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Date : 20110620

Dossier : IMM-7006-10

Référence : 2011 CF 701

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 20 juin 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

 

ADRIAN RUBEN DILLANES DAVILA et OCTAVIO GALVAN VERGARA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), d’une décision rendue le 28 octobre 2010 par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni celle de personnes à protéger.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande sera rejetée.

 

[3]               Adrian Ruben Dillanes Davila et Octavio Galvan Vergara (les demandeurs) sont amis et voisins, et tous deux citoyens du Mexique. Les deux demandeurs se fondent sur les mêmes faits et soutiennent qu’ils ne peuvent rentrer au Mexique de peur d’être tués par Christian Hernandez (Christian), membre notoire de Los Zetas, une organisation impliquée dans le trafic de stupéfiants.

 

[4]               Les demandeurs sont arrivés au Canada le 14 septembre 2008 et ont demandé l’asile le 1er janvier 2009.

 

[5]               La Commission a estimé que les demandeurs avaient témoigné de manière franche et que leurs témoignages ne comportaient ni incohérence ni contradiction sérieuse. La Commission a également accepté les raisons que les demandeurs avaient avancées pour expliquer la présentation tardive de leurs demandes.

 

[6]               La Commission a examiné s’il y avait un lien avec un des motifs prévus par la Convention. Elle a déterminé que le préjudice que craignaient de subir les demandeurs (criminalité) n’était pas visé par un des motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

 

[7]               La Commission a ensuite examiné si les demandeurs pouvaient obtenir l’asile aux termes de l’article 97 de la LIPR. Elle a déterminé qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption selon laquelle le Mexique est en mesure de les protéger. La Commission a indiqué que les demandeurs n’avaient pas prouvé de façon « claire et convaincante » que l’État ne les protégerait pas et a renvoyé à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kadenko, Ninal (C.A.F., nA-388-95), [1996] 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.), dans lequel il est dit que la protection de l’État est directement proportionnelle au degré de démocratie de l’État en question.

 

[8]               Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux questions de fait est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). La Cour est du même avis et, par conséquent, elle n’interviendra que si la décision de la Commission n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[9]               Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit quand elle a déclaré que « [p]our autant que le gouvernement prenne des mesures sérieuses pour protéger ses citoyens ou améliorer la protection des gens, les demandeurs d’asile doivent donc demander à l’État de les protéger ». Selon les demandeurs, un demandeur d’asile particulier n’est pas tenu de demander la protection de l’État simplement parce que le gouvernement prend des mesures sérieuses pour protéger les gens ou améliorer leur protection. Pour cette erreur, la norme de la décision correcte devrait s’appliquer. Les demandeurs soulignent que le demandeur est tenu de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection seulement dans le cas où la protection pourrait raisonnablement être assurée (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 724). La protection de l’État doit être adéquate et efficace, et la situation personnelle du demandeur doit être analysée (Gjoka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 426, aux paragraphes 24 et 25).

 

[10]           Les demandeurs ne sont pas d’accord avec la Commission, qui a déterminé que le Mexique était une « démocratie bien établie », et s’appuient sur la décision Diaz De Leon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1307 pour soutenir que ce n’est pas le cas.

 

[11]           Les demandeurs maintiennent qu’en l’espèce, la Commission a émis une pure hypothèse quand elle a conclu que Christian n’aurait pas été blanchi et libéré un an et demi après son arrestation initiale si les demandeurs n’avaient pas quitté le pays une semaine après l’arrestation. De plus, les demandeurs déclarent que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle quand elle a laissé entendre que le programme de protection des témoins du Mexique les protégerait adéquatement. Ils affirment que la Commission n’a pas examiné les documents sur la situation au Mexique ni évalué le caractère adéquat et efficace du programme de protection des témoins. Ils renvoient à la Réponse à la demande d’information contenue dans le Cartable national de documentation, pièce F du dossier certifié du tribunal (exposé des arguments des demandeurs, paragraphe 27, pages 163 à 165), dans laquelle certaines déficiences du programme de protection des témoins du Mexique sont clairement exposées.

 

[12]           Selon la Cour, la décision ne saurait être qualifiée de déraisonnable. La Commission a relevé des contradictions dans les documents sur la situation au Mexique et a expliqué pourquoi elle s’était fondée sur celui qui montre que des mesures sérieuses avaient été prises par le gouvernement mexicain pour améliorer la protection offerte par l’État. Elle a aussi expliqué pourquoi elle était convaincue que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État.

 

[13]           La Cour reconnaît que la dernière phrase du paragraphe 16 de la décision, « Pour autant que le gouvernement prenne des mesures sérieuses pour protéger ses citoyens ou améliorer la protection des gens, les demandeurs d’asile doivent donc demander à l’État de les protéger », est problématique quand elle est prise isolément. La Commission a toutefois expliqué plus loin dans sa décision ce que signifiait selon elle la protection de l’État au Mexique.

 

[14]           La Commission a analysé la situation particulière des demandeurs en l’espèce (voir les paragraphes 17 à 28) et n’était pas convaincue que l’État mexicain ne déploierait pas des efforts raisonnables pour protéger les demandeurs d’asile si ceux‑ci en faisaient la demande. Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer les faits, sauf s’ils ne sont pas étayés par les éléments de preuve.

 

[15]           En ce qui concerne le programme de protection des témoins du Mexique, même si la Cour suppose, sans trancher la question, que la Commission a commis une erreur en ne mentionnant pas les déficiences dudit programme, puisque cette détermination n’était pas essentielle à la décision (décision, paragraphe 14), la Cour n’est pas disposée à revenir sur la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’ont pas qualité de personnes à protéger s’ils sont renvoyés dans leur pays.

 

[16]           Finalement, la Cour estime qu’il était loisible à la Commission de déduire logiquement, d’après les faits dont elle disposait, que Christian avait été libéré et blanchi en conséquence du départ du Mexique des demandeurs. Aux paragraphes 17 à 20, la Commission donne des motifs convaincants pour expliquer pourquoi elle était arrivée à cette conclusion. Encore une fois, aucune erreur susceptible de contrôle ne peut être décelée.

 

[17]           L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[18]           Les parties n’ont pas présenté de question à certifier et aucune n’a été soulevée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-7006-10

 

INTITULÉ :                                                   ADRIAN RUBEN DILLANES DAVILA OCTAVIO GALVAN VERGARA et

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 14 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 20 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bjorn Harsanyi

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Jamie Freitag

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sharma & Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

Jamie Freitag

Ministère de la Justice Canada

10199, 101e Rue, bureau 211

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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