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Date : 20120118


Dossier : IMM-4454-11

Référence : 2012 CF 68

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 janvier 2012

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

FRÉDÉRIC FRANÇOIS NDONGALA MATONDO

LYDIE TOUSSOM

INES ROLLANDE TCHOKOUAHA TOUSSOM

ARIELLE ANNICK NGANGOM TOUSSOM

DONNA ADJANI NGAKO TOUSSOM

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Frédéric François Ndongala Matondo est citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC). Lydie Toussom est citoyenne de la République du Cameroun et la conjointe de fait de M. Matondo. Les deux sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes d’asile.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée dans le cas des deux demandeurs d’asile.

 

La demande d’asile de M. Matondo

 

[3]               La demande d’asile de M. Matondo est fondée sur sa crainte alléguée d’être persécuté en RDC, du fait de ses opinions politiques et de son engagement au sein du parti du Mouvement pour la libération du Congo (le MLC).

 

[4]               M. Matondo dit avoir été arrêté le 19 janvier 2009, pendant qu’il prenait part à une campagne de recrutement pour le compte du MLC dans la province du Bas-Congo, en RDC. Il allègue que les autorités congolaises l’ont gardé en détention et brutalement torturé durant cinq semaines, jusqu’à ce qu’il s’évade le 25 février 2009.

 

[5]               La Commission a expliqué pourquoi elle a conclu que M. Matondo n’était pas un témoin digne de foi, et ce dernier n’a pas contesté sérieusement cette conclusion.

 

[6]               Il aurait été préférable que la Commission traite expressément d’un article de journal daté du 24 janvier 2009, qui, semble-t-il, relatait les activités de M. Matondo auprès du MLC, de même que son arrestation par les autorités gouvernementales et son évasion, mais il est difficile de voir en quoi cet article aurait pu étayer sa crédibilité.

 

[7]               Non seulement cet article vise-t-il à rendre compte de faits non encore survenus, mais le fait d’y décrire M. Matondo comme un « chargé de propagande dans son parti » va à l’encontre de la description qu’il a lui-même faite du rôle qu’il jouait dans le MLC. M. Matondo a dit qu’il était un « simple militant » et qu’il n’occupait pas de poste de responsabilité au sein du MLC.

 

[8]               Il semble ressortir des motifs de la Commission que le seul élément du récit de M. Matondo auquel elle a ajouté foi est qu’il était membre du MLC. Elle a expliqué pourquoi il ne risquait pas d’être persécuté en RDC juste parce qu’il était membre du MLC. Il s’agit là d’une conclusion raisonnable, car le MLC est le parti de la majorité dans la région de Kinshasa. En fait, M. Matondo a admis à l’audition de la présente demande que les membres du MLC pouvaient vivre en toute sécurité à Kinshasa.

 

[9]               M. Matondo soutient de plus que la Commission a commis une erreur en omettant de traiter de sa prétention selon laquelle il court un risque en RDC à cause de son engagement perçu au sein du parti Bundu dia Kongo (le BDK). Selon lui, les individus qui l’avaient arrêté lors de sa mission dans la province du Bas-Congo considéraient qu’il était membre de ce parti. Le BDK est une organisation illégale en RDC, et la Commission avait en main des preuves que le gouvernement persécutait les membres de ce parti.

 

[10]           Comme la Commission a conclu que le récit de M. Matondo, sur sa mission au Bas-Congo ainsi que sur son arrestation et sa détention ultérieures, n’était pas digne de foi, il n’était pas nécessaire qu’elle traite de la perception qu’avaient les individus censément responsables de son arrestation.

 

[11]           Enfin, M. Matondo soutient que la conclusion de la Commission, à savoir que le fait de ne pas avoir demandé l’asile au Cameroun dénotait une absence de crainte subjective de sa part, était déraisonnable. Son avocat offre un certain nombre de raisons pour expliquer pourquoi M. Matondo n’aurait peut-être pas voulu demander l’asile dans ce pays, dont le fait que la protection qu’assure le système camerounais d’aide aux réfugiés n’est que temporaire. Selon l’avocat, M. Matondo a préféré plutôt tenter de régulariser son statut au Cameroun en épousant Mme Toussom.

 

[12]           Cet argument présente deux difficultés : la première est qu’il repose sur des explications liées au comportement de M. Matondo que celui‑ci n’a pas, lui-même, données à l’audience relative à sa demande d’asile; la seconde est que rien n’indique que M. Matondo ait fait quoi que ce soit pour épouser Mme Toussom pendant le temps que les deux ont passé ensemble au Cameroun.

 

[13]           Le fait que M. Matondo n’ait rien fait pour régulariser son statut au Cameroun en épousant Mme Toussom est particulièrement problématique, compte tenu du témoignage des deux demandeurs sur les difficultés que leur faisaient censément subir les autorités camerounaises en raison de l’absence de statut de M. Matondo dans ce pays. Je ne suis donc pas convaincue que la conclusion de la Commission au sujet de l’absence de crainte subjective de M. Matondo était déraisonnable.

 

La demande d’asile de Mme Toussom

 

[14]           Mme Toussom soutient que la Commission a commis une erreur en ne traitant pas de sa prétention de risque de persécution au Cameroun, du fait des opinions politiques que lui imputaient les autorités camerounaises à cause de la relation qu’elle entretenait avec M. Matondo.

 

[15]           Les demandeurs disent qu’après l’arrivée de M. Matondo au Cameroun, les autorités les ont arrêtés. Dans son formulaire de renseignements personnels, Mme Toussom allègue que les individus qui l’ont arrêtée l’ont accusée de donner refuge à un criminel de guerre et d’être « la filière camerounaise du Mouvement de Libération du Congo, d’être complice de Jean-Pierre Bemba et d’avoir participé à des crimes de guerre ».

 

[16]           Je dirais tout d’abord que cet aspect de la demande est nettement miné par le fait que la Commission a conclu de façon raisonnable que la majeure partie du récit de M. Matondo, sur son engagement au sein du MLC et sur la persécution qui a suivi, n’était pas digne de foi.

 

[17]           Par ailleurs, bien que Mme Toussom ait brièvement mentionné dans son témoignage que les autorités l’accusaient d’avoir donné refuge à un criminel de guerre, la majeure partie de ce témoignage a été axée sur son allégation selon laquelle elle avait été arrêtée et détenue pour avoir donné refuge à « un clandestin » ou à « une personne en situation irrégulière ».

 

[18]           Cet élément se reflète aussi dans les observations que le conseil de Mme Toussom a faites devant la Commission, et où il n’était question que du fait qu’elle avait attiré l’attention des autorités camerounaises pour avoir donné refuge à « un clandestin ». En fait, devant la Commission, il n’a pas été invoqué que Mme Toussomo risquait d’être persécutée au Cameroun parce qu’on la considérait comme une sympathisante du MLC.

 

[19]           Dans les circonstances, il était raisonnable que la Commission mette l’accent sur l’aspect de la prétention de Mme Toussom qui se rapportait aux risques attribuables au fait d’avoir donné refuge à une personne sans statut. Il était également raisonnable qu’elle conclue que les conséquences défavorables dues au fait que M. Matondo avait trouvé refuge chez Mme Toussom n’étaient pas assimilables à de la persécution, mais qu’elles constituaient plutôt une poursuite menée en vertu d’une loi d’application générale.

 

[20]           En outre, la Commission a conclu qu’étant donné que Mme Toussom et M. Matondo ne vivent plus ensemble, Mme Toussom ne subirait dorénavant plus de conséquences défavorables du fait de sa relation avec M. Matondo. Il s’agit là d’une conclusion qu’il était raisonnablement loisible de tirer. La preuve concernant l’état de la relation du couple n’est pas tout à fait claire, mais il convient de signaler que M. Matondo est sans statut au Cameroun et qu’il n’y serait donc pas renvoyé.

 

[21]           Enfin, le fait que la Commission n’ait pas fait référence à l’article de journal qui, d’après Mme Toussom, témoigne de sa présence en RDC n’est pas une erreur importante, car sa demande est présentée à l’encontre du Cameroun, et non de la RDC.

 

Conclusion

 

[22]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Certification

 

[23]           Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé de question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

            1.         que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

            2.         qu’aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4454-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            FRÉDÉRIC FRANÇOIS NDONGALA MATONDO

                                                            ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 JANVIER 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 JANVIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Kako

 

POUR LES DEMANDEURSS

 

Sharon Stewart Guthrie

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Kako

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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