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Date : 20120118


Dossier : IMM-2610-11

Référence : 2012 CF 62

Montréal (Québec), le 18 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

GENEVIEVE BOKA DI MPASI MANSONI

 

 

partie demanderesse

 

and

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               La plausibilité du récit de même que l’appréciation de la subjectivité de la crainte sont au cœur de la présente affaire.

 

II. Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], rendue le 29 mars 2011, selon laquelle la demanderesse n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention tel que défini à l’article 96 de la LIPR ni la qualité de personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

 

III. Faits

[3]               La demanderesse, madame Geneviève Boka Di Mpasi Mansoni est citoyenne de la République démocratique du Congo [RDC].

 

[4]               La demanderesse aurait exercé, depuis 2002, la profession de professeur de français et était membre du réseau de l’Alliance Franco-Congolaise de Kinshasa [AFCK], présidée par monsieur Beya Kabenga, également député pour le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie [PPRD], parti dirigé par l’actuel président de la RDC.

 

[5]               Entre mars 2007 et juin 2008, la demanderesse militait avec d’autres de ses collègues à l’encontre de monsieur Beya Kabenga en dénonçant, entre autres, sa mauvaise gestion financière de l’AFCK.

 

[6]               La demanderesse, qui occupait le poste d’animatrice pédagogique, aurait été suspendue, à partir du mois de janvier 2007.

 

[7]               Entre septembre 2007 et décembre 2007, deux de ses collègues auraient été détenus sur ordre de monsieur Beya Kabenga. D’autres employés auraient réussi à échapper à des tentatives d’arrestations.

[8]               Monsieur Beya Kabenga, lors d’une réunion avec les membres de l’AFCK, aurait justifié les arrestations. Par la suite, plusieurs des collègues de la demanderesse ont démissionné ou ont été renvoyés. Monsieur Beya Kabenga aurait poursuivi sa campagne d’intimidation et abusé de son pouvoir avec l’aide de ses contacts au sein des agences de sécurité du pays pour intimider les membres de l’AFCK qui s’opposent à sa façon de diriger l’organisme.

 

[9]               En 2008, la demanderesse a repris l’enseignement tout en poursuivant, avec ses collègues, ses démarches pour dénoncer monsieur Beya Kabenga exigeant sa démission.

 

[10]           En juin 2008, la demanderesse aurait obtenu un visa canadien afin d’assister au XIIe Congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français [FIPF].

 

[11]           La demanderesse allègue avoir vécu un stress important en raison du risque d’arrestation arbitraire auquel elle faisait face.

 

[12]           Après son arrivée au Canada, le 18 juillet 2008, la demanderesse a choisi de ne pas retourner en RDC où elle s’exposait à de la violence sexuelle et à une arrestation arbitraire.

 

[13]           Elle a demandé la protection du Canada que le 7 octobre 2008, deux mois et demi après qu’elle est arrivée au Canada.

 

[14]           La demanderesse continuait, au Canada, d'être en contact avec ses anciens collègues qui lui ont relaté que monsieur Beya Kabenga continuait à proférer des menaces d’arrestation arbitraire à l’endroit de ses collègues. 

 

IV. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[15]           La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas une personne à protéger. Elle note, d’abord, que la demanderesse a continué à travailler pour l’AFCK sans être victime de persécution, et ce, même si elle avait vivement contesté le travail de monsieur Beya Kabenga entre mars 2007 et juin 2008.

 

[16]           La SPR croit que la suspension de ses fonctions en 2007 a été imposée en raison d’un conflit de travail et n’est pas la conséquence de ses démarches à l’encontre de monsieur Beya Kabenga.

 

[17]           La SPR est d’avis que la demanderesse n’a pas adopté le comportement raisonnable d’une personne dont la sécurité est compromise en ne fuyant pas la RDC dès l’obtention de son visa et en n’ayant pas pris des mesures pour éviter une éventuelle arrestation.

 

[18]           La demanderesse n’a pas établi que monsieur Beya Kabenga aurait cherché à la maltraiter dans son pays ni après son arrivée au Canada.

 

[19]           La SPR conclut que la demanderesse ne serait exposée qu’à un risque généralisé et non personnalisé si elle retourne en RDC.

 

V. Point en litige

[20]           Dans les circonstances, la décision de la SPR est-elle raisonnable?

 

VI. Dispositions législatives pertinentes

[21]           Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent au présent cas :

Définition de « réfugié »

 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Person in need of protection

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection

 

 

VII. Position des parties

[22]           La partie demanderesse prétend que la SPR n’a pas fait allusion aux preuves qu’elle avait déposées relatives aux abus de pouvoirs commis par monsieur Beya Kabenga et aux violations des droits de la personne ayant court en RDC. Elle soutient que la SPR n’a pas tenu compte de la position que ce dernier occupe au sein des instances gouvernementales et du pouvoir qu’il détient de mener des arrestations arbitraires comme le démontrent les articles de journaux déposés en preuve. La demanderesse ferait donc face à un risque personnel de persécution. De plus, la SPR a erré en concluant, malgré la preuve testimoniale, que les collègues de la demanderesse n’avaient pas été inquiétés après son départ alors que l’un de ses collègues a été menacé d’arrestation arbitraire et a été forcé de quitter son travail en décembre 2008.

 

[23]           La partie demanderesse soutient, par ailleurs, qu’en raison de son ethnicité et de son sexe, elle serait davantage susceptible de subir des violences de la part des autorités advenant son renvoi en RDC. La partie demanderesse fait également valoir que l’existence d’un moratoire sur les renvois en RDC aurait dû être considérée par la SPR.

[24]           La partie défenderesse, quant à elle, soutient, d’une part, que la SPR a conclu que les allégations de la demanderesse n’étaient pas crédibles. La demanderesse ne serait pas persécutée ni même menacée par monsieur Beya Kabenga parce qu’elle a continué de travailler pour ce dernier sans subir de conséquences pour ses critiques à l’encontre de la direction. De plus, la preuve versée au dossier révèle que la suspension de la demanderesse résulte d’un conflit de travail concernant notamment les conditions salariales. La partie défenderesse fait également valoir que le défaut de la demanderesse de quitter la RDC à la première occasion a miné sa crédibilité. D’autre part, la demanderesse n’a pas démontré qu’elle ferait face à un risque personnalisé advenant son renvoi en RDC. La preuve documentaire démontre, au contraire, que la criminalité est répandue en RDC.

 

VII. Analyse

[25]           Il est bien établi dans la jurisprudence qu’il importe de faire preuve de déférence envers les conclusions de fait tirées par l’organisme administratif. Ce principe est expliqué comme suit par la Cour suprême dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 :

[13]        C’est dans cette optique, selon moi, qu’il faut interpréter ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir lorsqu’elle a parlé de la « justification de la décision [et de] la transparence et [de] l’intelligibilité du processus décisionnel ».  À mon avis, ces propos témoignent d’une reconnaissance respectueuse du vaste éventail de décideurs spécialisés qui rendent couramment des décisions — qui paraissent souvent contre-intuitives aux yeux d’un généraliste — dans leurs sphères d’expertise, et ce, en ayant recours à des concepts et des termes souvent propres à leurs champs d’activité.  C’est sur ce fondement que notre Cour a changé d’orientation dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, où le juge Dickson a insisté sur le fait qu’il y avait lieu de faire preuve de déférence en appréciant les décisions des tribunaux administratifs spécialisés.  Cet arrêt a amené la Cour à faire preuve d’une déférence accrue envers les tribunaux, comme en témoigne la conclusion, tirée dans Dunsmuir, qu’il doit être « loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables » (par. 47). [La Cour souligne]

 

[26]           La SPR n’a pas accordé foi aux allégations de la demanderesse selon lesquelles le dirigeant de l’AFCK la persécuterait.

 

[27]           La Cour d’appel fédérale, dans Aguebor c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] ACF no 732 (QL/Lexis), a fait la mise en garde suivante en matière de plausibilité:

4          Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau. [La Cour souligne].

 

(Également, Antonippillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 157 FTR 101, [1999] ACF no 382 (QL/Lexis)).

 

[28]           Dans la présente affaire, la SPR a tiré une inférence défavorable à la demanderesse du fait que la demanderesse a travaillé pour l’AFCK jusqu’à son départ pour le Canada, et ce, malgré le fait que d’autres professeurs avaient été empêchés d’exercer leurs fonctions. La SPR n’a pas commis une erreur en rejetant notamment l’explication de la demanderesse selon laquelle les autorités ne pouvaient agir à son endroit dans un temps si court. Il était loisible à la SPR d’en arriver à cette conclusion.

 

[29]           De plus, la SPR a accordé un poids important au fait que la demanderesse avait obtenu un visa qui lui aurait permis de fuir plus tôt son pays d’origine. Comme expliqué par la Cour dans Manirazika c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1309 :

[18]      Or, comme l’a souligné à bon droit le défendeur, il est de jurisprudence constante que le retour au pays de persécution, le retard à quitter le pays de persécution ou le défaut de revendiquer dans des pays signataires de la Convention de Genève de 1951 ou du Protocole de 1967 relatif au statut de réfugiés peut gravement miner la crédibilité d’un demandeur (Lopez c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2004 CF 1318, 136 A.C.W.S. (3d) 894 au para. 5; Prayogo v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1508, 143 A.C.W.S. (3d) 1087 au para. 26; Ilie c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), (1994), 88 F.T.R. 220, 51 A.C.W.S. (3d) 1349; Saez c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration), (1993), 65 F.T.R. 317, 41 A.C.W.S. (3d) 719 (C.A.F.); Nguyen c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), (1998), 79 A.C.W.S. (3d) 136, [1998] A.C.F. no 420 (QL); Sokolov c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), (1998), 87 A.C.W.S. (3d) 1193, [1998] A.C.F. no 1321 (QL)). [La Cour souligne].

 

[30]           La SPR a aussi analysé la preuve versée au dossier par la demanderesse qui révèle que sa suspension est le résultat d’un conflit de travail relatif à sa rémunération et non la conséquence des dénonciations des gestes posées par le dirigeant de l’AFCK.

 

[31]           La SPR semble également avoir considéré que monsieur Beya Kabenga pouvait être « influent » (Décision de la SPR au para 22) comme le démontre également l’extrait suivant de la décision de la SPR:

[18]      […] D’abord, tel que déjà mentionné, le tribunal est d’avis que la demandeure n’avait pas établi que ledit dirigeant aurait cherché à la maltraiter alors qu’elle vivait dans son pays. De plus, depuis qu’elle est partie en juillet 2008, soit depuis plus de trente mois, la demandeure n’a pas d’informations à l’effet qu’une personne, notamment appartenant aux autorités de la RDC ou le dirigeant de l’AFCK, avait eu le moindre intérêt quant à la demandeure. [La Cour souligne].

 

[32]           Il convient d’adresser l’argument selon lequel la SPR n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse en tant que femme était plus à risque que ses collègues masculins de subir une arrestation arbitraire engendrant des violences sexuelles.

 

[33]           La Cour note que la manière qu'a la SPR de traiter, à l’intérieur des mêmes paragraphes, des articles 96 et 97 de la LIPR sème la confusion en ce qu’il faut déterminer si ces deux articles ont bien été analysés, à la lumière des critères juridiques qui leur sont propres (Kandiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 181). Même si les conditions du pays démontrent un climat de criminalité généralisée, la SPR doit déterminer si la crainte de la demanderesse pouvait être liée à l’un des motifs de l’article 96 de la LIPR (Luc c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 826, 374 FTR 38).

 

[34]           Le risque généralisé est un critère qui se rattache exclusivement à l’article 97 de la LIPR. Cependant, le raisonnement mis de l’avant dans Ocean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 796 s’applique en l’espèce :

[15]      Le juge Pinard a aussi énoncé ce qui suit :

 

[29]      Il ne faut pas croire pour autant que l’appartenance à un groupe social particulier suffit pour conclure à la persécution. La preuve produite par la demanderesse doit encore convaincre la Commission qu’il existe un risque de préjudice suffisamment grave dont la survenance représente « davantage qu’une simple possibilité ».

 

[16]      Comme l’a exprimé le juge Martineau au paragraphe 36 de Josile :

 

. . . Si la Commission avait admis qu’un risque de viol est ancré dans l’appartenance de la demanderesse à un certain groupe social, l’examen aurait dû donner lieu à une décision sur la question de savoir s’il y avait « plus qu’une simple possibilité que la demanderesse risque d’être victime de ce préjudice en Haïti. »

 

Si la réponse était « oui », l’étape suivante aurait été de déterminer si l’État pouvait la protéger.

 

[…]

[18]      En l’espèce, le tribunal n’a pas erré en droit comme les tribunaux dans Dezimeau et Josile. Le tribunal a accepté les principes énoncés dans ces deux arrêts. Plus particulièrement, il n’a pas transféré son raisonnement de l’article 97 à l’article 96. Ce que le tribunal a conclu était que le fondement ou le cœur de la revendication de la demanderesse sous l’article 96 n’était pas fondé sur sa crainte d’être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social particulier, celui des femmes haïtiennes retournant au pays après une longue absence craignant le viol en raison de leur sexe. Le fondement de sa crainte de retour s’appuyait sur une crainte de nature différente. Ma lecture des notes sténographiques de l’audience en l’espèce confirme que la décision du tribunal sur ce point était raisonnable.

 

[35]           En l’espèce, la SPR a adressé les préoccupations de la demanderesse relative à la différence entre sa situation et celle de ses collègues masculins, mais a conclu, au paragraphe 18 de sa décision, que la demanderesse n’a pas démontré « une possibilité sérieuse qu’elle serait persécutée ». Elle a ainsi écarté l’application de l’article 96. La Cour se doit de faire remarquer que le débat a surtout porté sur la crainte de la demanderesse à l’encontre du président de l’AFCK ce qui commandait une analyse en fonction de l’article 97. La SPR, malgré qu’elle ait traité des deux articles simultanément, n’a pas confondu les critères juridiques qui leur sont applicables.

 

[36]           Même s’il eût été souhaitable de procéder à une analyse plus détaillée de la persécution liée au sexe, compte tenu de la prise en compte des directives sur les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe [directives no 4], la SPR n’a pas erré dans son appréciation de la crainte subjective de la demanderesse.

 

[37]           La SPR, n’était pas tenue, compte tenu de ses conclusions sur la crédibilité, de pousser plus en avant son analyse de la preuve objective à la lumière de la protection de l’État comme le souhaite la partie demanderesse (Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 503).

 

[38]           Ainsi, dans son application de l’article 97 de la LIPR, il était loisible à la SPR de conclure que la preuve testimoniale ne démontrait pas que la demanderesse avait été personnellement ciblée, mais au contraire que la demanderesse faisait face, selon son analyse de la preuve documentaire, à un risque généralisé au sens où l’entend la jurisprudence.

 

[39]           La Cour ne peut conclure que le risque de persécution allégué par la demanderesse a été apprécié de manière arbitraire ou déraisonnable par la SPR.

 

[40]           Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question d’importance générale à certifier.

 

Obiter

Néanmoins, malgré les propos discutés à l’intérieur de cette décision, un moratoire est en effet concernant la République démocratique du Congo à cause de la situation précaire qui règne à l’égard de la condition humaine à l’intérieur de ce pays, actuellement.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2610-11

 

INTITULÉ :                                       GENEVIEVE BOKA DI MPASI MANSONI  c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 17 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 18 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Daniel Baum

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Étude légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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