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Date : 20110923

Dossier : T‑1254‑92

Référence : 2011 CF 1091

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 23 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

Entre :

 

CHEF JOHN ERMINESKIN, LAWRENCE WILDCAT, GORDON LEE, ART LITTLECHILD, MAURICE WOLFE, CURTIS ERMINESKIN, GERRY ERMINESKIN, EARL ERMINESKIN, RICK WOLFE, KEN CUTARM, BRIAN LEE, LESTER FRAYNN, le chef et les conseillers élus de la bande et nation indiennes d’Ermineskin, en leur nom et en celui des autres membres de la bande et nation indiennes d’Ermineskin

 

 

demandeurs

(défendeurs)

et

 

 

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre des Finances

 

 

 

défendeurs

(demandeurs)

 

         Motifs du jugement et jugement

 

[1]               La Cour est saisie d’une requête présentée par la Couronne défenderesse (la Couronne) en application de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), en vue d’obtenir une ordonnance accueillant l’appel et annulant l’ordonnance, en date du 17 mai 2011, (l’ordonnance) par laquelle le protonotaire Lafrenière a conclu que la Couronne avait renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat en déposant un affidavit à l’appui d’une requête sollicitant l’autorisation de modifier sa défense.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

 

Bref exposé du contexte factuel

[3]               L’action T‑1254‑92 a été divisée en plusieurs parties. Les deux premières parties ont été instruites devant le juge Max Teitelbaum entre 2000 et 2004. Le 22 décembre 2004, au cours du plaidoyer final de l’instruction de ces deux premières parties, la défenderesse (Ermineskin) a soutenu que les actes de procédure dans lesquels la Couronne invoquait la prescription comme moyen de défense étaient insuffisants. La Couronne a présenté une requête en modification de ses actes de procédure afin d’y inclure la mention expresse de certaines dispositions relatives à la prescription (la demande de modification de 2004). Ermineskin s’est opposée à cette requête au motif que la Couronne n’avait offert aucune explication justifiant son retard à soulever cette défense de prescription.

 

[4]               Les 20 et 21 janvier 2005, la demande de modification de 2004 a été entendue par le juge Teitelbaum, qui a reproché à la Couronne son retard à demander l’autorisation d’apporter des modifications et son omission de présenter une preuve par affidavit pour expliquer ce retard. Bien qu’il ait autorisé les modifications permettant à la Couronne de renvoyer expressément aux dispositions de l’Alberta Limitation of Actions, R.S.A. 1980, ch. L‑15 (Alberta Limitation of Actions), il a refusé celles se rapportant à la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (Loi sur les Cours fédérales) et à la Loi sur la prescription des actions de l’Ontario, L.R.O. 1980, ch. 240 (Loi sur la prescription des actions de l’Ontario). Il a de plus déclaré qu’il ne se prononçait pas sur la question de savoir si les actes de procédure de la Couronne, dans leur version antérieure aux modifications, étaient suffisants pour permettre à celle‑ci de faire valoir tous ses arguments relatifs à la prescription.

 

[5]               Dans un jugement daté du 30 novembre 2005, le juge Teitelbaum a rejeté les demandes dans les deux premières parties de l’instance. Les appels interjetés par la suite ont été rejetés par la Cour d’appel fédérale et par la Cour suprême du Canada. L’instance a été réactivée en juin 2006, une fois tous les appels épuisés. Les dernières parties de l’instance ont nécessité une nouvelle production de documents et d’autres interrogatoires préalables, lesquels doivent se poursuivre jusqu’à la fin de 2011. Aucune date de procès n’a été fixée pour ces parties.

 

[6]               Le 23 décembre 2010, la Couronne a présenté un avis de requête en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à modifier sa défense pour y inclure un renvoi explicite à divers articles de l’Alberta Limitation of Actions, de la Loi sur les Cours fédérales et de la Loi sur la prescription des actions de l’Ontario (la demande de modification de 2010).

 

[7]               À l’appui de la demande de modification de 2010, un affidavit souscrit par Mme Lynda Sturney (l’affidavit), chef d’équipe à la Direction générale de la gestion et du règlement des litiges du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (bureau de Calgary), a été versé au dossier de requête de la Couronne. Cet affidavit fournit le contexte factuel ayant incité la Couronne à demander l’autorisation de modifier sa défense en décembre 2004. Plus particulièrement, le paragraphe 12 est rédigé comme suit:

[traduction] Mes avocats m’informent que la Couronne croyait que les actes de procédure existants étaient suffisants et qu’elle pouvait invoquer le paragraphe 39(2) de la LCF et certaines autres dispositions des lois sur la prescription des actions de l’Alberta et de l’Ontario. Or, le 22 décembre 2004, par surcroît de prudence, la Couronne a présenté une requête en modification de sa défense afin d’y inclure la mention expresse de certaines dispositions législatives se rapportant à son moyen de défense fondé sur la prescription de six ans.

 

[8]               En contre‑interrogatoire, Mme Sturney a reconnu qu’elle n’avait aucunement participé à l’instance entre 2000 et 2007 et, plus précisément, qu’elle n’avait pas été désignée pour plaider la cause à l’époque de la demande de modification mentionnée dans son affidavit. Mme Sturney s’est opposée à plusieurs questions portant sur le paragraphe 12 de son affidavit au motif que l’information n’était pas pertinente et qu’elle était protégée par le privilège du secret professionnel de l’avocat. Au sujet de la déclaration figurant au paragraphe 12 de son affidavit, à savoir [traduction] « [m]es avocats m’informent que la Couronne croyait que les actes de procédure existants étaient suffisants », Mme Sturney a confirmé que les avocats qui l’avaient ainsi informée faisaient partie du cabinet Macleod Dixon LLP, qui représentait la Couronne en qualité de mandataire du ministère de la Justice.

 

[9]               Le 19 avril 2011, Ermineskin a présenté une requête sollicitant, entre autres, un jugement déclarant que la Couronne avait renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat en présentant le paragraphe 12 de l’affidavit comme preuve à l’appui de la demande de modification de 2010 de la Couronne.

 

[10]           Le protonotaire Lafrenière a prononcé l’ordonnance le 17 mai 2011.

 

La décision contestée

[11]           Dans cette ordonnance, le protonotaire Lafrenière a déclaré que le privilège du secret professionnel de l’avocat était fondamental pour notre système de justice au Canada et devait être jalousement protégé, mais qu’il était possible d’y renoncer expressément ou implicitement lorsqu’une des parties soulève en cours d’instance la question des communications avec l’avocat.

 

[12]           La principale conclusion de fait du protonotaire est que les déclarations relatées au paragraphe 12 de l’affidavit visaient à justifier le retard de la Couronne à modifier sa défense. Compte tenu de cette conclusion, le protonotaire a adopté les paragraphes 58 et 59 des observations écrites d’Ermineskin, que voici :

 

[traduction] Compte tenu de ces principes, en présentant l’affidavit de Mme Sturney, la Couronne a renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat. Le paragraphe 12 met clairement en cause le fait que la Couronne a reçu des conseils juridiques, de même que le contenu de ces conseils, tant à l’égard de la suffisance de la partie des actes de procédure concernant la défense de prescription qu’à l’égard du motif justifiant la demande de modification de ses actes de procédure en 2005. Par cet affidavit, la Couronne veut invoquer qu’elle « croyait » à la suffisance de ses actes de procédure, opinion qui découle nécessairement des conseils juridiques reçus des avocats de la Couronne, pour expliquer son retard extraordinaire à solliciter l’autorisation de modifier sa défense.

 

Malgré ce qu’elle invoque, la Couronne s’est opposée à la divulgation des communications qui donneraient le contexte dans lequel la Couronne a reçu des conseils juridiques sur la suffisance de ses actes de procédure, sur le moment où elle les a reçus, ainsi que sur ce qui l’a incitée, le cas échéant, à changer d’avis sur la suffisance de ses actes de procédure. En soulevant ces objections, la Couronne tente de renoncer au privilège uniquement dans la mesure où cette renonciation favorise sa thèse, sans toutefois révéler d’information. Cette approche est incompatible avec les principes d’équité et d’incohérence (sic).

 

[13]           Le protonotaire a conclu que la Couronne avait renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard des communications intervenues entre elle et ses avocats au sujet du paragraphe 12 de l’affidavit et de ce que croyait la Couronne lorsqu’elle a présenté sa demande de modification en 2004 quant au caractère suffisant des actes de procédure existants. Il a ordonné à Mme Sturney de produire tous les documents en sa possession ou sous son contrôle portant sur les communications à l’égard desquelles il y avait eu renonciation au privilège. Enfin, il a ordonné à Mme Sturney de se présenter à nouveau afin d’être contre‑interrogée sur son affidavit souscrit le 22 décembre 2010.

 

Questions en litige

[14]           Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable dans le présent appel?

b.      L’ordonnance portant qu’il y avait eu renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat a‑t‑elle une influence déterminante sur la décision finale?

c.       La décision du protonotaire selon laquelle il y avait eu renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat était‑elle entachée d’une erreur flagrante, en ce qu’elle était fondée sur une mauvaise appréciation des faits ou sur un mauvais principe de droit?

 

Dispositions législatives pertinentes

[15]           Les principes directeurs régissant les appels interjetés à l’égard des ordonnances des protonotaires se trouvent à l’article 51 des Règles :

51. (1) L’ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale.

 

(2) L’avis de la requête est signifié et déposé dans les 10 jours suivant la date de l’ordonnance frappée d’appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l’audition de la requête.

 

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Federal Court.

 

 

(2) Notice of the motion shall be served and filed within 10 days after the day on which the order under appeal was made and at least four days before the day fixed for the hearing of the motion.

 

 

a.  Quelle est la norme de contrôle applicable dans le présent appel?

Arguments de la Couronne

[16]           La Couronne soutient que l’ordonnance est susceptible de contrôle de novo, s’agissant d’une décision non discrétionnaire, et elle s’appuie à cet effet sur le paragraphe 11 de la décision Environmental Defence Canada c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2009] A.C.F. no 182 [Environmental Defence Canada], dans laquelle la Cour s’est fondée sur le fait que les parties convenaient que [traduction] « la décision quant à la question de savoir si le passage caviardé est assujetti au privilège du secret professionnel de l’avocat n’est pas vraiment de nature discrétionnaire ».

 

[17]           Toutefois, dans le cas contraire, la Couronne soutient que l’ordonnance répond au critère régissant le contrôle de novo d’une décision discrétionnaire rendue par un protonotaire puisqu’elle est fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits (Canada c. Aqua‑Gem Investments Ltd, [1993] 2 C.F. 425 (CAF), par. 95).

 

Arguments d’Ermineskin

[18]           Ermineskin soutient que l’ordonnance est de nature discrétionnaire, étant donné qu’il est possible de renoncer au privilège du secret professionnel de l’avocat expressément ou implicitement. Même si ce pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être exercé à la légère, ou sans avoir bien compris les principes juridiques sur lesquels repose la protection des communications assujetties au privilège, il est néanmoins de nature discrétionnaire. Elle soutient que la Couronne n’a soumis aucune jurisprudence démontrant que l’ordonnance est [traduction] « de nature non discrétionnaire » et qu’elle a invoqué à tort la décision Environmental Defence Canada. De plus, Ermineskin cite la décision Universal Sales Ltd. c. Edinburgh Assurance Co, [2009] A.C.F. no 195 [Universal Sales, Ltd.], dans laquelle le juge Russell a rejeté la prétention voulant que la décision d’un protonotaire sur la renonciation au secret professionnel de l’avocat devrait être examinée selon la norme de la décision correcte plutôt que selon la norme de l’ordonnance « entachée d’une erreur flagrante », et a conclu qu’il devait suivre cette dernière norme énoncée dans Merck & Co. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1925 [Merck 2003]. Les défendeurs concluent qu’un contrôle de novo ne peut être justifié que si la Couronne démontre que l’ordonnance est « entachée d’une erreur flagrante », en ce sens que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire reposait sur une mauvaise appréciation des faits ou sur un mauvais principe, y compris une erreur de droit.

 

Analyse

[19]           La Cour est d’avis que la Couronne n’a pas expliqué clairement la raison pour laquelle l’ordonnance portant renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat est de nature non discrétionnaire. Dans l’arrêt R. c. McClure, [2001] A.C.S. no 13, 2001 CSC 14, au paragraphe 34 [McClure], la Cour suprême du Canada a examiné le secret professionnel de l’avocat et a déclaré que « [m]algré son importance, le secret professionnel de l’avocat n’est pas absolu. Il est assujetti à des exceptions dans certains cas ». En conséquence, la question de savoir si le privilège du secret professionnel de l’avocat fait partie de ces cas est laissée à la discrétion du protonotaire et est donc de nature discrétionnaire.

 

[20]           La norme de contrôle applicable aux décisions d’un protonotaire est énoncée dans Merck 2003, au paragraphe 19. L’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne devrait pas être modifiée par suite d’un appel porté devant un juge de notre Cour, sauf dans les cas suivants : a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur la décision finale; b) l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. La Cour doit entendre l’appel de novo s’il est satisfait à l’un des deux volets du critère.

 

[21]           La Cour d’appel fédérale s’est récemment penchée sur la norme de contrôle applicable dans l’arrêt Bristol‑Myers Squibb Co. c. Apotex Inc., [2011] A.C.F. n147, et a déclaré que la norme de contrôle habituelle devrait s’appliquer aux décisions des protonotaires portées en appel.

 

[22]           En conséquence, la Cour n’interviendra pas à moins que les parties démontrent que la question soulevée a une influence déterminante sur la décision finale ou que la décision du protonotaire était entachée d’une erreur flagrante ou reposait sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

b.  L’ordonnance portant renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat a‑t‑elle une influence déterminante sur la décision finale?

Arguments de la Couronne

[23]           Dans ses prétentions orales, la Couronne reconnaît que l’ordonnance n’a pas d’influence déterminante sur la décision finale.

Arguments d’Ermineskin

[24]           De l’avis d’Ermineskin, la question de savoir si une partie a renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat « n’a pas une influence déterminante sur la décision finale » (Merck & Co. c. Apotex Inc., 2008 CF 1121, par. 10 [Merck 2008]; Universal Sales, Ltd, par. 17). Les défendeurs soutiennent que, si la décision finale d’autoriser ou non la Couronne à modifier ses actes de procédure peut avoir une « influence déterminante », la décision portant sur les documents auxquels Ermineskin peut avoir accès pour terminer le contre‑interrogatoire de Mme Sturney n’a manifestement pas une « influence déterminante ».

Analyse

[25]           La Cour est d’accord avec les parties qu’une ordonnance portant renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat n’a pas une influence déterminante sur la décision finale. Une ordonnance de cette nature se distingue d’une ordonnance portant radiation d’une action. La Cour souligne que dans Merck 2008, le juge O’Keefe a également conclu qu’une ordonnance portant renonciation à un privilège n’avait pas une influence déterminante sur la décision finale.

 

[26]           Par conséquent, l’appel ne peut être accueilli que si la Cour conclut que le protonotaire a commis une erreur flagrante en exerçant son pouvoir discrétionnaire ou qu’il a manifestement mal apprécié les faits.

 

c.  La décision du protonotaire portant renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat était‑elle entachée d’une erreur flagrante, en ce sens qu’elle était fondée sur une mauvaise appréciation des faits ou sur un mauvais principe de droit?

Arguments de la Couronne

[27]           La Couronne soutient que le protonotaire a mal apprécié les faits en acceptant les observations d’Ermineskin selon lesquelles le paragraphe 12 de l’affidavit [traduction] « visait à justifier » le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense. La Couronne souligne que le paragraphe 12 de l’affidavit fournit uniquement des renseignements généraux décrivant le contexte de la demande de modification de 2004 et qu’elle n’a pas l’intention d’y recourir pour expliquer son retard à solliciter l’autorisation de modifier sa défense.

 

[28]           La Couronne fait valoir que l’opinion qu’elle avait en 2004 quant au caractère suffisant des actes de procédure existants n’est pas pertinente. La demande de modification de 2010 repose sur la prémisse fondamentale que la Couronne a le droit d’apporter les modifications demandées parce que celles‑ ci permettront de trancher la véritable question en litige et qu’il n’en résultera aucun préjudice grave pour les défendeurs (Canderel Ltd. c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (CAF), par. 10 [Canderel]; Première nation Dené Tha’ c. Canada (Procureur général), [2008] A.C.F. no 847, par. 8, 13 et 15 [Dené Tha’]).

 

[29]           La Couronne prétend que la levée du privilège du secret professionnel de l’avocat par le protonotaire constitue une erreur de droit. Elle soutient que la Cour ne lèvera pas à la légère la protection du privilège du secret professionnel de l’avocat en se fondant sur une question soulevée unilatéralement par une partie adverse (Talisman Energy Inc c. Petro‑Canada Inc, [2000] A.J. no 274, par. 34 [Talisman]; Ed Miller Sales & Rentals Ltd. c. Caterpillar Tractor Co., [1992] 5 WWR 531, par. 22 [Ed Miller Sales]). La Couronne prétend que le protonotaire a fondé sa conclusion sur la question du retard, soulevée unilatéralement par Ermineskin, et que cette question ne deviendra un élément pertinent pour la Cour que dans la mesure où le retard entraîne un préjudice qui ne peut être réparé par des dépens (Canderel, par. 10; Dené Tha’, par. 8, 13, 15).

 

[30]           La Couronne déclare en outre qu’il y aura renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat uniquement lorsque que le client fait une déclaration formelle qui met son état d’esprit [traduction] « en cause », par exemple lorsqu’une partie cherche à s’appuyer sur les conseils juridiques qu’elle a reçus pour justifier une ligne de conduite (Stuart Olson Construction Inc. c. Sawbridge Plaza Corp, [1995] A.J. no 953, par. 24; Fraser c. Houston, [2002] B.C.J. no 2204, par. 22 à 24 [Fraser]; Talisman, par. 27, 33, 35).

 

[31]           De plus, la Couronne fait valoir que le fait pour une partie de faire allusion à des conseils juridiques en vue d’établir le contexte, sans s’appuyer sur ces conseils, n’emporte pas renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat. Elle est d’avis que la mention expresse dans un affidavit que des conseils juridiques ont été obtenus n’emporte pas renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat. Au paragraphe 23 de la décision Talisman, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a conclu qu’une référence directe à des conseils juridiques dans un acte de procédure, ou que la preuve que des conseils juridiques ont été obtenus, ne constituait pas nécessairement une renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat.

 

[32]           Enfin, la Couronne soutient qu’Ermineskin était malvenue de s’appuyer sur Cheung c. 518402 BC Ltd., [1999] B.C.J. no 2415, étant donné qu’en l’espèce l’affidavit ne fait pas état de l’essentiel des communications échangées entre la Couronne et ses avocats. Plus fondamentalement encore, la Couronne rejette la thèse voulant qu’elle ait cherché par le paragraphe 12 à s’appuyer sur la preuve d’une communication entre elle et ses avocats, et que par la suite elle ait décidé de ne pas l’invoquer. Elle fait donc valoir qu’elle ne s’appuie pas et ne s’est jamais appuyée sur une preuve quant au caractère suffisant de ses actes de procédure pour justifier sa demande de modification de 2010.

Arguments d’Ermineskin

[33]           Ermineskin estime que, compte tenu du dossier et des précédents applicables, il était loisible au protonotaire de conclure que le paragraphe 12 visait à justifier le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier ses actes de procédures. Bien que la Couronne ait affirmé qu’elle n’a pas l’intention de s’appuyer sur le paragraphe 12 pour expliquer son retard à solliciter l’autorisation de modifier ses actes de procédure, il n’en demeure pas moins qu’elle a choisi de présenter l’affidavit. En fin de compte, le protonotaire instruira la demande de modification de 2010 et il conviendra de faire preuve de déférence lorsqu’il ordonnera la production de documents supplémentaires et le contre‑interrogatoire sur les affidavits. Ainsi, il est possible qu’une explication sur le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense soit pertinente pour déterminer s’il y a lieu d’autoriser une modification (Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459, par. 29 à 34 [Merck 2004]; Canderel, par. 12 et 13). Ermineskin fait valoir que c’est dans ces circonstances que le protonotaire a conclu que le paragraphe 12 de l’affidavit visait à justifier le retard de la Couronne.

 

[34]           Ermineskin soutient que la règle de l’équité et de la cohérence exige la divulgation complète des communications qui seraient autrement assujetties au privilège du secret professionnel de l’avocat, de sorte qu’elle puisse exercer pleinement son droit au contre‑interrogatoire étant donné que la Couronne s’appuie sur les conseils juridiques antérieurs à 2004 (Genecor International, Inc. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2007] A.C.F. no 385, par. 26. Ainsi, Ermineskin s’appuie sur la décision Castlemore Marketing Inc. c. Intercontinental Trade and Finance Corp., [1996] A.C.F. no 201, par. 1, dans laquelle la Cour a statué que l’auteur d’un affidavit est tenu de répondre à « toute question liée à l’objet de l’affidavit ».

 

[35]           De plus, Ermineskin est d’avis que la Couronne n’a soulevé aucune erreur de droit particulière, mais qu’elle a plutôt allégué que le protonotaire avait commis une « erreur flagrante » en concluant qu’il était possible que la Couronne ait renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat sans faire de déclaration formelle mettant « en cause » son état d’esprit. Elle prétend toutefois que la Couronne a volontairement soulevé la question de son état d’esprit dans la présente demande en présentant l’affidavit en preuve.

 

[36]           Ermineskin ajoute qu’il est possible de considérer qu’une partie a renoncé à son droit au secret professionnel de l’avocat à l’égard de certaines communications habituellement protégées par ce privilège dans les cas où cette partie y renonce expressément ou implicitement. Au soutien de son argument, Ermineskin s’appuie sur la décision Fraser de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. Dans cette affaire, la cour a statué comme suit au paragraphe 22 :

[traduction]

1. L’on ne devrait porter atteinte au privilège du secret professionnel de l’avocat que dans la mesure nécessaire pour atteindre un résultat juste : Descoteaux c Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860.

 

2. Il peut y avoir renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat même en l’absence d’une intention d’y renoncer, lorsque l’équité et la cohérence l’exigent. La renonciation au privilège d’une partie d’une communication sera considérée comme une renonciation à l’ensemble de cette communication. De même, lorsqu’une partie à un litige s’appuie sur des conseils juridiques comme élément de sa demande ou de sa défense, le privilège qui protégerait autrement ces conseils est perdu : S & K Processors Ltd. c. Campbell Ave Herring Producers Ltd., [1983] B.C.J. 1499.

 

3. Une partie renonce à la protection du privilège du secret professionnel de l’avocat en soulevant volontairement à l’instance la question de son état d’esprit et, de ce fait, en invoquant au soutien de sa conduite les conseils juridiques qu’elle a reçus : Morrison, précité.

 

4. Pour écarter le privilège du secret professionnel de l’avocat, il faut une allégation formelle mettant en cause l’état d’esprit de la partie : Pax Management Ltd. c. CIBC (1987), 14 B.C.L.R. (2d) 257 (C.A. C.‑B.).

 

[37]           Ermineskin s’appuie en outre sur la façon dont la juge McLachlin (maintenant Juge en chef de la Cour suprême du Canada) a qualifié le privilège du secret professionnel de l’avocat dans la décision S & K Processors Ltd. c. Campbell Ave Herring Producers Ltd., [1983] B.C.J. no 1499 [S & K] : [traduction] « Dans les cas où il est jugé que l’équité requiert la renonciation implicite, il y a toujours une certaine manifestation de l’intention volontaire de renoncer au secret, du moins jusqu’à une certaine limite. Les règles de droit applicables font alors que l’équité et l’uniformité exigent la renonciation intégrale. »

 

[38]           Ermineskin soutient que la décision Merck 2004, aux paragraphes 16 et 45, indique clairement que la Couronne ne peut pas « choisir » les éléments de preuve à l’égard desquels elle renoncera au privilège. Au contraire, le [traduction] « privilège disparaît à l’égard de toute communication qui a un lien pertinent et important avec le point soulevé » (Iozzo c. Weir, [2004] A.J. no 395, par. 26). Lorsqu’il instruira la demande de modification de 2010, le protonotaire pourra examiner tous les éléments de preuve dont dispose la Cour, notamment la déclaration de la Couronne selon laquelle elle croyait que [traduction] « les actes de procédure existants étaient suffisants », qui peut être considérée comme une explication de son retard.

 

[39]           Enfin, Ermineskin souligne que la Couronne est malvenue de s’appuyer sur la décision Talisman, parce que la Cour fédérale n’est pas liée par cette décision et que, de toute façon, cette décision permet d’affirmer qu’en exerçant son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la communication de documents protégés par le secret professionnel de l’avocat, la Cour doit déterminer si les conseils juridiques présentés par la partie qui renonce sont d’une pertinence telle qu’il y a renonciation à l’égard de la totalité des communications. Ermineskin soutient que le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier ses actes de procédure est pertinent pour la demande soumise à la Cour et qu’ainsi, la preuve relative à l’affirmation de la Couronne, relatée dans l’affidavit, selon laquelle ce retard résultait de ce que, jusqu’en 2004, elle croyait que ses actes de procédure étaient suffisants, est également pertinente.

Analyse

[40]           La Cour doit principalement décider si l’ordonnance du protonotaire Lafrenière portant renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat était entachée d’une erreur flagrante, en ce sens qu’elle était fondée sur une mauvaise appréciation des faits ou sur un mauvais principe de droit.

 

Conclusion de fait

[41]           La Cour ne saurait conclure que le protonotaire a mal apprécié les faits, eu égard aux observations d’Ermineskin selon lesquelles le paragraphe 12 de l’affidavit [traduction] « visait à justifier » le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense. La Cour répète que la Couronne a présenté un avis de requête le 23 décembre 2010, sollicitant une ordonnance l’autorisant à modifier sa défense afin d’inclure une mention expresse à diverses lois. L’affidavit a été versé au dossier de la requête produit par la Couronne à l’appui de sa demande de modification de 2010.

 

[42]           Sur la foi du dossier et des observations des parties, la Cour est d’avis que le protonotaire n’a pas commis d’erreur en concluant que le paragraphe 12 de l’affidavit visait à justifier le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense en 2004. La Cour accepte la thèse avancée par Ermineskin selon laquelle le paragraphe 12 de l’affidavit, et dans une moindre mesure le contre‑interrogatoire de Mme Sturney, contient un renvoi explicite aux conseils juridiques. En conséquence, la Cour ne peut convenir avec la Couronne que le paragraphe 12 de l’affidavit ne fournit que des renseignements généraux visant à décrire le contexte de la demande de modification de 2004.

 

[43]           De plus, les observations de la Couronne portant que le paragraphe 12 de l’affidavit n’est pas pertinent pour sa demande de modification de 2010 sont sans fondement. L’affidavit a été versé au dossier de la requête produit par la Couronne à l’appui de sa demande de modification de 2010. Le protonotaire entendra la demande de modification de 2010 et, pour cette raison, l’explication concernant le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense est un facteur pertinent qui lui permettra de décider s’il y a lieu d’autoriser la modification. Dans l’arrêt Merck 2004, la Cour d’appel fédérale, citant Continental Bank Leasing Corp c. Canada, [1993] 1 C.T.C. 2306 (CCI), a exposé les facteurs que la Cour doit considérer pour autoriser ou refuser la modification d’un acte de procédure, y compris « […] le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation […] ».

 

[44]           Dans de telles circonstances, la Cour doit reconnaître que le protonotaire n’a pas mal apprécié les faits en concluant que le paragraphe 12 de l’affidavit visait à justifier le retard de la Couronne à solliciter l’autorisation de modifier sa défense.

 

Renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat

[45]           Les principes de base qui sous‑tendent le concept du privilège du secret professionnel de l’avocat ne sont pas contestés. Il est notoire que la Cour suprême a déclaré à maintes reprises que le privilège qui existe entre un avocat et son client est fondamental pour le système de justice canadien (McClure). Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans un arrêt récent, la protection de la confidentialité des conseils juridiques communiqués par des avocats à leurs clients est d’une importance fondamentale pour l’administration de la justice. Toute incursion dans ce domaine doit être limitée au strict minimum (Canada (Procureur général) c. Quadrini, [2011] A.C.F. no 475, par. 29).

 

[46]           Au paragraphe 26 de la décision Environmental Defence Canada, la Cour fédérale a déclaré que la renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat est établie lorsque le titulaire de ce privilège est au courant de son existence et exprime volontairement l’intention d’y renoncer (KF Evans Ltd. c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), [1996] A.C.F. no 30, au paragraphe 16). Il peut également y avoir renonciation implicite au privilège. Il est question de cette notion dans l’ouvrage de Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 3e éd., Toronto, LexisNexis Canada Inc., 2009, à la page 959 :

 

[traduction]

Quant à savoir ce qui constitue la renonciation implicite, Wigmore déclare ceci :

 

[traduction] La jurisprudence n’est pas claire à ce sujet. Pour répondre à cette question, il faut prendre en considération le double élément qui sous‑tend toute renonciation, savoir non seulement l’intention implicite, mais aussi le facteur équité et cohérence. La personne bénéficiant de la protection du secret serait rarement réputée y avoir renoncé si son intention de ne pas le faire était le seul facteur déterminant. Mais il y a toujours aussi cette considération objective, savoir que quand ses faits et gestes équivalent à une certaine divulgation, l’équité veut que cette protection prenne fin, qu’elle le veuille ou non. Après qu’elle a divulgué tant qu’elle a voulu, il ne lui est plus loisible de retenir le reste. Elle peut choisir soit de garder le secret soit de divulguer, mais après un certain point, son choix doit demeurer final. [Non souligné dans l’original.]

 

[47]           Comme l’a récemment confirmé la Cour dans Mahjoub (Re), [2011] A.C.F. no 1125, au paragraphe 10, la jurisprudence étaye les thèses suivantes à propos de la renonciation implicite au privilège :

a) la renonciation au privilège relatif à une fraction d’une communication sera jugée équivalente à la renonciation à l’égard de l’ensemble de cette communication : S. & K. Processors Ltd. c. Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] B.C.J. no 1499 (S & K);

 

b) quand une partie se fonde sur un avis juridique en tant qu’élément de sa demande ou de sa défense, le privilège qui se rattacherait par ailleurs à cet avis est perdu (S & K);

 

c) dans les cas où il a été conclu que l’équité exige une renonciation implicite, il y a toujours une certaine manifestation de la volonté de renoncer au privilège, du moins jusqu’à un certain point. Les règles de droit applicables font alors en sorte que l’équité et la cohérence exigent une renonciation intégrale (S & K); [non souligné dans l’original]

 

d) il sera réputé y avoir eu renonciation au privilège dans les cas où les principes de l’équité et de la cohérence l’exigent ou dans les cas où une communication entre un avocat et un client est légitimement mise en cause dans une action : Bank Leu Ag c. Gaming Lottery Corp., [1999] O.J. no 3949 (Lexis); (1999), 43 C.P.C. (4th) 73 (C.S. Ont.), au paragraphe 5;

 

e) le fardeau d’établir la renonciation au privilège incombe à la partie qui l’invoque (S & K, au paragraphe 10).

 

[48]           Dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] 2 R.C.F. 137, le juge Lemieux a conclu que l’équité envers les parties à un procès est un principe directeur servant à déterminer s’il y a renonciation présumée au privilège du secret professionnel de l’avocat. La pondération de cet élément de l’équité et des valeurs sous‑tendant le secret professionnel dépend des circonstances.

 

[49]           Guidée par ces principes, la Cour doit maintenant examiner les circonstances de l’espèce. La Cour estime que le paragraphe 12 de l’affidavit vise à soulever la question des conseils juridiques de la Couronne, s’agissant d’un élément expliquant son retard à solliciter l’autorisation de modifier sa défense. Conformément à l’énoncé non équivoque de Sopinka, Lederman et Bryant, [traduction« il y a toujours aussi cette considération objective, savoir que quand ses faits et gestes équivalent à une certaine divulgation, l’équité veut que cette protection prenne fin, qu’elle le veuille ou non », la Couronne ne peut pas, après avoir révélé s’être fondée sur des conseils juridiques pour apprécier le caractère suffisant de ses actes de procédure, être autorisée à ne pas divulguer les communications entre elle et ses avocats qui ont une incidence sur le paragraphe 12 de l’affidavit.

 

[50]           Se fondant sur Talisman et Ed Miller Sales, la Couronne fait valoir que l’affidavit renvoie uniquement au fait qu’elle a reçu des conseils juridiques et non au contenu de ces conseils. La Cour ne saurait admettre que c’est le cas en l’espèce. De plus, dans Talisman, au paragraphe 27, la Cour déclare qu’il y a renonciation lorsqu’il est établi qu’une partie s’est appuyée sur des conseils juridiques pour résoudre une question, non qu’elle a simplement mentionné avoir reçu ces conseils. Or, on affirme au paragraphe 12 de l’affidavit que la Couronne s’est appuyée sur des conseils juridiques quant au caractère suffisant de la partie des actes de procédure portant sur la défense de prescription, et quant au motif pour solliciter la modification de ses actes de procédure. En conséquence, selon le principe valable énoncé dans S & K, puisque la Couronne s’est appuyée sur des conseils juridiques en tant qu’élément de sa demande, le privilège du secret professionnel qui protégerait autrement ces conseils est perdu.

 

[51]           La Couronne ne saurait prétendre qu’elle na pas renoncé implicitement à son privilège parce que ses actes de procédure ne s’appuient pas sur les conseils juridiques mentionnés dans l’affidavit. La Cour rejette cet argument, tout comme elle l’avait fait au paragraphe 32 de la décision Environmental Defence Canada, où elle a conclu que [traduction« le fait de s’[y] appuyer n’est pas en soi un facteur déterminant quant à la question de la renonciation implicite ». En conséquence, la conclusion du protonotaire Lafrenière selon laquelle [traduction« compte tenu de ces principes, en présentant l’affidavit de Mme Sturney, la Couronne a renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat » n’est entachée d’aucune erreur flagrante.

 

[52]           En terminant, la Cour doit souligner que, comme l’a conclu le protonotaire Lafrenière, la communication en cause au paragraphe 12 de l’affidavit se rapporte à une opinion que les demandeurs avaient en 2004 et non à une communication ou à des conseils juridiques ultérieurs. Ainsi, la renonciation de la Couronne n’était que partielle, limitée aux considérations qui remontaient à 2004.

 

[53]           En réponse à la deuxième question, la Cour est d’accord avec les parties que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière ne soulève pas de question ayant une influence déterminante sur la décision principale. Quant à la troisième question, la Cour conclut également que le protonotaire n’a commis aucune erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ni fondé l’exercice de ce pouvoir sur une mauvaise appréciation des faits.

 

[54]           Les parties ont convenu qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  L’appel est rejeté.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1254‑92

 

Intitulé :                                                   CHEF JOHN ERMINESKIN et al. c.
Sa Majesté la reine et al.

 

 

 

Lieu de l’audience :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 21 septembre 2011

 

 

Motifs du jugement

et jugement :                                          le juge BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 septembre 2011

 

 

Comparutions :

 

Joseph C. McArthur

Jeff Langlois

 

Pour les demandeurs

(défendeurs)

 

Mary E. Comeau

J. Raymond Chartier

 

Pour les défendeurs

(demandeurs)

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Blake Cassels & Graydon LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour les demandeurs

(défendeurs)

 

Macleod Dixon LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour les défendeurs

(demandeurs)

 

 

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