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Date : 20111202


Dossier : IMM-638-11

Référence : 2011 CF 1403

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

WEAAM ZIRINI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               M. Zirini est un jeune homme qui nous vient d’Israël. Il demande le statut de réfugié au motif qu’il fait l’objet de persécution en raison de son origine ethnique arabe. Il admet qu’il n’a été victime d’aucun incident en Israël qui constitue de la persécution au sens de la Convention des Nations Unies et de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), mais prétend que lorsqu’envisagés de manière cumulative, ces gestes constituent effectivement de la persécution. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision rendue par une commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui concluait que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne ayant besoin par ailleurs de la protection du Canada.

 

[2]               L’affaire a été plaidée en fonction de la récente décision Salim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1283, que j’ai moi-même rendue récemment. L’avocat ayant comparu pour M. Ziniri avait aussi représenté M. Salim et la documentation sur le pays est, en grande partie, identique. L’avocat a qualifié, avec justesse, la décision Salim de gros problème. Bien qu’il ait été fort habile à distinguer la présente affaire de la décision Salim et ait respectueusement, puisque c’était son devoir, suggéré que cette dernière était erronée, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Il y a évidemment quelques différences en ce qui concerne les faits; de plus, la décision n’a pas été rendue par la même commissaire de la SPR. Toutefois, en général, la décision Salim s’applique.

 

[4]               Bien que M. Zirini soit un citoyen israélien par sa naissance, il se considère comme palestinien et a relaté dans son témoignage les abus et l’humiliation dont lui et d’autres personnes ont subi aux mains de la police israélienne, la discrimination dont il a fait l’objet au travail, le manque d’accès à l’éducation ainsi que le mépris que lui témoigne la société dans son ensemble.

 

[5]               La SPR ne pouvait considérer la documentation sur le pays qui provenait de l’État d’Israël comme étant « neutre et fiable », comme l’a fait le membre, car l’État était l’un des agents de persécution.

 

[6]               Il est allégué que la Commission, en parvenant à sa conclusion que M. Zirini peut effectivement être un citoyen de seconde classe qui a fait l’objet de discrimination et d’humiliation ne constituant pas de la persécution, n’a pas tenu compte d’éléments de preuve documentaire et de témoignages importants et a mal qualifié les problèmes de M. Zirini avec la police israélienne. De plus, les conclusions de la SPR portant que cette situation découlait du fait que le demandeur n’a pas servi dans l’armée étaient déraisonnables, tout comme l’était sa conclusion que la protection de l’État était disponible.

 

I. Les faits

[7]               Je suis d’avis que la présente affaire présente quatre catégories de faits : l’éducation, le service militaire, la brutalité policière et l’attitude de la société.

 

[8]               La preuve démontrait que M. Zirini n’a pas terminé l’école secondaire parce qu’il a dû travailler pour aider sa famille, car elle était pauvre. Il était sous-entendu que sa famille était pauvre parce qu’elle est d’origine arabe et qu’elle faisait l’objet de discrimination. Toutefois, il y a plusieurs Arabes proéminents en Israël, qui jouissent de la richesse qui vient de pair avec leur statut. Effectivement, M. Salim jouissait d’une meilleure éducation et était plus à l’aise d’un point de vue financier. Toutefois, le demandeur pouvait travailler.

 

[9]               Quoiqu’il y ait quelques exceptions, la règle générale en Israël est que les juifs israéliens doivent faire leur service militaire, ce qui n’est pas le cas des Arabes. Ces derniers peuvent se porter volontaire, ce que la grande majorité refuse de faire. L’on dit que de refuser de faire le service militaire est employé comme prétexte pour élaborer des pratiques d’embauches discriminatoires, tant au secteur public qu’au secteur privé.

 

[10]           M. Zirini mentionne qu’il ne s’est pas porté volontaire pour le service militaire, car il ne voulait pas être dans une position où il pourrait devoir tuer des Palestiniens et parce qu’il ne voulait pas faire l’objet de harcèlement et de discrimination de la part de ses propres voisins. Il s’agit d’un exemple classique de deux solitudes.

 

[11]           Le demandeur était constamment soumis à des contrôles de sécurité en raison de son apparence arabe. Bien qu’il ait été admis que les préoccupations de sécurité accrues en Israël puissent justifier le profilage racial, celles-ci ne peuvent justifier le harcèlement et les insultes auxquelles il était constamment exposé. Cependant, il n’a pas été victime de brutalité policière, quoiqu’il affirme que certains de ses amis l’ont été.

 

[12]           Il semblerait que plusieurs Israéliens de confession juive n’apprécient pas leurs concitoyens d’origine arabe et éprouvent des soupçons envers eux. L’inverse est aussi vrai.

 

II. Le droit applicable

[13]           Il est bien établi qu’à un certain point, le cumul d’actes discriminatoire peut constituer de la persécution. Dans l’arrêt Canada (MCI) c Munderere, 2008 CAF 84, 377 NR 259, le juge Nadon, s’exprimant pour la Cour d’appel fédérale, a énoncé que dans le cas où la preuve établit une série d’actions qui sont considérées comme de la discrimination plutôt que de la persécution, il faut tenir compte de la nature cumulative de cette conduite. Ne pas tenir compte de la nature cumulative de ces incidents constituerait une erreur de droit de la part de la SPR.

 

[14]           Il a été prétendu que la commissaire n’a pas examiné les incidents dans leur ensemble et a simplement énuméré les faits, sans procéder à une analyse. Je ne souscris pas à cette prétention. Dans l’ensemble, la commissaire a eu égard au droit, et ses conclusions de fait répondaient à la norme de la raisonnabilité énoncée dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Les motifs sont plus qu’adéquats.

 

[15]           Le dossier démontre aussi que l’État protège effectivement ses citoyens arabes.

 

III. Question à certifier

[16]           M. Zirini aura jusqu’au 12 décembre 2011 pour proposer une question grave de portée générale pouvant étayer un appel, conformément à l’alinéa 74d) de la Loi. Si une question est proposée, le ministre bénéficiera d’une semaine pour présenter une réponse.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-638-11

 

INTITULÉ :                                       WEEAM ZIRINI c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 novembre 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 2 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will

POUR LE DEMANDEUR

 

Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Jared Will

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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