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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120203

Dossier : T-1483-99

Référence : 2012 CF 38

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 février 2012

En présence du protonotaire Roger R. Lafrenière

Juge responsable de la gestion des instances

 

ENTRE :

 

 

DIRECT SOURCE SPECIAL

PRODUCTS INC.

 

 

demanderesse

et

 

 

SONY MUSIC CANADA INC. et

SONY MUSIC ENTERTAINMENT

(CANADA) INC.

 

 

défenderesse

 

ET ENTRE :

 

 

 

 

SONY MUSIC ENTERTAINMENT

(CANADA) INC.

 

 

 

demanderesse reconventionnelle

 

et

 

 

 

DIRECT SOURCE SPECIAL

PRODUCTS INC.

 

 

 

défenderesse reconventionnelle

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La demanderesse, Direct Source Special Products Inc. [Direct Source], demande la permission de modifier la déclaration modifiée afin de réclamer des dommages-intérêts causés par la violation de ses droits sur la marque de commerce DANCE MIX au moyen de la création et dela promotion par les défenderesses, Sony Music Canada Inc. et Sony Music Entertainment (Canada) Inc. [ci-après appelées Sony], des produits MuchDance entre 1999 et 2010.

 

  • [2] Sony s’oppose à la requête au motif qu’elle contredit les représentations de Direct Source formulées à une conférence préparatoire. Elle allègue également que les modifications proposées sont prescrites en raison de la doctrine de la chose jugée.

 

Question à trancher

 

  • [3] La seule la question à trancher dans le cadre de la présente requête est celle de savoir si Direct Source devrait être autorisée à déposer sa déclaration modifiée proposée jointe à titre d’annexe A à l’avis de requête, les modifications ayant été demandées oralement à l’audition de la requête.

 

  • [4] Direct Source souhaite ajouter les paragraphes suivants :

 

[traduction]

4A.  Direct Source affirme que DANCE MIX est une marque de commerce célèbre pour les raisons suivantes :

 

  • a) Quality Records a dépensé plus de 14 millions de dollars en publicité pour la marque DANCE MIX célèbre;

 

  • b) pratiquement tous les consommateurs de musique âgés entre 10 ans et 25 ans savent que DANCE MIX est une marque de commerce célèbre; ils ont grandi avec elle, ils ont fait des fêtes et ont dansé au son de sa musique et elle fait partie intégrante de leur vie;

 

  • c) dans ces beaux jours, DANCE MIX a été le produit de musique enregistrée qui a connu le plus de succès au Canada, tant en ce qui concerne le nombre d’unités vendues que les recettes totales;

 

  • d) le plan d’entreprise de DANCE MIX a mené à d’autres compilations musicales qui ont respecté la même pratique commerciale, comme des dérivés;

 

  • e) DANCE MIX s’est vendue à 4,25 millions d’unités au total, et ses ventes nettes ont dépassé 44,4 millions de dollars;

 

  • f) la marque de commerce DANCE MIX a été diffusée dans tous les médias disponibles de l’époque, y compris la radio, la télévision, les médias imprimés de toutes sortes, les clubs de danse, les danses organisées dans les écoles secondaires et les spectacles.

 

11A.  Entre le 13 août 1997 et mars 2010, Sony, dans le cadre d’une coentreprise composée de Sony, PolyGram Group Canada (maintenant Universal Music Canada), BMG Music Canada Inc. et CHUM Limited (la « coentreprise ») a violé les droits de Direct Source sur la marque de commerce DANCE MIX et a fait passer le produit MuchDance pour le célèbre produit DANCE MIX en accomplissant les choses décrites aux 11B à 11F qui suivent. La demanderesse n’a eu connaissance de la mise en œuvre du plan de Sony que le 21 février 2008, au moment où l’avocat de cette dernière a procédé à une sixième ronde de divulgation de documents qui n’avaient pas encore été divulgués.

 

11B.  Entre le 13 août 1997 et le 23 décembre 1997, la coentreprise a rejeté une offre de Quality pour vendre la marque de commerce DANCE MIX à Sony parce qu’elle croyait que Quality était vulnérable et elle ne voulait pas payer la valeur de la marque de commerce DANCE MIX sur le marché. Elle a plutôt choisi de créer une nouvelle marque appelée MuchDance qu’elle utiliserait pour usurper la marque de commerce DANCE MIX et ainsi s’approprier la clientèle de ce produit. La coentreprise avait déjà décidé de s’approprier la clientèle de la marque de commerce DANCE MIX, à une réunion du 5 septembre 1997, même si pendant une réunion qui s’est terminée quelque minutes plus tôt, Sony avait décidé du contraire. Sony a déclaré de façon trompeuse à Quality qu’elle envisageait toujours d’acquérir la marque de commerce DANCE MIX.

 

11C.  Au moyen d’une lettre d’entente en date du 1er octobre 1997, les avocats de Quality et ceux de CHUM Limited ont reconnu que CHUM Limited était autorisée à utiliser le titre MuchDance pour les compilations musicales, dans la mesure où les chiffres des années ne figurent pas sur la même ligne que le nom. Sony et les autres membres de la coentreprise en dehors de CHUM n’étaient pas visés par cette lettre d’entente et Quality ne souhaitait pas qu’ils profitent de toute protection qui pouvait en découler. Malgré qu’elle fut au courant de cette lettre d’entente entre 1997 et 2010, la coentreprise a publié et vendu des dizaines de millions de disques compacts et de cassettes MuchDance désignés ainsi :

 

  • a) MuchDance 1997

  • b) MuchDance 1999

  • c) MuchDance 2000

  • d) MuchDance 2001

  • e) MuchDance 2002

  • f) MuchDance 2003

  • g) MuchDance 2004

  • h) MuchDance 2005

  • i) MuchDance 2006

  • j) MuchDance 2007

  • k) MuchDance 2008

  • l) MuchDance 2009

  • m) MuchDance 2010

 

En outre, l’étiquetage et l’emballage des compilations MuchDance ont donné délibérément une apparence semblable aux compilations DANCE MIX qu’elles ont supplantée, en utilisant une forme psychédélique distinctive;

 

11D.  Dans les réponses aux demandes de renseignements ordonnées par la Cour et fournies le 16 novembre 2007 et le 20 novembre 2007 et dans la lettre de Sony en date du 21 février 2008, qui comportait 17 documents qui n’avaient pas déjà été divulgués, le témoignage et les documents de Sony indiqueront que :

 

  • a) Les membres de la coentreprise savaient que le produit DANCE MIX était une marque fructueuse, qu’elle était bien connue du public, qu’elle avait permis à Quality de faire des millions de dollars et qu’elle était distinctive et la propriété de Quality;

 

  • b) la coentreprise voulait prendre la place Quality, s’approprier sa clientèle et la supplanter en produisant des compilations de danses semblables;

 

  • c) la coentreprise a conclu sous le sceau du silence qu’elle rejetterait l’offre de Quality de vendre entre la marque de commerce DANCE MIX et de créer une nouvelle marque pour remplacer DANCE MIX;

 

  • d) dans le cadre de la stratégie décrite en septembre 1997, un membre de la coentreprise a tenté de convaincre Zomba Recording Corporation d’accorder une licence à Quality pour une chanson de « Backstreet Boys », portant ainsi attente aux droits de Quality sur la marque de commerce DANCE MIX et les entreprises connexes;


 

  • e) la coentreprise a établi elle-même l’objectif de faire disparaître toute confusion entre DANCE MIX et MuchDance afin d’amener tous les consommateurs à croire qu’ils ne pouvaient se passer de MuchDance. Pour parvenir à cet objectif, elle a faussement présenté MuchDance aux clients en les amenant à croire qu’il s’agissait essentiellement d’une continuité ou d’une nouvelle version de DANCE MIX;

 

  • f) en 1997, la coentreprise a dépensé 200 000 $ dans une campagne de 13 semaines afin de promouvoir MuchDance pour violer la marque de commerce DANCE MIX et ainsi s’approprier sa clientèle. La coentreprise a délibérément tenté de semer la confusion parmi le public en lui faisant croire que les compilations MuchDance étaient une continuation des célèbres produits DANCE MIX.

 

11E.  Grâce à la coentreprise, Sony a profité de la vente de tous les albums MuchDance, dont le succès était fondé sur la clientèle de la marque de commerce DANCE MIX, dont s’est appropriée la coentreprise. Ainsi, Sony doit restituer à Direct Source ces profits.

 

Aperçu

 

  • [5] La présente affaire a connu des procédures longues et interminables entre les parties au cours de la dernière décennie. Notre Cour a consacré un temps et des ressources considérables dans la gestion de l’instance de la procédure, se penchant sur une myriade de litiges et se prononçant sur de nombreuses requêtes liées aux actes de procédure et aux interrogatoires préalables, dans le but ultime de faire progresser l’affaire vers une audience finale. Malgré qu’elle ait tenu deux conférences préparatoires à l’instruction et qu’elle ait reçu de nombreuses garanties de Direct Source que les actes de procédure et les interrogatoires préalables étaient terminés, notre Cour est encore une fois invitée à revoir des questions déjà abordées et qu’elle croyait enfin réglées.

 

  • [6] Pour évaluer les difficultés créées par la requête de Direct Source à cette étape tardive de la procédure, un examen approfondi des faits est nécessaire.

 

Nature de la procédure

 

  • [7] Direct Source a intenté la présente action contre Sony pour violation d’une marque de commerce en vertu de la Loi sur les marques de commerce en 1999. Direct Source allègue qu’elle détient une marque de commerce sur les mots « Dance Mix » et que Sony a violé cette marque de commerce en vendant des disques compacts contenant de la musique enregistrée du milieu des années 90 en association avec les mots « Sony Dance Mix », « Non-Stop Dance Mix (House) », « Millennium Dance Mix », « Non-Stop Dance Mix (NRG) » et « Sony Music Dance Mix (Morlee) ».

 

  • [8] Sony s’est défendue contre l’action selon plusieurs motifs, y compris le fait que Direct Source ne possède pas de droits valides sur une marque de commerce au sujet des mots « Dance Mix », la marque est une expression générique et, en tout état de cause, le produit de Sony ne violait pas de tels droits. Sony nie également que les gestes qui lui sont reprochés ont causé des préjudices à Direct Source. Au moyen d’une demande reconventionnelle, Sony sollicite une déclaration selon laquelle la marque de commerce de Direct Source est invalide et qu’elle devrait être radiée.

 

Historique de la procédure

 

  • [9] Après un examen de l’état de l’instance en janvier 2001, la poursuite de l’action a été autorisée à titre d’instance à gestion spéciale. Le regretté protonotaire en chef adjoint Peter A.K. Giles [PCA Giles] a ordonné que les interrogatoires préalables soient terminés au plus tard le 1er avril 2001 et que toute requête pour nouvelle comparution soit présentée au plus tard le 15 avril 2001. Sur consentement des parties, les délais ont été prorogés de trois mois.

  • [10] Comme une demande de conférence préparatoire n’a pas été déposée en temps utile, le PCA Giles a rendu une ordonnance le 20 novembre 2001 obligeant les parties à expliquer la raison pour laquelle la procédure ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. L’avocat de Direct Source a répondu que les parties s’efforçaient de régler le litige et qu’elles demandaient un autre délai de 90 jours pour savoir si elles pouvaient s’entendre sur les modalités d’un règlement. Par ordonnance en date du 13 décembre 2001, le PCA Giles a ordonné aux parties de fournir un rapport d’étape sur leurs négociations d’un règlement au plus tard le 3 avril 2002 et, dans l’éventualité où l’affaire ne serait pas réglée, un calendrier proposé indiquant les étapes de la procédure.

 

  • [11] Le 6 mars 2002, le juge en chef adjoint Allan Lutfy (tel était alors son titre) m’a désigné pour aider à la gestion de l’instance à la place du PCA Giles.

 

  • [12] Le 3 avril 2002, l’avocat de Direct Source a présenté un échéancier conjoint pour le déroulement du litige, qui indiquait les dates révisées pour l’achèvement des interrogatoires préalables et la date limite du 20 septembre 2002 pour la tenue de la conférence préparatoire. Une ordonnance a été rendue le 23 avril 2002 pour obliger les parties à respecter les délais indiqués dans leur échéancier conjoint.

 

  • [13] Une demande de conférence préparatoire n’a pas été déposée dans le délai ordonné par la Cour. Par conséquent, la Cour a ordonné à Direct Source, au moyen d’une ordonnance en date du 22 octobre 2002, de déposer une requête écrite en prorogation du délai au plus tard le 12 novembre 2002.

 

  • [14] Plutôt que de déposer une requête dans le délai prévu par l’ordonnance en date du 22 octobre 2002, l’avocat de Direct Source a déposé une lettre le 6 janvier 2003 pour indiquer que même si les parties s’efforçaient toujours de régler l’action, Direct Source ne croyait plus qu’un règlement serait conclu. Il a dit que Direct Source souhaitait déposer une requête pour rétablir le calendrier pour le déroulement du litige qui serait entendu le mois suivant. Comme les parties avaient déjà omis de se conformer à deux ordonnances, une troisième ordonnance a été rendue pour les obliger à expliquer la raison pour laquelle l’action et la demande reconventionnelle ne devraient pas être rejetées pour cause de retard et de non-respect des ordonnances de notre Cour.

 

  • [15] Après un autre examen de l’état, la Cour a ordonné péremptoirement aux parties d’effectuer une première ronde d’interrogatoires préalables au plus tard le 30 avril 2003. Elle a également ordonné à Direct Source de présenter un calendrier conjoint pour la réalisation des prochaines étapes au plus tard le 6 mai 2003.

 

  • [16] Le 30 avril 2003, Sony a déposé une requête pour obtenir une ordonnance rejetant l’action ou, subsidiairement, une ordonnance déclarant que l’interrogatoire préalable par Direct Source du représentant de Sony effectué le 24 avril 2003 avait mis fin à la première ronde d’interrogatoires préalables. Direct Source a déposé une requête le jour même pour obtenir une ordonnance selon laquelle le représentant de Sony à l’interrogatoire préalable soit remplacé par une personne renseignée et obligeant Sony à répondre aux questions pour lesquelles des objections avaient été soulevées. Le 2 mai 2003, Direct Source a déposé une deuxième requête pour obtenir une ordonnance radiant la défense et la demande reconventionnelle au motif que Sony avait refusé de répondre aux questions appropriées de l’interrogatoire préalable du 24 avril 2003.

 

  • [17] Une ordonnance a été rendue le 9 juin 2003 pour disposer des requêtes des parties. Sony a été obligée de répondre à deux questions auxquelles elle avait refusé de répondre à l’interrogatoire préalable de son représentant le 24 avril 2003. Une déclaration a également été rendue selon laquelle l’interrogatoire préalable mené par Direct Source mettait fin à la première ronde d’interrogatoires préalables de Sony et que toute autre présence du représentant de cette dernière serait limitée aux engagements en instance et aux questions auxquelles il était obligé de répondre. La requête de Direct Source portant sur les autres refus et les requêtes des parties pour radier les actes de procédure de l’autre ont par ailleurs été rejetées. Un appel de l’ordonnance en date du 9 juin 2003 de Direct Source a été rejeté par madame la juge Elizabeth Heneghan le 21 octobre 2003.

 

  • [18] Après d’autres affrontements procéduraux entre les parties, les interrogatoires préalables ont finalement pris fin en septembre 2004. Le 14 décembre 2004, Direct Source a déposé une demande de conférence préparatoire certifiant que tous les interrogatoires préalables que devait mener Direct Source étaient terminés. Dans son mémoire relatif à la conférence préparatoire, Direct Source a indiqué qu’elle souhaitait modifier l’alinéa 1c) de la déclaration afin de faire passer sa demande de dommages-intérêts généraux de 500 000 $ à 5 millions de dollars. Direct Source a également dit qu’elle ne déposerait plus de requête portant sur le refus, mais qu’elle ferait plutôt valoir les conséquences des refus de Sony au procès.

 

  • [19] La conférence préparatoire devait se tenir en personne à la Cour fédérale à Toronto le 20 janvier 2005. L’avocat de Direct Source a confirmé au greffe le 5 janvier 2005 qu’il assisterait à la conférence préparatoire en même temps que le président de Direct Source.

 

 

  • [20] À un certain moment avant la conférence préparatoire, Sony a trouvé et transmis à Direct Source un groupe de documents de 1997 qui concernaient la décision de Chum Limited [Chum] de mettre fin à sa relation avec Quality Records [Quality], le prédécesseur en titre de la marque de commerce « Dance Mix » de Direct Source, et aux tentatives de Quality de conclure des ententes avec Sony et d’autres sociétés [productions de 2005].

 

  • [21] Le représentant de Direct Source n’a pas assisté à la conférence préparatoire le 20 janvier 2005. Pressé par la Cour de fournir une explication de la raison pour laquelle le représentant n’était pas présent, l’avocat de Direct Source a insisté pour dire que la présence du président n’était pas requise, qu’il avait sa confiance et qu’il avait le mandat et le pouvoir de représenter son client à la conférence préparatoire. À la question de savoir ce qui avait empêché le président ou un autre représentant d’être présent, l’avocat de Direct Source a simplement dit que son client avait des affaires plus urgentes. La Cour a conclu que la conférence préparatoire devrait être ajournée pour les raisons suivantes :

 

[traduction]

L’article 260 des Règles des Cours fédérales exige que les personnes autorisées à régler une affaire assistent à la conférence préparatoire à l’instruction. L’objet de cet article consiste à permettre à la Cour d’examiner avec les parties les coûts et les risques du litige et d’entreprendre des discussions de règlement significatives. La présence physique d’un représentant favorise davantage, selon mon expérience, des discussions et des négociations productives. L’absence d’un représentant de la demanderesse a contrecarré la capacité de la Cour à mener une conférence préparatoire efficace à mon avis. L’affaire doit donc être reportée à une autre date.

 

  • [22] L’avocat de Direct Source a ajouté que la conférence préparatoire ne pouvait de toute façon pas se dérouler puisque l’action n’était plus prête pour le procès en raison des développements récents. Il a dit que Sony avait produit d’autres documents [traduction] « essentiels à l’action » la veille de la conférence préparatoire et qu’un autre interrogatoire préalable était requis. La Cour a rejeté cet argument comme motif pour ajourner la conférence préparatoire, concluant que tout autre interrogatoire préalable au sujet des documents récemment produits aurait pu être mené de façon expéditive et qu’il ne devait pas reporter l’établissement d’une date de procès.

 

  • [23] La Cour a sanctionné Direct Source pour son inconduite en adjugeant les dépens contre elle, et la conférence préparatoire a été ajournée pour assurer la participation de son représentant une date ultérieure. Direct Source a obtenu la permission de signifier et de produire une requête liée aux documents supplémentaires produits par Sony dans l’intervalle.

 

  • [24] Le 3 février 2005, l’avocat de Direct Source a envoyé une lettre à CHUM qui décrivait de façon générale la nature du litige entre sa cliente et Sony. Il a formulé des allégations selon lesquelles CHUM avait une obligation de fiduciaire à l’égard de sa cliente et qu’elle avait conspiré avec Sony pour s’approprier délibérément la clientèle associée à la marque de commerce. L’avocat de Direct Source a écrit qu’il formulait ces allégations en fonction des documents supplémentaires qui ont été produits par Sony le 19 janvier 2005. Il a indiqué que sa cliente était disposée à se joindre à CHUM dans le cadre de cette action ou à intenter une action distincte contre CHUM, mais, dans la mesure où il pouvait avoir des suggestions pour trouver une solution plus productive, l’avocat a invité CHUM à l’appeler.

 

  • [25] Le 23 février 2005, Sony a entrepris des procédures pour outrage au tribunal contre Direct Source et son avocat en alléguant : a) qu’ils avaient violé les engagements implicites pris par eux selon lesquels les documents produits par Sony et les renseignements qui y figuraient seraient utilisés uniquement aux fins de la présente action; b) qu’ils ont fait en sorte que les documents et les renseignements produits par Sony soient divulgués à CHUM, qui n’est pas partie à l’instance; et c) qu’ils avaient utilisé les documents et les renseignements qui y figuraient pour menacer d’intenter des poursuites contre CHUM.

 

  • [26] Le 11 mars 2005, Direct Source a à son tour déposé une requête invoquant l’inconduite de la part de Sony et de son avocat lorsqu’ils ont fait les productions de 2005. Direct Source a commencé par affirmer que les documents révélaient une conspiration entre Sony, CHUM et d’autres et qu’ils prouvaient d’autres activités délictuelles. Au paragraphe 8 de son affidavit signé le 13 avril 2005, l’avocat de Direct Source déclare ce qui suit :

 

[traduction]

8.  La veille de la conférence préparatoire, le 19 janvier 2005, et après des années pendant lesquelles je me suis plaint de divulgations inadéquates et de la présentation d’affidavits incomplets de documents, Sony a produit d’autres documents (« productions tardives »). Jusqu’à ce moment, je croyais que la présente action portait essentiellement sur l’appellation d’une marque de commerce. Les productions tardives démontrent que Sony, CHUM et les coentrepreneurs (comme ils sont décrits plus tard dans mon affidavit) sont responsables d’une conspiration pour s’approprier la clientèle de la marque de commerce et je n’en étais pas au courant avant les productions tardives.

 

  • [27] En mai 2005, Sony a avisé Direct Source qu’elle avait l’intention de modifier la défense et la demande reconventionnelle. À la lumière des accusations continues de conspiration et d’autres conduites délictuelles formulées par Direct Source, Sony a l’a invitée à fournir les modifications envisagées à sa déclaration pour que la défense modifiée proposée et la demande reconventionnelle de Sony puissent être complètes et qu’elle puisse répondre à toutes les allégations de l’affaire. Direct Source a rejeté la proposition de Sony.

 

  • [28] Le 25 août 2005, une conférence de gestion de l’instance a été convoquée pour planifier certaines questions, y compris la requête de Sony pour modifier sa défense et sa demande reconventionnelle. Dans le cadre de la conférence, l’avocat de Direct Source a avisé la Cour qu’il n’avait pas l’intention de modifier sa déclaration. Cette position a plus tard été indiquée dans l’ordonnance de la Cour en date du 22 septembre 2005 qui a disposé de la requête de Direct Source produite le 11 mars 2005. L’ordonnance obligeait également Sony à présenter des demandes de renseignements sur un certain nombre de personnes et d’entités, à fournir à Direct Source les résultats de ces demandes de renseignements avant l’interrogatoire préalable alors envisagé et à assurer la présence de représentants pour tout autre interrogatoire préalable.

 

  • [29] Le 5 octobre 2005, madame la protonotaire Martha Milczynski a conclu qu’il y avait une preuve prima facie indiquant qu’il y avait eu une violation de la règle sur l’engagement implicite liée à l’utilisation de documents et de renseignement obtenus dans le cadre de l’interrogatoire préalable. Elle a ordonné qu’un représentant de Direct Source et son avocat comparaissent devant notre Cour pour entendre la preuve des actions qui leur sont reprochées et les presser à présenter tout moyen de défense qu’ils pouvaient avoir.

 

  • [30] Sony a avisé la Cour le 18 octobre 2005 qu’elle avait effectué les demandes de renseignements exigées par l’ordonnance du 25 août 2005. Sony a continuellement demandé à Direct Source de confirmer qu’elle avait traité les réponses aux demandes de renseignements comme si elles avaient été fournies dans le cadre d’un interrogatoire préalable et qu’elles étaient donc visées par l’engagement implicite, mais Direct Source a refusé de le faire. Par conséquent, Sony a refusé de divulguer les résultats de ses demandes de renseignements en attendant la confirmation que les réponses étaient visées par l’engagement implicite.

 

  • [31] Le 18 novembre 2005, Direct Source a signifié la réponse modifiée qui comprenait, entre autres modifications, diverses allégations de délits liés aux productions de 2005. Sony a déposé une requête pour radier ces parties de la réponse modifiée de Direct Source. Avant que la requête de Sony puisse être entendue, cette dernière a obtenu la permission de modifier sa défense et sa demande reconventionnelle, et la procédure d’outrage au tribunal a plus tard été interrompue. La requête en radiation de Sony a finalement été accordée le 28 juillet 2006.

 

  • [32] En janvier 2007, Direct Source a déposé une requête pour modifier la déclaration afin d’ajouter des allégations semblables à celles qui avaient été radiées de la réponse modifiée. Au moyen d’une ordonnance en date du 16 mars 2007, la requête a été rejetée et elle était accompagnée du jugement manuscrit suivant :

 

[traduction]

Le 25 août 2005, l’avocat de la demanderesse a avisé la Cour que cette dernière n’avait pas l’intention de modifier sa déclaration malgré ce qui suit : a) la demanderesse était en possession des productions de janvier 2005 des défenderesses depuis janvier 2005; b) l’avocat de la demanderesse a commencé à accuser les défenderesses de participer à une conspiration pour nuire à la demanderesse en février 2005; c) les défenderesses ont invité la demanderesse à demander la permission de modifier ses actes de procédure en mai 2005 avant que les défenderesses demandent la permission de modifier leurs propres actes de procédure; d) la demanderesse s’est vu signifier la requête des défenderesses pour modifier leur défense et demande reconventionnelle.

 

Même si je ne qualifierais pas la déclaration de l’avocat de la demanderesse le 25 août 2005 d’engagement, il demeure que la demanderesse a pris la décision délibérée de ne pas demander la modification de ses actes de procédure. Il est tout simplement inacceptable qu’une partie affirme une chose en Cour et qu’elle fasse le contraire, sans expliquer pourquoi elle a changé d’avis. Du point de vue de la gestion de l’instance, de telles tactiques rendent difficile, voire impossible, la progression ordonnée de l’action et elles doivent être découragées. En outre, le retard de la demanderesse à déposer sa requête a porté préjudice aux défenderesses, qui ont modifié leurs actes de procédure en fonction des garanties de la demanderesse. Dans les circonstances, je conclus que la demanderesse devrait être tenue de respecter son choix de ne pas modifier ses actes de procédure.

En tout état de cause, les paragraphes litigieux pour lesquels la permission est demandée ne soulèvent pas une cause d’action raisonnable ou ne relèvent pas de la compétence de la Cour. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle Dance Mix est une marque de commerce « célèbre », la demanderesse n’a fourni aucun fait important pour appuyer la prétention. La simple allégation ne divulgue tout simplement pas une cause d’action. Les allégations de déclarations frauduleuses et de conspiration comportent également des lacunes puisque les éléments nécessaires des deux délits n’ont pas été invoqués.

 

  • [33] Le 3 juillet 2007, Direct Source a déposé de demande pour continuer la conférence préparatoire qui avait été ajournée en 2005. Dans sonmémoire relatif à la conférence préparatoire, Direct Source dit qu’elle renonce à tout autre interrogatoire préalable. Il n’y a pas mention d’autres modifications proposées.

 

  • [34] Le 15 octobre 2007, la Cour a ordonné que les réponses de Sony soient assujetties à l’engagement implicite. Grâce à la protection d’une ordonnance de la Cour, Sony a fourni les résultats de ses demandes de renseignements à Direct Source le 16 novembre 2007.

 

  • [35] Le 21 février 2008, l’avocat de Sony a trouvé un dossier comportant d’autres documents qui avaient été obtenus de Sony en 2005 mais qu’elle avait apparemment mal classés dans son bureau. Ce groupe de documents est composé de reproduction de certaines productions de 2005 et de 17 autres documents de nature semblable. Sony a produit ces documents le jour même de leur découverte.

 

  • [36] Le 6 mars 2008, Direct Source a déposé un autre mémoire relatif à la conférence préparatoire pour aborder les réponses aux demandes de renseignements que Sony a fournies en novembre 2007 et aux documents livrés en février 2008 [les productions tardives]. Direct Source dit que les réponses de 2007 aux demandes de renseignements et aux interrogatoires préalables de février 2008 révèlent [traduction] « un fondement pour faire avancer de nouvelles causes d’action pour les délits d’ingérence dans les relations contractuelles et les intérêts économiques, la tromperie et la violation de l’obligation fiduciaire » et qu’elle était [traduction] « prête à donner suite à ces nouvelles causes d’action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario ». L’autre mémoire relatif à la conférence préparatoire comprenait également une section intitulée [traduction] « Requêtes finales préalables au procès et questions en suspens ». Dans cette section, Direct Source indique qu’elle renonce à tout autre interrogatoire préalable. Il n’y a aucune indication d’une intention de déposer une requête au sujet des actes de procédure.

 

  • [37] La conférence préparatoire a repris le 1er avril 2008. À la conclusion de la conférence préparatoire, une série de directives a été rendue en ce qui concerne les dernières étapes menées dans le cadre de la présente procédure. Pour éviter tout malentendu, la Cour a demandé aux parties de préparer le procès-verbal de cette directive.

 

  • [38] Le point de départ des directives préalables à l’instruction était que les actes de procédure produits définiraient les questions pour le procès. Il était entendu que les plaintes de Direct Source en ce qui concerne les modifications proposées à la déclaration, y compris celles découlant des réponses aux demandes de renseignements et en février 2008, pouvaient être entendues dans le cadre d’une action distincte devant la Cour de l’Ontario, mais qu’elles ne feraient pas partie de la présente procédure. Les actes de procédure étant ainsi réglés, la Cour a ordonné les étapes restantes de la présente procédure.

 

  • [39] Le 21 novembre 2008, Direct Source a déposé un avis de l’intention de faire une proposition conformément au paragraphe 50.4(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, LRC (1985), c. B-3 (LFI), ce qui a suspendu la procédure.

 

  • [40] Le 17 février 2009, n’ayant respecté aucune des étapes ordonnées par la Cour pendant les dix mois précédents, Direct Source a écrit à la Cour pour demander que le calendrier de la procédure soit revu [traduction] « puisque le procès et toute requête interlocutoire finale que les parties ont indiqués en avril 2008 peuvent être imminents s’il n’y a pas de règlement ». Au moyen d’une lettre en date du 25 février 2009, Direct Source a écrit de nouveau à la Cour en ce qui concerne les procès-verbaux préalables à l’instruction et à la modification du calendrier. Aucune des lettres ne fait référence à une intention de modifier l’acte de procédure.

 

  • [41] Le 1er mai 2009, Direct Source a déposé une proposition à l’intention de ses créanciers. La Cour supérieure du Québec (division commerciale, en faillite et en insolvabilité) a ratifié la proposition le 11 juin 2009 et a libéré Direct Source de la faillite.

 

  • [42] Le 13 avril 2010, Direct Source a déposé la présente requête et insisté pour qu’elle soit fixée avant qu’elle ait terminé les étapes ordonnées à la conférence préparatoire. Par ordonnance en date du 22 avril 2010, la Cour a ordonné à Direct Source de se conformer aux directives préalables à l’instruction avant de pouvoir fixer la présente requête. Lorsqu’elle a rendu cette ordonnance, la Cour a noté ce qui suit :

 

[traduction]

Le fait que la demanderesse ait retenu les services d’un nouvel avocat ne peut servir d’excuse pour la soustraire de son obligation de respecter les engagements et les délais fixés par la Cour. La Cour elle-même a intérêt à ce que ses ordonnances, ainsi que les engagements pris par les avocats, ne soient pas bafouées. L’avocat de la demanderesse a été en possession des autres documents des défenderesses pendant au moins un mois avant d’accepter de prendre certaines des mesures dans le délai prévu ou de demander une prorogation du délai en temps utile. La demanderesse a agi d’une manière qui n’est pas simplement accidentelle ou négligente. À mon avis, il ne serait pas juste ou approprié de permettre à la demanderesse de ne pas respecter ses obligations uniquement au motif que son avocat a changé d’avis.

 

Discussion

 

  • [43] Direct Source soutient qu’il devrait lui être permis de modifier de nouveau sa déclaration modifiée en raison des divulgations faites par Sony le 16 novembre 2007, le 20 novembre 2007 et le 21 février 2008. Direct Source reconnaît que des modifications proposées sont semblables à certaines des modifications proposées qui ont été rejetées par l’ordonnance du 16 mars 2007. Toutefois, elle fait remarquer que les modifications ont été rejetées avant la livraison des productions tardives et que le fondement factuel de la présente requête est différent de celui de l’ordonnance précédente.

 

  • [44] Je suis conscient que la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties : La reine c Canderel Limitée 1993 CanLII 2990 (CAF). Toutefois, une modification peut être refusée si elle est susceptible d’entraîner une injustice pour l’autre partie qui ne peut être compensée par l’adjudication des dépens ou qu’elle n’est pas dans l’intérêt de la justice.

 

  • [45] Chaque cas doit être examiné avec soin pour établir si un préjudice réel survient. Bien que je ne blâme pas Sony pour la production tardive des documents en 2005, en 2007 et en 2008 et que je fasse plutôt observer que l’avocat de Sony a agi de façon honorable et dans la meilleure tradition du barreau lorsqu’il a produit les documents immédiatement après les avoir découverts, Sony est néanmoins responsable en partie des contretemps dans la présente procédure. Les productions tardives ont également donné des munitions à Direct Source qui a demandé une réparation à la Cour.

 

  • [46] Malgré tout, je suis d’accord avec Sony pour dire que la présente demande de permission de modification devrait être rejetée parce qu’elle contredit le mémoire relatif à la conférence préparatoire de Direct Source et sa déclaration non équivoque à la conférence préparatoire qui s’est tenue en avril 2008 selon laquelle ses plaintes quant aux nouvelles divulgations seraient poursuivies dans le cadre de procédures devant la Cour de l’Ontario et non pas cadre de la présente procédure. Direct Source était d’avis que les interrogatoires préalables étaient terminés et que l’affaire était prête pour le procès. La Cour a alors ordonné que le procès se déroule en fonction des questions formulées dans les actes de procédure actuels et elle a fixé les autres étapes menant au procès.

 

  • [47] Direct Source souhaite maintenant modifier la déclaration modifiée pour ajouter de nouvelles questions à la présente procédure en fonction des documents divulgués qui étaient en sa possession et qui ont été examinés à la conférence préparatoire. Ce n’est pas la première fois que Direct Source abandonne une position officiellement communiquée à la Cour. En août 2005, huit mois après avoir reçu les productions de 2005, l’avocat de Direct Source a avisé la Cour pendant une conférence de gestion de l’instance qu’il n’avait pas l’intention de modifier sa déclaration. Direct Source ne voulait pas que l’établissement d’une date de procès soit retardé en raison d’autres interrogatoires préalables qui auraient été requis par une modification de la déclaration en raison des productions de 2005. Malgré ce choix clair, Direct Source a déposé une réponse modifiée invoquant des allégations importantes fondées sur les productions de 2005 quelques mois plus tard.

 

  • [48] À mon avis, la plus récente tentative de Direct Source d’abandonner sa position mine le processus de conférence préparatoire et cause un préjudice important à Sony.

 

  • [49] Direct Source ne fournit pas une explication valide pour son changement de position, des faits nouveaux ou des circonstances exceptionnelles qui justifieraient un réexamen de modifications déjà refusées. Le dépôt tardif de la présente requête peut s’expliquer en partie par ses récentes difficultés financières. Toutefois, les documents de la requête de Direct Source ne tiennent tout simplement pas compte de la position qu’elle a adoptée à la conférence préparatoire et des directives consécutives de la Cour. L’approche de Direct Source à cet égard n’est pas légitime.

 

  • [50] Dans Apotex Inc c Bristol-Myers Squibb Company et al 2011 CAF 34 aux paragraphes 28 et suivants, la Cour d’appel fédérale a conclu que chaque partie devrait être responsable de ses déclarations formulées à la conférence préparatoire. Selon les mots du juge David Stratas, au paragraphe 28 :

 

Cet échange de mémoires relatifs à la conférence préparatoire est important. Bien que les parties devraient, à toute étape de la procédure, être claires et franches au sujet des véritables questions en litige, cela s’impose particulièrement au moment de la conférence préparatoire. Les mémoires relatifs à la conférence préparatoire devraient contenir un examen franc et complet de toutes les questions en litige afin que [TRADUCTION] « la Cour puisse voir si les questions qui vont devoir être tranchées au procès […] ont été correctement cernées et examinées » : Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., 2010 FC 669 (CanLII), 2010 CF 669, au paragraphe 19 (Proth.). Cela permet d’éviter les surprises ou les pièges au procès. Cela permet également à la Cour de ne pas gaspiller ses ressources restreintes en inscrivant au rôle des dossiers qui ne sont pas prêts à être instruits. Étant donné le sérieux des observations formulées dans les mémoires relatifs à la conférence préparatoire et l’importance des objectifs de la conférence préparatoire, les parties peuvent ultérieurement être tenues à s’en tenir à ce qu’elles ont dit ou ce qu’elles ont omis de dire lors de la conférence préparatoire : Wenzel, précité, au paragraphe 20. Dans les mémoires relatifs à la conférence préparatoire et les discussions qui ont lieu lors de cette conférence, la non‑divulgation stratégique ou la non‑clarification délibérée n’ont pas leur place. Dans la mesure où une question n’est pas clairement présentée à cette étape de la procédure, on est en droit de supposer qu’elle ne se pose pas.

 

 

  • [51] Même si la Cour pouvait ne pas tenir compte de ce qui s’est produit à la conférence préparatoire, ce qu’elle n’est pas disposée à faire, la requête en permission de modifer aurait été rejetée en tout état de cause au motif qu’elle est prescrite selon la doctrine de la chose jugée. Les modifications que Direct Source souhaite maintenant sont semblables à celles qui ont été radiées de sa réponse modifiée en 2006 et à celles qui ont été rejetées dans la déclaration de 2007.

 

  • [52] Direct Source dit qu’elle a maintenant une explication raisonnable pour demander cette modification, pour une deuxième fois, à savoir qu’elle a un fondement probatoire solide pour établir la véracité des modifications proposées. Toutefois, comme c’est le cas pour toute requête portant sur un acte de procédure, les modifications proposées étaient présumées vraies au moment où elles ont été examinées et rejetées par la Cour en 2006 et en 2007. Ainsi, même si la présente requête qui a pour but l’ajout de ces allégations pour une troisième fois devait reposer sur une preuve qui établit plus clairement les causes d’action sous-tendant les modifications proposées, il n’est pas possible de distinguer la présente requête des décisions antérieures de notre Cour.

 

  • [53] En outre, la Cour a rejeté les modifications proposées en 2007 parce qu’elle croyait qu’il était approprié dans des circonstances de tenir Direct Source responsable de sa décision délibérée et tactique d’aviser la Cour en 2005 qu’elle ne demanderait pas d’autres modifications de ses actes de procédure et non parce que la preuve des faits proposés à titre de modifications en 2007 était insuffisante. La Cour a également noté qu’en [traduction] « tout état de cause», les modifications demandées dépassaient sa compétence et qu’elles n’avaient pas été correctement invoquées. Chacune de ces circonstances s’applique toujours à la version actuelle de la présente requête.

 

 

 

  • [54] Enfin, je conclus que le dépôt des modifications proposées à cette étape tardive ne serait pas dans l’intérêt de la justice puisqu’il retarderait indûment la disposition de la procédure. Il faudrait reprendre les actes de procédure et les interrogatoires préalables, ce qui occasionnerait ainsi d’autres délais importants. Le défaut répété par Direct Source de respecter les ordonnances et les directives de la Cour dans le présent litige, si ce n’est d’y avoir complètement fait fi, est très troublant et n’inspire certainement pas confiance; tout comme cette tendance de dire une chose et d’en faire une autre.

 

  • [55] Sony et notre Cour s’en sont remis aux garanties répétées de Direct Source qu’elle ne modifierait plus ses actes de procédure. Je ne peux que répéter les mêmes commentaires que j’ai formulés lorsque j’ai rejeté la requête antérieure de Direct Source pour modifier sa déclaration.

 

[traduction]

Il est tout simplement inacceptable qu’une partie affirme une chose en Cour et qu’elle fasse le contraire, sans expliquer pourquoi elle a changé d’avis. Du point de vue de la gestion de l’instance, de telles tactiques rendent difficile, voire impossible, la progression ordonnée de l’action et elles doivent être découragées. En outre, le retard de la demanderesse à déposer sa requête a porté préjudice aux défenderesses, qui ont modifié leurs actes de procédure en fonction des garanties de la demanderesse. Dans les circonstances, je conclus que la demanderesse devrait être tenue de respecter son choix de ne pas modifier ses actes de procédure.

 

 

  • [56] Souscrivant substantiellement aux observations écrites de Sony, que j’adopte et reprends à mon compte, je conclus que la présente requête devrait être rejetée.


Dépens

 

  • [57] Sony souhaite se voir adjuger des dépens élevés en raison de l’omission par Direct Source de respecter les directives préalables à l’instruction afin de la décourager à se servir du processus judiciaire pour déposer des requêtes répétitives dans le but d’obtenir la même réparation et d’indemniser complètement Sony des frais engagés pour répondre encore une fois à une requête de modification sans fondement.

 

  • [58] À mon avis, la requête de Direct Source n’était qu’une tentative pour remettre en cause une question déjà tranchée en sa défaveur et elle constitue un abus de procédure. Les règles de la Cour sont conçues pour indemniser la partie qui obtient gain de cause et pour décourager et sanctionner le comportement inadéquat des plaideurs. Pour les raisons qui précèdent, je conclus que des dépens de la requête devraient être adjugés en faveur de Sony et qu’ils devraient être élevés.

 


 

  ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE que :

 

  1. La requête soit rejetée.

 

  1. Les dépens de la requête soient payés par la demanderesse aux défenderesses en tout état de cause, qui seront évalués en fonction de la valeur médiane de la colonne V du tarif B des Règles des Cours fédérales.

 

 

« Roger R. Lafrenière »

Juge responsable de la gestion des instances

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1483-99

 

INTITULÉ :  DIRECT SOURCE SPECIAL PRODUCTS INC.

  c. SONY MUSIC CANADA INC. ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 14 JUILLET 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :  LE 3 FÉVRIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

ME IAN BLUE

ME ARNOLD SCHWISBERG

 

POUR LA DEMANDERESSE

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

ME DAVID E. LEDERMEN

POUR LES DÉFENDERESSES

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GARDINER ROBERTS LLP

TORONTO (ONTARIO)

 

ME ARNOLD SCHWISBERG

MARKHAM, ONTARIO

 

POUR LA DEMANDERESSE

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

GOODMANS LLP

TORONTO (ONTARIO)

POUR LA DÉFENDERESSE

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

 

 

 

 

 

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