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Date: 20120119

Dossier : IMM-1764-11

Référence : 2012 CF 82

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

QAMILE PETI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Mme Qamile Peti (Mme Peti) dépose cette demande de révision judicaire aux termes de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [LIPR] qui vise la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR] rendue le 22 février 2011, voulant qu’elle n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, cette demande de révision judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               Mme Peti est une retraitée de l’Albanie qui demande la protection du Canada.

 

[4]               Le 13 avril 2008, elle aperçoit deux hommes en train de discuter dans une ruelle près de sa résidence. Elle voit un des deux hommes sortir une arme à feu et tirer en direction de l’autre individu. Apeurée, elle se rend chez-elle, raconte l’incident à ses voisines et passe la nuit chez l’une d’elles, pour éviter d’être retrouvée et menacée par le meurtrier.

 

[5]               Le lendemain matin, Mme Peti se réfugie chez sa sœur. Après quelques jours, elle communique avec sa voisine, Mme Nadira Dama, afin de s’enquérir sur ce qui transpire des évènements  du 13 avril 2008. Cette dernière l’informe que la victime est décédée et qu’un homme est passé chez madame Peti.

 

[6]               Mme Peti décide donc de demeurer chez sa sœur. Trois semaines plus tard, elle téléphone à nouveau Mme Dama. Sa voisine aurait trouvé un projectile d’arme à feu devant la porte d’appartement de Mme Peti. Elle l’incite à demeurer cachée. La sœur de Mme Peti lui conseille de quitter immédiatement le pays.

 

[7]               Elle quitte l’Albanie pour le Canada le 12 mai 2003 et dépose sa demande d’asile le13 novembre 2008.

 

[8]               Le 22 février 2011, la CISR conclut que Mme Peti n’a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La Commission relève plusieurs incohérences et contradictions entre le témoignage de Mme Peti et son Formulaire de renseignements personnels [FRP], lesquelles entachent grandement sa crédibilité.

 

III.       Législation

 

[9]               Les articles 96 et 97 de la LIPR se lisent comme suit :

Définition de « réfugié »

 

Convention refugee

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle,

 

 

ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is

 

 

unable or, by reason of that

fear, unwilling to return to that country.

 

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

IV.       Question en litige et norme de contrôle

 

A.        Question en litige

 

[10]           Cette demande de révision judiciaire soulève une seule question en litige :

·                    La CISR commet-elle une erreur en concluant que la crédibilité de Mme Peti est entachée par les contradictions et incohérences qu’elle constate entre son témoignage et son FRP?

 

 

 

B.        Norme de contrôle

 

[11]           Dans l’affaire Mejia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 354, [2009] ACF no 438, au para 26, on conclut que la norme de contrôle applicable à la crédibilité d’un témoignage est celle de la décision raisonnable (voir aussi l’affaire Zarza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 139, [2011] ACF no 196 au para 16).

 

[12]           La décision de la CISR, sur une demande d’asile présentée aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR, s’apprécie selon la norme de la décision raisonnable puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit (voir Gonzalez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1292 au para 10).

 

[13]           La Cour Suprême du Canada, au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, nous précise que la norme de la décision raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

V.        Positions des parties

 

A.        Position de Mme Peti

 

[14]           Mme Petit soutient que la décision de la CISR contient des erreurs qui  justifient l’intervention de cette Cour. Elle affirme que la conclusion de la CISR, concernant ses problèmes de mémoire, est tirée sans tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve. À cet égard, elle s’appuie sur  la décision Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 794, [2005] ACF no 988.

 

[15]           Elle soutient de plus que le témoignage de son fils corrobore l’existence de ses problèmes de mémoire. Elle explique ses réponses évasives à l’audience et l’intervention répétée de la commissaire et de son avocat par ses pertes de mémoires qui surviennent de façon plutôt spontanée, contrairement à ce que la CISR semble croire.

 

[16]           D’ailleurs, à l’audience de cette demande de révision judiciaire, l’avocat de Mme Peti souligne à la Cour plusieurs passages de son témoignage qui expliqueraient ce qu’il qualifie de glissement, c’est-à-dire qu’elle passe rapidement d’une idée à une autre.

 

[17]           La CISR souligne l’absence d’éléments de preuve tel un rapport d’expert ou un certificat médical pour établir qu’elle souffre d’une diminution de ses capacités cognitives. Mme Peti soutient que la CISR doit tenir compte du témoignage de son fils, car la perte de mémoire peut être établie par simple témoignage. Elle rappelle également que la CISR a l’obligation de l’informer au préalable si elle veut la production d’un certificat médical démontrant les résultats des examens ou de radiographies.

 

[18]           Mme Peti soutient que si la CISR prétend détenir l’expertise voulue pour apprécier les capacités cognitives chez les personnes âgées, elle devait l’en informer d’office, aux termes de l’article 170, paragraphe i) de la LIPR et lui permettre de se faire entendre sur cette question (voir Kirichenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2011 CF 12).

 

[19]           La CISR écrit, au paragraphe 21 de sa décision :

Le tribunal ne croit pas la demande[resse] lorsqu’elle déclare ne pas avoir parlé de ses problèmes, car elle ne voulait pas faire de la peine et faire souffrir ses enfants et qu’elle aurait attendu ainsi six mois avant de se confier à l’un de ses fils canadiens et à leurs épouses… le tribunal s’explique bien mal pourquoi la demande[resse] n’aurait pas parlé de ses intentions de demeurer au Canada, car elle craignait pour sa vie bien avant six mois après son arrivée. Tout ceci apparaît non crédible au tribunal.

 

[20]           Mme Peti allègue qu’elle croyait pouvoir séjourner au Canada pendant toute la durée de son visa de visiteur d’une durée de cinq ans. Elle souligne qu’elle a choisi d’épargner son fils du poids de ses problèmes et cette explication est plausible et tout a fait justifié dans les circonstances. Selon elle, les motifs que l’on retrouve au paragraphe 21 de la décision de la CISR, reproduits ci-haut sont tout à fait invraisemblables (Florez c Canada (Ministre de l’Immigration et de la Citoyenneté), 2004 CF 1230 au para 8 et suivant).

 

[21]           Mme Peti rappelle les éléments de preuve documentaire versés au dossier démontrant qu’elle est en danger puisqu’elle est témoin d’un meurtre commis par un membre du crime organisé en Albanie. Ces éléments de preuve documentaire démontrent également qu’elle ne peut obtenir une protection adéquate en Albanie. De ce fait, elle considère que la décision de la CISR est déraisonnable et que la Cour doit accueillir sa demande de révision judiciaire.

 

B.        Position du défendeur

 

[22]           Le défendeur affirme que la crédibilité de Mme Peti est entachée du fait que la CISR constate plusieurs défaillances et contradictions portant sur les éléments qui vont au cœur de sa demande. Ces défaillances ternissent la crédibilité de Mme Petit. Le défendeur soutient que la décision de la CISR est raisonnable considérant les nombreuses lacunes dans les éléments de  preuve présentés par la demanderesse.

 

[23]           Le défendeur rappelle la jurisprudence bien établie de cette Cour voulant que le demandeur d’asile ait le fardeau de prouver les éléments sur lesquels repose sa demande. Il cite l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, [RSPR] qui se lit comme suit:

Documents d’identité et autres éléments de la demande

 

Documents establishing identity and other elements of the claim

 

7. Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

7. The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

 

[24]           En évaluant la crédibilité de Mme Peti, la CISR peut tenir compte des contradictions entre son témoignage et son FRP. La CISR ne peut ignorer les omissions, dans un FRP, d’éléments essentiels à la demande d’asile qui est devant elle (voir Pinon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 413 au para 17; Cortes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 583 au para 27; et Tejeda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 421 au para 15).

 

[25]           Par ailleurs, le défendeur rappelle qu’il incombe à Mme Peti de présenter les éléments de preuve qui démontrent clairement qu’elle craint d’être persécutée dans son pays d’origine. Pour ce faire, elle doit établir qu’il existe une crainte subjective de persécution et un fondement objectif à cette crainte. Le défaut de prouver ces deux éléments est fatal et la CISR peut légitimement rejeter la demande sur ce seul motif (voir Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593 aux paras 119-120 et 148-151; Rajudeen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] ACF no 601 (CAF); Herrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 979 aux paras 23-25; et Vasanthakumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 959 au para 11). En l’espèce, Mme Peti ne se décharge pas de ce fardeau et la CISR a raison de rejeter sa demande de réfugié.

 

[26]           D’autre part, le défendeur souligne que Mme Peti est arrivée au Canada le 12 mai 2008 et pourtant elle ne dépose sa demande de réfugié que le 13 novembre 2008, soit 6 mois plus tard. Selon le défendeur, ce comportement est incompatible avec sa prétention qu’elle craint pour sa vie et sa sécurité advenant son retour en Albanie. La jurisprudence de la Cour est constante en la matière et enseigne que le tribunal peut tenir compte des faits et gestes d’un demandeur dans l’analyse de sa crédibilité (Manirakiza c Canada (Ministre de la Citoyenneté  et de l’Immigration), 2009 CF 1309 au para 18 [Manirakiza]; Sainnéus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 249 au para 12 [Sainnéus]; Huerta c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 271 (CAF); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hund, [2009] ACF no 148 au para 50 (1re inst.); Ngwenya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 156 aux paras 22-23; Aslam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 189 au para 28; Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 62 au para 24 [Singh]; Espinosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 1680 (1re inst.) aux paras 17 et 20; Dydyuk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 717 au para 10; Kandiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 181 au para 4; et Toora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 828 au para 27).

 

[27]           Conséquemment, la CISR peut déterminer que Mme Peti manque de crédibilité. Sa crainte subjective reposant avant tout sur sa crédibilité (voir les affaires Sainnéus et Manirakiza mentionnées ci-haut; voir aussi Rocha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 195 au para 6).

 

[28]           Le défendeur soutient que la CISR peut se fonder sur des critères de rationalité et de sens commun et sur sa propre perception du comportement humain afin de constater la vraisemblance ou pas d’une allégation (voir Shahamati c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [1994] ACF no 415 (CAF) au para 2; Yin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2010 CF 544 au para 59; Utrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1212 au para 61; Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] ACF no 368 (1re inst.) au para 5; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 403 aux paras 14 et 19; Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] ACF no 470 (1re inst) au para 9; et Saliaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1247). Le defendeur prétend que c’est à bon droit, que la CISR conclut qu’il est invraisemblable que Mme Peti ait attendu 6 mois avant de parler à son fils de ses prétendus problèmes.

 

[29]           En outre, le défendeur affirme qu’un visa de séjour ne permet pas de réfuter la présomption qu’un véritable réfugié revendiquerait la protection dès son arrivée au Canada.

 

[30]           Compte tenu de toutes ces lacunes, la CISR n’accorde pas de valeur probante aux éléments de preuve documentaire présentés par Mme Peti. Selon le défendeur, la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé, aux paragraphes 7 à 9 de la décision Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1990 3 CF 238, [1990] ACF no 604 (CAF), qu’une absence de crédibilité relative aux éléments centraux d’une revendication peut s’étendre aux autres éléments de celle-ci.

 

[31]           Mme Petit soutient que la CISR ne tient pas compte du témoignage de son fils. Or, la Commission en traite au paragraphe 12 de sa décision. Le défendeur affirme que le témoignage du fils provient d’une personne intéressée qui ne possède aucune expertise médicale. Le défendeur cite la décision Cicek c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 1425, dans laquelle le juge Pinard écrit, au paragraphe 9:

En l'absence de preuve médicale versée au dossier, je suis d'avis que notre Cour ne doit pas modifier la conclusion du tribunal concernant la crédibilité en l'espèce. Le tribunal disposait d'une preuve abondante à partir de laquelle tirer sa conclusion, compte tenu des incohérences, contradictions et éléments non plausibles relevés. Il ressort de la décision du tribunal et de la transcription de l'audience, qu'on a donné à la requérante la possibilité réelle de répondre aux questions que le tribunal se posait sur sa crédibilité. Or, elle n'a pas réussi à donner d'explication satisfaisante relativement à l'une ou l'autre des contradictions qui ont été portées à son attention. Dans les circonstances, la requérante n'ayant pas démontré que le tribunal a tiré une conclusion erronée quelconque, je dois conclure qu'elle ne s'est pas acquittée du fardeau d'établir que les conclusions du tribunal étaient déraisonnables.

 

[32]           La Commission écrit, au paragraphe 13 de sa décision, « …le tribunal n’a pas relevé d’éléments lui permettant de croire que la demande[resse] aurait des problèmes de mémoires tels qu’elle ne puisse relater de la même manière en audience les évènements importants qu’elle allègue avoir vécus à son FRP ». Le défendeur soutient que la CISR a pu entendre de vive voix Mme Peti pendant près de deux heures. Il souligne le constat de la CISR qui écrit que Mme Peti est en mesure de rendre « …un témoignage éclairé, avec assurance et aplomb » (voir la décision de la CISR au para 11). La CISR a raisonnablement conclu qu’il ne s’agit pas d’un problème de mémoire, mais plutôt d’un manque de crédibilité.

 

[33]           Le défendeur affirme que Mme Peti ne démontre pas en quoi la décision de la CISR est fondée sur des conclusions de fait tirées de manière abusive ou arbitraire, ou qu’elle rend sa décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle dispose (voir les décisions Vargas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1347 au para 19; Serrato v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2009 FC 176 au para 16 [Serrato]; et Kar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 143 au para 30 [Kar]).

 

[34]           Finalement, le défendeur allègue que la CISR n’a aucune obligation de procéder à l’analyse relative à la protection de l’État en Albanie. La CISR ayant raisonnablement conclu que Mme Peti n’est pas crédible, ce constat est déterminant en soi (voir Salim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1592 au para 31; R.G. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 801 au para 26; Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262 aux paras 24-25; Gonzalez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 369 au para 10; et Karanja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 574 au para 8).

 

VI.       Analyse

 

·                    La CISR commet-elle une erreur en concluant que la crédibilité de Mme Peti est entachée par les contradictions et incohérences qu’elle constate entre son témoignage et son FRP?

 

[35]           Mme Peti allègue souffrir d’une diminution de ses facultés cognitives, c’est-à-dire qu’elle éprouve des difficultés à se remémorer des évènements de son passé. Son fils témoigne et corrobore que sa mère peine à se rappeler certains évènements.

 

[36]           Mme Peti soutient que la CISR ne tient pas compte de tous les éléments de preuve versés pour établir ses problèmes de mémoire. Elle allègue que cette erreur vicie la conclusion de la CISR sur sa crédibilité. En conséquence, la décision de la CISR est déraisonnable.

 

[37]           La Cour tient à  souligner que « …la crédibilité est centrale à la plupart, sinon à toutes les conclusions tirées par la [CISR] lors de l'appréciation d'une demande d'asile » (voir la décision Umubyeyi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 69, [2011] ACF no 76 au para 11). La CISR peut tirer une conclusion défavorable sur la crédibilité du demandeur si elle relève des contradictions entre son témoignage et les éléments de preuve déposés en appui (voir Aguebor c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] ACF no 732 [Aguebor]).

 

[38]           D’autre part, « la Cour n'a pas à intervenir dans les conclusions de fait tirées par la [CISR], à moins qu'elle ne soit convaincue que ces conclusions sont fondées sur des considérations non pertinentes ou qu'elles ne tiennent pas compte des éléments de preuve dont la [CISR] était saisie » (voir l’affaire Kengkarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 714, [2007] ACF no 970 au para 7 ; voir aussi l’affaire Miranda c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 437). Notre jurisprudence précise également que l’évaluation des éléments de preuve et des témoignages, et la valeur probante qu’on leur assigne relèvent de la CISR (voir la décision Aguebor ; et Romhaine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 534, [2011] ACF no 693 au para 21).

 

[39]           En l’espèce, la CISR écrit, au paragraphe 12 de sa décision, que « son fils, monsieur Peti, a tenté d’expliquer les disparités entre le témoignage de la demande[resse] et son FRP par le fait que la demande[resse] avait changé depuis la dernière fois qu’elle était venue au Canada. Elle oubliait des choses, telles des dates d’anniversaire et de prendre ses médicaments. Elle avait mal à la tête, ce qui aurait nécessité un scan. [Aucun élément de preuve] d’un expert n’a été présenté au tribunal ni sur les résultats du scan, ni sur d’autres problèmes médicaux, neurologiques ou cognitifs que pourrait avoir la demande[resse] ». La CISR accorde peu de force probante au témoignage de M. Peti, le fils de Mme Peti, puisqu’il est une personne intéressée en l’instance. De plus, aucun élément de preuve n’est déposé à l’appui de la position de Mme Peti. Il n’appartient pas à la CISR d’exiger le dépôt de documents pertinents pour établir les éléments d’une réclamation. Aux termes de l’article 7 des RSPR, ce fardeau appartient à Mme Peti.

 

[40]           Mme Peti soutient que la CISR devait l’aviser qu’elle possède une expertise qui lui permet de se prononcer sur son état médical. Elle cite l’article 170 paragraphe  i) de la LIPR, qui précise que « Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés […] peut admettre d’office les faits admissibles en justice et les faits généralement reconnus et les renseignements ou opinions qui sont du ressort de sa spécialisation ». Toutefois, l’article 170 de la LIPR ne peut s’appliquer en l’espèce puisque la CISR ne possède pas la spécialisation voulue pour lui permettre de se prononcer sur une matière qui relève d’une expertise médicale, en l’instance, l’évaluation des capacités cognitives d’une personne. La CISR doit évaluer la force probante des éléments de preuve présentés par Mme Petit, ce qu’elle a fait de façon raisonnable dans ce dossier. Elle ne possède pas l’expertise pour poser un diagnostique d’ordre médical. Conséquemment, la Cour ne peut souscrire à cette prétention de Mme Peti

 

[41]           D’autre part, Mme Peti attend 6 mois avant de déposer sa demande d’asile auprès des autorités canadiennes. Dans son FRP, elle mentionne ne pas vouloir effrayer ses enfants avec ses problèmes et qu’elle est heureuse d’avoir obtenu un visa de visite au Canada. La CISR conclut à l’invraisemblance qu’elle n’ait pas racontée ses problèmes à ses enfants dès son arrivée au Canada. Elle écrit, au paragraphe 21 de sa décision, que « la demande[resse] s’était déjà confiée à sa sœur en Albanie, aux enfants de cette dernière et à ses voisins ». Comme l’indique la juge Snider, au paragraphe 5 de la décision Sun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1255, [2008] ACF no 1570 : « lorsqu’on évalue le caractère raisonnable de la décision de la Commission, il faut respecter certains principes bien établit en jurisprudence : … . une conclusion d’absence de crédibilité peut être peut être fondée sur des invraisemblances, des contradictions, sur l’irrationalité et le [le bon sens] ». La conclusion de la CISR est raisonnable dans les circonstances.

 

[42]           Le défendeur soutient que « …la possession d’un visa ne réfute pas la présomption qu’un véritable réfugié revendiquerait la protection à la première [occasion] » (voir le paragraphe 27 du mémoire du défendeur). La Cour reconnaît la justesse de cet argument. Le comportement d’un demandeur peut devenir important dans l’analyse de sa crédibilité et dans la détermination de sa crainte subjective. Au paragraphe 23 de la décision Niyonkuru, le juge de Montigny écrit : « il est vrai que le demandeur avait un visa qui lui permettait de séjourner au Canada jusqu'au mois de janvier 2003. Il n'en demeure pas moins que son comportement n'est pas celui de quelqu'un qui craint vraiment pour sa vie s'il devait retourner chez lui. Non seulement les raisons qu'il invoque pour attendre la fin de son stage avant de se présenter au bureau d'Immigration Canada sont-elles peu convaincantes, mais il ressort au surplus des transcriptions qu'il avait le temps de voyager durant les fins de semaine ». La CISR peut tenir compte de ce facteur lorsqu’elle se penche sur la crédibilité de Mme Peti.

 

[43]           En somme, la CISR conclut  à l’invraisemblance du récit de Mme Peti. Elle n’accorde aucune force probante à la preuve documentaire présentée par cette dernière ainsi qu’aux lettres de sa sœur et de sa voisine, Mme Dama. Dans l’affaire Sheikh, la Cour d’appel fédérale précise qu’une absence de crédibilité relativement aux éléments centraux d’une revendication peut s’étendre aux autres éléments de celle-ci (voir la décision Sheikh aux paras 7-9). Dans ce dossier, la Cour ne voit aucun motif qui justifie une intervention. La CISR ayant valablement conclu que l’absence de crédibilité de Mme Peti pouvait entacher les autres éléments de preuve documentaire déposés au soutien de sa demande.

 

VII.     Conclusion

 

[44]           La CISR conclut raisonnablement que Mme Peti n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                  la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée; et

2.                  il n’y a aucune question d’intérêt général à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1764-11

 

INTITULÉ :                                      QAMILE PETI

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               28 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      19 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Noël Saint-Pierre

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Leticia Mariz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Saint-Pierre Perron Leroux, avocats Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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