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Date : 20111128


Dossier : IMM-1779-11

Référence : 2011 CF 1369

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

HUI WANG

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               La présente décision fait suite à une demande de contrôle judiciaire portant sur une décision datée du 25 janvier 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

 

Les faits

[2]               Le demandeur, M. Hui Wang, est âgé de 23 ans. Devant la Commission, il a déclaré qu’un ami l’avait initié au christianisme quand l’état de santé de son père avait décliné, et qu’il s’était alors joint à l’église clandestine que fréquentait cet ami. L’église a fait l’objet, semble-t-il, d’une descente du Bureau de la sécurité publique (BSP), mais le demandeur a prétendu qu’il avait pu s’échapper et se cacher. Selon lui, le BSP l’a recherché de soixante à soixante-dix fois, et a laissé une sommation à son domicile. Se servant de faux documents obtenus d’une « tête de serpent », il a quitté la Chine et est arrivé au Canada le 21 juillet 2008. Il a demandé l’asile le 24 juillet suivant.

 

Analyse

[3]               Selon la Commission, les questions déterminantes étaient l’identité du demandeur en tant que citoyen de la Chine et son identité en tant que chrétien. La Cour convient avec les avocats que si la décision de la Commission selon laquelle le demandeur n’a pas établi son identité en tant que citoyen de la Chine et en tant que chrétien résiste à un contrôle judiciaire, il s’ensuit que le reste de l’analyse de la Commission est inutile et que, même s’il n’est pas valable, il ne peut avoir une incidence quelconque sur la question préliminaire qu’est l’identité.

 

La citoyenneté chinoise

[4]               Dans la décision Rasheed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587, le juge Luc Martineau déclare que « le principe fondamental des règles de droit canadiennes selon lequel les documents étrangers (qu’ils établissent ou non l’identité d’un demandeur d’asile) apparemment délivrés par un fonctionnaire étranger compétent devraient être acceptés comme preuve de leur contenu, à moins que la Commission n’ait une bonne raison de douter de leur authenticité ». Dans le cas présent, la Commission a rejeté les documents établissant l’identité du demandeur.

 

[5]               La Commission a rejeté la carte d’identité de résident (CIR) du demandeur car ce qu’il avait déclaré à propos de la manière dont il l’avait reçue -et à quel moment - était vague et contradictoire. Elle a également rejeté la CIR parce que le demandeur ne connaissait aucun des numéros qui y figuraient.

 

[6]               Le demandeur a déclaré que son père lui avait posté la CIR depuis la Chine. Ce qu’il a dit à propos du moment où il avait effectivement reçu la CIR était contradictoire : il a dit tout d’abord l’avoir reçue à l’époque où il était âgé de onze ans, et ensuite qu’il l’avait reçue à l’époque où il était âgé de seize ans. La Commission a conclu dans sa décision que le demandeur avait paru « […] avoir du mal à répondre aux questions qui lui étaient posées », et aussi qu’il avait « […] tenu des propos incohérents et alambiqués quant au moment où il [avait] obtenu sa CIR et à la démarche faite en ce sens ».

 

[7]               La Commission a également fait état du long délai de cinq mois qui s’était écoulé entre le moment où on avait demandé de fournir la CIR originale et celui où elle avait été produite auprès de la Commission.

 

[8]               Le demandeur a dit plusieurs fois souscrire à l'affirmation selon laquelle la CIR est la pièce d’identité la plus importante que l’on délivre à une personne en Chine. Cependant, quand l’agent du tribunal lui a demandé à l’audience quel était son numéro de CIR, il a été incapable de le dire. Comme la Commission l’a écrit dans sa décision :

Le fait que le demandeur d’asile ne connaisse pas son numéro de CIR est alarmant. Il s’agit d’un numéro dont se servent les résidants de la Chine tout au long de leur vie, ce que ne dément pas le demandeur d’asile. Ce numéro est formé à partir du code d’adresse provincial et de la date de naissance, qui représentent les 14 premiers chiffres d’une séquence de 18, et de quatre autres chiffres associés au titulaire de la carte. Il est inconcevable que le demandeur d’asile ne connaisse pas son numéro de CIR et ne sache pas que sa date de naissance fait partie de la séquence numérique. De ce fait, le tribunal tire une conclusion défavorable.

 

[9]               La Cour convient que la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’était même pas en mesure de se souvenir des éléments de base de sa CIR étayait raisonnablement un doute sérieux quant à son identité. Ce fait, quand on le combine aux déclarations différentes qui ont été faites au sujet de la provenance de la carte, ainsi que des circonstances dans lesquelles la première carte avait été perdue et remplacée, était un fondement de preuve suffisant pour arriver à la conclusion relative à l’identité.

 

[10]           Le demandeur n’a même pas pu dire que sa date de naissance, par exemple, faisait partie de son numéro de CIR. Cette observation sous-tend une distinction importante que la Commission a faite. Cette dernière a non seulement conclu qu’il était inconcevable que le demandeur ignore son numéro de CIR, mais aussi que huit de ces chiffres représentaient sa date de naissance. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la Commission a déclaré :

Il est inconcevable que le demandeur d’asile ne connaisse pas son numéro de CIR et ne sache pas que sa date de naissance fait partie de la séquence numérique. De ce fait, le tribunal tire une conclusion défavorable.

 

[11]           Le demandeur soutient de plus que la Commission a commis une erreur en donnant [traduction] « peu de poids » au document. Il n’est pas nécessaire que la Cour analyse cet argument, sinon pour dire qu’il est loisible aux décideurs administratifs d’accorder peu de valeur probante à un élément de preuve documentaire particulier, à la condition d’expliquer pourquoi : Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 622.

 

[12]           La Commission a également rejeté la pièce justificative concernant l’obtention d’une CIR de deuxième génération que le demandeur lui avait fournie, à cause du manque perçu de crédibilité de ce dernier à l’égard de la première CIR. Elle a également rejeté le hukou qu’il avait produit, concluant que ce document était lié à la CIR douteuse.

 

[13]           Je souscris à l’argument de l’avocate du procureur général selon lequel, une fois que le juge des faits conclut qu’un demandeur n'est pas digne de foi, en général il s’ensuit logiquement que la Commission n’accorde aucune valeur probante aux documents du demandeur, sauf s’il peut établir qu’ils sont authentiques : Hamid c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] ACF no 1293.

 

[14]           En résumé, la preuve relevée par la Commission au sujet de l’identité n’était pas le fait que le demandeur ignorait les 18 chiffres de sa CIR. Je conviens avec ce dernier que si c’était le cas, la décision serait déraisonnable. En l’espèce cependant, il y a eu, comme je l'ai fait remarquer, des éléments de preuve additionnels qui ont éclairé la conclusion tirée, soit le fait que le demandeur ne connaissait aucun des numéros inscrits sur sa CIR, y compris son adresse d’État ou sa date de naissance, le délai de cinq mois qui s’était écoulé avant que la CIR soit présentée à la Commission, ainsi que l’ambigüité quant à sa provenance.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée, et la Cour conclut qu’il ne s’en pose aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1779-11

 

INTITULÉ :                                       HUI WANG c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS 

 

Raoul Boulakia

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 

 

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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