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Date : 20111107


Dossier : IMM-1238-11

Référence : 2011 CF 1272

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario) le 7 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

PARTIES :

 

DILIP BHAGWANDAS BHATIA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du Bureau de réception centralisé des demandes pour les travailleurs qualifiés (fédéral) (le Bureau) du ministre intimé datée du 6 janvier 2011, qui rejetait sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

 

 

 

Les faits

[2]               Le 14 mai 2010, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des TQF au Bureau de Sydney (Nouvelle-Écosse). L’estampille de réception y a été apposée le 14 mai 2010.

 

[3]               Dans une lettre datée du 30 juillet 2010, le Bureau a informé le demandeur que sa demande n’était pas conforme à l’article 10 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (le Règlement), qu’elle était incomplète, qu’elle lui avait été renvoyée et qu’elle n’avait pas été « reçue » par le Bureau. La lettre indiquait, à l’annexe C, les parties de la demande que le Bureau considérait comme incomplètes.

 

[4]               Deux cases de l’annexe C étaient cochées. La première case indiquait que les champs essentiels n’avaient pas été remplis; la seconde, qu’il n’y avait pas d’indications quant au bureau des visas qui allait traiter la demande.

 

[5]               Dans une lettre subséquente datée du 26 août 2010, le Bureau a aussi informé le demandeur que sa demande ne répondait pas aux instructions ministérielles datées du 26 juin 2010 ainsi qu’aux exigences énoncées à l’article 10 du Règlement, car elle n’était pas accompagnée des résultats de son examen de compétence linguistique en anglais ou en français.

 

[6]               J’arrête ici ma revue des faits, pour souligner qu’aucune explication n’a été donnée quant à savoir pourquoi le Bureau, après avoir avisé le demandeur le 30 juillet 2010 que sa demande lui avait été retournée et qu’il ne l’avait « pas reçu », lui a envoyé cette lettre quelque trois semaines plus tard.  

 

[7]               Dans sa lettre du 6 janvier 2011, le Bureau a informé le demandeur, entre autres choses, que sa demande ne pouvait être traitée, puisque la profession visée (Code 0213 de la CNP) ne correspondait plus à la liste des professions énumérées dans les instructions ministérielles du 26 juin 2010.  

 

Les questions en litige

[8]               La seule question en litige en l’espèce est de savoir si la demande du demandeur a été « reçue » par le Bureau avant le 26 juin 2010. Il s’agit de la date à laquelle la liste des codes de professions a été modifiée. Si la demande a été reçue avant le 26 juin 2010, celle-ci aurait été régie par les instructions ministérielles qui étaient en vigueur à ce moment-là, et non par les instructions ministérielles du 26 juin 2010. Le code de profession que le demandeur a indiqué dans sa demande faisait partie de la liste de professions admissibles avant le 26 juin 2010, mais n’en faisait plus partie après cette date.

 

[9]               La relation entre les faits entourant la réception de la demande et les exigences de l’alinéa 10(1)c) du Règlement est une question mixte de fait et de droit, devant être appréciée eu égard à la norme de la raisonnabilité. La décision ne respecte pas ce critère.   

 

[10]           Il n’y a pas de preuve au dossier qui étaye la conclusion voulant que la demande n’était pas complète ou qui justifiait que l’on ait jugé qu’elle n’avait pas été reçue. Tous les volets du formulaire étaient remplis. Le fait que le demandeur ait écrit Londres ou Dubai à titre de bureau des visas, un facteur que l’on pourrait présumer être à l’avantage du demandeur, ne faisait pas en sorte que la demande était incomplète; cette conclusion était déraisonnable. L’alinéa 10(1)c) du RIPR exige que la demande « comporte les renseignements ». Ce qui était le cas; aucun renseignement n’a été omis.     

 

[11]           Le défendeur, sans égard à sa lettre qui mentionnait que la demande était incomplète, a continué de traiter la demande du 14 mai 2010 comme si elle existait dans les faits. Dans la lettre datée du 26 aout 2010, le défendeur a écrit au demandeur [traduction] « au sujet de [sa] demande de résidence permanente » et l’a avisé que sa demande (qui est présumée ne pas avoir été reçue et pour laquelle il n’existe aucun dossier) avait été rejetée au motif qu’elle n’était pas accompagnée des résultats aux examens de compétences linguistiques en langue anglaise ou en langue française. La lettre souligne que la liste des codes de profession avait été modifiée le 26 juin 2010; curieusement, la demande n’est pas rejetée pour ce motif, mais seulement pour l’absence des résultats aux examens des compétences linguistiques.

 

[12]           La lettre du 26 août 2010 est évidemment incohérente avec celle du 30 juillet 2010, mais est cohérente avec la conclusion que la demande était toujours existante et qu’elle était considérée comme telle.

 

[13]           Le 9 janvier 2011, le demandeur a été avisé que l’examen de sa demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié (fédéral) [traduction] « avait été complété » et que la demande avait été rejetée au motif que le code de profession qu’il avait déclaré dans sa demande ne correspondait plus à celui d’une profession admissible.

 

Analyse

[14]           Le défendeur a tenté d’expliquer la lettre du 26 août 2010 en conjecturant que celle-ci avait été motivée par une demande subséquente.   Des affaires comme celle-ci ne peuvent faire l’objet de conjecture. Si le ministre intimé croyait qu’une deuxième demande avait été présentée, il aurait dû procéder à un contre-interrogatoire au sujet de l’affidavit, ce qu’il n’a pas fait. L’affidavit du défendeur ne contenait aucune allusion à la mystérieuse deuxième demande. L’explication proposée n’est pas raisonnable et ne constitue pas une inférence logique tirée d’un ensemble de faits connus, mais relève plutôt du domaine de la pure conjecture et doit être examinée avec une certaine dose d’incrédulité. Le traitement de la demande du 14 mai 2010 a nécessité un examen d’environ dix semaines, mais selon la thèse mise de l’avant par le défendeur, la deuxième demande a été reçue et examinée en moins de trois semaines, et cela inclut le temps attribuable à la livraison de lettres de Sydney (Nouvelle-Écosse) à Dubai, puis de Dubai à Sydney.

 

[15]           Le Cour doit trancher selon le dossier et la preuve dont elle est saisie et ne doit pas se livrer à des conjectures, ni à l’éclaircissement de points laissés en suspens, pour établir une cause qui aurait par ailleurs pu être établie par le dossier, conformément aux règles en matière de preuve et de procédure civile.  

 

Réparation

[16]           Dans la décision Al Mashtouli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 94, le ministre intimé, dans circonstances similaires, mais non identiques, a mentionné à la Cour que si la question de droit n’était pas tranchée en sa faveur, la demande serait traitée selon les règles qui prévalaient antérieurement. La demande fut donc suspendue pendant un an, après quoi celle‑ci pouvait être renvoyée à la Cour si aucun règlement n’était survenu. Aucune proposition en ce sens n’a été offerte dans la présente affaire. Par conséquent, une ordonnance de mandamus sera rendue.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.           La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.           Une ordonnance de mandamus, enjoignant au défendeur d’examiner la demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) conformément aux directives ministérielles en vigueur à la date de la réception de la demande, soit le 14 mai 2010, sera rendue.

3.           La présente affaire ne soulève pas de question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


ANNEXE A

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227)

 

Immigration and Refugee Protection Regulations (SOR/2002-227)

 

Forme et contenu de la demande

 (1) Sous réserve des alinéas 28b) à d), toute demande au titre du présent règlement :

 

 

 

a) est faite par écrit sur le formulaire fourni par le ministère, le cas échéant;

 

 

b) est signée par le demandeur;

 

ccomporte les renseignements et documents exigés par le présent règlement et est accompagnée des autres pièces justificatives exigées par la Loi;

 

d) est accompagnée d’un récépissé de paiement des droits applicables prévus par le présent règlement;

 

edans le cas où le demandeur est accompagné d’un époux ou d’un conjoint de fait, indique celui d’entre eux qui agit à titre de demandeur principal et celui qui agit à titre d’époux ou de conjoint de fait accompagnant le demandeur principal.

 

 

Renseignements à fournir

 

(2) La demande comporte, sauf disposition contraire du présent règlement, les éléments suivants :

ales nom, date de naissance, adresse, nationalité et statut d’immigration du demandeur et de chacun des membres de sa famille, que ceux-ci l’accompagnent ou non, ainsi que la mention du fait que le demandeur ou l’un ou l’autre des membres de sa famille est l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une autre personne;

 

 

b) la mention du visa, du permis ou de l’autorisation que sollicite le demandeur;

 

c) la mention de la catégorie réglementaire au titre de laquelle la demande est faite;

 

 

c.1) si le demandeur est représenté relativement à la demande, le nom, l’adresse postale, le numéro de téléphone et, le cas échéant, le numéro de télécopieur et l’adresse électronique de toute personne ou entité — ou de toute personne agissant en son nom — qui le représente;

 

 

c.2si le demandeur est représenté, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, le nom de l’organisme dont elle est membre et le numéro de membre de celle-ci;

 

 

 

c.3) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, les renseignements prévus aux alinéas c.1) et c.2) à l’égard de cette personne;

 

 

c.4) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une entité visée au paragraphe 91(4) de la Loi — ou une personne agissant en son nom —, les renseignements prévus à l’alinéa c.1) à l’égard de cette entité ou personne.

 

 

d) une déclaration attestant que les renseignements fournis sont exacts et complets.

 

Form and content of application

 

10. (1) Subject to paragraphs 28(b) to (d), an application under these Regulations shall

 

 

(a) be made in writing using the form provided by the Department, if any;

 

(b) be signed by the applicant;

 

(c) include all information and documents required by these Regulations, as well as any other evidence required by the Act;

 

 

 

(d) be accompanied by evidence of payment of the applicable fee, if any, set out in these Regulations; and

 

 

(e) if there is an accompanying spouse or common-law partner, identify who is the principal applicant and who is the accompanying spouse or common-law partner.

 

 

 

 

 

 

Required information

 

(2) The application shall, unless otherwise provided by these Regulations,

(a) contain the name, birth date, address, nationality and immigration status of the applicant and of all family members of the applicant, whether accompanying or not, and a statement whether the applicant or any of the family members is the spouse, common-law partner or conjugal partner of another person;

 

(b) indicate whether they are applying for a visa, permit or authorization;

 

(c) indicate the class prescribed by these Regulations for which the application is made;

 

(c.1) if the applicant is represented in connection with the application, include the name, postal address and telephone number, and fax number and electronic mail address, if any, of any person or entity — or a person acting on its behalf — representing the applicant;

 

(c.2) if the applicant is represented, for consideration in connection with the application, by a person referred to in any of paragraphs 91(2)(a) to (c) of the Act, include the name of the body of which the person is a member and their membership identification number;

 

(c.3) if the applicant has been advised, for consideration in connection with the application, by a person referred to in any of paragraphs 91(2)(a) to (c) of the Act, include the information referred to in paragraphs (c.1) and (c.2) with respect to that person;

 

(c.4) if the applicant has been advised, for consideration in connection with the application, by an entity — or a person acting on its behalf — referred to in subsection 91(4) of the Act, include the information referred to in paragraph (c.1) with respect to that entity or person; and

 

(d) include a declaration that the information provided is complete and accurate.


 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1238-11

 

INTITULÉ :                                       DILIP BHAGWANDAS BHATIA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              Le juge Rennie

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 7 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

POUR LE DEMANDEUR

 

Brad Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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