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 Date : 20111214

Dossier : IMM-3324-11

Référence : 2011 CF 1429

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2011

En présence de M. le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

FAVOUR ODAFE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               La présente décision fait suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 1er mars 2011, par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR) a, en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2011, ch. 27 (la  LIPR), refusé la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse pour des raisons d’ordre humanitaire. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               La demanderesse est originaire du Nigeria. Elle est arrivée au Canada le 11 mars 2007 et a présenté une demande d’asile le même jour. Sa demande a été refusée le 18 juin 2009. Le 16 septembre 2009, elle a donné naissance à un fils. Le 18 novembre 2009, notre Cour a refusé d’accorder à la demanderesse l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Le 9 mars 2010, la demanderesse a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi dont le refus est à l’origine de la présente demande.

 

Question en litige

[3]               La question en litige dans la présente affaire est celle de savoir si la décision de l’agent d’ERAR de refuser la demande de résidence permanente de la demanderesse fondée sur des raisons d’ordre humanitaire est raisonnable au sens de Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

[4]               Le seul argument de la demanderesse est que l’agent d’ERAR n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, la Cour suprême du Canada a déclaré que la personne appelée à rendre une décision doit être sensible, réceptive et attentive à l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’elle est saisie d’une demande de dispense présentée en vertu de l’article 25 de la LIPR sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire. La décision en cause est muette sur ce point, ce qui laisse présumer qu’elle est erronée. L’affaire n’est toutefois pas aussi simple.

 

[5]               La demanderesse n’a pas plaidé, affirmé ou soutenu qu’il était dans l’intérêt supérieur de son enfant qu’une décision favorable soit rendue relativement à sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Aucun argument n’a été formulé au sujet de l’enfant, qui était alors âgé de deux ans.

 

[6]               L’agent était au courant de l’existence du jeune enfant, mais il n’a pas examiné à fond la question. En pareilles circonstances, il n’appartient pas à l’agent de s’enquérir davantage de l’intérêt supérieur de l’enfant, surtout lorsque la question est soulevée de façon indirecte ou succincte ou, comme en l’espèce, lorsqu’elle n’a même pas été soulevée. La présente affaire tombe par conséquent carrément sous le coup des motifs de la Cour d’appel fédérale dans Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360, au paragraphe 45, où la Cour a fait observer ce qui suit :

Dans le cas des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire, il est de jurisprudence constante que le demandeur a le fardeau d’établir que l’exemption est justifiée et que l’agent n’est pas tenu de signaler les lacunes de la demande et de réclamer d’autres observations (voir, par exemple, la décision Thandal, précitée, au paragraphe 9). Dans l’arrêt Owusu, précité, notre Cour a expliqué que l’agent chargé de se prononcer sur une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire n’a aucune obligation positive de s’enquérir davantage de l’intérêt supérieur des enfants lorsque la question est soulevée de façon « trop indirecte, succincte et obscure » (au paragraphe 9). Dans cette affaire, les raisons d’ordre humanitaire étaient exposées dans une lettre de sept pages dans laquelle la seule allusion à l’intérêt supérieur des enfants se trouvait dans la phrase suivante : [traduction] « S’il [M. Owusu] était forcé de retourner au Ghana, il n’aurait aucun moyen de subvenir aux besoins pécuniaires de sa famille et il vivrait dans un état de peur constante chaque jour de sa vie » (au paragraphe 6).

[Non souligné dans l’original.]

 

[7]               Il incombe à la demanderesse de faire valoir tous les arguments à l’appui de sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et ce fardeau n’est pas déplacé sur le ministre défendeur en raison du défaut de l’avocat de formuler des arguments ou de soumettre des éléments de preuve qui auraient par ailleurs pu être présentés. Je relève toutefois que, lorsqu’il a examiné les facteurs relatifs à l’établissement, notamment la famille nombreuse de la demanderesse au Nigeria, les emplois qu’elle y avait déjà exercés et le fait qu’elle parle deux langues, l’agent a bel et bien tenu compte de facteurs qui seraient importants pour le bien‑être de l’enfant.

 

[8]               On affirme en l’espèce que le défaut de l’avocat de la demanderesse de formuler des arguments au sujet de l’enfant constituait de la négligence professionnelle dont la cliente ne devrait pas à avoir à assumer les conséquences. La Cour fédérale a défini des conditions préalables exigeantes qui doivent être respectées ainsi que les critères relatifs à la preuve auxquels il doit être satisfait avant d’accorder une réparation en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C., 1985, ch. F‑7) pour cause de négligence de l’avocat. Dans Nuñez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15156 (CF), le juge Denis Pelletier (maintenant juge de la Cour d’appel) écrit ce qui suit :

Je ne suis pas disposé à admettre une accusation de faute professionnelle grave contre un avocat, auxiliaire de la justice, sans une explication par celui-ci des agissements en question ou sans la preuve que l’affaire a été soumise à l’ordre des avocats pour enquête. En l’espèce, il y avait amplement de temps pour faire l’une ou l’autre de ces deux choses, mais ni l’une ni l’autre n’a été faite. Ce défaut ne s’accorde pas avec la gravité de l’allégation. Cette observation n’est nullement une manifestation de la sollicitude de la Cour à l’égard des avocats et aux dépens de leurs clients. La Cour ne fait que reconnaître qu’il est facile de faire des allégations de faute professionnelle et que, une fois jugées fondées, celles-ci aboutissent généralement au redressement demandé. La preuve administrée à l’appui d’une allégation de ce genre doit être à la mesure de la gravité des conséquences pour tous les intéressés.

 

 

[9]               Plus récemment, dans Jeffrey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 605, le juge Richard Mosley a fait observer que l’intéressé doit démontrer qu’il a subi un préjudice important en raison des agissements de son avocat incompétent. Il doit également établir qu’il existe une probabilité raisonnable que, sans les erreurs d’ordre professionnel commises, l’issue de l’instance aurait été différente. Dans le contexte de la présente affaire, dans laquelle tous les faits importants se trouvent au dossier et ne sont pas contestés, il serait très difficile pour la demanderesse de démontrer que, n’eût été l’incompétence de son avocat, le résultat aurait, selon toute vraisemblance, été différent.

 

[10]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[11]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et la Cour estime que la présente affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-3324-11

 

INTITULÉ :                                                  FAVOUR ODAFE  c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 14 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Solmaz Separy

POUR LA DEMANDERESSE

 

Khatidja Moloo-Alam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Separy Law
Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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