Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120223

Dossier : IMM‑5119‑11

Référence : 2012 CF 253

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 février 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

FERENC HORVATH, FERENCNE HORVATH

et EVELIN HORVATH,

FERENC HORVATH,

DZSENIFER HORVATH,

par leur tuteur à l’instance,

FERENC HORVATH

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision, en date du 6 juillet 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la convention (la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention)) ou celle de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               Le demandeur principal, Ferenc Horvath (le demandeur), son épouse, Ferencne Horvath, et leurs enfants, Evelin Horvath, Ferenc Horvath et Dzsenifer Horvath, sont tous des citoyens roms de Hongrie. Les demandeurs affirment qu’ils craignent d’être persécutés par des radicaux d’extrême droite de la société hongroise en raison de leurs origines ethniques romes.

 

[3]               Le demandeur affirme que les membres de sa famille et lui ont été victimes de discrimination en raison de leurs origines ethniques romes. En avril 2008, le demandeur a commencé à exercer un nouvel emploi. Il a été harcelé par un collègue de travail qui faisait partie d’un groupe d’extrême droite appelé la Garde hongroise. Le demandeur raconte qu’un jour, après le travail, il a été suivi par ce collègue de travail qui se trouvait dans une voiture et qu’un groupe d’hommes est sorti de cette voiture et l’a agressé. Le demandeur a de nouveau été agressé quelques mois plus tard par les mêmes individus, qui l’ont menacé de s’en prendre aussi à sa famille s’il consultait un docteur ou portait plainte à la police.

 

[4]               Le demandeur affirme qu’en janvier 2010, à leur retour à la maison, les membres de sa famille ont constaté que la fenêtre de la porte avant avait été fracassée et que les mots suivants avaient été inscrits sur la porte : [traduction] « Les TSIGANES, vous allez crever (comme des chiens) ». Le demandeur a eu peur pour sa propre sécurité et pour celle de sa famille. Le 23 février 2010, ils ont donc fui la Hongrie pour venir au Canada, où ils ont demandé l’asile dès leur arrivée à l’aéroport de Toronto.

 

[5]               Les demandes d’asile ont été entendues le 11 mai 2011. Le demandeur a été désigné comme représentant des trois enfants.

 

La décision visée par la demande de contrôle judiciaire

[6]               Dans les motifs de sa décision, datés du 14 juin 2011, la Commission a estimé que la question déterminante était celle de la protection de l’État. Elle a fait observer que les Roms étaient victimes d’une discrimination généralisée en Hongrie et qu’ils faisaient également l’objet de violences. La Commission a pris acte de ces faits pour décider si les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État en l’espèce.

 

[7]               La Commission a fait observer que le demandeur n’avait entrepris aucune démarche pour se prévaloir de la protection de l’État. Elle a également tenu compte du fait que le demandeur avait déclaré qu’on l’avait menacé de représailles s’il portait plainte à la police. La Commission a fait remarquer que, suivant la jurisprudence de notre Cour, la décision du demandeur d’asile de s’enfuir avant que la police ait eu la possibilité de lui offrir sa protection ne voulait pas dire qu’il y avait absence de protection de l’État.

 

[8]               La Commission a signalé que l’affirmation du demandeur selon lequel la police ne ferait rien pour protéger les Roms contre la Garde hongroise n’était pas fondée et la Commission a préféré les éléments de preuve documentaire suivant lesquels les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État.

 

[9]               Dans son analyse de la preuve documentaire, la Commission a pris acte des éléments de preuve tendant à démontrer l’existence de corruption au sein des forces policières tout en relevant que l’État avait sévi contre les agents jugés coupables d’inconduite. La Commission a également pris acte des incidents de violence perpétrés contre des citoyens roms, mais elle a également cité des rapports au sujet de la façon dont la police avait réagi à ces incidents, pour conclure que la police et le gouvernement étaient désireux de protéger les victimes et qu’ils étaient en mesure de le faire.

 

[10]           La Commission a également signalé qu’il existait d’autres recours face à la discrimination; on pouvait notamment faire appel au Réseau antidiscrimination de service à la clientèle pour les Roms ainsi qu’à l’Autorité pour l’égalité de traitement. La Commission a pris acte des critiques suivant lesquelles certaines des mesures prises par le gouvernement pour réagir à la discrimination n’avaient pas été mises en œuvre de façon efficace.

 

[11]           La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils n’auraient pu raisonnablement compter sur la protection de l’État s’ils avaient cherché à l’obtenir et qu’ils n’avaient donc pas réfuté la présomption de la protection de l’État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants. Les demandes d’asile ont par conséquent été rejetées.

 

Question en litige

[12]           La seule question soulevée par la présente demande est celle de savoir si la conclusion tirée par la Commission au sujet de la protection de l’État était raisonnable.

 

Analyse

[13]           Suivant les demandeurs, la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle rejetait leur témoignage que l’État n’est pas en mesure de protéger les Roms, n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents qui contredisaient ses conclusions et s’est fiée à des généralisations et à de simples allusions aux efforts faits par l’État et à ses bonnes intentions au lieu de se demander si la protection de l’État était effectivement offerte.

 

[14]           Le demandeur invoque la décision Flores Alcazar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 173, dans laquelle la Cour déclare, au paragraphe 25, que la Commission ne peut négliger le témoignage d’un demandeur simplement parce que ce dernier possède un intérêt personnel dans l’issue de l’affaire. Cette proposition est exacte mais ne correspond pas à ce qui s’est produit en l’espèce; la Commission a plutôt estimé, dans le cas qui nous occupe, que la décision du demandeur de ne pas chercher à obtenir la protection de l’État ne pouvait être qualifiée de raisonnable, compte tenu de l’expérience personnelle du demandeur et de la preuve documentaire. La Commission a estimé que la prépondérance de la preuve appuyait la conclusion que les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État.

 

[15]           Le demandeur invoque également les affaires Flores Alcazar, précitée, et Kovacs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1003, décision rendue par notre Cour, dans lesquelles la Commission n’avait pas tenu compte des éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions. J’estime toutefois qu’il y a lieu d’établir une distinction entre la présente espèce et ces deux affaires : dans Flores Alcazar, la Cour a conclu, au paragraphe 26, que la Commission avait ignoré ses propres recherches pour arriver à sa conclusion et, dans Kovacs, la Cour a estimé, au paragraphe 61, que la Commission avait conclu à tort que les agressions commises envers les Roms avaient cessé, sans tenir compte d’éléments de preuve importants suivant lesquels elles se poursuivaient.

 

[16]           Par contraste, dans le cas qui nous occupe, la Commission a tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait et a reconnu que certains de ces éléments de preuve se contredisaient. À mon avis, il ne s’agit pas d’un cas dans lequel la Commission s’en est tenue à des généralisations au sujet du pays en cause sans tenir compte des éléments de preuve précis dont elle disposait, et la Commission ne s’est pas contentée non plus de mentionner les efforts ou les bonnes intentions du gouvernement sans s’interroger sur leur mise en œuvre et sur les résultats concrets.

 

[17]           La Commission a expressément examiné dans sa décision deux éléments de preuve cités par les demandeurs à l’appui de leur thèse. La Commission cite en effet à plusieurs reprises dans ses motifs la Réponse à la demande d’information ainsi que le rapport du Département d’État des États‑Unis. La Commission a reconnu le problème de violence à l’endroit des Roms, la discrimination dont les Roms sont victimes dans tous les aspects de la société ainsi que la corruption policière. La Commission a toutefois estimé que la prépondérance de la preuve appuyait la conclusion que la protection de l’État était offerte et que l’État avait répondu de façon adéquate à ces problèmes. Cette conclusion s’appuyait sur la preuve documentaire et il était raisonnablement loisible à la Commission de la tirer.

 

[18]           Ma conclusion n’enlève rien aux observations que mon collègue, le juge Michel Shore, a formulées dans la décision Kovacs, au paragraphe 66 :

Ainsi, il ne suffit pas de démontrer les changements et les améliorations contenues dans l’État hongrois, notamment l’existence de plusieurs recours et la possibilité d’obtenir une protection de l’État hongrois. Encore faut‑il prouver que les changements sont mis en œuvre de façon efficace dans la pratique. La preuve d’une volonté d’amélioration et des progrès tentés par l’État ne devrait pas constituer, pour le décideur, un indice décisif à l’effet que les mesures potentielles équivalent à une protection efficace dans le pays sous étude. Comme la jurisprudence ci‑dessus le démontre, la volonté, aussi bonne qu’elle pourrait l’être, n’équivaut pas à l’action.

 

 

[19]           Je suis du même avis. Toutefois, compte tenu de leur omission d’entreprendre quelque démarche que ce soit pour chercher à obtenir la protection de l’État, les demandeurs avaient l’obligation de présenter des éléments de preuve clairs et convaincants pour démontrer qu’ils ne pouvaient raisonnablement compter sur cette protection. La Commission a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de ce fardeau, et il n’appartient pas à la Cour d’évaluer de nouveau la preuve ou de substituer ses conclusions à celles de la Commission. Il n’y a aucune raison qui justifierait notre intervention.

 

[20]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5119‑11

 

INTITULÉ :                                                   HORVATH et autres c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clifford Luyt

POUR LES DEMANDEURS

 

Gordon Lee

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.