Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20110728


Dossier : IMM-6202-10

Référence : 2011 CF 947

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

RANDY GHANUOM

JOANA GHANUOM

REUVEN GHANUOM

RIMI GHANUOM

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Ghanuom, son épouse et leurs deux enfants ont demandé l’asile parce qu’ils craignent la  persécution au Liban et en Israël. Le demandeur et son épouse sont citoyens de ces deux pays, mais leurs enfants ont seulement la citoyenneté israélienne. La commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui a entendu l’affaire s’est donc intéressée, dans un premier temps, au fondement de la crainte de persécution advenant un retour en Israël.

 

[2]               La commissaire a refusé la demande d’asile et n’a donc pas jugé nécessaire d’évaluer la situation au Liban. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[3]               M. Ghanuom craint le Hezbollah au Liban en raison de sa participation antérieure dans l’Armée du Liban du Sud, considérée comme une milice pro‑israélienne. En Israël, il craint que le Mossad, service de renseignement, le harcèle et fasse pression sur lui parce qu’il a refusé de devenir informateur, en raison de liens présumés avec des sympathisants du Hezbollah; il craint aussi que les membres de sa famille soient maltraités tant par les Israéliens arabes, qui les considèrent comme des traîtres, que par les Israéliens juifs, en raison de leur foi chrétienne.

 

Questions en litige

 

[4]               Les demandeurs soulèvent les deux questions suivantes :

a.       il y a eu manquement à l’équité procédurale;

b.      la décision n’est pas conforme à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[5]               S’il y a eu manquement à l’équité procédurale à l’audience, la décision doit être annulée pour ce seul motif, car il ne revient pas à la Cour d’émettre des hypothèses sur ce qu’aurait pu être le résultat de l’audience (Cardinal c. Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, [1985] A.C.S. no 78 (QL)).

 

Manquement à l’équité procédurale

 

[6]               L’allégation de manquement à l’équité procédurale tient au fait que, à la deuxième de trois audiences, la commissaire a déclaré qu’elle avait oublié ses notes de la première séance, et qu’il a fallu lui rappeler à quel stade de la procédure ils étaient rendus. Un ajournement n’a pas été demandé à ce moment‑là, et les motifs ne donnent aucun indice de confusion de la part de la commissaire. Elle avait la possibilité, au besoin, d’écouter l’enregistrement de l’audience, comme l’ont fait d’ailleurs les demandeurs dans le cadre de leur demande d’autorisation.

 

[7]               Les demandeurs citent la décision de Mme Layden-Stevenson, alors juge de la Cour fédérale, dans Gondi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 433, 147 A.C.W.S. (3d) 860, au paragraphe 17. Cette décision ne me paraît pas pertinente, cependant, puisque, dans cette affaire, la question du manquement à l’équité procédurale ne pouvait être soulevée qu’après la réception de la décision.

 

[8]               À mon avis, il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale à l’audience.

 

La décision était‑elle raisonnable?

 

[9]               La commissaire a examiné les divers faits allégués et a conclu qu’ils constituaient une preuve de discrimination et de harcèlement, mais pas de persécution, même en tenant compte de l’effet cumulatif.

 

[10]           Les demandeurs ont notamment allégué qu’ils avaient été maltraités par des voisins qui avaient lancé de l’huile et du café sur leurs vêtements. Or, Mme Ghanuom a témoigné que la police, appelée sur les lieux, n’avait pas fait d’enquête parce qu’un voisin avait déclaré que l’huile avait été répandue par des enfants. Selon la commissaire, la police ne pouvait faire beaucoup plus en raison de l’absence de témoins et des versions contradictoires de l’incident. Néanmoins, le fait que la police a répondu à l’appel de la demanderesse et s’est rendue à son domicile témoigne d’une intention d’agir.

 

[11]           M. Ghanuom prétend qu’il était incapable de trouver un emploi stable en raison de sa nationalité et de sa religion. Il a pourtant eu du travail continuellement en Israël.

 

[12]           En ce qui concerne les enfants qui auraient été agressés physiquement et volés par d’autres enfants à l’école et dans le voisinage, les demandeurs d’asile n’ont pas mentionné précédemment qu’ils s’étaient plaints de ce traitement.

 

[13]           Les demandeurs ont eu, semble‑t-il, de la difficulté à trouver une garderie pour leur fils Reuven, qui présente un trouble de la parole. La commissaire n’était pas convaincue, cependant, que la nationalité et la religion étaient la cause du refus d’accepter leur fils. Le manque de ressources adéquates est un autre motif possible.

 

[14]           Bien que M. Ghanuom ait subi des pressions du Mossad, il n’a pas été maltraité physiquement. La commissaire a conclu qu’un tel traitement, quoique désagréable, ne constituait pas de la persécution.

 

[15]           Le point de vue du tribunal sur la persécution est corroboré par l’arrêt Ward c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74, dans lequel le juge La Forest a déclaré ce qui suit à la page 734 :

Par exemple, on a donné le sens suivant au mot «persécution» qui n’est pas défini dans la Convention: [traduction] «violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’État» […]

 

 

[16]           Les conclusions des commissaires de la SPR commandent la retenue judiciaire. Comme l’a déclaré le juge Evans dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. no 1425, au paragraphe 14 :

Il est bien établi que l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale n’autorise pas la Cour à substituer son opinion sur les faits de l’espèce à celle de la Commission, qui a l’avantage non seulement de voir et d’entendre les témoins, mais qui profite également des connaissances spécialisées de ses membres pour évaluer la preuve ayant trait à des faits qui relèvent de leur champ d’expertise. En outre, sur un plan plus général, les considérations sur l’allocation efficace des ressources aux organes de décisions entre les organismes administratifs et les cours de justice indiquent fortement que le rôle d’enquête que doit jouer la Cour dans une demande de contrôle judiciaire doit être simplement résiduel. Ainsi, pour justifier l’intervention de la Cour en vertu de l’alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci, non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu’elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [elle disposait] » : voir, par exemple, Rajapakse c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1993] A.C.F. no 649 (C.F. 1re inst.) ; Sivasamboo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1995] 1 C.F. 741 (C.F. 1re inst.).

 

Voir également Stein c. ‘Kathy K’, [1976] 2 R.C.S. 802, [1975] A.C.S. no 104 (QL), à la page 807.

 

[17]           La commissaire n’a pas tiré des conclusions déraisonnables et il n’y a pas lieu de les modifier.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6202-10

 

INTITULÉ :                                       GHANUOM ET AL. c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 juillet 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 28 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marie-Josée Houle

 

POUR LES DEMANDEURS

Marilyne Trudeau

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marie-Josée Houle

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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