF no 162, au paragraphe 7).

 

[58]           Les conclusions relatives à la protection de l'État soulèvent des questions mixtes de fait et de droit qui sont également susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] ACF no 584, au paragraphe 38; Gaymes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 801, au paragraphe 9; SSJ c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 546, [2010] ACF no 650, au paragraphe 16).

 

[59]           Enfin, la norme de la raisonnabilité s'applique également aux conclusions concernant le lien avec un motif de la Convention énoncé à l'article 96 de la Loi (voir Chekhovskiy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 970, [2009] ACF no 1180, au paragraphe 18; et Aburto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1049, [2011] ACF no 1305, au paragraphe 10).

 

[60]           Lors du contrôle de la décision de la Commission selon la norme de la raisonnabilité, la Cour ne devrait pas intervenir, à moins que la Commission ne soit arrivée à une conclusion qui n'est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n'appartient pas aux issues acceptables compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait (voir Dunsmuir, ci-dessus, au paragraphe 47; Khosa, ci-dessus, au paragraphe 59). Ainsi que l’a statué la Cour suprême dans Khosa, ci-dessus, la cour de révision ne peut y substituer l'issue qui serait à son avis préférable et il ne rentre pas dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (aux paragraphes 59 et 61).

 

[61]           À l'inverse, les questions d'équité procédurale et de justice naturelle sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (voir Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] ACF no 1643, au paragraphe 23; Khosa, ci-dessus, au paragraphe 43). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers la Commission à l’égard de cette question (voir Dunsmuir, ci-dessus, au paragraphe 50).

 

[62]           Deuxième question

            La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant à l'absence de lien avec un motif de la Convention énoncé à l'article 96 de la Loi?

            La première exigence pour avoir la qualité de réfugié au sens de la Convention au sens de l'article 96 de la Loi est l'établissement d'un lien avec l'un des cinq motifs prévus par la Convention. En l'espèce, les demandeurs soutiennent que leur appartenance à un groupe social établit le lien requis avec un motif prévu par la Convention. Selon leur définition, ce groupe social est formé de personnes ciblées en raison de leur emploi particulier, plus précisément des directeurs de stations-service, ayant accès à d'importantes sommes d'argent.

 

[63]           La première étape de l'analyse relative à l'appartenance d'un demandeur d'asile à un groupe social consiste à déterminer si des droits de la personne fondamentaux sont en cause (voir Zefi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 636, [2003] ACF no 812, au paragraphe 36). Deuxièmement, l'appartenance à ce groupe doit être la cause d'une crainte fondée de persécution (voir Zefi, ci-dessus, au paragraphe 39).

 

[64]           Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74, la Cour suprême a reconnu que « toute association ayant certains points en commun » n'est pas nécessairement visée dans la portée de l’expression « groupe social » (au paragraphe 61). La signification de cette expression « devrait [plutôt] tenir compte des thèmes sous‑jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l'initiative internationale de protection des réfugiés » (voir Ward, ci-dessus, au paragraphe 70). La cour a établi trois catégories possibles de « groupe social » (voir Ward, ci-dessus, au paragraphe 70) :

(1) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;

 

(2) les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association; et

 

(3) les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

 

 

[65]           La cour a indiqué que la première catégorie comprendrait les personnes qui craignent d'être persécutées pour des matières comme le sexe, les antécédents linguistiques et l'orientation sexuelle; la deuxième comprendrait, par exemple, les défenseurs des droits de la personne; la troisième catégorie est incluse à cause d'intentions historiques (voir Ward, ci-dessus, au paragraphe 70).

 

[66]           La jurisprudence ultérieure a reconnu que les actes criminels et les actes de représailles ou de vengeance personnelles ne peuvent pas, en règle générale, fonder une crainte justifiée de persécution en raison d’un motif prévu par la Convention (voir Zefi, ci-dessus, au paragraphe 40; Begum c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 10, [2011] ACF no 8, au paragraphe 11). Cependant, une victime du crime peut quand même être victime de persécution dans le cas où cette persécution est causée par une discrimination liée à motif prévu par la Convention (voir Begum, ci-dessus, au paragraphe 31).

 

[67]           En l'espèce, la Commission a brièvement conclu qu'il n'existait pas de lien puisque la crainte du demandeur principal était fondée sur la criminalité. Aucune preuve n'a été présentée pour indiquer que la persécution était liée à la discrimination fondée sur la race, la religion, la nationalité ou les opinions politiques. Le recours à l'appartenance à un groupe social d'individus ciblés en raison de leur emploi et ayant accès à d'importantes sommes d'argent n'est lié à aucune des trois catégories de « groupe social » précisées dans Ward, ci-dessus. Comme l'a conclu la Commission, la crainte des demandeurs était plutôt fondée sur la criminalité non liée à de la discrimination ou à des violations des droits de la personne. Par conséquent, je conclus que la Commission a tiré une conclusion raisonnable selon laquelle il n'y avait pas de lien avec un motif prévu par la Convention, et qu’elle a ainsi rejeté à raison la demande d'asile des demandeurs fondée sur l'article 96 de la Loi.

 

[68]           Troisième question

            La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur principal n’était pas crédible?

            Il est bien établi que les conclusions en matière de crédibilité commandent un degré élevé de retenue judiciaire et elles ne devraient être infirmées que dans les cas les plus patents (voir Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1330, [2011] ACF no 1633, au paragraphe 30). C’est pourquoi, en règle générale, la Cour ne devrait pas substituer son opinion à celle de la Commission à moins de conclure que la décision était fondée sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir Bobic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1488, [2004] ACF no 1869, au paragraphe 3). Lorsqu'elle examine la décision d'une commission, la cour ne doit pas scruter à la loupe des sections isolées de celle-ci. La cour doit plutôt examiner si la décision dans son ensemble appuie une conclusion défavorable sur la crédibilité (voir Caicedo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1092, [2010] ACF no 1365, au paragraphe 30).

 

[69]           En l'espèce, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en fondant sa conclusion quant à la crédibilité à la fois sur une mauvaise compréhension ou une mauvaise interprétation de la preuve dont elle disposait et sur des réflexions de nature conjecturale et hypothétique.

 

[70]           En prononçant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, la Commission a souligné ce qui suit :

            1.         Le demandeur principal n'a pas discuté de son problème avec ses supérieurs hiérarchiques.

            2.         Le gang n'est pas venu directement au bureau du demandeur principal pour exiger le montant des ventes de la journée ou l'argent qui se trouvait dans le coffre-fort de son bureau.

            3.         Bien que l'échéance pour le paiement de la somme demandée fût dépassée sans qu’aucun paiement n’ait été effectué, les demandeurs n'ont jamais reçu la visite du gang au travail, à la maison ou à l'école.

            4.         Le demandeur principal a volontairement retardé de deux semaines son départ de l’entreprise afin de former son remplaçant.

            5.         À la connaissance du demandeur principal, son remplaçant n'a pas fait l'objet de tentatives d'extorsion.

            6.         Le gang a continué à faire des appels téléphoniques de menaces au demandeur principal après que ce dernier eut quitté son emploi.

            7.         Aucun parent des demandeurs au Mexique n'a connu de problèmes liés à la recherche des demandeurs par le gang.

 

[71]           Comme l'ont souligné les demandeurs, le premier point ci‑dessus contredit l’observation antérieure de la décision de la Commission, au paragraphe 3, selon laquelle le demandeur principal « a discuté de la situation avec son patron, puisque la politique de l’entreprise voulait qu’il fasse rapport de l’incident à la police ». Les demandeurs soutiennent également que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve établissant la présence d’importantes mesures de sécurité (vidéosurveillance), qui expliquait la raison pour laquelle les membres du gang ne s'étaient pas présentés directement à la station‑service pour exiger l'argent. La Commission n'a pas abordé cette question.

 

[72]           S’agissant du temps écoulé avant que le demandeur principal quitte son emploi, celui-ci a expliqué à l'audience qu'il fallait trouver un remplaçant pour son poste et que [traduction] « […] selon la politique de l’entreprise, je devais quitter la station‑service après un processus de vérification de l'état de la station-service et de la gestion ». Son témoignage indique que le demandeur principal n’a pas rompu son lien d’emploi avec l’entreprise uniquement pour en respecter les politiques, mais également pour veiller à ce qu'il soit dégagé de tout soupçon de mauvaise gestion avant son départ.

 

[73]           En réponse à des questions sur son remplaçant, le demandeur principal a indiqué dans son témoignage qu’il n'avait pas informé le commandant qu'il avait démissionné et qu'un remplaçant occupait son emploi. Son témoignage indique toutefois que le commandant était néanmoins au courant de son remplacement lors de l'appel téléphonique du 11 juin. Plus tard, après la dernière journée de travail du demandeur principal le 15 juin, il a cessé d'avoir des rapports avec la station‑service. Il était donc raisonnable qu'il ne sache pas si des demandes de paiements d'extorsion avaient été faites à son remplaçant. Sa déclaration antérieure à l'audience indiquant que ce genre d'incident était habituellement traité de façon confidentielle vient encore appuyer ce qui précède. Le recours de la Commission à ce point pour conclure que le demandeur principal n'était pas crédible est par conséquent discutable.

 

[74]           À l'audience, le demandeur principal a également déclaré dans son témoignage qu'il ne savait pas pourquoi l'interlocuteur continuait de communiquer avec lui après qu’il eût quitté son emploi :

[traduction]

CONSEIL : Monsieur, pourquoi croyez-vous qu'il a continué à communiquer avec vous alors que vous n'aviez plus la capacité de prendre l'argent des ventes et de le payer?

 

Demandeur principal : Je ne sais pas. Peut-être croyait-il que ce n'était pas le cas et que je serais réinstallé ailleurs, je ne sais pas. […] Ou bien que je pouvais emprunter de l'argent ou […].

 

 

Il me semble qu'à moins que l'interlocuteur ne lui indique la raison pour laquelle il téléphonait, le demandeur principal ne savait pas pourquoi l'interlocuteur continuait de l'appeler.

 

[75]           Comme l’ont cité les demandeurs, « [i]l est bien établi que si un tribunal tire une conclusion de fait en interprétant mal la preuve pertinente dont il dispose ou en n'en tenant pas compte et se fonde sur cette conclusion pour faire une analyse défavorable relativement à la crédibilité du revendicateur, la décision est déraisonnable et justifie l'intervention de la Cour » (voir Toth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1133, [2002] ACF no 1518, au paragraphe 25). Dans Toth, ci-dessus, la Commission a rejeté la demande d'asile de la demanderesse exclusivement en raison de l'absence de preuve indiquant que les membres de l'Église réformée étaient harcelés en Roumanie. Cependant, la preuve documentaire indiquait clairement le contraire (au paragraphe 25). De même, dans Lai c Canada (Ministre de l'Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 906, la Cour d'appel fédérale a infirmé la décision de la Commission parce qu’aucun élément de preuve dont elle disposait, y compris la preuve documentaire, le témoignage du demandeur et le témoignage d'un témoin expert, n'appuyait ses conclusions de fait.

 

[76]           Comme je l’ai indiqué ci-dessus, certains fondements de la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas crédible n'étaient pas exacts. Malgré le degré de déférence que commande la Commission relativement à ses conclusions quant à la crédibilité, je conclus que la conclusion de la Commission quant à la crédibilité était déraisonnable. Ainsi que je l’ai souligné, certains fondements ont été mal formulés et certaines explications n'ont pas été mentionnées. Je ne suis pas en mesure de dire ce qu'aurait dû être la conclusion de la Commission quant à la crédibilité si elle n'avait pas agi de façon déraisonnable.

 

[77]           Quatrième question

            La Commission a-t-elle privé les demandeurs de leur droit à l'équité procédurale en fondant sa décision sur leur départ tardif du Mexique?

            Les demandeurs soutiennent que la Commission n'a pas indiqué que le départ tardif constituait une question à examiner. En fondant sa décision sur cette question, les demandeurs soutiennent que la Commission les a privés de justice naturelle et de leur droit à l’équité procédurale.

 

[78]           Dans sa décision, la Commission n'a pas indiqué que le départ tardif était un motif de sa décision. Elle a plutôt indiqué que le temps écoulé avant que le demandeur principal quitte l’entreprise était une préoccupation parmi plusieurs autres qui, collectivement, l’ont amenée à tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. À l'audience, la Commission a en effet questionné le demandeur principal relativement au temps qu’il a mis à quitter l’entreprise après l'échéance du 1er juin. En conséquence, je conclus que la Commission n’a pas privé les demandeurs de justice naturelle en les induisant en erreur sur cette question. La question a été soulevée en leur présence et le demandeur principal a eu la possibilité d'y répondre.

 

[79]           Cinquième question

            La Commission a-t-elle commis une erreur en effectuant l'analyse fondée sur l'article 97 et en concluant que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l'État au Mexique?

            Suivant l'alinéa 97(1)b) de la Loi, les demandeurs peuvent être déclarés des personnes à protéger si leur renvoi les exposait soit à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, s'ils ne peuvent ou, de ce fait, ne veulent se réclamer de la protection de l'État. Il incombe aux demandeurs de présenter une preuve claire et convaincante de l'incapacité de l'État de les protéger adéquatement (voir Ward, ci-dessus, aux paragraphes 50 et 51; Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] ACF no 399, au paragraphe 38).

 

[80]           L'article 97 comprend seulement une composante objective (voir Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] ACF no 1, au paragraphe 33). Cela ne signifie toutefois pas que la protection de l'État doive être analysée dans l’abstrait. Une approche contextuelle est nécessaire pour tout d'abord déterminer la nature de la crainte du demandeur, pour ensuite analyser la capacité et la volonté de l'État à réagir aux circonstances du demandeur (voir Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 559, [2011] ACF no 708, au paragraphe 13). Dans Torres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 234, [2010] ACF no 264, le juge Russel Zinn a expliqué que plusieurs facteurs devraient être pris en compte lors du recours à une approche contextuelle, notamment les suivants (aux paragraphes 37 à 42) :

a.         la nature de la violation des droits de la personne;

 

b.         le profil de l'auteur présumé des violations des droits de la personne;

 

c.         les efforts que la victime a faits pour obtenir une protection des autorités;

 

d.         la réaction des autorités aux demandes d'aide;

 

e.         la preuve documentaire disponible.

 

 

 

[81]           En l'espèce, la Commission a résumé les allégations des demandeurs, y compris la fréquence et la gravité des menaces proférées. Puisque les appels étaient anonymes, peu d'éléments de preuve étaient disponibles à propos de l'auteur allégué de ces appels. La Commission a cependant résumé ceux qui étaient disponibles. La Commission a également souligné les efforts déployés par le demandeur principal pour obtenir la protection de la police et la réaction des policiers à sa demande.

 

[82]           S’agissant de la preuve documentaire, la Commission a relevé des éléments de preuve documentaire qui indiquaient ce qui suit : divers mécanismes de protection sont accessibles au Mexique; l'État est une démocratie qui fonctionne et est en mesure de protéger adéquatement ses citoyens; bien qu'il puisse y avoir des lacunes, des progrès continuent d'être réalisés pour ce qui est des efforts déployés par le gouvernement pour assurer une protection adéquate aux citoyens. Compte tenu de ces éléments de preuve, la Commission a conclu que les demandeurs avaient le lourd fardeau de réfuter la présomption de protection de l'État, un fardeau dont ils ne se sont pas acquittés, à son avis.

 

[83]           Dans leur examen de la preuve documentaire, les demandeurs ont mentionné trois documents que la Commission aurait ignorés.

 

[84]           Le premier document, intitulé « In Mexico, a legal breakdown invites brutal justice », a été publié par le Washington Post le 9 décembre 2010. Selon les demandeurs, cet article décrit l'effondrement du système de justice au cours des dernières années, amenant les citoyens à rechercher la justice à l'extérieur du gouvernement. Il est toutefois important de souligner que cet article vise principalement des événements qui se sont produits dans le nord du Mexique et la question de la vengeance exercée par des citoyens mexicains à l'encontre de personnes soupçonnées d'enlèvement. Comme ces questions ne sont pas directement pertinentes pour l'affaire en cause, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur en ne mentionnant pas précisément cet article.

 

[85]           Le deuxième, intitulé « Mexico’s National Human Rights Commission: A Critical Assessment », a été publié par Human Rights Watch en février 2008. Selon les demandeurs, ce document indique que la Commission nationale des droits de la personne du Mexique (CNDP) s’est généralement gardée d'insister auprès des institutions étatiques pour que celles-ci mettent fin aux abus, favorisent des réformes pour empêcher les abus et contestent les lois abusives. Ce document signale la piètre performance de la CNDP à titre de catalyseur du changement permettant d'améliorer le dossier des droits de la personne dans ce pays. Cependant, même si la Commission a mentionné la CNDP dans sa décision, elle a accordé plus de poids à la preuve concernant les organismes d'application de la loi qui pouvaient protéger les demandeurs. Je conclus qu'il s'agit d'une approche raisonnable puisque le rôle de la CNDP, tel que présenté dans ce document, semble surtout viser la réforme des lois relatives aux droits de la personne que la protection concrète des personnes.

 

[86]           Le troisième, intitulé « Police Reform in Mexico : Advances and Persistent Obstacles », a été rédigé par Daniel Sabet en mai 2010. Ce document donne un point de vue terrifiant du système de police mexicain. Parmi les problèmes, mentionnons la corruption et la collusion avec le crime organisé, les violations des droits de la personne et l'inefficacité qui entraînent un manque de confiance envers la police, la rendant encore moins efficace et perpétuant la corruption et les violations. Après avoir analysé les efforts de réforme des trois dernières administrations fédérales, l'auteur souligne que même si de grands progrès ont été réalisés, [traduction] « les problèmes fondamentaux de corruption, de violations et d’inefficacité demeurent ».

 

[87]           Bien que la Commission ait mentionné ce troisième document, elle s'appuie sur le nombre de policiers par habitant pour conclure que ce nombre dépasse les moyennes des Nations Unies et les niveaux recommandés. Elle ne mentionne aucunement la principale conclusion de M. Sabet portant que des problèmes fondamentaux demeurent. La déclaration de la Commission selon laquelle la présidence du pays a accordé une très grande importance à la lutte contre le crime amplifie ce qui précède. Cette déclaration est fondée sur une publication de 2006. Elle ne mentionne aucunement la conclusion contraire de M. Sabet selon laquelle des problèmes fondamentaux demeurent mêmes après les efforts de réforme faits par les trois dernières administrations fédérales (y compris les gouvernements au pouvoir pour les mandats de 2000 à 2006 et de 2006 à 2012).

 

[88]           La Commission n'a indiqué qu'une seule fois qu’il « [pouvait] y avoir des lacunes dans le système de justice pénale mexicain », sans fournir d'autre analyse des éléments de preuve importants qui contredisent la conclusion portant que « des progrès continuent d’être réalisés pour ce qui est des efforts déployés par le gouvernement pour assurer une protection adéquate aux citoyens du Mexique .» La seule référence citée pour cette dernière conclusion est une affaire que la Cour a tranchée en 2008, et non un élément de preuve documentaire précis. Se fondant sur ce qui précède, la Commission conclut que les demandeurs ne se sont pas acquittés de leur lourd fardeau de fournir une preuve claire et convaincante de l'absence de protection de l'État à leur endroit au Mexique.

 

[89]           Une jurisprudence abondante établit qu’il n'est pas nécessaire pour les commissions de mentionner chaque élément de preuve présenté. Elles doivent cependant examiner les éléments de preuve importants (voir Michel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 159, [2010] ACF no 184, au paragraphe 40). Comme l’indique la décision souvent citée Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35, au paragraphe 17 :

[…] plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » […]

 

 

[90]           En l’espèce, la Commission a cité une abondante jurisprudence et s’est principalement fondée sur les éléments de preuve qui appuyaient sa conclusion portant que la protection de l’État était adéquate. Elle l’a toutefois fait sans aborder une preuve contraire importante, comme le rapport récent de Daniel Sabet. En conséquence, je conclus que la Commission a tiré une conclusion de fait erronée sur la question de la protection de l'État, et qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait.

 

[91]           Vu mes conclusions, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, la décision de la Commission annulée et la présente affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvelle décision.

 

[92]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale aux fins de certification.

 

 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Commission est annulée et que l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                         IMM-4489-11

 

INTITULÉ :                                       RICARDO LUNA RIOS, ROSA ZAMUDIO DEMERUTIS, et MARTHA LUNA ZAMUDIO et FERNANDA LUNA ZAMUDIO représentées par leur tuteur à l'instance RICARDO LUNA RIOS

 

– et –

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Monmi Goswami

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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