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Date : 20120220


Dossier : IMM-4557-11

Référence: 2012 CF 228

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 20 février 2012

En présence de M. le juge Near

 

 

ENTRE :

 

KUGAPARAN BALASUBRAMANIAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 21 juin 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître au demandeur, Kugaparan Balasubramaniam, la qualité de réfugié au sens de la Convention et celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

I.                    Les faits

 

[3]               Le demandeur est un Tamoul originaire du Nord du Sri Lanka. Il a présenté une demande d’asile au Canada en alléguant qu’il était persécuté par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), la police et l’armée sri-lankaise ainsi que le groupe Karuna.

 

[4]               Il n’a aucun lien avec les TLET, mais au cours de son adolescence, sa famille et lui ont eu des problèmes et ils ont dû déménager. Les TLET ont exercé des pressions sur lui pour qu’il se joigne à leur groupe jusqu’à ce que sa mère les paie en bijoux. Le demandeur a malgré tout été forcé de les aider en donnant du sang et en creusant des abris.

 

[5]               Malgré ces difficultés, le demandeur a fréquenté l’Université de Batticaloa de 2002 à juin 2006. Soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET, de nombreux étudiants ont été détenus et interrogés au cours de cette période.

 

[6]               En juin 2006, le demandeur a mis sur pied une entreprise de communications par l’entremise de laquelle il facilitait les appels téléphoniques outre-mer et offrait l’accès à Internet. Le demandeur affirme que, peu de temps après qu’il eut lancé son entreprise, deux hommes du groupe Karuna se sont présentés chez lui et ont exigé 500 000 roupies. Comme il n’avait pas cette somme, il leur a plutôt remis 50 000 roupies. Après que les hommes furent revenus pour réclamer le reste de la somme, le demandeur a commencé à avoir peur et a quitté le Sri Lanka pour l’Inde le 20 mai 2007.

 

[7]               Il a transité par plusieurs pays avant d’entrer aux États‑Unis le 25 avril 2010. Il est arrivé au Canada et a demandé l’asile le 22 septembre 2010.

 

II.         Décision contestée

 

[8]               La Commission a précisé qu’il y avait deux questions déterminantes à trancher : (1) la crédibilité du formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur et de son témoignage quant à sa crainte subjective de persécution en tant que victime de menaces et d’extorsions ciblées de la part du groupe Karuna; (2) l’évolution de la situation politique au Sri Lanka.

 

[9]               La Commission a estimé, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du demandeur n’était pas crédible parce qu’il « comportait une importante contradiction et une omission de nature sérieuse par rapport à la prétendue menace d’extorsion faite par le groupe Karuna ». Sa version des faits a été qualifiée de récit inventé de toutes pièces. La conclusion de la Commission s’expliquait en partie par la modification que le demandeur avait apportée à son FPR à l’ouverture de l’audience. La Commission a déclaré :

Les contradictions concernant les moments où ont eu lieu les visites des membres du Karuna chez le demandeur d’asile en vue de lui extorquer de l’argent et la fréquence de ces visites constituent un élément important et essentiel de la demande d’asile. De plus, le fait que le demandeur a oublié d’indiquer la seconde visite dans son FRP, ce qui contredit son témoignage de vive voix, soulève une importante préoccupation en matière de crédibilité vu l’incapacité du demandeur d’asile de fournir une explication raisonnable. 

 

[10]           De plus, la Commission a déclaré qu’elle n’était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur serait perçu par l’armée comme un sympathisant des TLET ou comme une personne ayant des liens avec ce groupe s’il retournait au Sri Lanka.

 

[11]           La Commission a jugé invraisemblable l’explication du demandeur suivant laquelle il avait eu la présence d’esprit, avant de quitter le Sri Lanka, de numériser la première page de son passeport parce qu’il croyait que cela suffirait pour pouvoir être admis au Canada. La Commission a par conséquent tiré une autre conclusion négative au sujet de la crédibilité générale du demandeur, et ce, même si cette question n’était pas, à elle seule, cruciale en ce qui concerne la demande d’asile.

 

[12]           Enfin, la Commission a examiné l’évolution de la situation au Sri Lanka, au paragraphe 73 de ses motifs :

[73] […] Il serait négligent de la part du tribunal de ne pas reconnaître ni prendre en considération les problèmes qui étaient toujours présents au Sri Lanka pendant les années qui ont suivi la guerre, en particulier quant aux Tamouls qui sont réputés avoir des liens avec les TLET. Toutefois, lorsqu’il examine les circonstances propres au demandeur d’asile en l’espèce, conformément au HCR et à la décision Yusuf citée ci-dessus, le tribunal souligne que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile n’est pas perçu comme ayant des liens avec les TLET par le gouvernement du pays et ne serait donc pas susceptible d’être pris pour cible par celui-ci […]

 

III.       Questions en litige

 

[13]           La présente demande soulève diverses questions que l’on peut résumer ainsi :

 

a)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant ses conclusions négatives au sujet de la crédibilité?

 

b)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’évaluant pas le risque que représentait le groupe Kurana pour le demandeur?

 

c)         Le demandeur a-t-il été privé d’une audience équitable en raison de la conduite de la commissaire?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[14]           En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique généralement (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 51). Plus précisément, c’est cette norme de contrôle que notre Cour applique aux conclusions relatives à la crédibilité (Aguirre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] ACF no 732, au paragraphe 14).

 

[15]           Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la Cour se demande si la décision peut être qualifiée de justifiée, transparente et intelligible, et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[16]           En revanche, les questions d’équité procédurale soulevées par le demandeur commandent l’application de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, 2009 CarswellNat 434, au paragraphe 43).

 

V.        Analyse

 

 

A.        La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant ses conclusions négatives au sujet de la crédibilité?

 

 

[17]           Le demandeur conteste les conclusions négatives tirées par la Commission au sujet de sa crédibilité en affirmant que la Commission a mal interprété la preuve, notamment en ce qui concerne la modification qu’il a apportée à son FRP à l’ouverture de l’audience. Le demandeur insiste pour dire qu’il n’avait pas l’intention de supprimer de son FRP la mention de la seconde visite que le groupe Karuna avait faite chez lui en juillet 2006, mais qu’il voulait simplement ajouter que les hommes l’avaient sommé de leur donner de l’argent dans un délai d’un an et qu’ils étaient revenus en avril 2007. Il était par conséquent étonné et il n’a pas compris pourquoi la commissaire avait relevé des contradictions entre les notes prises par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) au point d’entrée, son FRP et son témoignage.

 

[18]           Suivant le défendeur, la modification apportée au FRP visait à supprimer l’allégation suivant laquelle deux hommes du groupe Karuna étaient revenus le mois suivant et à la remplacer par la suivante : [traduction] « Ils m’ont sommé de payer la somme dans un délai d’un an. Ils sont revenus en avril 2007 ». La transcription ne laisse subsister aucun doute à ce sujet comme le démontre l’intervention suivante de la commissaire : [traduction] « Je lui ai indiqué de se contenter de remplacer cette phrase en expliquant que les hommes avaient exigé d’être payés dans un délai d’un an et qu’ils étaient revenus en avril 2007 ». Le demandeur n’a pas remis cette explication en question et a confirmé que le contenu de son FRP était véridique, exact et complet. Au cours de son témoignage, le demandeur a toutefois mentionné trois visites distinctes effectuées par des membres du groupe Karuna.

 

[19]           Malgré la négation, par le demandeur, de toute suppression ou contradiction, je suis disposé à convenir avec le défendeur qu’il était raisonnable de la part de la Commission de se montrer sceptique face à la version des faits fournie par le demandeur. Si une confusion a été créée par suite de la modification apportée à son FRP, il me semble que le demandeur aurait simplement pu fournir les éclaircissements qu’il cherche maintenant à donner dans son mémoire.

 

[20]           La Commission précise que sa conclusion selon laquelle le récit du demandeur était fabriqué de toutes pièces reposait sur l’accumulation des inférences négatives tirées en raison des contradictions relevées dans la preuve. Le demandeur n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier les divergences constatées entre les notes prises au point d’entrée, son premier FRP, son FRP modifié et son témoignage de vive voix. Au paragraphe 37 de ses motifs, la Commission signale ce qui suit :

Le tribunal est d’accord avec le conseil sur le fait qu’une simple omission de la part du demandeur d’asile de renvoyer à une visite de membres du Karuna en avril 2007 ne laisse pas nécessairement entendre que celle-ci n’a pas eu lieu. C’est précisément pour cette raison que le tribunal a donné l’occasion au demandeur d’asile d’expliquer raisonnablement cette omission dans sa déclaration à CIC; il pouvait donc le faire. Le demandeur d’asile n’a toutefois pas expliqué raisonnablement les contradictions […]. Ainsi, le tribunal tire une conclusion défavorable en matière de crédibilité. 

 

[21]           Même si le demandeur a raison de dire que la Commission ne devrait pas se livrer à une analyse microscopique de la preuve pour tirer des conclusions au sujet de la crédibilité, il n’en demeure pas moins qu’il était raisonnable de sa part de tirer des inférences négatives des contradictions relevées au sujet d’éléments cruciaux de la demande d’asile. La Commission a souligné que les contradictions concernant le déroulement et la fréquence des visites des membres du Karuna chez le demandeur pour lui extorquer de l’argent soulevaient d’importantes préoccupations quant à la crédibilité du demandeur, vu l’incapacité de ce dernier de fournir des explications. J’accepte qu’il était raisonnable de la part de la Commission d’insister sur ce point.

 

[22]           Il est de jurisprudence constante que la Commission peut raisonnablement fonder ses conclusions négatives au sujet de la crédibilité sur les omissions et les contradictions qu’elle relève au sujet de faits importants allégués dans les notes prises au point d’entrée, le FRP et le témoignage de vive voix (voir, par exemple, Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668, [2011] ACF no 840, au paragraphe 18; Basseghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1867, 52 ACWS (3d) 165, au paragraphe 33; Nyayieka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 690, [2010] ACF no 830, au paragraphe 11; Zupko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1319, [2010] ACF no 1637, au paragraphe 32).

 

[23]           Le demandeur affirme également qu’il y avait de la confusion dans l’esprit de la Commission sur le témoignage qu’il avait donné au sujet des documents qui avaient été utilisés en Inde ainsi que sur la façon dont il avait perdu son passeport mais avait réussi à en photocopier la première page pour faciliter son identification à son arrivée au Canada.

 

[24]           Suivant le demandeur, la Commission l’a d’abord interrogé sur les documents exigés au Sri Lanka alors qu’il se rendait en fait en Inde. De plus, la Commission a laissé entendre que le demandeur se contredisait lorsqu’il affirmait qu’il avait photocopié la première page de son passeport à Buffalo alors qu’il avait déjà expliqué qu’il y avait eu accès par courriel. Il a par la suite expliqué qu’il avait accédé à cette page par courriel et qu’il l’avait imprimée et photocopiée à Buffalo. À l’appui de cet argument, le demandeur invoque la décision Muhwati c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1121, [2007] ACF no 1450, dans laquelle le juge Michael Phelan a conclu que la Commission avait commis une erreur en tirant ses conclusions au sujet de la crédibilité parce qu’elle avait mal apprécié des faits essentiels.

 

[25]           Le défendeur maintient qu’en ce qui concerne les documents présentés en Inde, la Commission a eu raison de tirer des conclusions négatives au sujet de la crédibilité. Invité à expliquer des contradictions relevées dans son témoignage, le demandeur a répondu qu’il ne souhaitait pas répondre ou faire de commentaires. Ce genre de réponse évasive et ce refus d’offrir des explications cohérentes peuvent raisonnablement justifier une conclusion négative au sujet de la crédibilité (voir, par exemple, Juarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 890, [2010] ACF no 1107, au paragraphe 26).

 

[26]           Dans le même ordre d’idées, le défendeur signale que le demandeur n’a pas bien expliqué les versions contradictoires données au sujet de la façon dont il avait perdu son passeport et en avait obtenu une copie. La Commission lui a explicitement offert la possibilité de s’expliquer à l’audience.

 

[27]           Le demandeur n’avait qu’une copie de la première page de son passeport et a affirmé qu’il avait perdu son passeport en Inde. Interrogé sur la façon dont il avait obtenu une copie de la première page, il a répondu qu’il en avait fait une photocopie à Buffalo. Il a également expliqué qu’il avait numérisé une photocopie en 2007 en vue de l’utiliser au Canada. Il a déclaré au point d’entrée qu’il avait obtenu cette page par courriel et qu’il avait été en mesure de l’imprimer à Buffalo. Ces versions divergentes ont incité la Commission à conclure à l’invraisemblance et au manque de crédibilité. La Commission peut, de façon raisonnable, tirer de telles conclusions fondées sur l’invraisemblance, le bon sens et la raison (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1272, [2002] ACF no 1724, au paragraphe 7; Shahamati c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 415, au paragraphe 2 (CAF)).

 

[28]           Je suis par conséquent d’accord avec le défendeur pour dire que la Commission était justifiée de tirer ces conclusions négatives au sujet de la crédibilité en ce qui concerne les documents produits en Inde et le passeport perdu. Le demandeur n’a tout simplement pas fourni suffisamment d’explications et d’éclaircissements sur la façon dont il avait obtenu ces documents. Je reconnais également le fait que les conclusions tirées par la Commission à cet égard étaient plutôt minces. La Commission a expressément relevé que ces contradictions n’étaient pas cruciales en ce qui concerne la demande d’asile, mais qu’elles permettaient de tirer une autre conclusion négative au sujet de la crédibilité générale.

 

[29]           Le cumul de ces contradictions a amené la Commission à tirer, au sujet de la crédibilité, des conclusions négatives qui appartenaient aux issues possibles acceptables.

B.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas le risque que représentait le groupe Karuna pour le demandeur?

 

 

[30]           Le demandeur affirme que l’évaluation que la Commission a faite du risque ne pouvait se borner à l’analyse de l’évolution de la situation au Sri Lanka. La Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte du risque que représentait le groupe Karuna pour le demandeur en raison des conclusions qu’elle avait tirées au sujet de sa crédibilité.

 

[31]           Vu ma conclusion suivant laquelle les conclusions tirées au sujet de la crédibilité étaient raisonnables, le demandeur ne devrait pas s’étonner que la Commission n’ait pas traité expressément du risque que représentait le groupe Karuna pour lui et j’estime que cette omission ne pose pas nécessairement problème.

 

[32]           J’accepte la thèse du défendeur suivant laquelle la Commission a examiné à fond l’évolution de la situation au Sri Lanka et que rien ne démontre que le demandeur avait un profil qui le mettrait par ailleurs en danger. Qui plus est, la conclusion tirée au sujet de la crédibilité suivant laquelle le demandeur avait inventé de toutes pièces son récit au sujet de ses rencontres avec des membres du groupe Karuna permettait de trancher la question et l’ensemble de la demande d’asile.

 

 

C.        Le demandeur a-t-il été privé d’une audience équitable en raison de la conduite de la commissaire?

 

 

[33]           Le demandeur soulève également des préoccupations au sujet de la conduite de la commissaire à l’audience. La commissaire a, selon lui, mal compris et mal énoncé les éléments de preuve sur lesquels elle s’est fondée pour conclure, à tort, à l’existence de contradictions. Cette façon d’agir a créé de la confusion dans l’esprit du demandeur et l’a amené à perdre confiance en l’objectivité de la Commission.

 

[34]           Le demandeur fonde son argument sur la jurisprudence relative aux questions agressives posées par la Commission et sur d’éventuels manquements à l’équité procédurale. Même s’il ne s’agissait pas de la conclusion principale tirée par la Cour dans la décision Muhwati, précitée, il n’empêche que la Cour a fait observer ceci dans cette affaire : « il y a une façon dont un commissaire doit interroger un demandeur et examiner de manière approfondie la crédibilité d’un récit, sans dégrader, attaquer ou insulter le témoin ».

 

[35]           Dans la décision Swaminathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 86, [2007] ACF no 106, au paragraphe 35, la Cour a estimé que les questions agressives et intimidantes avaient donné lieu à une audience inéquitable. Le juge Douglas Campbell a, dans la décision Ritchie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 99, [2006] ACF no 210, au paragraphe 18, reproché à la Commission d’avoir posé « des questions auxquelles il était impossible de répondre ». Suivant le demandeur, dans la présente affaire, la Commission s’est montrée agressive et a posé des questions auxquelles il était impossible de répondre par suite d’un malentendu au sujet de la preuve.

 

[36]           Je signale par ailleurs que notre Cour a expliqué que des interrogatoires musclés et énergiques menés par un commissaire ne se traduisent pas nécessairement par un manquement à l’équité procédurale (voir, par exemple, Veres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 124, [2000] ACF no 1913, au paragraphe 36; Ithibu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 288, [2001] ACF no 499, au paragraphe 68). La Commission a le droit de sonder la version des faits du demandeur pour y trouver des réponses à ses préoccupations au sujet de la crédibilité et des contradictions. La question de savoir si un manquement a été commis dépend des circonstances dans lesquelles l’audience s’est déroulée.

 

[37]           Ainsi que le défendeur le signale, le demandeur n’a donné aucun exemple précis pour démontrer que la Commission avait eu un comportement agressif ou abusif lorsqu’elle a posé ses questions. Rien ne permet de penser que la commissaire a dégradé ou attaqué le demandeur pour obtenir des éclaircissements au sujet d’un exposé circonstancié du FRP incohérent et d’un témoignage contradictoire, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Muhwati, précitée.

 

[38]           La décision de la Commission et la transcription démontrent au contraire que la Commission avait à cœur de s’assurer que le demandeur soit à l’aise, qu’il écoute attentivement les questions et qu’il ait la possibilité de demander des éclaircissements. La commissaire a déclaré : [traduction] « Je sais qu’il est difficile d’essayer de vous détendre et d’écouter attentivement les questions. Je ne veux pas vous limiter dans vos réponses. Parfois, je pose des questions très précises ». Elle a poursuivi en disant : [traduction] « Mais si vous n’êtes pas certain, n’hésitez pas à me le dire et je vais vous signaler si vous déviez ou votre avocat vous le dira ». La commissaire a également tenté de s’assurer que le demandeur comprenait bien les questions qui lui étaient posées.

 

[39]           Je ne suis pas convaincu que la Commission a adopté un comportement trop agressif et qu’elle a posé des questions auxquelles il était impossible de répondre, ou encore qu’elle a agi de manière à créer de la confusion dans l’esprit du demandeur et à le priver d’une audience équitable. La commissaire cherchait simplement à aborder ses préoccupations au sujet de la crédibilité. En soi, cette façon d’agir n’équivaut pas à un déni du droit du demandeur à une audience équitable.

 

VI.       Conclusion

 

[40]           La Commission a conclu de façon raisonnable que le récit du demandeur n’était pas crédible en raison des diverses contradictions relevées au sujet des tentatives d’extorsion du groupe Karuna et de la façon dont le demandeur avait obtenu ses données de passeport. Pour cette raison, l’appréciation des risques n’était également entachée d’aucune erreur flagrante. Les questions posées par la commissaire en vue d’obtenir des réponses à ses préoccupations ne donnent pas lieu à un manquement à l’équité procédurale.

 

[41]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4557-11

 

INTITULÉ :                                       BALASUBRAMANIAM c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

Charles Jubenville

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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