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Date: 20120208


Dossier : IMM-4703-11

Référence : 2012 CF 173

Ottawa, Ontario, le 8 février 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

ANTONIO LOPEZ AGUILERA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le tout débute en 1998, lorsque Monsieur Lopez Aguilera dépose une plainte auprès des autorités policières suite à une introduction par effraction dans sa maison. Les policiers lui demandent des pots-de-vin pour enquêter. Ils le poursuivent pendant les prochains dix ans à travers le Mexique afin d’obtenir d’autres pots-de-vin, pour finalement le battre sévèrement en 2008. À ce moment, Monsieur Lopez Aguilera quitte le Mexique pour venir au Canada et y revendiquer le statut de réfugié pour lui, son épouse, et ses enfants.

 

[2]               Le membre audiencier de la Section de la protection des réfugiés (SPR), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, lors de sa décision orale à l’audience, rejette la demande d’asile de Monsieur Lopez Aguilera. Si la décision avait été écrite de la même manière dont l’avocat du ministre prétend qu’elle aurait pu l’être, le rejet de la demande d’asile aurait peut être été justifié. Toutefois, les motifs de la décision doivent être considérés comme tels. Ils sont erronés en droit, et la demande de contrôle judiciaire sera alors accueillie et renvoyée devant un autre décideur pour fins de réexamen.

 

[3]               Le membre audiencier indique au paragraphe 14 de ses motifs, tels que rédigés suite à l’audience :

Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles je vais refuser votre demande d’asile.

 

[4]               Selon mon interprétation, les deux raisons s’entremêlent. L’une à trait à la crédibilité de Monsieur Lopez Aguilera, et l’autre à son défaut de présenter des documents à l’appuie de sa demande d’asile. Il en ressort, toutefois, que le membre audiencier l’a jugé non crédible au motif qu’il n’avait pas soumis de documents afin de corroborer les faits allégués dans sa demande.

 

[5]               Le membre audiencier n’a trouvé aucune contradiction dans le témoignage de Monsieur Lopez Aguilera sauf celle où il a témoigné à l’audience avoir informé une avocate de tout ce qu’il avait vécu, élément qu’il n’avait pas initialement révélé.

 

[6]               Toutefois, je ne trouve aucune conclusion spécifique à l’effet que Monsieur Lopez Aguilera n’est pas crédible sur la base de son témoignage. Il est bien établi qu’à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter, il y a une présomption réfutable selon laquelle les allégations du demandeur sont considérées comme vraies (Maldonado c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 CF 302, [1979] ACF No 248 (QL)).

 

[7]               À mon avis, c’est l’application de la règle 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés et du paragraphe 100(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui est déterminante en l’espèce.

 

[8]               La règle 7 prévoit :

Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

 

[9]               Le paragraphe 100(4) de la Loi prévoit :

La preuve de la recevabilité incombe au demandeur, qui doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées et fournir à la section, si le cas lui est déféré, les renseignements et documents prévus par les règles de la Commission.

 

The burden of proving that a claim is eligible to be referred to the Refugee Protection Division rests on the claimant, who must answer truthfully all questions put to them. If the claim is referred, the claimant must produce all documents and information as required by the rules of the Board.

 

[10]           Sans doute, le membre audiencier s’attendait, à juste titre, à ce que Monsieur Lopez Aguilera soumette des documents pour corroborer les faits allégués dans sa demande d’asile. La question est de savoir si ce dernier a entrepris les démarches appropriées pour obtenir lesdits documents. Essentiellement, Monsieur Lopez Aguilera a témoigné qu’il avait demandé à sa mère, qui est encore au Mexique, d’obtenir les documents pour lui, ce dont elle n’a pas été en mesure de faire. Le membre audiencier a critiqué Monsieur Lopez Aguilera de ne pas avoir personnellement demandé ces documents auprès des autorités mexicaines, à partir du Canada. Les motifs ne font pas mention de la raison pour laquelle Monsieur Lopez Aguilera, à des milliers de kilomètres du Mexique, serait mieux placé que sa mère pour obtenir ces documents.

 

[11]           Il est déraisonnable de s’attendre à ce que Monsieur Lopez Aguilera fasse ses propres démarches en vue d’obtenir ces documents, plutôt que par l’entremise d’un agent. Aucune enquête n’a été entamée afin de savoir quelles démarches ont été entreprises par sa mère, et si ces démarches sont raisonnables.

 

[12]           Il est erroné en droit de tirer une inférence négative quant à la crédibilité d’un demandeur du seul fait qu’aucun document n’a été présenté à l’appuie de sa demande d’asile. Tel qu’expliqué par monsieur le juge Beaudry dans l’arrêt Pinedo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2009 CF 1118, [2009] ACF No 1585 (QL), au paragraphe 13 :

Un tribunal ne peut tirer une inférence négative du seul fait qu'une partie n'a produit aucun document extrinsèque corroborant ses allégations sauf  lorsque la crédibilité du demandeur est mise en question (Ahortor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 65 F.T.R. 137 (CFPI); Nechifor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1004, [2003] A.C.F. no 1278 (QL) au paragraphe 6).

 

[13]           Le ministre soumet également que la demande d’asile a été rejetée en raison de la disponibilité de la protection étatique. Je ne peux me souscrire à cet argument. Au paragraphe 29 de ses motifs, le membre audiencier a critiqué Monsieur Lopez Aguilera de ne pas avoir dénoncé l’attaque en 2008 à la police:

… Alors, j’estime que Monsieur Lopez Aguilera, face à cette aggression qui aurait subie en février 2008 n’a pas fait le nécessaire pour informer les autorités et tenter d’obtenir leur protection. 

 

[14]           Étant donné qu’ici, les autorités policières sont les agresseurs, le membre audiencier aurait dû faire une analyse pour déterminer si cette dénonciation en valait vraiment la peine. En l’espèce, je ne considère pas qu’il ait eu une analyse adéquate de la disponibilité de la protection étatique.

 

[15]           Tel que convenu par les deux parties lors de l’audience, il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS;

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire, à l’encontre de la décision d’un membre de la SPR, de la CISR, rendue le 8 juin 2011, dans le dossier MA8-16741, selon laquelle la demande d’asile du demandeur, soit accueillie.

2.                  Ladite décision du 8 juin 2011 soit cassée et l’affaire renvoyée pour réexamen devant un nouveau membre de la SPR, de la CISR.

3.                  Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4703-11

 

INTITULÉ :                                       LOPEZ AGUILERA c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 2 FÉVRIER 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 8 FÉVRIER 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Manuel Centurion

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Salima Djerroud

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Manuel Centurion

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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