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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20111013

Dossier : IMM-1550-11

Référence : 2011 CF 1160

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 13 octobre 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

 

GIOVANNI ORTEGA ARENAS,

ARACELI SONI ORTEGA

ET ANDREA ORTEGA SONI

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’iMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur principal, Giovanni Ortega Arenas, son épouse Araceli Soni Ortega et leur fille Andrea Ortega Soni, se sont enfuis au Canada le 12 mars 2009 et ont présenté une demande d’asile ce jour-là. Ils sont tous trois citoyens du Mexique et demandent une protection du fait qu’ils seraient des ennemis du cartel de la drogue Los Zetas.

 

[2]               Le 24 janvier 2011, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté leurs demandes d’asile présentées en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. La Commission a fondé sa décision sur l’existence d’un risque généralisé et de la protection adéquate de la part de l’État. La présente demande vise le contrôle de cette décision.

 

[3]               La SPR a estimé que les demandeurs étaient crédibles relativement aux éléments de preuve étayant leurs demandes d’asile. Les demandeurs étaient propriétaires d’un commerce à Veracruz. Le 8 mars 2009, à la suite d’un appel téléphonique menaçant reçu quelques semaines auparavant, un membre du cartel de la drogue Los Zetas a tenté de soutirer de l’argent au demandeur et à son épouse. Lorsqu’ils ont refusé, l’homme a menacé d’enlever leur fille. Les demandeurs ont rapporté cet incident à la police, mais vu que c’était durant la fin de semaine, aucune mesure n’a été prise. Le lendemain, deux membres de Los Zetas se sont présentés au commerce des demandeurs, ils ont mis un pistolet sur la tête du demandeur principal et jeté son épouse par terre. Ces hommes savaient que les demandeurs étaient allés voir la police la veille, et ils voulaient maintenant un paiement plus élevé. Les demandeurs ont fui le lendemain.

 

[4]               S’agissant de la protection de l’État, le demandeur principal a livré le témoignage suivant lors de l’audience tenue à la SPR relativement aux demandes d’asile :

 

[Traduction]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Croyez-vous que tous les policiers au Mexique sont corrompus et qu’aucun d’entre eux ne vous aiderait?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Je crois qu’on sait que ceux qui sont haut placés au sein de la police, les supérieurs, ont vraiment l’intention de lutter contre la criminalité et contre ces délinquants, mais je crois également que, à mesure que vous descendez dans la chaîne de commandement et que vous arrivez au bas de celle-ci, sur le terrain, c’est-à-dire les policiers qui, vous savez, travaillent directement avec le citoyen ordinaire comme moi, la situation n’est pas la même.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Lorsque vous avez pensé que la police, ou un agent de police au ministère public, avait informé les Zetas que vous étiez allé les voir, vous êtes-vous adressé à l’une ou l’autre des agences qui enquêtent sur la corruption?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Si je l’avais fait, j’aurais mis ma vie et celle de ma famille [...] la vie des membres de ma famille en danger. Vous ne pouvez pas faire ça au Mexique.

 

(Transcription, dossier certifié du tribunal, volume 2, p. 451)

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : Est-ce que la police a été appelée en vue d’intervenir à la suite du bouleversement survenu dans le commerce?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Non, j’ai demandé à toutes ces personnes de ne pas appeler la police.

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : Pourquoi?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Parce que si la police les a elle-même avisés que j’étais allé au poste faire un rapport à leur sujet, j’aurais eu encore plus peur si la police était finalement venue.

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : D’accord. Après la conclusion de cet épisode, avez-vous envisagé de retourner au même poste de police pour signaler la seconde visite?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Non.

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : Il existe, semble-t-il, d’autres agences d’enquête au sein du gouvernement au Mexique, qui s’occupent des cartels de drogue. Connaissiez-vous ces agences?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Oui.

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : Avez-vous songé à vous rendre à ces endroits?

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Non. J’ai eu l’impression que la police était de mèche avec elles.

 

CONSEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : Mais, selon toute vraisemblance, les policiers ou enquêteurs au Mexique ne sont pas tous corrompus.

 

DEMANDEUR D’ASILE PRINCIPAL : Mais, au point où j’en étais, vous savez, ma vie était en danger ainsi que celle des membres de ma famille, celle de ma fille et celle de mon épouse. Je ne pouvais pas rester là à attendre que quelqu’un vienne me protéger… et, du coup, courir le risque que ces hommes reviennent me chercher.

 

(Transcription, dossier certifié du tribunal, volume 2, p. 468)

 

[5]               Bien que la SPR ait reconnu que les demandeurs étaient ciblés et victimes d’extorsion par les Zetas, elle a néanmoins tiré la conclusion suivante en ce qui a trait au fait de demander la protection de l’État :

Le demandeur d’asile principal n’a pas fait de suivi auprès du ministère public afin de savoir si ce dernier allait enquêter sur sa plainte, et les demandeurs ont fui le pays le 12 mars 2009. Dans son témoignage, le demandeur d’asile principal a reconnu qu’il n’avait pas laissé beaucoup de temps à la police pour agir étant donné que les demandeurs ont fui le Mexique trois ou quatre jours après avoir fait leur rapport à la police. Il a dit qu’il n’avait pas téléphoné aux responsables du ministère public à propos de l’enquête parce qu’il n’avait pas leur numéro de téléphone et qu’ils lui avaient dit que quelqu’un viendrait le voir.

 

Les demandeurs d’asile n’ont pas déployé d’autres efforts en vue d’obtenir la protection de la police au Mexique. Ils n’ont pas communiqué avec un des organismes spécialisés qui enquêtent sur le crime organisé ou la corruption.

 

[…]

 

Dans les pays dotés d’une démocratie qui fonctionne et d’une force policière efficace, comme le Mexique, le demandeur d’asile doit montrer qu’il a pris toutes les mesures raisonnables pour solliciter la protection de l’État, en fonction de la situation qui a cours dans le pays d’origine, les mesures qu’il a effectivement prises et la relation du demandeur d’asile avec les autorités. Les omissions locales de maintenir l’ordre d’une façon efficace n’équivalent pas à une absence de protection étatique sauf si elles dénotent une tendance plus générale de l’État à être incapable ou à refuser d’assurer une protection.

 

(Motifs de la décision, dossier de demande, p. 13 et 14)

 

 

S’agissant des motifs évoqués par le demandeur pour ne pas avoir poursuivi ses efforts en vue de solliciter la protection de l’État avant de quitter le Mexique, la SPR était tenue en droit d’évaluer s’il était objectivement déraisonnable d’avoir agi ainsi (voir l’arrêt Hinzman c. Canada (MCI), 2007 CAF 171, par. 56). Étant donné qu’aucune évaluation n’a été effectuée, je conclus que la décision visée par le contrôle est indéfendable en droit.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la décision vissée par le contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

                                                                                                            « Douglas R. Campbell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1550-11

 

INTITULÉ :                                       GIOVANNI ORTEGA ARENAS, ARACELI SONI

ORTEGA ET ANDREA ORTEGA SONI c. LE          MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE          L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 13 OCTOBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Chaim Martin

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Hillary Adams

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jack Chaim Martin

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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