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Date : 20120111


Dossier : IMM-273-11

Référence : 2012 CF 37

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

DAYANA ALEXANDER OSORIO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Dayana Alexander Osorio sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 21 décembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’elle n’avait pas la qualité de réfugiée ou celle de personne à protéger.

 

[2]               La demanderesse, qui est citoyenne de la Colombie, dit craindre d’être persécutée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Elle allègue qu’en 2001 les FARC ont tenté d’extorquer la somme d’un million de pesos de ses grands-parents en Colombie. Elle vivait aux États-Unis depuis 1988. En 2009, elle a présenté une demande d’asile au Canada; sa mère et elle n’avaient auparavant rien fait pour demander l’asile.

 

[3]               La SPR a conclu que le fait que la demanderesse et sa mère n’aient pas sollicité l’asile aux États-Unis ne concordait pas avec l’existence d’une crainte subjective de persécution en Colombie, et que cela portait un coup fatal à la demande de la demanderesse. La SPR a conclu, subsidiairement, que cette dernière n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection adéquate de l’État.

 

[4]               Je rejette la présente demande de contrôle judiciaire pour les motifs qui suivent.

 

Les faits

 

[5]               La demanderesse, Dayana Alexander Osorio, est citoyenne de la Colombie. Ses parents l’ont amenée aux États-Unis pour y trouver une vie meilleure, à l’époque où elle était âgée de neuf ans. Elle n’est jamais retournée en Colombie depuis ce temps.

 

[6]               En septembre 2001 – la demanderesse était âgée de 13 ans – ses grands-parents ont censément reçu des FARC des demandes de paiement d’un million de pesos. À l’époque, elle vivait avec ses parents, qui se trouvaient aux États-Unis sans statut juridique; ces derniers n’ont rien fait pour demander l’asile aux États-Unis.

 

[7]               En 2007, quatre des membres de la famille de la demanderesse sont arrivés au Canada pour demander l’asile. Ils l’ont tous obtenu le 11 mai 2009, en se fondant sur les demandes de paiement des FARC en 2001.

 

[8]               En janvier 2009, la mère de la demanderesse a épousé un citoyen des États-Unis et a pu régulariser son statut. La demanderesse, parce qu’elle était âgée de près de 21 ans à ce moment-là, n’a pas été incluse dans la demande de résidence de sa mère.

 

[9]               En octobre 2009, la demanderesse, maintenant âgée de 21 ans, est arrivée au Canada et a demandé l’asile au point d’entrée, invoquant les menaces faites en 2001 par les FARC à l’endroit de ses grands-parents.

 

[10]           La demanderesse s’est fondée sur les exposés circonstanciés des membres de sa famille, et a joint à son propre formulaire de renseignements personnels (FRP) trois exposés circonstanciés figurant dans les FRP des membres de sa famille. Ces exposés décrivent de manière assez détaillée l’incident survenu en 2001 avec les FARC, notamment l’exposé de la tante de la demanderesse, Maria Isabel Osorio Mejia, qui était présente au moment où les présumés incidents de persécution ont eu lieu. Mme Mejia déclare que la famille a d’abord reçu des appels téléphoniques de menaces de la part d’individus se disant membres des FARC. Les appelants ont dit qu’ils savaient tout sur la famille; ils savaient que celle-ci avait des parents aux États-Unis, et exigeaient qu’ils versent un paiement mensuel d’un million de pesos.

 

[11]           La famille a changé de numéro de téléphone, mais les appels n’ont pas cessé. À la fin d’octobre 2001, des membres des FARC se sont présentés à la maison. Ils étaient armés, ont pointé un fusil en direction des personnes présentes et ont exigé de l’argent. Ils ont également demandé à Mme Mejia de mettre à son nom des biens dont les FARC s’étaient emparés et qui appartenaient à d’autres personnes, afin de pouvoir les vendre. Si jamais la police venait poser des questions à la personne impliquée dans la transaction foncière, ce serait elle qui serait considérée comme la personne responsable. Les membres des FARC ont dit que si Mme Mejia n’obtempérait pas ils tueraient aussitôt tous les membres de sa famille devant elle.

 

[12]           Une fois que les membres des FARC ont quitté la maison, les membres de la famille colombienne ont pris la fuite pour Medellin. Ils sont restés cachés à différents endroits jusqu’à ce qu’ils puissent fuir le pays en novembre 2001. Ils se sont rendus aux États-Unis. Ils n’ont jamais contacté la police en Colombie.

 

[13]           Les membres de la famille ont appris qu’après leur départ, les FARC avaient continué de demander à leurs voisins où ils se trouvaient.

 

[14]           Dans son exposé, Mme Mejia déclare ne pas avoir demandé l’asile aux États-Unis car on leur a dit qu’ils ne pouvaient pas le faire parce qu’ils étaient sans statut et ne détenaient pas de visas ou de passeports valides.

 

[15]           L’avis de décision indiquant que quatre des membres de la famille de la demanderesse ont obtenu le statut de réfugié a également été soumis à la SPR; cependant, les motifs de cet avis n’étaient pas été inclus dans le dossier que la SPR avait en mains.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[16]           La SPR a conclu que le fait que la famille n’avait pas demandé l’asile aux États-Unis ne concordait pas avec l’existence d’une crainte subjective de persécution en Colombie. Elle a fait remarquer que la demanderesse avait déclaré que 14 membres de sa famille avaient quitté la Colombie pour les États-Unis, mais qu’aucun d’eux n’avait demandé l’asile dans ce pays.

 

[17]           La SPR a également signalé que la mère de la demanderesse n’avait rien fait pour normaliser son statut ou celui de sa fille durant les sept années qui avaient suivi celle où elle avait appris les présumés incidents de persécution, soit 2001. Les autorités américaines ont trouvé l’oncle de la demanderesse et, en 2007, celui-ci a été expulsé en Colombie, où il vit toujours.

 

[18]           La SPR a conclu que rien n’expliquait pourquoi la mère de la demanderesse n’avait rien fait avant 2009 pour régulariser son statut. Elle a conclu que le fait que la demanderesse n’avait pas demandé l’asile pendant huit ans portait un coup fatal à sa demande.

 

[19]           La SPR a reconnu qu’un certain nombre de membres de la famille de la demanderesse se sont vus accorder l’asile, mais elle a conclu que : « [j]e ne suis cependant pas lié par ces décisions, car je ne suis pas au fait des éléments de preuve qui ont été présentés à l’audience ».

 

[20]           La SPR a analysé, subsidiairement, la question de la disponibilité d’une protection de l’État. Elle a passé brièvement en revue un certain nombre de décisions jurisprudentielles traitant de la protection de l’État et passé ensuite en revue de manière assez détaillée au moins une dizaine de documents relatifs au pays, avant de conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption d’une protection de l’État.

 

[21]           La SPR a conclu qu’il ressortait de la preuve documentaire que l’État avait répondu de manière efficace aux besoins de simples citoyens et qu’il s’attaquait à la corruption aux échelons les plus hauts. Elle a reconnu que les FARC étaient encore actifs, mais que leur sphère d’influence rapetissait et se réduisait à quelques régions montagneuses frontalières éloignées. Les forces de défense luttaient contre les FARC, ainsi que contre d’autres groupes paramilitaires, et obtenaient des résultats tangibles. La SPR a conclu à cause de cela que la Colombie était en mesure de fournir une protection qui, bien qu’imparfaite, était adéquate.

 

Les dispositions législatives applicables

 

[22]           La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) indique ceci :

 

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country…

 

 

Les questions en litige

 

[23]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions :

1.      La conclusion de la SPR, à savoir que le temps que la demanderesse a mis avant de demander l’asile a été déterminant à l’égard de sa demande, était-elle réraisonnable?

2.      L’analyse que la SPR a faite au sujet de la protection de l’État était-elle déraisonnable?

 

La norme de contrôle applicable

 

[24]           Les conclusions relatives au fait qu’un demandeur a tardé à présenter une demande sont essentiellement axées sur les faits : Rios c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1437, 304 FTR 192, au paragraphe 28. La norme de contrôle appropriée, relativement aux questions de fait, est la raisonnabilité : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 53.

 

[25]           Les questions concernant le caractère adéquat de la « protection étatique sont des questions mixtes de fait et de droit habituellement susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable » : Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, 282 DLR (4th) 413, au paragraphe 38.

 

Les arguments de la demanderesse

 

Le retard en tant que question déterminante

[26]           La demanderesse soutient que la SPR n’a pas tenu compte de son explication quant à la raison pour laquelle elle n’avait pas demandé l’asile politique aux États-Unis. Elle soutient qu’elle était mineure à l’époque et n’avait rien à dire au sujet de la présentation d’une telle demande et que, une fois qu’elle avait atteint l’âge de la majorité, elle n’avait plus pu présenter une demande d’asile aux États-Unis.

 

[27]           La demanderesse soutient que si un retard n’est généralement pas un facteur déterminant, il s’ensuit que ce facteur ne peut pas être un motif suffisant pour rejeter une demande d’asile. À l’appui de cette position, elle se fonde sur la décision Saez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 65 FTR 317, 21 Imm LR (2d) 15, au paragraphe 5, où le juge Dubé a statué que « [l]e retard à formuler une demande de statut de réfugié n’est pas un facteur déterminant en soi ».

 

[28]           La demanderesse invoque également la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans Huerta c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 157 NR 225, 40 ACWS (3d) 487, où, au paragraphe 4, la Cour a confirmé que le retard n’est pas un facteur décisif, mais un élément pertinent dont un tribunal administratif peut tenir compte.

[29]           La demanderesse soutient que même s’il existe des exceptions à la règle générale selon laquelle un retard n’est pas déterminant, les faits de l’espèce ne sont pas assimilables à une situation dans laquelle le retard devrait être déterminant à l’égard de la demande.

 

La protection de l’État

[30]           Premièrement, la demanderesse soutient que la SPR a examiné de manière sélective les éléments de preuve relatifs à la protection de l’État. Elle ajoute que les éléments de preuve soumis à la SPR étaient mixtes et souvent ambigus. De plus, la SPR, au lieu de soupeser ces éléments de preuve contradictoires, n’a cité que des exemples tirés de la preuve documentaire et étayant sa position concernant l’existence d’une protection adéquate. La demanderesse a donné un certain nombre d’exemples, tirés de la preuve documentaire, qui contredisent les conclusions de la SPR. En général, ils montrent que les FARC sont toujours actifs.

 

[31]           Deuxièmement, la demanderesse critique le sommaire que la SPR a fait de la situation du pays dans deux paragraphes de la décision. Elle signale que le commissaire n’a pas inclus de sources pour ces paragraphes. Elle affirme que la SPR n’est pas un témoin expert et ne peut pas simplement mettre de l’avant ses propres opinions au sujet de l’existence d’une protection de l’État en Colombie.

 

[32]           Troisièmement, la demanderesse soutient que la SPR a fait preuve de partialité. La SPR, dit-elle, s’est fondée de manière sélective sur les documents relatifs au pays et, aussi, a exprimé ses propres opinions au sujet de la protection de l’État en Colombie. La demanderesse fait également remarquer que la SPR a amené sa propre preuve documentaire à l’audience. Il n’était pas nécessaire, ajoute-t-elle, de compléter la preuve documentaire qui était disponible à ce moment. Il n’y avait pas eu de changements récents dans la situation de la Colombie qui obligeaient à introduire de nouveaux éléments de preuve sur ce pays.

 

[33]           Enfin, la demanderesse soutient que la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve probants qui concernaient des questions déterminantes; en particulier, le propre témoignage de la demanderesse, ainsi que la réponse de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à une demande d’information. La demanderesse a fourni ses propres documents, lesquels indiquaient que les FARC avaient gagné du terrain et préservé sa capacité de combat, et qu’elles se réarmaient en vue de se livrer à des extorsions à Bogota. Selon la demanderesse, cette information était particulièrement importante pour la décision, parce qu’elle indiquait que les FARC étaient en mesure de suivre la trace de leurs victimes pendant un temps prolongé, même si ces dernières rentraient au pays après l’avoir quitté pendant un temps prolongé.

 

Analyse

La conclusion de la SPR, à savoir que le temps que la demanderesse a mis avant de demander l’asile a été déterminant à l’égard de sa demande, était-elle déraisonnable?

 

[34]           Le retard peut être un facteur déterminant dans certaines circonstances, si le demandeur omet de l’expliquer : Espinosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, 127 ACWS (3d) 329, au paragraphe 17.

 

[35]           La Cour a confirmé des conclusions selon lesquelles le retard dénotait une absence de crainte subjective. Dans Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 729, la Cour a confirmé une conclusion selon laquelle un séjour de sept ans aux États-Unis avant de solliciter l’asile au Canada était le signe d’une absence de crainte subjective. Dans Mantilla Cortes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 254, 165 ACWS (3d) 509, la Cour a confirmé une conclusion selon laquelle un retard de cinq ans aux États-Unis ne concordait pas avec l’existence d’une crainte subjective. Dans la décision Espinosa, précitée, la Cour a confirmé une conclusion selon laquelle un retard de 14 mois à demander l’asile ne cadrait pas avec l’existence d’une crainte subjective. Finalement, dans Jeune c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 835, la Cour a confirmé une conclusion défavorable quant à la crédibilité à cause, en partie, du fait de ne pas avoir demandé l’asile à la première occasion sans donner une explication satisfaisante.

 

[36]           En l’espèce, la SPR a conclu que la durée du retard était importante. La genèse de la demande d’asile de la demanderesse est survenue en septembre 2001, mais cette dernière n’a pas demandé l’asile avant le mois d’octobre 2009. La SPR a examiné l’explication donnée par la demanderesse pour ce retard de huit ans; celle-ci a déclaré qu’elle n’était qu’une mineure et qu’elle n’avait rien eu à dire à propos du fait de demander l’asile ou pas aux États-Unis. Cela obligeait la SPR à examiner les gestes posés, ainsi que les explications de la mère.

 

[37]           La SPR a conclu que rien n’expliquait pourquoi la mère de la demanderesse n’avait rien fait avant 2009 pour demander l’asile. Cette dernière n’a pas témoigné pour le compte de la demanderesse afin de donner à la SPR une explication sur ce retard. La seule explication donnée par la demanderesse quand au fait que sa mère n’avait pas demandé l’asile était que des avocats lui avaient dit qu’il était trop tard pour le faire.

 

[38]           Je suis convaincu que la conclusion de la SPR à propos du retard appartient bien aux issues raisonnables disponibles au vu de la preuve qui lui était soumise. La SPR a tenu convenablement compte du fait que la demanderesse elle-même était incapable de demander l’asile à l’époque où elle était mineure, et elle a mis l’accent sur les gestes de la mère de la demanderesse. La tante de cette dernière a témoigné à l’audience, mais c’était les raisons pour lesquelles la mère n’avait pas demandé l’asile qui étaient directement pertinentes à l’égard de cette question.

 

[39]           La demanderesse n’a pu expliquer le retard de manière satisfaisante et la conclusion que la SPR a tirée à cet égard, y compris le fait que ce retard était déterminant pour l’affaire, est raisonnable. Il est possible de rejeter la demande de contrôle judiciaire à cause de cette seule question.

 

L’analyse que la SPR a faite au sujet de la protection de l’État était-elle déraisonnable?

 

[40]           La SPR a entrepris d’examiner des documents sur le pays qui émanaient du HCNUR, du département d’État des États-Unis, d’Amnistie internationale, du Home Office du Royaume-Uni et de l’International Crisis Group, ainsi que le Europa World Year book. Elle a fait remarquer que, selon cette preuve, des guérilleros des FARC avaient été démobilisés, des fonctionnaires avaient été poursuivis pour corruption et les opérations menées par le gouvernement contre les FARC donnaient des résultats tangibles et avaient entraîné la mort de plusieurs membres du commandement central des FARC. Ces dernières s’étaient essentiellement retirées dans la jungle et les montagnes, et n’étaient pas actives dans les grands centres urbains. Les avant-gardes des FARC avaient été chassées de Cali, de Bogota et de Medellin au début des années 2000.

 

[41]           La SPR a reconnu qu’il existait des éléments de preuve qui présentaient un avis contraire. Plus précisément, elle a pris acte du fait que les FARC n’étaient pas tout à fait désarmées ou réduites à l’impuissance, et qu’elles continuaient de s’en prendre à des civils. L’utilisation sélective de preuves documentaires sur un pays n’équivaut pas forcément à une erreur : Gilbert c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1186, 378 FTR 179. On s’attend à ce que la SPR tire des aspects pertinents de la preuve. Ce n’est que lorsque celle-ci omet de mentionner les éléments essentiels d’une preuve documentaire cruciale qui va à l’encontre des conclusions qu’elle tire qu’un tribunal de contrôle est susceptible d’intervenir : le fait de ne pas faire référence aux détails d’un article particulier n’équivaut pas à une erreur susceptible de contrôle. Je conclus que la SPR a bel et bien pris en compte la teneur essentielle des éléments de preuve contraires.

 

[42]           Je ne trouve rien à redire au fait que la SPR amène des documents à l’audience. Le paragraphe 29(2) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 prévoit expressément que des documents peuvent être communiqués non seulement par une partie, mais aussi par la SPR. Les articles en question étaient pertinents, car ils décrivaient de récentes attaques d’envergure menées par le gouvernement contre les FARC, des attaques qui avaient eu lieu un mois avant la date de l’audience. En tout état de cause, ces articles ne sont mentionnés que dans un seul paragraphe de la décision, tandis qu’il y a neuf pages d’analyse sur d’autres documents concernant le pays.

 

[43]           Enfin, je conclus que la demanderesse n’a pas satisfait au strict critère qui s’applique à la partialité. Elle n’a pas évoqué la question lors de l’audience de la SPR. S’il y avait un problème de partialité quelconque, la demanderesse y a renoncé en omettant de l’évoquer à la première occasion.

 

[44]           Je conclus que la SPR a appliqué les bons principes juridiques et a passé en revue la preuve documentaire de manière exhaustive. La conclusion qu’elle a tirée à la suite de son analyse de la protection de l’État est raisonnable.

 

Conclusion

 

[45]           La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

 

[46]           Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé une question à certifier, et aucune ne l’est.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-273-11

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            DAYANA ALEXANDER OSORIO c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 AOÛT 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 JANVIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terry Guerriero

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicole Paduraru

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Terry S. Guerriero

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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