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Date : 20120213

Dossier : IMM‑3778‑11

Référence : 2012 CF 203

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 13 février 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

MA LI LIN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 25 mars 2011 [la décision] par un agent d’immigration désigné [l’agent] du consulat général du Canada à Hong Kong. Dans la décision, l’agent a rejeté la demande de visa de résidence permanente de la demanderesse à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), concluant qu’il lui manquait un point pour atteindre le total de 67 points nécessaire pour être admissible à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               Dans son avis de demande et son exposé des faits et du droit, la demanderesse a soutenu que la décision devrait être annulée tant en raison de son caractère déraisonnable que parce que l’agent aurait commis un manquement à l’équité procédurale. Dès le début de l’audience, l’avocat de la demanderesse a renoncé à la contestation de la décision fondée sur l’absence de caractère raisonnable et a confirmé que la demande de contrôle judiciaire reposait uniquement sur le manquement à l’équité procédurale. Plus précisément, la demanderesse fait valoir qu’en utilisant une grille pour établir une correspondance entre les cotes brutes que la demanderesse a obtenues suivant le International English Language Testing System [test IELTS] et les points requis en vertu des Canadian Language Benchmarks 2000 [les standards], pour l’application du paragraphe 79(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], l’agent a commis un manquement à l’équité procédurale parce qu’une modification apportée par le défendeur à la grille en 2008 n’a pas été publiée dans la Gazette du Canada ni autrement largement diffusée aux consultants en immigration. À la période pertinente, le Règlement permettait à un demandeur de démontrer sa compétence linguistique soit en passant un test comme le test IELTS, soit en subissant une évaluation linguistique administrée par un agent[1]. La demanderesse soutient que si elle avait été au courant de la modification apportée à la grille de correspondance, elle n’aurait pas passé le test IELTS et aurait plutôt choisi de faire évaluer sa compétence linguistique par l’agent.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’agent n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale et que par conséquent, la présente demande devrait être rejetée.

 

Contexte factuel

[4]               La demanderesse est une citoyenne de la Chine. Elle déclare dans l’affidavit déposé à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire qu’elle a présenté sa demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) vers juillet 2009. Le dossier indique que le consulat général à Hong Kong a reçu sa demande le 28 septembre 2009.

 

[5]               La demanderesse affirme de plus dans son affidavit qu’elle a retenu les services d’une personne qui [traduction] « se décrivait elle‑même comme un consultant en immigration » en Chine pour l’aider à préparer sa demande et qu’en préparant celle‑ci, le consultant et elle se sont reportés aux instructions tirées d’un guide publié par le défendeur, daté d’août 2008 et intitulé « Simplified Process Guide (IMM ESAP 7000) » [guide du processus simplifié de traitement des demandes]. Ce guide n’indique pas comment établir la correspondance entre les résultats obtenus au test IELTS et les points accordés suivant les standards auxquels renvoie le paragraphe 79(2) du Règlement.

 

[6]               La demanderesse déclare également dans son affidavit que lors de la préparation de sa demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), son consultant et elle ont calculé qu’elle obtiendrait 12 points pour la compétence linguistique et estimé qu’elle pouvait obtenir ce résultat s’il était établi qu’elle avait un niveau élevé de compétence à l’égard de deux des quatre aptitudes mesurées par le test IELTS, à savoir les aptitudes à lire, à écrire, à parler et à écouter et si elle obtenait une cote moyenne à l’égard des deux autres aptitudes. La demanderesse ne fait cependant pas valoir que cette évaluation était fondée sur quelque déclaration faite par le défendeur. Il semble que le consultant ait plutôt exprimé cette opinion en s’appuyant sur une grille de correspondance périmée qui n’était plus utilisée par le défendeur en 2009. La demanderesse n’a pas informé l’agent des estimations faites par son consultant et elle à l’égard de la conversion des résultats du test IELTS suivant les standards.

 

[7]               La demanderesse a passé le test IELTS le 7 novembre 2009 et a obtenu un résultat brut de 7,0 pour l’aptitude à lire, de 7,0 pour l’aptitude à écouter, de 6,0 pour l’aptitude à écrire et de 6,0 pour l’aptitude à parler. L’agent a appliqué la grille de correspondance qui se trouve dans les guides opérationnels de 2009 et de 2010 et a obtenu les résultats suivants :

Résultats bruts du test IELTS obtenus par la demanderesse

Points attribués pour la demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral)

Aptitude à lire – 7,0

Standard ‑ élevé – 4 points

Aptitude à écouter – 7,0

Standard ‑ moyen – 2 points

Aptitude à écrire – 6

Standard ‑ moyen – 2 points

Aptitude à parler – 6

Standard ‑ moyen – 2 points

 

[8]               Les parties ne contestent pas que l’agent a correctement appliqué la grille en vigueur en 2009 et en 2010 aux résultats bruts que la demanderesse a obtenus au test IELTS.

 

[9]               La grille du manuel opérationnel a été modifiée le 28 novembre 2008. Avant cette date, une valeur égale était attribuée aux quatre aptitudes évaluées lorsque la correspondance était établie entre les résultats obtenus au test IELTS et les points accordés suivant les standards. Autrement dit, un résultat de « 7 » ou plus pour l’une ou l’autre des aptitudes suivant le test IELTS correspondait dans tous les cas à « 4 » suivant les standards. Le défendeur a modifié la grille en 2008 à l’égard de certaines aptitudes en raison d’une étude qu’il a menée qui indiquait que la relation entre les résultats au test IELTS et ceux obtenus suivant les standards n’était pas uniforme pour les quatre aptitudes et qu’il fallait exiger un pointage plus élevé pour l’aptitude à écouter et un pointage moins élevé pour les autres aptitudes. Ainsi, à compter de 2008, un demandeur devait obtenir au test IELTS un pointage de « 7,5 » ou plus pour l’aptitude à écouter pour recevoir la cote « élevé » suivant les standards alors que pour les autres aptitudes un pointage de « 6,5 » suffisait pour recevoir la cote « élevé » suivant les standards.

 

[10]           Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse soutient que le défendeur aurait dû donner un avis de sa modification de la grille en la publiant dans la Gazette du Canada ou par un autre moyen, comme un bulletin général transmis à tous les consultants en immigration. La demanderesse fait valoir que l’omission d’ainsi publiciser la modification à la grille de correspondance constitue un manquement à l’équité procédurale de la part du défendeur. Elle prétend également que si elle avait été au courant de la modification, elle se serait prévalue du choix (qui existait alors) de faire évaluer sa compétence linguistique par l’agent, plutôt que de passer le test IELTS.

 

[11]           La preuve non contredite présentée à la Cour montre que la nouvelle façon d’établir la correspondance entre les résultats bruts au test IELTS et les points accordés suivant les standards était clairement indiquée dans les brochures que le défendeur fournissait aux demandeurs au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) et qui accompagnaient les formulaires de demande au titre de cette catégorie en juillet et en septembre 2009, soit la date à laquelle la demanderesse a présenté sa demande et celle à laquelle le défendeur l’a reçue.

 

[12]           Ainsi, si la demanderesse ou son consultant avait lu les documents que le défendeur fournissait avec les trousses de demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) en juillet 2009, ils auraient eu facilement connaissance de la modification apportée à la grille de correspondance.

 

Analyse

[13]           La demanderesse soutient que la présente affaire est substantiellement semblable aux situations dans Noor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 308, [2011] ACF no 388 [Noor], et Vikas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 207, [2009] ACF no 230 [Vikas], jugements dans lesquels la Cour a annulé les décisions rendues par des agents des visas au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), en raison d’un déni d’équité procédurale. Dans les deux cas, la Cour a pris soin de déclarer que ces conclusions se limitaient aux « faits uniques » ou à la « situation précise » qui y prévalaient.

 

[14]           Dans Noor, le demandeur a omis de fournir des documents de preuve de résidence que le défendeur exigeait depuis peu suite à une modification à une politique administrative. Dans cette affaire cependant, contrairement à la présente situation, la preuve présentée à la cour indiquait que le demandeur avait présenté une trousse de demande périmée à l’agent des visas qui renvoyait aux documents exigés auparavant. La cour a jugé qu’il apparaissait clairement à l’agent des visas que le demandeur s’appuyait sur des renseignements périmés et que le demandeur, dans cette situation précise, aurait dû avoir la possibilité de présenter les documents manquants (qu’il pouvait obtenir facilement). En l’espèce toutefois, rien ne pouvait permettre à l’agent de savoir que la demanderesse s’appuyait sur une version périmée de la grille de correspondance.

 

[15]           La situation dans Vikas est moins pertinente. Dans cette affaire, une agente a mené une entrevue, questionné le demandeur sur ses antécédents professionnels et calculé le nombre de mois au cours desquels il avait travaillé, mais ne lui a pas fait part du résultat. Pour effectuer le calcul, l’agente devait convertir les heures de travail à temps partiel qu’avait effectuées le demandeur en équivalents à temps plein et le résultat obtenu pouvait faire l’objet d’une certaine interprétation. Au bout du compte, l’agente des visas a conclu qu’il manquait au demandeur moins de deux mois d’expérience pour le rendre admissible à un visa de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). En raison du caractère unique des faits d’espèce, la cour a conclu que l’agente des visas était tenue, en vertu de l’obligation d’équité procédurale, d’informer le demandeur du résultat de son calcul. En l’espèce, au contraire, il n’y a eu aucune entrevue et il n’y avait rien de subjectif à propos de l’application de la grille de correspondance.

 

[16]           À mon avis, Noor et Vikas se distinguent tous deux de la présente affaire. En l’espèce, rien ne permettait à l’agent de savoir que la demanderesse s’appuyait sur une version périmée de la grille de correspondance et les documents mêmes qui accompagnaient la trousse de demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) précisaient clairement quelle était la grille applicable. Comme je l’ai déjà indiqué, si la demanderesse ou son consultant avait simplement lu le document dont le demandeur disposait, il aurait aidé de savoir à quels critères était assujettie l’évaluation linguistique.

 

[17]           Dans les circonstances, l’agent n’a pas commis de déni d’équité procédurale et le défendeur n’avait aucune obligation de publiciser la modification apportée à la grille de correspondance de la manière demandée par la demanderesse.

 

[18]           Les parties n’ont pas soumis de question à certifier en vertu de l’article 74 de la LIPR, et aucune n’est soulevée en l’espèce.

 

 


JUGEMENT

 

            LA COUR statue que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Mary J. L Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    IMM‑3778‑11

 

INTITULÉ :                                                   MA LI LIN c
ministre de LA Citoyenneté et DE l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          La juge Gleason

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 13 février 2012

 

 

 

Comparutions :

 

Max Chaudhary

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nina Chandy

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chaudhary Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 



[1] Postérieurement aux événements donnant lieu à la présente demande, l’article 79 du Règlement a été modifié par DORS/2011‑54 pour éliminer la possibilité pour un demandeur de démontrer sa compétence linguistique au moyen d’une preuve documentaire plutôt que de passer un test standardisé par l’entremise d’un organisme désigné par le ministre.

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