Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 Date: 20120208


Dossier : IMM-4414-11

Référence : 2012 CF 182

Montréal (Québec), le 8 février 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

J. JESUS MEZA ORTEGA

FRANCISCO ELPID MEZA ORTEGA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I  Introduction

[1]               La Cour doit faire preuve de déférence envers les conclusions de fait d’un organisme notamment en matière d’appréciation de la vraisemblance. La SPR ne doit pas, sous prétexte d’invraisemblance, écarter la preuve qui contredit ses conclusions sans procéder à une analyse transparente et intelligible.

 

[2]               Le tribunal administratif, dans ce cas, a mené deux analyses indépendantes, l’une relative à l’appréciation de la plausibilité du récit des demandeurs et l’une, subsidiaire à la première, relative à la possibilité de refuge intérieur [PRI]. La Cour ne peut, certes pas, substituer son raisonnement à celui du tribunal des faits et considérer à nouveau la preuve. Cela étant dit, cette Cour se doit d’intervenir si l’examen de la décision laisse croire que les conclusions de fait ont été tirées sans tenir compte de la preuve.

 

II  Procédure judiciaire

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], rendue le 22 juin 2011, selon laquelle les demandeurs n’ont ni la qualité de réfugié au sens de la Convention tel que défini à l’article 96 de la LIPR ni la qualité de personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

 

III  Faits

[4]               Le demandeur principal, monsieur J. Jesus Meza Ortega, trente ans, et son frère monsieur Francisco Elpidio Meza Ortega, 22 ans, sont citoyens du Mexique.

 

[5]               Dès son retour des États-Unis où il a vécu cinq ans, le demandeur principal a acheté 90 hectares de terres près d’Amayuca en copropriété avec son frère.

 

[6]               En mai 2008, ils louèrent le tiers de leurs terres à monsieur Javier Monroy Cisneros. Ce dernier cultiva sur ces terres de la marijuana.

 

[7]               Lorsque les demandeurs s’en sont aperçus et l’ont confronté à ce sujet, ils ont été kidnappés.

 

[8]               Monsieur Monroy Cisneros leur aurait proposé de l’argent en échange de leur silence, mais le demandeur principal aurait décidé de porter plainte.

 

[9]               Les demandeurs auraient, par la suite, été victimes de menaces.

 

[10]           Le demandeur principal est arrivé au Canada le 16 novembre 2008 pour demander l’asile. Son frère l’a rejoint le 3 mai 2009.

 

IV  Décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire

[11]           La SPR remarque que, bien que les demandeurs aient témoigné sans contradictions, leur récit n’était pas plausible. De plus, même si les allégations étaient vraies, les demandeurs auraient une PRI. En effet, la SPR conclut que les terres achetées par les demandeurs ne constituent pas une ferme procurant des revenus suffisants pour qu’ils puissent gagner leur vie.

 

[12]           La SPR voit en Monterrey, une PRI. La SPR croit que monsieur Monroy Cisneros n’aurait pas grand intérêt à rechercher les demandeurs même s’il a déniché leurs cachettes par deux fois. De plus, les demandeurs n’ayant pas d’idée à quel cartel de drogues monsieur Monroy Cisneros appartient, la SPR détermine, selon la preuve documentaire qu’il serait associé à l’organisation Beltran Leyva. Monterrey étant, selon la preuve documentaire, associé au cartel des Zetas, les demandeurs ne s’exposeraient pas à un risque. En effet, la SPR croit que les guerres entre les cartels et les ressources militaires mises en place par le gouvernement mexicain sont les principaux soucis d’un cartel et qu’il serait invraisemblable que celui-ci recherche les demandeurs dans un territoire ennemi. La SPR admet que les cartels peuvent retrouver les demandeurs par des moyens illégaux, mais juge que cela est peu probable compte tenu des ressources de monsieur Monroy Cisneros qui n’est qu’un fermier qui cultive de la marijuana.

 

[13]           De plus, il ne serait pas déraisonnable pour les demandeurs de déménager à Monterrey étant donné leur expérience dans le domaine de la construction. Ils ne seraient donc pas sujets à exploitation pour avoir été forcés d’abandonner le travail de fermier.

 

V  Points en litige

[14]           Les questions en litiges se formulent ainsi :

a.       Y a-t-il eu manquement aux principes de justice naturelle?

b.      La décision de la SPR relative à la vraisemblance du récit des demandeurs est-elle raisonnable?

c.       La décision de la SPR relative à la PRI pour les demandeurs est-elle raisonnable?

 

VI  Dispositions législatives pertinentes

 

[15]           Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent au présent cas :

 

 

Définition de « réfugié »

 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Personne à protéger

 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

VII  Position des parties

 

[16]           La partie demanderesse soutient, tout d’abord, que les demandeurs avaient une expectative légitime de croire que la SPR avait admis que les demandeurs exploitaient une ferme au Mexique de par les photographies qu’ils avaient soumises en preuve.

 

[17]           En effet, lors de l’audience, la SPR avait admis que la photographie révélait des tiges de maïs laissant donc croire aux demandeurs que la SPR avait accepté la preuve des demandeurs que les terres étaient cultivables. Elle était tenue, dans le cas contraire, de leur faire part de ses doutes.

 

[18]           La partie demanderesse soutient également que les conclusions d’invraisemblance du récit de la SPR reposent sur des standards nord-américains qui ne tiennent pas compte des conditions de vie prévalant au Mexique dans lesquelles s’inscrit l’occupation des demandeurs. Ces derniers n’auraient jamais prétendu détenir une ferme au sens nord-américain du terme. Le terme « ferme » référait à des terres cultivables dans un contexte mexicain. Par le fait même, la partie demanderesse affirme que la preuve donnait des indications claires sur la condition des agriculteurs au Mexique appuyant le récit des demandeurs.

 

[19]           La SPR a erré dans l’appréciation de la plausibilité du récit par les hypothèses qu’elle formule à l’encontre des demandeurs sans preuve à l’appui. Ainsi, la SPR a erronément conclu que le demandeur principal, ayant vécu aux États-Unis, avait un mode de vie davantage urbain qu’agricole. Elle a également déterminé qu’il était peu probable que les demandeurs ne savaient pas, au moment de louer une partie de leur terres, que monsieur Monroy Cisneros était un trafiquant de drogue; celui-ci ayant été présenté aux demandeurs par l’intermédiaire de leur ami d’enfance devant détenir l’information.

 

[20]           Par ailleurs, la partie demanderesse soutient que la conclusion de la SPR sur la PRI est déraisonnable. En effet, la SPR n’a pas discuté des deux tentatives du persécuteur des demandeurs, monsieur Monroy Cisneros, de les retrouver alors qu’ils se cachaient à l’extérieur de leur lieu de résidence habituel. De plus, la SPR ayant admis que des moyens illégaux permettraient de retrouver les demandeurs partout au Mexique, elle se devait de ne pas conclure à une PRI. Le fait que le persécuteur des demandeurs n’aurait ni les moyens ni l’intérêt pour les rechercher partout au Mexique n’est qu’une spéculation de la part de la SPR.

 

[21]           La partie défenderesse, quant à elle, soutient que la conclusion de la SPR relative à la PRI est raisonnable et est étayée par la preuve documentaire. Il était également loisible à la SPR de rejeter l’explication des demandeurs selon laquelle monsieur Monroy Cisneros aurait une influence à l’échelle nationale, car il serait membre d’un cartel de drogues tout comme il lui était loisible de conclure qu’il n’aurait pas l’intérêt et les ressources pour retrouver les demandeurs dans tout le Mexique.

 

[22]           La partie défenderesse soutient que l’existence d’une PRI valide fait échouer la demande d’asile. Elle soutient que c’est à bon droit que la SPR, en tant que tribunal des faits, a souligné les invraisemblances du récit des demandeurs. Elle maintient, par ailleurs, que la SPR n’a jamais admis que les demandeurs exploitaient une ferme, et ce, en s’appuyant sur les photographies déposées en preuve.

 

VIII  Analyse

1)         Y a-t-il eu manquement aux principes de justice naturelle?

 

[23]           Tout d’abord, la SPR n’a pas manqué aux principes de justice naturelle. Les conclusions de la SPR sur la question de la qualification des terres des demandeurs relèvent de la plausibilité du récit. Celle-ci n’a aucunement déchargé implicitement les demandeurs de leur fardeau de preuve. La SPR a repris les propos qu’elle a tenus à l’audience au paragraphe 9 de sa décision :

[…] The claimants provide pictures of the land which does not show farm land but rolling hills. In one picture there were a few stalks of corn but no 'farm'. [La Cour souligne]

 

[24]           De plus, il appert du procès-verbal d’audience, que la SPR avait demandé s’il existait des photographies supplémentaires. En aucun cas, à la lecture du procès-verbal, il n’est possible de conclure que les propos de la SPR avaient engendré une expectative légitime chez les demandeurs (Dossier du tribunal [DT] aux pp 306 et 307).

 

[25]           Ensuite, la norme de contrôle pour les conclusions de fait du tribunal administratif est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

[26]           Les demandeurs doivent, pour infirmer la décision de première instance, démontrer que les conclusions sur la vraisemblance du récit et la conclusion relatives à la PRI son déraisonnables. Comme exprimé par la Cour d’appel fédérale dans (Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CAF 94 :

[14]   Il est regrettable que le juge n'ait pas examiné la conclusion principale de la Commission concernant l'absence de crédibilité de l'intimée. S'il l'avait fait, il n'aurait peut-être pas eu à examiner le motif subsidiaire et accessoire sur lequel la Commission a fondé sa décision. Le litige aurait ainsi pris fin, ce qui aurait permis d'économiser des ressources judiciaires limitées.

 

 

2)         La décision de la SPR relative à la vraisemblance du récit des demandeurs est-elle raisonnable?

 

[27]           La SPR a noté diverses invraisemblances dans le récit des demandeurs.

 

[28]           Il est bien admis par la jurisprudence que le tribunal des faits est libre d’utiliser le bon sens pour apprécier la vraisemblance d’un récit, toutefois, ce faisant, il doit se garder de faire fi de la preuve versée au dossier. Dans Valtchev c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] ACF no 1131, [2001] FCJ No 1131 (QL) cette Cour a expliqué comme suit les critères applicables en la matière :

7    Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

 

8    Dans le jugement Leung c. M.E.I., (1994), 81 F.T.R. 303 (C.F. 1re inst.), voici ce que le juge en chef adjoint Jerome déclare à la page 307 :

 

[14]      [...] Néanmoins, la Commission est clairement tenue de justifier ses conclusions sur la crédibilité en faisant expressément et clairement état des éléments de preuve.

 

[15]      Cette obligation devient particulièrement importante dans des cas tels que l'espèce où la Commission a fondé sa conclusion de non-crédibilité sur des "invraisemblances" présumées dans les histoires des demanderesses plutôt que sur des inconsistances [sic] et des contradictions internes dans leur récit ou dans leur comportement lors de leur témoignage. Les conclusions d'invraisemblance sont en soi des évaluations subjectives qui dépendent largement de l'idée que les membres individuels de la Commission se font de ce qui constitue un comportement sensé. En conséquence, on peut évaluer l'à-propos d'une décision particulière seulement si la décision de la Commission relève clairement tous les faits qui sous-tendent ses conclusions [...] La Commission aura donc tort de ne pas faire état des éléments de preuve pertinents qui pourraient éventuellement réfuter ses conclusions d'invraisemblance. [La Cour souligne]

 

[29]           En l’espèce, les conclusions d’invraisemblances de la SPR relatives à l’exploitation agricole des demandeurs sont problématiques en ce qu’elles ne reposent pas sur la preuve versée au dossier. La position de la SPR est exposée en ces termes :

[10]     […] At the same time he has no buildings on the land. In the pictures there are a few animals present. The panel concludes that this farm can at best be a subsistence farm if it constitutes a 'farm' at all. Certainly this land is unlikely to provide a lucrative source of income. The claimants were asked if they had any other job aside from this 'farm' and the claimants said no. […] There is no house on this land so they would have additional living and traveling expenses to consider. It is hard to imagine how this land would provide anything approaching a 'satisfactory' income for the claimants especially considering that Mr. Jesus Meza is accustomed to an urban lifestyle having lived in the US for several years prior to returning to Mexico in late 2006.

 

[11]    The panel concludes on a balance of probabilities the claimants are misrepresenting this land as a 'farm' as commonly understood. The land might exist and the claimants might own it but the panel does not believe that this land constitutes a 'farm' which would provide a livelihood for the claimants. [La Cour souligne]

 

[30]           Or, d’importance significative, les demandeurs avaient soumis en preuve une copie d’un contrat de transfert des droits de propriétés de terres agricoles aux demandeurs et un contrat de location de leurs terres à monsieur Monroy Cisneros (DT aux pp 174-182) dont la SPR n’a même pas fait mention dans sa critique de la vraisemblance du récit des demandeurs sur la question des terres agricoles.

 

[31]           De plus, l’examen du procès-verbal révèle, entre autres, que le demandeur principal a travaillé aux États-Unis à cultiver des oranges, ce qui contredit la conclusion la SPR sur le mode de vie urbain (DT à la p 308). À la même époque, son frère aurait quant à lui aurait travaillé en agriculture avec son père (DT à la p 299).

 

[32]           Bien que la Cour doive faire preuve de déférence envers les conclusions de fait du tribunal administratif, il apparaît clairement que la SPR n’a pas tenu compte du contexte particulier de la présente affaire dans son appréciation de la plausibilité du récit ce qui a miné son appréciation de la crainte subjective des demandeurs. Non satisfaite des photographies, elle se devait d’exposer clairement, en l’absence de contradictions et omissions dans la preuve testimoniale, les raisons l’amenant à conclure à l’invraisemblance du récit. Elle devait également discuter des éléments de preuve contraires à ses conclusions, ce qu’elle n’a pas fait.

 

3) La décision de la SPR relative à la PRI pour les demandeurs est-elle raisonnable?

 

[33]           Dans la dernière partie de la décision, la SPR conclut à une PRI à Monterrey si l’ensemble des allégations était vrai. La détermination de la PRI fait donc l’objet d’une analyse distincte et subsidiaire. Dans cette partie de l’analyse objective, la Cour, comme l’a fait la SPR, doit présumer que le récit des demandeurs est véridique.

 

[34]           Il est établi par la jurisprudence qu’une conclusion de PRI doit répondre à deux critères : la PRI envisagée doit être sécuritaire et ne doit pas être objectivement déraisonnable pour un demandeur d’y trouver refuge (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, [1993] ACF no 1172 (QL)).

 

[35]           La conclusion de la SPR s’appuie valablement sur la preuve documentaire selon laquelle monsieur Monroy Cisneros, le persécuteur serait, selon toute vraisemblance, membre du cartel Beltran Leyva et que Monterrey est sous l’emprise des Zetas, ennemi du cartel Beltran Leyva.

 

[36]           Toutefois, le passage suivant de la décision de la SPR est problématique :

[15]      The panel does not dispute that it might be possible for drug gangs to locate the claimants in Monterrey through possible illegal means. The panel concludes, however, that such an effort would, on a balance of probability, be beyond the interest and resources of Mr Monroy who is a marijuana farmer in state of Morelos and this is especially the case given that the claimants have clearly expressed their unwillingness to further challenge Mr. Monroy by fleeing the country in 2008(Jesus) and 2009 (Francisco).

 

[37]           Force est de constater que cette conclusion entache la logique inhérente au raisonnement de la SPR dans les paragraphes précédents. En effet, il y a là une contradiction puisque la SPR admet qu’il serait possible de retrouver les demandeurs. La SPR aurait dû alors mentionner et discuter la preuve selon laquelle les demandeurs avaient déjà été retrouvés, par deux fois, par leur agent persécuteur et selon laquelle le demandeur principal avait déposé une plainte auprès des autorités mexicaines contre son agent persécuteur. Il aurait, alors, été possible de comprendre le raisonnement de la SPR selon lequel les demandeurs ne seraient pas retracés à Monterrey. Cela est d’autant plus important que le récit des demandeurs est présumé vrai à cette étape de l’analyse de la SPR.

 

[38]           L’affaire Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998], 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425 (QL) enseigne que le tribunal administratif a intérêt à mentionner les éléments de preuve probants, et ce, même s’ils n’appuient pas ses arguments ce que la SPR a omis de faire. Sa décision est donc déraisonnable.

 

IX Conclusion

 

[39]           La Cour se doit de mentionner que ce cas en est un d’espèce. Le raisonnement de la SPR ne tenait pas compte de la preuve en l’espèce. Il est entendu qu’une conclusion différente pourrait être tirée dans un autre contexte, et ce, même, au regard de faits minimalement divergents.

 

[40]           Pour les raisons précédemment mentionnées, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et le cas est renvoyé pour examen à nouveau à un panel autrement constitué.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée pour examen à nouveau à un tribunal autrement constitué.

Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4414-11

 

INTITULÉ :                                       J. JESUS MEZA ORTEGA ET AL.

                                                            et   MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alain Joffe

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Pavol Janura

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Joffe

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.