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Date : 20120208

Dossier : IMM‑4399‑11

Référence : 2012 CF 177

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

ZAMIR SHKABARI, ANTIANA SHKABARI, RAY SHKABARI ET ERGI SHKABARI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ  ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision datée du 9 juin 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention visés à l’article 96 de la Loi ni des personnes à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi.

 

[2]               Cette décision reposait sur la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existait pas de lien entre la crainte des demandeurs qui était suscitée par une vendetta et la définition de réfugié selon la Convention. De plus, selon la Commission, les demandeurs n’avaient présenté aucune preuve crédible à l’appui des allégations centrales de leur revendication et aucune preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens.

 

[3]               Les demandeurs prient la Cour d’annuler la décision de la Commission et de renvoyer l’affaire pour qu’il soit procédé une nouvelle audience.

 

Le contexte

 

[4]               Le principal demandeur est Zamir Shkabari. Il a les liens de parenté suivants avec les autres demandeurs : Antiana Shkabari est son épouse, et Ray Shkabari et Ergi Shkabari, ses fils mineurs.

 

[5]               Tous les demandeurs sont des citoyens de l’Albanie, sauf Ray Shkabari, qui est né aux États‑Unis et est un citoyen de ce pays.

 

[6]               Le demandeur principal et son épouse se sont mariés en novembre 1998. Après leur mariage, ils ont découvert qu’ils étaient des cousins éloignés (cinquième génération). Les parents du demandeur principal ont accepté le mariage. Cependant, Fiqri Mati, le père d’Antiana, a soutenu que le mariage a jeté honte et déshonneur sur sa famille, car il contrevenait au droit Kanun (le droit coutumier des Albanais), qui interdit le mariage entre cousins appartenant à une même lignée. Le mariage allait également à l’encontre de la prérogative patriarcale de Fiqri Mati de choisir l’époux de sa fille.

 

[7]               Le père du demandeur principal a contacté des anciens (des personnes versées en droit Kanun), des représentants du groupe de réconciliation et des personnes du gouvernement local pour qu’ils l’aident à résoudre le conflit. Cependant, Fiqri Mati a refusé de les rencontrer. Il a répudié sa fille et a déclaré une vendetta contre elle et le demandeur principal.

 

[8]               Une semaine après le mariage du couple, le demandeur principal est retourné travailler au petit bar de sa famille. Cela allait à l’encontre des mesures généralement prises par les personnes ciblées par une vendetta pour se cacher, mais son emploi au bar constituait son seul moyen de pourvoir aux besoins de sa famille.

 

[9]               Vers la fin de novembre 1998, au deuxième jour du retour du demandeur principal au travail après son mariage, deux parents de Fiqri Mati sont venus au bar et ont refusé de payer ce qu’ils avaient commandé. Lorsque le demandeur principal les a confrontés, ils l’ont assailli et l’ont frappé au visage. Les hommes l’ont également menacé, en déclarant qu’ils lui feraient payer ce qu’il leur devait. Après cette agression, le père du demandeur principal a consulté des anciens et a offert de payer une somme d’argent à Fiqri Mati en compensation. Fiqri Mati a refusé cette offre. Le demandeur principal s’est alors tenu caché.

 

[10]           En mars 1999, le demandeur principal, accompagné de sa mère, a essayé de rendre visite à sa tante. Alors qu’ils se trouvaient dehors, une voiture de police sans plaques d’immatriculation s’est arrêtée devant eux et deux hommes, qu’il croyait être des cousins d’Antiana, ont tenté d’enlever le demandeur principal. Lorsque sa mère s’est portée à son secours, les assaillants l’ont laissé partir par crainte d’être déshonorés en touchant à une femme. Selon le droit Kanun, les vengeurs ne peuvent pas frapper un homme qui est en compagnie d’une femme.

 

[11]           Plus tard le même mois, le père du demandeur principal a demandé aux représentants du groupe de réconciliation de tenter de nouveau de parler à Fiqri Mati. Encore une fois, celui‑ci a refusé leurs offres. Le demandeur principal et son épouse se sont par conséquent cachés chez la marraine du demandeur dans la ville de Tirana en mars 1999. Cependant, ils ont continué à vivre dans la crainte et ils ont éprouvé là‑bas des difficultés financières. Par conséquent, en avril 2000, peu après qu’Antiana eut donné naissance à leur premier fils, le couple est retourné dans la maison familiale du demandeur principal dans la ville de Shkoder.

 

[12]           En septembre 2000, deux hommes masqués ont confronté le demandeur principal alors qu’il se rendait à la pharmacie pour y prendre des médicaments pour son fils malade. Ils l’ont frappé et il a perdu connaissance. Il s’est réveillé plus tard à l’hôpital. Le demandeur principal croyait que les deux hommes masqués étaient des parents de son épouse.

 

[13]           Les demandeurs n’ont pas rapporté ces trois agressions à la police.

 

[14]           Par la suite, le père du demandeur principal a décidé que le couple et son enfant devaient quitter l’Albanie. Il a vendu le bar familial pour rassembler les fonds nécessaires. Le demandeur principal a retenu les services d’un passeur qui a aidé la famille à fuir aux États‑Unis.

 

[15]           Les demandeurs se sont enfuis aux États‑Unis en octobre 2000. Ils y ont présenté des demandes d’asile fondées sur des raisons politiques. Leurs demandes ont été finalement rejetées en 2008. Craignant pour leurs vies, les demandeurs sont venus au Canada le 23 novembre 2008 et ont revendiqué l’asile.

 

[16]           L’audience relative aux revendications des demandeurs a eu lieu le 21 mars 2011.

 

La décision de la Commission

 

[17]           La Commission a rendu sa décision le 9 juin 2011. Dans sa décision, la Commission a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger.

 

[18]           La Commission a d’abord noté que les identités des demandeurs avaient été établies sur la foi de leurs passeports et de leurs actes de naissance.

 

[19]           La Commission a ensuite renvoyé à un certain nombre de cas et a conclu qu’il n’existait pas de lien entre la crainte des demandeurs suscitée par la vendetta et la définition de réfugié au sens de la Convention, car les victimes d’actes criminels, y compris les victimes de vendettas, ne satisfont pas au critère du lien nécessaire.

 

[20]           La Commission a également conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve crédible à l’appui des allégations centrales de leur revendication. La Commission a fait état du témoignage du demandeur principal selon lequel il ne s’était pas tenu caché après la déclaration de la vendetta même si c’est ce que les membres masculins de la famille faisaient généralement lorsqu’une vendetta était déclarée contre eux. Ce fait était exacerbé par la conclusion de la Commission que ses parents auraient pu exploiter le bar pour éviter que le demandeur principal coure un risque en le faisant. De plus, la Commission a noté que rien ne prouvait que les deux hommes qui l’avaient abordé au bar l’avaient blessé après l’altercation. Pour cette raison, la Commission a conclu que les actions du demandeur principal après la déclaration de la vendetta ne concordaient pas avec son témoignage sur les risques auxquels il était exposé.

 

[21]           En ce qui concerne la question de la protection de l’État, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens. La Commission a souligné le défaut du demandeur principal de rapporter à la police les agressions commises en novembre 1998, mars 1999 et septembre 2000.

 

[22]           La Commission a fait état de la documentation contradictoire sur le caractère adéquat de la protection de l’État en Albanie pour les victimes de vendetta. Cependant, la Commission a accordé une grande importance au rapport de mai 2008 sur les vendettas en Albanie, qui faisait état de la déclaration de culpabilité de membres d’une famille albanaise qui s’étaient rendus au Royaume‑Uni pour exécuter une vendetta. La Commission a conclu que ce cas constituait un exemple clair d’une cour criminelle qui fonctionne, que l’on ne laissait pas courir les tueurs qui exécutent des vendettas et qu’on ne leur infligeait pas des peines légères, qu’une législation efficace et un cadre procédural existaient, et que l’État avait la capacité et la volonté de mettre en œuvre ce cadre. Pour cette raison, la Commission a estimé qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre de croire que l’État ne déploierait des efforts sérieux et raisonnables pour protéger le demandeur principal, au besoin.

 

[23]           La Commission a également indiqué que l’Albanie était une démocratie parlementaire qui fonctionne et sa constitution prévoit un système judiciaire indépendant. Rien dans la preuve dont la Commission disposait n’indiquait que l’Albanie se trouve dans un état d’effondrement complet. La Commission a conclu que le demandeur principal n’avait pas démontré qu’il était objectivement raisonnable qu’il ne sollicite pas la protection des autorités. Il n’était pas suffisant que le demandeur principal ne sollicite pas la protection simplement parce qu’il ne croyait pas qu’elle était disponible.

 

[24]           Étant donné sa conclusion quant à la crédibilité et sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État, la Commission a conclu que les demandeurs ne s’exposeraient pas à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils retournaient en Albanie. Aucune preuve n’a été présentée quant au risque d’être soumis à la torture. Pour ces motifs, la Commission a rejeté les demandes d’asile des demandeurs.

 

Les questions litigieuses

 

[25]           Les demandeurs présentent les points litigieux suivants :

            1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il n’existait aucun lien entre les demandes d’asile des demandeurs et un motif prévu par la Convention?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs d’asile pouvaient se prévaloir de la protection de l’État?

            3.         La Commission a‑t‑elle fait défaut d’examiner des éléments de preuve importants dans les demandes d’asile des demandeurs?

 

[26]           Je formulerais les questions comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il n’existait pas de lien avec un motif prévu par la Convention?

            3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l’État en Albanie?

            4.         La conclusion de la Commission sur la crédibilité était‑elle erronée?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[27]           Les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’existait pas de lien entre leurs demandes d’asile et un motif prévu par la Convention. En particulier, la Commission a commis une erreur en n’appréciant pas la nature singulière des demandes d’asile des demandeurs, soit le fait que ces demandes reposaient sur une vendetta résultant de l’interdiction de leur mariage en vertu du droit coutumier albanais plutôt que d’une vengeance pour une atteinte à l’honneur. En étudiant les demandes des demandeurs comme si elles avaient trait à une vendetta reposant sur une vengeance, la Commission a mal interprété l’élément central des revendications des demandeurs et commis une erreur.

 

[28]           Les demandeurs font valoir qu’ils risquent la persécution du fait qu’ils appartiennent à un groupe social particulier de personnes dont le mariage est interdit en vertu du droit coutumier albanais. Le droit de se marier librement est prévu dans plusieurs instruments internationaux sur les droits de la personne. La raison sous‑jacente de la vendetta les visant n’a rien à voir avec les actes de violence réciproques qui ont antérieurement amené les tribunaux à considérer les actes commis dans le contexte de vendettas comme des actes de vengeance.

 

[29]           À l’appui de leurs prétentions, les demandeurs font référence au processus en deux étapes énoncé dans Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74, pour déterminer si la persécution découle de l’appartenance à un groupe social en particulier. La première étape consiste à déterminer si une question ayant trait aux droits de la personne ou à la discrimination est soulevée. Les demandeurs soutiennent qu’il a été satisfait à cette première étape en l’espèce parce que le droit de choisir librement son partenaire et celui de constituer une famille sont des droits fondamentaux de la personne formulés dans des instruments internationaux. La deuxième étape requiert de déterminer si la persécution résulte de l’appartenance au groupe social particulier en cause. Les demandeurs soutiennent qu’ils sont ciblés en raison de leur mariage et de la constitution d’une famille contrairement au droit Kanun. C’est par conséquent leur appartenance au groupe social particulier des couples mariés qui est la cause de leur persécution.

 

[30]           Les demandeurs soutiennent qu’ils ont présenté des faits et des observations écrites qui distinguent explicitement leur cas de celui plus général des vendettas albanaises dans lesquelles des meurtres sont perpétrés par vengeance. Cependant, la Commission n’en a pas tenu compte et a simplement appliqué le raisonnement habituellement appliqué aux vendettas sans considérer les faits distinctifs présentés par les demandeurs.

 

[31]           Les demandeurs font valoir dans leur mémoire complémentaire que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas dans ses motifs la preuve pertinente présentée après l’audience sur des questions qui, selon la Commission, constituaient les points cruciaux des revendications des demandeurs. Ces questions concernaient le bien‑fondé de la crainte des demandeurs d’être persécutés en Albanie et la crédibilité générale du demandeur principal.

 

[32]           Enfin, les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur en concluant qu’ils pouvaient se prévaloir de la protection de l’État en Albanie. Les demandeurs soutiennent que la Commission a examiné, de manière sélective, seulement deux documents sur la situation dans le pays et qu’elle n’a pas tenu compte d’autres documents contenus dans les observations des demandeurs ainsi que dans le cartable national de documentation sur l’Albanie. La Commission n’a pas non plus traité des arguments précis sur la question soulevée dans les observations des demandeurs. Par exemple, la Commission n’a pas tenu compte de la preuve présentée par les demandeurs sur leurs efforts infructueux en vue d’obtenir de l’aide par l’intermédiaire d’une commission de réconciliation et de paix mise sur pied pour résoudre les vendettas en Albanie. Les demandeurs font valoir que, dans un certain nombre d’affaires soumises à la Cour, la preuve sur l’existence et l’intervention des commissions de paix et de conciliation a été jugée cruciale pour trancher ces affaires de manière appropriée.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[33]           Le défendeur fait valoir que la Commission a conclu à bon droit qu’il n’existe pas de lien entre les vendettas et la définition prévue par la Convention. Il est de jurisprudence constante que les personnes impliquées dans des vendettas ne sont pas considérées comme des membres d’un groupe social en particulier.

 

[34]           Le défendeur soutient que l’argument des demandeurs sur la nature de leur revendication, soit une vendetta résultant d’une opposition à leur mariage en vertu du droit coutumier albanais plutôt que d’une vengeance pour atteinte à l’honneur, est sans fondement. Il est question dans les deux cas de meurtres perpétrés par vengeance, et les personnes visées n’appartiennent pas à un groupe social en particulier aux fins de la Convention.

 

[35]           De plus, le défendeur affirme que la Commission n’a pas omis d’examiner les observations présentées après l’audience ou la preuve sur la question du lien. Il convient de noter que la Commission a en fait demandé la documentation sur l’interdiction des mariages entre cousins éloignés en vertu du droit Kanun. Ayant explicitement déclaré qu’elle avait examiné les observations écrites sur ce point, la Commission a conclu que le fait qu’une famille soit visée par une vendetta ne fait pas naître un droit à présenter une demande en vertu de l’article 96 de la Loi. La Commission n’a pas commis d’erreur en parvenant à cette conclusion.

 

[36]           Le défendeur fait également valoir que la Commission a conclu de façon raisonnable que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve crédible pour étayer les allégations centrales de leur revendication. Le défendeur fait remarquer que les membres masculins d’une famille sont exposés à un risque lorsqu’une vendetta est déclarée contre la famille. Cependant, en l’espèce, la vendetta visait le demandeur principal et son épouse. De plus, comme la Commission l’a noté, les actions du demandeur principal lorsqu’il est retourné au travail après la déclaration de la vendetta contredisaient le risque qu’il prétendait courir. De plus, les conclusions sur la crédibilité tirées par la Commission doivent être vraies puisque les demandeurs ne les contestent pas. Ces seules conclusions suffisent à rejeter les revendications des demandeurs.

 

[37]           Le défendeur fait valoir que les demandeurs n’ont pas présenté des éléments de preuve clairs et convaincants de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens. En ne procédant pas à toutes les démarches raisonnables pour obtenir la protection de l’État, comme le démontre le fait qu’ils ne se soient pas adressés à la police, les demandeurs ont fait défaut de réfuter la présomption de la protection de l’État.

 

[38]           Enfin, le défendeur soutient que la Commission n’a pas examiné la preuve de manière sélective, mais qu’elle a plutôt reconnu la preuve contradictoire. Le défendeur fait valoir que les arguments des demandeurs ont trait principalement à l’appréciation de la preuve par la Commission. La Cour ne doit pas intervenir sauf s’il y a des erreurs lourdes ou des conclusions de fait tirées de façon perverse. Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont fait ressortir aucune preuve cohérente à l’appui de leur prétention selon laquelle la Commission a commis une erreur en rendant sa décision sur la protection de l’État.

 

[39]           En résumé, le défendeur affirme que la Commission a apprécié la preuve de manière raisonnable et qu’elle est parvenue à une conclusion raisonnable.

 

Analyse et décision

 

[40]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière soumise à la cour est déjà établie dans la jurisprudence, la cour de révision peut adopter la norme (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[41]           Il est établi en droit que les conclusions sur l’existence d’un lien avec un motif prévu par la Convention visé à l’article 96 de la Loi sont des questions mixtes de fait et de droit susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Ariyathurai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 716, au paragraphe 6; VLN c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 768, [2011] ACF no 968, au paragraphe 15, et Hamaisa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 997, [2009] ACF no 1300 (QL), au paragraphe 27).

 

[42]           Il est également de jurisprudence constante que les conclusions relatives à la crédibilité, qui sont décrites comme constituant « l’essentiel de la compétence de la Commission », sont dans leur fond des conclusions de fait pures susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, au paragraphe 46; AD c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 584, [2011] ACF no 786, au paragraphe 23, et RKL c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] ACF no 162, au paragraphe 7).

 

[43]           Enfin, l’analyse des conclusions sur la protection de l’État et l’interprétation de la preuve soulèvent des questions mixtes de fait et de droit qui sont également susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Hughey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] ACF no 584, au paragraphe 38; Gaymes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 801, au paragraphe 9; et SSJ c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 546, [2010] ACF no 650, au paragraphe 16).

 

[44]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision de la Commission selon la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit intervenir que si la Commission est parvenue à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables fondées sur la preuve dont la Commission disposait (arrêts Dunsmuir, au paragraphe 47, et Khosa, au paragraphe 59, précités). Comme la Cour suprême l’a déclaré dans l’arrêt Khosa, précité, « la cour de révision ne peut […] substituer [à la solution retenue] l’issue qui serait à son avis préférable » et « il n’entre pas dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » (au paragraphe 59).

 

[45]           Question 2

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il n’existait pas de lien avec un motif prévu par la Convention?

            La première exigence pour être considéré comme un réfugié au sens de la Convention visé à l’article 96 de la Loi est l’établissement d’un lien avec l’un des cinq motifs de demande d’asile mentionnés dans la Convention. En l’espèce, les demandeurs font valoir que leur appartenance à un groupe social particulier démontre l’existence du lien requis avec un motif prévu par la Convention. Les demandeurs définissent ce groupe social comme comprenant les individus à qui il est interdit de se marier librement en vertu du droit couturier albanais (le Kanun).

 

[46]           La Commission a conclu que la crainte des demandeurs découlait d’une vendetta. À ce titre, ils sont des victimes de criminalité, ce qui, selon la Commission, ne démontrait pas l’existence d’un lien avec la définition de réfugié prévue dans la Convention. À l’appui de cette conclusion, la Commission a mentionné la décision Zefi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 636, [2003] ACF no 812.

 

[47]           Dans l’affaire Zefi, précitée, les demanderesses étaient également des citoyennes albanaises qui revendiquaient l’asile sur le fondement du risque auquel elles étaient exposées en raison d’une vendetta entre deux familles. La famille Zefi exerçait des pressions sur la demanderesse principale pour qu’elle venge la mort de son mari. En même temps, si la mort de son mari n’était pas vengée, les membres de la famille Frani avaient le droit en vertu du droit Kanun de tuer un autre membre de la famille Zefi. Comme dans la présente affaire, les demanderesses ont déposé des demandes d’asile fondées sur l’appartenance à un groupe social en particulier. Cependant, dans l’affaire Zefi, précitée, le groupe social en particulier était défini en termes larges comme une famille ou un clan impliqué dans une vendetta.

 

[48]           Le juge François Lemieux a expliqué que la première étape dans l’analyse de la question de savoir si un revendicateur du statut de réfugié pouvait être considéré comme appartenant à un groupe social en particulier consistait à déterminer si des droits de la personne fondamentaux sont en cause (décision Zefi, précitée, au paragraphe 36). Deuxièmement, l’appartenance à ce groupe social en particulier doit être la cause qui fait craindre avec raison au demandeur d’être persécuté (décision Zefi, précitée, au paragraphe 39). Au paragraphe 41, la Cour a conclu que :

Le meurtre perpétré dans le cadre d’une vendetta n’a rien à voir avec la défense des droits de la personne. Il constitue, au contraire, une violation des droits de la personne. Les familles mêlées à ces vendettas ne forment pas un groupe social au sens de la Convention. La reconnaissance de l’appartenance à un groupe social pour une raison pareille entraînerait la conséquence singulière d’accorder un statut à une activité criminelle ou d’accorder un statut en raison de ce que fait une personne plutôt que de ce qu’elle est (voir Ward, par. 69).

 

 

[49]           Sur ce fondement, la Commission dans l’affaire Zefi, précitée, a rejeté la demande de statut de réfugiées au sens de la Convention présentée par les demanderesses.

 

[50]           Dans la présente espèce, les demandeurs critiquent la conclusion de la Commission au motif que la nature de leur revendication diffère de celle de l’affaire Zefi, précitée, et d’autres affaires ayant trait à des vendettas en Albanie. Contrairement à ces affaires, la vendetta dans la présente espèce découlait directement de l’interdiction de leur mariage en vertu du droit coutumier albanais plutôt que d’une vengeance pour une atteinte à l’honneur causée par un acte antérieur. Cette différence est pertinente parce qu’elle touche aux droits de la personne.

 

[51]           L’importance des droits de la personne a été mise en lumière dans l’arrêt Ward, précité. La Cour suprême a d’abord reconnu que « toute association ayant certains points en commun » n’est pas nécessairement incluse dans l’expression un « certain groupe social » (arrêt Ward, précité, au paragraphe 61). Le sens donné à cette expression « devrait [plutôt] tenir compte des thèmes sous‑jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l’initiative internationale de protection des réfugiés » (arrêt Ward, précité, au paragraphe 70).

 

[52]           Dans la présente espèce, les demandeurs invoquent certaines dispositions d’instruments internationaux sur les droits de la personne à l’appui de leur prétention selon laquelle le droit de se marier librement constitue un droit fondamental de la personne :

La déclaration universelle des droits de l’homme

 

Article 16:

 

1. À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

 

 

 

 

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

 

Article 10:

Les États parties au présent Pacte reconnaissent que:

 

1. Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l’élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge. Le mariage doit être librement consenti par les futurs époux.

 

 

[53]           Ce renvoi à des instruments internationaux est pertinent puisque la Cour suprême a reconnu l’importance des sources internationales pour déterminer la signification de « groupe social » (arrêt Ward, précité, au paragraphe 55).

 

[54]           Je ne suis pas d’accord avec le défendeur que la présente affaire a trait à des meurtres perpétrés par vengeance comme dans les autres cas de vendettas. Les faits de l’espèce ne reposent pas seulement sur la criminalité, la vengeance ou une vendetta personnelle (décision Zefi, précitée, au paragraphe 40). La persécution découle plutôt du refus de se conformer au droit coutumier albanais qui limite le droit internationalement reconnu de se marier librement. À ce titre, j’estime que les demandeurs appartiennent à la catégorie du « groupe social » décrite par la Cour suprême comme « les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable » et, dans une moindre mesure, également à la catégorie des « groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association » (arrêt Ward, précité, au paragraphe 70). De plus, contrairement à l’appelant dans l’arrêt Ward, précité, dont la crainte était due à ses actions, la crainte de persécution à laquelle les demandeurs sont exposés dans la présente espèce découlait expressément de leur association à un groupe social d’individus qui se marient en contravention au Karun (arrêt Ward, précité, au paragraphe 79).

 

[55]           Je reconnais qu’il convient de faire preuve de déférence envers les décideurs à cet égard, mais j’estime néanmoins que la décision de la Commission était déraisonnable. Sur le fondement de la preuve dont la Commission disposait, la conclusion que l’existence d’un lien avec un motif prévu par la Convention n’avait pas été établie n’était pas une conclusion qui appartenait aux issues acceptables.

 

[56]           Question 3

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l’État en Albanie?

            La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’il n’était pas objectivement raisonnable qu’ils sollicitent la protection des autorités. Elle a souligné le fait que les demandeurs n’avaient rapporté aucune des trois agressions à la police. La Commission a ensuite cité divers documents sur la situation dans le pays et a reconnu que la preuve sur le caractère suffisant de la protection de l’État pour les victimes de vendettas était contradictoire. Cependant, s’appuyant sur un incident rapporté dans un document de 2008, la Commission a conclu que l’État albanais avait la capacité et la volonté de mettre en œuvre le cadre législatif et procédural d’une manière efficace.

 

[57]           Le problème dans l’analyse de la Commission est que celle‑ci n’a pas considéré les tentatives répétées des demandeurs pour obtenir l’aide d’une commission sur la paix et la réconciliation qui avait été mise sur pied pour résoudre les vendettas en Albanie. Cela est particulièrement important à la lumière du droit établi selon lequel la disponibilité de la protection de l’État doit être évaluée au cas par cas (voir Mendoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 119, [2010] ACF no 132, au paragraphe 33). Cette omission est d’autant plus grave que la preuve documentaire récente traite de l’insuffisance de la protection que l’État albanais et la police accordent aux familles impliquées dans des vendettas. Selon cette preuve documentaire, [traduction] « la police albanaise ne se mêle pas des querelles liées à des vendettas avant qu’un crime ne soit commis ». L’exemple souligné par la Commission étaye cette thèse, soit que la police n’est intervenue qu’après la perpétration du crime. Tout cela soulève des inquiétudes sérieuses quant à la protection de l’État dont peuvent se prévaloir les demandeurs en Albanie avant qu’un préjudice quelconque ne leur soit causé.

 

[58]           Par conséquent, quoique je reconnaisse que je dois faire déférence envers la Commission à cet égard, je conclus néanmoins que la Commission est parvenue à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible compte tenu de la preuve dont elle disposait.

 

[59]           Question 4

            La conclusion de la Commission sur la crédibilité était‑elle erronée?

            Il est bien établi que les conclusions sur la crédibilité appellent un haut niveau de déférence et qu’il ne convient de les infirmer que dans les cas les plus clairs (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1330, [2011] ACF no 1633, au paragraphe 30). La Cour ne substitute généralement pas son opinion à celle de la Commission sauf si elle estime que la décision reposait sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir Bobic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1488, [2004] ACF no 1869, au paragraphe 3). Les conclusions doivent également être étayées par des motifs rédigés « en termes clairs et explicites » (voir Hilo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CAF), 15 Imm LR (2d) 199, [1991] ACF no 228). Lorsqu’une décision de la Commission fait l’objet d’un contrôle, il ne faut pas examiner les sections de cette décision isolément; la Cour doit plutôt se demander si la décision dans son ensemble étaye la conclusion défavorable de la Commission sur la crédibilité (voir Caicedo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1092, [2010] ACF no 1365, au paragraphe 30). Les demandeurs ne semblent pas avoir soulevé la question de la crédibilité dans leurs observations écrites, mais leur avocat en a traité dans sa réponse aux observations écrites et orales du défendeur sur la crédibilité.

 

[60]           Dans sa décision, la Commission s’est appuyée sur les points suivants pour conclure que les demandeurs n’avaient pas présenté des éléments de preuve crédibles à l’appui des principales allégations de leurs demandes :

            1.         Après la déclaration de la vendetta, le demandeur principal est retourné travailler plutôt que de se tenir caché.

            2.         La raison invoquée par le demandeur principal pour retourner au travail (subvenir aux besoins de sa famille) n’avait pas de sens puisque ses parents pouvaient s’occuper du bar.

            3.         Les deux hommes qui ont abordé le demandeur principal au travail ne lui ont causé, après l’altercation, aucun préjudicie physique lorsqu’il se rendait ou bar ou qu’il en revenait.

 

[61]           Ces conclusions ne tiennent pas compte d’autres éléments pertinents des observations des demandeurs. Par exemple, le demandeur principal a fait valoir que, bien qu’il fût retourné au travail après son mariage, il n’avait été abordé que deux jours plus tard au bar. Il avait d’abord cru que la famille de son épouse ne leur causerait aucun préjudice après leur mariage, mais cet incident l’a amené à réévaluer la menace et, par la suite, à se cacher. Le demandeur principal a également témoigné que, lorsque l’incident s’est produit, des clients qui le connaissaient lui ont porté secours :

[traduction]

Tout le monde est intervenu et voulait voir ce qui se passait et m’aider dans la mesure du possible, et ce sont ces personnes qui en fait m’ont envoyé chez moi immédiatement. Parce qu’ils voyaient que je n’étais pas en sécurité.

 

 

[62]           Après ce témoignage, il y a eu une pause à l’audience. Au retour, il n’a plus été discuté de cet incident avec le demandeur principal. Pour cette raison, le fait que la Commission se soit appuyée sur l’absence de préjudice après l’incident et qu’elle n’ait pas interrogé le demandeur principal sur ces événements à l’audience rend contestable sa conclusion sur la crédibilité.

 

[63]           Par conséquent, quoique la Cour doive faire preuve d’une retenue élevée envers les conclusions de la Commission sur la crédibilité, à mon avis, la Commission ne disposait pas d’éléments suffisants en l’espèce pour remettre en question la crédibilité des demandeurs. La transcription de l’audience montre clairement les difficultés de communication à l’audience, difficultés d’autant plus grandes que l’interprète et les demandeurs parlaient des dialectes différents et que l’interprète a demandé des instructions au milieu de l’audience.

 

[64]           En résumé, j’estime que la décision de la Commission sur les questions du lien avec un motif prévu par la Convention, de la protection de l’État et de la crédibilité n’était pas raisonnable. Les conclusions de la Commission sur toutes ces questions n’étaient pas justifiables et intelligibles et n’appartenaient pas aux issues acceptables sur le fondement de la preuve dont elle disposait. J’accueillerai par conséquent la demande de contrôle judiciaire, j’annulerai la décision de la Commission et je renverrais l’affaire à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il procède à un nouvel examen.

 

[65]           Les demandeurs ne souhaitaient proposer une question grave de portée générale que si j’avais interprété d’une manière différente la décision Zefi, précitée. Le défendeur n’a pas souhaité proposer une question de portée générale et je ne crois pas qu’une question devrait être certifiée pour les demandeurs.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différent pour qu’il procède à un nouvel examen.

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter – a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised – under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4399‑11

 

INTITULÉ :                                                   ZAMIR SHKABARI, ANTIANA SHKABARI,

                                                                        RAY SHKABARI et ERGI SHKABARI

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 18 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 février 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Brodzky

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Norah Dorcine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Brodzky

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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